L'amour donne des roues.
Léo soupira. Il se trouvait dans une grande surface car ses parents, surprotecteurs, faisaient les courses. Sa mère, petite femme aux airs doux, tout l'inverse de son mari, chiffonna les cheveux corbeau de son fils de sa main aussi frêle et blanche que lui. Il grogna et détourna ses yeux paraissant jaune. Depuis qu'il était dans cette foutue chaise roulante pour le restant de ses jours, il était redevenu, aux yeux de ses parents, un bébé dont il fallait absolument s'occuper malgré ses dix-sept ans.
Pauvre de lui, le pire moment arriva. Des amis de la famille, des gens snobs qui s'approchaient de ses parents juste pour leur argent, arrivèrent et serrèrent la main à Léo. Ce dernier s'éloigna. Il n'avait vraiment pas envie de les entendre dire des choses du genre « Vous en avait du courage, si mon fils Jean-Charles-Pierrot du nom était handicapé, je ne saurai quoi faire... ». L'adolescent regarda l'extérieur avec envie. Il sortait rarement, passant des journées à lire, réviser et regarder des animes. Un coup d’œil en direction de ses parents complètement immergé dans leur conversation fini de le persuader de sortir. La baie vitrée coulissa et il ne restait qu'un dernier obstacle : Cette rampe « pour handicapé ». Sa pente était d'au moins soixante degrés, presque impossible à descendre ou à monter sans aide. Tant pis ! Il entama la descente en retenant ses roues le plus possible mais la pente était trop raide alors ses mains lâchèrent et il la dévala. Il voyait la route devant lui et les voitures roulant vite, trop vite, jusqu'à ce qu'une personne se mette entre Léo et ce qui aurait pu lui être fatal. Il percuta cette personne également en chaise roulante. Il y eut un gros bruit de métal, celui des chaises se percutant. À côté, la chute de Léo qui fut amortie par l'autre ne fit pas de son.
Le brun ouvrit les yeux avant de s'excuser et de remarquer qu'il saignait. Son genou était écorché, cela faisait un peu mal malgré son handicap qui avait réduit la sensibilité de ses jambes. Il vérifia instinctivement que le jeune homme qu'il avait percuté était entier. Ce n'était pas le cas, il lui manquait les deux jambes.
Renverser un handicapé moteur est très vilain, Léo se demanda si c'était si grave si on était soi-même dans le même cas. Il préférait se poser ce genre de question car se retrouver affalé sur quelqu'un tout en étant dans l'incapacité de se relever était assez gênant.
Seulement, l'autre avait décidé de se relever même sans l'aide d'une tierce personne. D'un bras, il saisit l'épaule maigre de Léo, délicatement pour ne pas lui faire mal, et de l'autre, il se redressa se mettant en position assise et mettant donc l'autre adolescent sur ses genoux.
-Philippin, ça va ? Fit une femme à l'air affolé. De ses origines noires, elle avait les cheveux crépus comme le dit Philippin, un adolescent blond, métis aux yeux violets.
La femme se mit à engueuler Léo qui mourrait maintenant d'envie que ses parents arrivent. Ou au moins de retourner sur son fauteuil car assis sur le sol, incapable de pouvoir bouger, il se sentait si vulnérable.
-Maman, laisse-le ! Fit le blond. Il n'y a aucun blessé donc c'est bon.
Les paroles si douces du garçon calmèrent le brun qui avait les larmes aux yeux ainsi que la femme qui remarqua alors que Léo avait aussi un fauteuil.
C'est à ce moment que les parents du garçon arrivèrent enfin. Son père l'aida à se remettre sur son fauteuil tandis que sa mère cherchait à comprendre ce qu'il s'était passé.
Des passants mêle-tout racontèrent ce qu'ils avaient vu. Mais la mère de Philippin cria au scandale en remarquant que le fauteuil de son fils était cassé, l'une des roues n'étant même plus ronde.
Léo et ses parents promirent alors de lui en racheter un neuf pour se faire pardonner.
-Mais ce n'est pas de sa faute, intervint le blond en faisant un clin d’œil à l'autre garçon, c'est cette satanée rampe qui est trop dangereuse !
Il avait dit ces derniers mots en criant et en défiant du regard le propriétaire du magasin qui, avant d'avoir eu le temps de s'énerver, dû présenter des excuses publiques à cause des passants s'indignant.
