21- Cooking/Baking.
Nous avançons nerveusement dans le couloir du rez-de-chaussée. Je ne cessais de regarder derrière moi, angoissé. L'ambiance était lourde. Les lumières étaient tamisées. Dehors, la pluie battait contre les vitraux du hall d'entrée, faisant un boucan à réveiller les morts. Un éclair zébra le ciel. Le grondement me fit sursauter, tandis que je me réfugiais dans les bras d'Aypierre. Il me chuchota que tout allait bien. Je n'en étais pas si sûr. Elle rôdait. La bête. Cette bête immonde. On entendait ses grognements. Les gargouillements de son ventre résonnaient dans le couloir. Nous pressons le pas, nous réfugiant dans la cuisine. Pierre ferme à clé, mais bientôt, nous entendons taper contre la porte. Je recule vers le bar, angoissé.
« Raaaah....manger......faim... » entendit-on de derrière la porte. Cette voix était inhumaine, elle faisait froid dans le dos. Je regardais Pierre, silencieux et inquiet. Qu'allons-nous faire? Que va t-il advenir de nous? C'est horrible. Juste horrible.
Je regarde Pierre qui fouille les placards. Il en sort de nombreuses choses. Farine, oeufs, sucre, levure et arômes. Il les sort pour se cacher dedans? Même moi je n'y rentrerais pas. Je m'accroupis à ses côtés.
« Qu'est-ce que tu fais? »
« Ben...je pâtisse? » Me répond-il en toute franchise. D'accord. Tu vas cuisiner alors qu'on a une bête affamée et assoiffée de sang derrière la porte. Je plaque une main sur ma figure, lassé. Il me prend les mains, me faisant quelque peu rougir.
« Tu m'aides, Aze? Hein? » Me demande-t-il de ses yeux de biche. Je hoche la tête machinalement. De toute façon, nous n'avons rien à faire de plus.
Il prend un grand bol, y mélange la farine, le sucre et la levure. Puis, j'ajoute du lait à sa demande et commence à pétrir ce petit patron de pâte molle. C'est rigolo. Surtout quand il pose ses mains sur les miennes pour m'aider à pétrir. Il est trop chou. Une fois la pâte prête, je la pose dans un appareil de mon invention : il a la capacité d'accélérer la pousse et la levée de la pâte. C'est très pratique ! Plus besoin d'attendre des heures.
Après avoir joué à l'origami avec la pâte, Pierre la découpe soigneusement et forme ainsi des petits croissants sur la plaque de cuisson. Moi, je m'occupe d'allumer le four. Il ne restait plus qu'à enfourner le tout et à attendre quelques minutes. Ce que nous faisons, adossés à la paroi en pierres qui entoure notre four. J'entoure mes genoux avec mes bras, silencieux. On cogne toujours à la porte. On entend toujours ces râlements et ses cris inhumains. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière, mais ça me fous les jetons. Pierre est plus serein. Il a un sourire amusé sur son visage. Il m'a chopé au passage, en descendant les escaliers, m'a dit un simple « Te retourne pas! » et pouf ! Nous voici dans la cuisine. J'avoue ne pas avoir tout compris...
La sonnerie du four me réveille de mes pensées. Pierre sort la plaque, après avoir mis les adorables gants de cuisine offerts par Tartine. Les roses. Avec des petits cœurs. Haha. Mine de rien, je regarde ces croissants dorés avec envie. Et quelle bonne odeur ! J'en oublie presque le danger...
Je suis rappelé à l'ordre en entendant la porte se faire défoncer. Une forme noire et difforme s'approche de nous en grognant. Ses yeux brillent d'une lueur inquiétante. J'ai peur. Je me réfugie derrière Pierre et ferme les yeux par réflexe. C'est trop horrible. On va mourir. Et la dernière chose que l'on aura fait, ce sont des croissants. Horrible !
Pierre soupire et prend la plaque, la tendant vers la forme noire, lentement.
« Voilà Nems. Tes croissants. »
« …............. merci mon pote. Tu me sauves tellement la vie. La boulangerie inondée...je m'en remets pas ! »
« Les amis sont fais pour ça ! Bon appétit ! »
Pierre se retourne vers moi. Je suis choqué. Je fais les yeux ronds. C'était Nems ce monstre ignoble? Mais...Mais...Pierre !!! Je commence à fulminer de colère. J'ai eu la peur de ma vie moi ! Il me met au silence...en me fourrant un croissant dans la bouche.
« Boude pas~ » Rit-il, amusé de mon comportement.
« Mouaich. » Grogne-je en mangeant la pâtisserie, alors qu'il me frottait la tête tendrement.
Un jour, je me vengerais. Promis.