À ce moment, seul Léo remarqua que Philippin était gêné à chaque fois que quelqu'un regardait ses moignons au niveau des cuisses.
Même si ses jambes étaient inutiles et encombrantes, elles n'attiraient pas autant la vue que le manque d'un membre.
Les deux garçons discutaient dans un coin du centre dans lequel ils allaient acheter un nouveau fauteuil. Pour aller plus vite et ne déclencher aucun scandale sur l'entreprise familiale des Rozenn, les parents de Léo avaient décidé d'acheter directement une chaise roulante neuve à peu près comme celle qui avait été cassée (même si celle-ci avait été achetée il y a longtemps et d'occasion).
Les deux adolescents s'entendaient très bien. Ils avaient échangé leur numéro de téléphone.
Son nouvel ami n'en avait aucune idée mais cela soulageait grandement Léo qui avait perdu presque tous ses amis après son accident. En réalité, il ne lui en restait plus qu'une. Dès qu'ils en avaient l'occasion, les deux garçons discutaient ensemble, par message ou directement par appel.
Ils ne pouvaient pas se voir car les parents de Léo ne voulaient pas que leur fils sorte, ils ne voulaient pas non plus recevoir « n'importe qui » chez eux. Ils étaient sévères mais heureusement, les deux passions du garçon pouvaient se consacrer à la maison. Il s'agissait de l'école, avec tout le savoir et les connaissances à portée de main ainsi que les mangas, surtout le mondialement connu « Mathéo le guerrier ». Cette œuvre était également très appréciée par Philippin.
Philippin patientait en jouant sur son téléphone. Il se trouvait devant le portail d'un très beau, luxueux et grand lycée privé où allait Léo. Ce dernier fut très surpris de voir son nouvel ami mais lui demanda de partir car ses parents n'allaient pas tarder. Sa meilleure amie qui l'accompagnait se présenta. Elle se nommait Ciana Leslie et était dans la même classe que Léo depuis la maternelle. Elle semblait aussi petite que son ami et avait des airs assez masculins. En la voyant, le blond se demanda si elle était originaire de Madagascar elle aussi. Elle expliqua que comme son père était patron d'une banque internationalement connue, elle avait le droit d'aller chez Léo. Philippin expliqua que sa mère travaillait comme caissière dans un supermarché.
-Bon, pourquoi tu es venu ? Demanda Léo, un peu énervé d'être complètement ignoré. Leslie avait pris l'habitude de l'ignorer quand il faisait son rabat-joie.
-Désolé mais je devais te dire quelque chose de trop important pour être dit au téléphone, répondit le blond en prenant des airs sérieux contrastant avec ses habitudes de je-m'en-foutiste.
Sa phrase sérieuse réussit à suspendre tout le monde à ses lèvres alors il enchaîna en demandant à Léo s'il était gay, expliquant qu'il avait des airs un peu efféminé.
Le brun s'indigna de cette question crue ainsi que du stéréotype stupidement faux utilisé mais ne semblait pas vouloir répondre.
-Il est bi, dit alors l'adolescente avec un grand sourire en voyant son ami s'affoler et demander d'être discret. Il expliqua ensuite, un peu honteux, qu'il n'avait pas encore fait son Coming Out auprès de ses parents car il craignait trop leur réaction. C'est qu'un couple aussi carré pouvait ne pas être prêt à entendre que leur fils unique allait peut-être finir ses jours avec un homme.
-Je m'en fiche de ça ! Fit Philippin en croisant les bras. Tu veux sortir avec moi ?
Leslie éclata de rire, attirant quelques regards de la part des coincés fréquentant cette école privée très chère, tandis que Léo se contenta de rougir à tel point que les tomates pourraient en être jalouse.
-S'il te plaît, je ne veux pas me prendre de râteau alors ne me friendzone pas !
Cela ne fit qu'embarrasser plus le pauvre Léo qui ne pouvait pas douter de la sincérité du blond, lui aussi maintenant gêné.
La fille, en ayant marre de voir les choses stagner, intervint en attrapant le visage de son ami avant de dire « oui » à sa place tout en lui faisant bouger la mâchoire. Léo lui avait avoué plus tôt qu'il « aimait vraiment bien » Philippin. Il faisait toujours preuve de retenue à cause de l'éducation stricte qu'il avait reçue.
Le blond rapprocha son fauteuil de celui de Léo afin de pouvoir embrasser ce dernier qui l'en empêcha en saisissant son visage d'une main. Sous la moue vexée de son apparemment petit-ami, il expliqua que si des professeurs ou des élèves les voyaient, cela irait aux oreilles de ses parents.
-Donc si personne ne nous voie, on peut s'embrasser ? Fit Philippin qui déstabilisa complètement le brun qui pensa « il est sournois ! ».
Les deux adolescents continuaient de discuter par téléphone. Leur relation n'avait pas vraiment changé sauf que Philippin ponctuait ses messages par des cœurs.
Léo, assis devant son ordinateur à faire défiler, sans vraiment les lire, des tweets, soupira. Il était déjà sorti avec quelqu'un, une seule fois en fait. C'était une fille gentille et leur relation était aussi sérieuse que pouvait l'être une relation entre deux jeunes de quatorze ans. Seulement, elle avait arrêté de lui adresser la parole, comme plein de ses amis, après son accident. Il ne lui en voulait pas, il la comprenait. Il les comprenait tous.
Il soupira à nouveau. Il avait prévu de désobéir à ses parents et d'aller dehors cette après-midi. Il allait retrouver son copain à un parc à mi-chemin entre leurs habitations. Il se prépara et enfila un jean long pour cacher ses jambes si maigres à cause du manque d'exercices. Il avait tendance à négliger complètement ses séances de kinésithérapie sans que ses parents ne le sache.
Il sortit de chez lui en protégeant ses yeux du soleil printanié qui brûlait déjà sa peau pâle.
Une fois au parc, Léo s'approcha du grillage entourant le terrain de basket. Il n'avait plus l'habitude de sortir dans la rue et encore moins dans des quartiers dits « populaire ». Ses parents n'allaient jamais dans ces lieux craignant les « délinquants ».
Des jeunes jouaient au basket. Ils étaient de tout genres et origines ethnique mais aucun ne semblait très fortuné. Léo n'avait pas l'habitude de tant de diversité.
Philippin, torse nu et plutôt sexy, était dans le groupe et semblait jouer avec ses amis sans aucune difficulté malgré son handicap ce qui rendit légèrement honteux Léo qui avait tant de difficulté à être autonome.
Une fille très musclée aux allures punk pointa du doigt Léo alors tous les jeunes s'arrêtèrent et l'invitèrent à venir. Il obtempéra et les rejoignit, un sourire crispé sur son visage.
Les jeunes l'entourèrent ce qui le gêna encore plus. Ils lui posaient des tas de questions et le trouvaient mignon alors qu'ils l'appelaient « le petit-ami de Philippin » car ils ne se souvenaient plus de son prénom. Aucun d'eux ne semblait prêter attention à ses jambes, certainement habitué au handicap de leur ami jusqu'au moment où l'un d'eux lui demanda s'il n'avait pas chaud en pantalon.
-N-non, je ne sens plus grand chose... Expliqua le brun en bégayant.
-Ah ok ! Répondit le garçon naturellement, tu viens jouer avec nous ?
Léo tiqua. D'habitude, lorsqu'il disait ce genre de chose, les gens semblaient si mal à l'aise alors qu'eux ne le voyaient ni comme un déchet, ni comme un être fragile mais juste comme leur égal...
Léo les suivit même s'il n'était franchement pas emballé par l'idée. Il n'avait jamais aimé le sport mais jouer au basket en fauteuil était au-delà de ce qu'il pouvait s'imaginer capable de faire.
Seulement, comme ce n'était pas arrivé depuis bien longtemps, il s'amusa énormément, avec des personnes de son âge et son amoureux.
Le crépuscule installé, il rentra chez lui à contre cœur mais ce dernier étrangement plus léger. S'amuser était encore dans ses capacités.
Philippin le raccompagna et sur le pas de la porte, ils s'embrassèrent pour la première fois après avoir vérifié que personne ne les regardait. Ce baiser fut maladroit et assez court mais terriblement plaisant.
Les sorties de Léo s'enchaînant, les parents de ce derniers le remarquèrent et lui demandèrent donc des explications, inquiets mais heureux de voir leur fils retrouver le sourire et des couleurs grâce au soleil même s'ils savaient que ce bonheur n'allait pas durer. Cette joie enivrante allait être interrompue par deux anniversaires simultanés. Celui des dix-huit ans de Léo ainsi que les trois ans de l'accident.
Les deux années précédentes, Léo avait catégoriquement refusé une fête ou même l’énonciation de celle-ci. Il voulait oublier définitivement ce jour mais chaque moment de sa vie d'handicapé le lui rappelait. La vie normale comme l'ancien lui était morte ce jour-là.
Ces derniers temps, Philippin avait miraculeusement réussis à lui faire penser à autre chose. Quand Léo était avec son petit-ami, il vivait le moment comme si une délicieuse amnésie s'emparait de lui, comme s'il ne portait plus le fardeau de son handicap.
Alors que ses parents et les gens le lui rappelaient sans cesse. Que ce soit avec leurs paroles, leurs actions ou juste avec leurs regards. Comme s'ils ne parvenaient pas à voir Léo mais seulement une personne marquée à vie par un funeste jour sombre.
Ses géniteurs voulaient connaître les raisons de son bonheur mais Léo ne se sentait pas prêt à faire un coming out et avouer sa relation avec Philippin. Il leur cacha donc la vérité en disant simplement qu'il était devenu très ami avec l'autre garçon.
-On pourrait l'inviter à dîner à la maison pour ton anniversaire, commença sa mère sans voir le visage de son fils blêmir, qu'en penses-tu ?
C'était bientôt ce jour tant redouté ? Il avait oublié. Pour la première fois depuis ce jour, il avait oublié. Et sa mère, celle sensée le protéger venait de lui rappeler ? Une tristesse et une colère folle se mélangèrent dans le cœur du garçon mais avant qu'il n'ait pus exploser et répondre, son père cria, levé de son fauteuil :
-On dînera tous ensemble ! C'est pour ton bien !
Des vertiges s'emparèrent de Léo. Que fallait-il ne pas entendre ? Pour son bien ? Comme s'ils savaient mieux que lui ce qui était pour son bien alors qu'ils ne connaissaient même pas son orientation sexuelle ? Ils sont surprotecteurs quand il s'agit du monde extérieur mais ne se rendent même pas compte des blessures qu'ils peuvent infliger eux-mêmes !
Trop, c'était trop pour lui. Léo, sentant qu'il allait imploser se réfugia dans sa chambre où il ne pouvait même pas hurler ou pleurer car la pièce avait été déplacée au rez-de-chaussée et se trouvait collée au salon.
Philippin, assis entre le père de Léo et le frère de Leslie dont toute la famille, c'est-à-dire elle-même, son frère et ses deux parents, était présente, ne se sentait pas à sa place. Sa mère avait également était invitée mais son travail ne lui permit pas d'accepter. Le blond se sentait comme une tache sur une chemise d'un blanc parfait et le comportement des parents de son copain ne lui permettait pas de se sentir comme chez lui. En effet, ces derniers l'observaient tout le temps comme s'ils étaient certains qu'il allait voler quelque chose.
En rentrant Philippin avait été surpris par la taille de la villa. Il n'était jamais rentré dans une habitation aussi spacieuse et moderne et avait été agréablement surpris de l'aisance à laquelle il pouvait se déplacer avec sa chaise. Chez lui, sa maison été loin d'être adaptée à un handicap et l'absence d'espace entre les meubles rendait les déplacements pénibles.
La mère de Léo apporta la nourriture à tout le monde. Il s'agissait d'une entrée avec du saumon et des crevettes. Les plats préférés de Léo allaient défiler avec une attente aussi longue que l'éternité entre chaque plat. Le repas commençait à midi et finirait vers minuit.
-Alors mon garçon, quel est le métier de tes parents ? Demanda à Philippin le père de Léo après que tout le monde eut fini son entrée.
-Ma mère est caissière dans un supermarché, répondit l'intéressé, un air gêné sur le visage.
Les quatre adultes de la table avaient chacun un métier valorisant qui leur rapportait bien alors que le travail de sa mère se faisait le plus souvent dénigrer et leur permettait tout juste de vivre.
-Et où es-tu né ? Et tes parents ? Continua l'homme.
Philippin avait l'impression de subir un interrogatoire et les sourires crispés de Léo et Leslie laissaient croire que c'était le cas. S'il donnait une réponse qui ne plaisait pas, n'aurait-il plus le droit de voir Léo ?
-Je suis né en France. Ma mère est malgache et mon père était norvégien. Mes parents se sont rencontrés durant leurs études en France...
L'adolescent se sentait obliger de préciser le contexte de la rencontre de ses parents mais ne voulait pas raconter à ces gens la suite de cette histoire. Elle était trop personnelle.
Les adultes eurent la décence de ne rien demander de plus et le dîner continua dans cette ambiance malsaine et sombre. De tous, c'est Léo qui semblait supporter le plus de poids infligé par ce jour. Philippin était le seul à ignorer pourquoi.
Le dessert ne fut pas un gâteau d'anniversaire. Ce mot n'ayant été mentionné à aucun moment, comme s'il était un mot banni en ce jour. Cela énervait le blond. Les dix-huit ans de Léo ce n'était pas rien ! Qu'avait-il pu se passer de si terrible ?
Ce fut Leslie qui lui expliqua. La journée était finie, il était deux heures de matin et les deux adolescents se retrouvèrent dans le jardin, l'un pour comprendre, l'autre pour expliquer.
Il y a trois ans de cela, Léo fêtaient ses quinze ans. Il avait assez bien d'amis et ensemble, ils jouaient dans le grand jardin, Léo courrait. Ses parents avaient organisé une grande fête avec plein d'activité et de sucrerie avant de partir pour laisser les jeunes entre eux.
L'un des amis à Léo avait réussit à voler les clefs de voiture de ses parents et proposa à Léo ainsi qu'à d'autres de faire un tour. Insouciants, ils acceptèrent sauf Léo, trop peureux. Sa petite-amie l'y força en le taquinant légèrement et l'embrassa lorsqu'il accepta.
Il se mit sur la banquette arrière et attacha sa ceinture contrairement aux quatre autres.
Le conducteur fit le tour du quartier, une fois puis une deuxième fois en restant en seconde mais la montée d'adrénaline lui commanda d’accélérer. Un poids lourd arriva et prit beaucoup trop de place à cause de la manœuvre nécessaire pour tourner. L'accident arriva.
Le choc fut brutal.
Quand Léo ouvrit les yeux, un hurlement de terreur s'échappa de son être entier. Ses deux amis situés à l'avant étaient méconnaissable, totalement écrasé contre le camion tandis que les deux à côté de lui, ayant été projeté à l'avant semblaient désarticulés. Tout était rouge et noir.
Léo ne sentait plus ses jambes mais les douleurs dans le reste de son corps étaient quand même insupportable. Il eut l'impression que les secours mirent une éternité à arriver. Il avait peur, mal et était incapable de bouger. Ses jambes ne répondaient plus.
Ensuite, tout se passa extrêmement vite. La sirène assourdissante, les lumières vives, les gens qui parlent une langue incompréhensible, l'hôpital, toujours plus de gens, les ténèbres.
Lorsqu'il se réveilla, seuls ses parents étaient dans la chambre blanche et sans vie.
On lui expliqua qu'il était le seul survivant. Puis, alors qu'il était déjà assez anéanti, on lui dit qu'il ne pourrait plus jamais marcher.
La mort ou le handicap, qu'est-ce qui est le pire ?
Après cela, tous ses amis sauf Leslie lui en voulaient d'être le seul survivant. Non pas qu'ils auraient voulu qu'il meure mais ils voulaient que personne ne meure. Même son ex ne lui adressait plus la parole.
Maintenant que Leslie venait de lui expliquer toute l'histoire, Philippin comprenait mieux le mal-être de son copain. Et surtout ce tabou qu'il y avait sur son anniversaire.
Léo se réveilla en sursaut. Il venait de cauchemarder sur cette journée. Il n'avait encore rien oublier. Il secoua la tête pour chasser ces souvenirs avant qu'ils ne le hantent trop. Il venait d'avoir dix-huit ans, il était un adulte maintenant.
Il se redressa dans son lit péniblement avant d’attraper son téléphone dans des gestes lent et de constater qu'il était midi et qu'il avait reçut des SMS de Philippin qui s'inquiétait. Il invitait Léo à venir dîner chez lui pour lui rendre la pareille.
Le brun voulu refuser mais l'envie de discuter avec la mère de Philippin et découvrir l'environnement dans lequel celui-ci vivait le fit accepter.
Arrivé devant la maison de son petit-ami, Léo sonna. Ses parents avaient longuement insisté pour l'y accompagner mais il avait réussis à les rassurer et à y aller seul malgré les remarques désobligeantes qu'ils avaient fait sur le blond, le traitant de cancre infortuné.
Il n'avait pas réussis à leur faire bonne impression et ils avaient également mauvaise estime de sa mère dont la première rencontre avait créé un scandale et qui n'avait même pas pris la peine de venir. Cet homme et cette femme aisés ne pouvaient vraisemblablement pas comprendre que tous ne pouvaient se permettre de prendre un jour de congé juste pour un dîner.
La maison était comme toutes les autres du quartier sale, c'est-à-dire petite, abîmée et vieille. La seule différence notable qu'elle avait avec les autres était cette petite rampe en fer permettant à un fauteuil de monter les trois marches en pierre pour accéder à la porte.
Philippin ouvrit avec une mine ravie.
Léo pénétra l'habitation un peu gêné de s’immiscer dans la vie privée d'un foyer mais l'idée de ne pas être venue les mains vides lui donna assez d'assurance pour ne pas perdre ses moyens.
L'intérieur n'était pas très décoré mais restait chaleureux. Les meubles avaient été réduit au stricte minimum afin qu'il reste assez d'espace pour les déplacements en fauteuil mais malgré cela, Léo se cogna à plusieurs reprises. Il était, comme toujours, impressionné par l'aisance de son copain.
La mère de Philippin était très gentille avec Léo. Elle n'avait pas su quoi répondre, comment remercier et comment refuser poliment les chocolats belges de luxe offert par le brun qui ne semblait même pas se rendre compte que le cadeau qu'il avait fait valait si cher.
Ils parlèrent longuement à trois d'un peu tout et rien même si le brun tentait d'orienter la conversation vers le père de son copain car ce dernier n'avait jamais vraiment abordé le sujet. Il réussit.
-Moi aussi je me suis mise en couple à votre âge, commença la femme. Léo faillit s'étouffer avec sa tarte aux pommes. « Elle savait ? » Se demanda-t-il.
-...Je commençais à peine mes études à l'université en France. Je voulais avoir un diplôme afin d'envoyer de l'argent à ma famille à Madagascar. J'ai naïvement coupé les ponts avec eux quand ils ont tenté de me mettre en garde. J'étais jeune et je ne voyais pas à quel point ma relation avec ce norvégien allait trop vite et était nocive. Finalement, quand je suis tombée enceinte, il a fuit dans son pays. J'ai alors arrêté mes études pour élever mon fils, termina-t-elle en attrapant et caressant affectueusement la main de Philippin.
Son récit omettant volontairement toute la partie sur le handicap était court et raconté simplement, sans aucune rancœur bien qu'il soit injuste et triste.
Leur après-midi les avait satisfait. Philippin raccompagnait Léo. Ce dernier était si heureux d'avoir put en apprendre plus sur son petit-ami. Et finalement, il avait été content que la mère de celui-ci sache pour leur relation. La femme aimait beaucoup le brun. Il aimait cette ambiance rendant leur relation encore plus sérieuse. Il voulait aussi que Philippin ait l'approbation de ses parents mais pour cela, il lui fallait faire son Coming Out. Il en parla durant le trajet et le blond le soutint de tout son cœur. Pour que leur relation évolue dans le bon sens, il fallait bien qu'ils le sachent un jour ?
Léo avait attendu un moment après être rentré. Il rassemblait son courage et cherchait d'ores et déjà ses mots. Il faisait et refaisait la scène dans sa tête afin de toujours avoir quelque chose à répondre pour que tout se passe au mieux. Mais la crainte que ses parents ne comprennent pas et s'énervent voire, l'empêchent de revoir Philippin grandissait dans son ventre lui donnant des nausées.
Enfin, il s'approcha du canapé dans lequel ses parents lisaient tranquillement. Il inspira et leur dit qu'il avait quelque chose d'important à dire.
Sa mère porta toute son attention sur son fils mais son père ne fit qu'hausser un sourcil, toujours les yeux rivé sur son roman.
Tant pis, Léo s'en contentera ! Il avait leur attention, c'était déjà suffisant.
-C-c'est au sujet de qui...J'aime... Les mots avaient du mal à sortir de la gorge du brun qui gesticulait nerveusement.
Finalement, la témérité n'était pas son point fort.
-Tu sors avec une fille mon chérie. C'est Leslie ? Demanda la mère.
Ses parents voulaient vraiment qu'il sorte avec elle car ils savaient qu'elle était de bonne famille et qu'une union banque-entreprise était excellente à prendre.
-Non ! Pas du tout ! Écoutez-moi, je...
-N'hausse pas le ton avec ta mère ! S'énerva son père en lâchant son précieux livre.
Léo soupira. Est-ce que le dialogue parent-enfant est aussi dur dans toute les familles ? Même Philippin lui avait avoué qu'il n'osait pas dire certaines choses à sa mère et que, comme elle était très prise pae le travail, il lui arrivait de se sentir très seul.
-Je suis Bi ! Lâcha-t-il dans un élan de courage qu'il perdit bien vite en voyant les regards insistant de ses parents resté mués. Au moins, ils connaissaient ce mot.
-Ce n'est qu'une phase, il n'y a pas de ça chez nous, soupira calmement le père en reprenant sa lecture.
Sa femme n'osait pas lui dire qu'il avait tord et bien qu'elle voulait le croire, elle savait intimement que ça ne pouvait l'être.
Léo hésitait entre s'en aller simplement et abandonner ce vain combat ou alors insister.
-Je sors avec Philippin, dit-il ne voulant pas abandonner.
Il avait déjà fait le plus gros de l'effort et il était donc hors de question d'en rester là.
Son paternel leva les yeux avec un bruit nasal signifiant qu'il n'était pas sur d'avoir entendu bien que ce fut le cas.
-Je sors avec Philippin !
Le fils défiait le regard de son géniteur sous les yeux bouleversés de sa mère.
Monsieur Rozenn se leva de son canapé et s'approcha, mauvais, de son fils qui lui devait respect et obéissance. Léo pris peur et eu un mouvement de recul mais fuir en roulant était trop lent et son père lui attrapa le bras en le tirant violemment vers lui, le soulevant. C'était la première fois depuis son accident que son père était violent avec lui. Dans cet position, il était impossible pour Léo de réagir et de toute façon, il avait bien trop peur.
-Groll ! Cria sa femme. L'homme se rendit compte de ce qu'il faisait et sa colère se calma. Il laissa son fils et le remit dans son fauteuil avant de le laisser partir dans sa chambre, ses yeux embrumés.
Ce Coming Out s'était vraiment mal passé !
Plus tard, la mère et le fils parlèrent longuement. Elle avait vu le bonheur revenir en son fils et c'était tout ce qui comptait pour elle. Elle ne parviendrait peut-être jamais à faire entendre raison à son mari mais cela importait peu en soi.
Quand sa mère sortis de sa chambre, Léo pleurait de joie. Pour la première fois depuis l'accident, ses parents l'avaient traité comme avant, comme un adolescent normal, oubliant son handicap. Il avait été traité avec violence par son père et douceur par sa mère mais comme une personne normal.
Car il l'était.
Ses sorties avec Philippin se multiplièrent. Il n'avait plus cette impression d'être normal avec lui car en réalité, il l'avait toujours été. Il a toujours été normal et plus le temps passait, plus il prenait de l'assurance et du caractère alors, plus les gens réagissaient avec lui comme avec n'importe qui.
Même s'il voyait toujours ces regards compatissant ou triste à son égards ou à celui de ses parents, Léo arrivaient à les surmonter parce qu'il n'était plus l'adolescent seul mais un adulte fier et bien accompagné.
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J'ai mis trop de temps à l'écrire alors qu'il est si court ! J'ai du mal à me remettre dans l'écriture et cela m'attriste.
Bref, avec ce OS, je voulais un peu parler des handicapés et du fait qu'on leur lance souvent des regards de pitiés alors qu'eux ne veulent pas forcément cela. Certains ne veulent pas de pité ou de compassion mais veulent être vu comme normal car ils le sont.
Néanmoins, je ne prétend pas détenir la vérité absolue sur comment ce sentent ces personnes car je n'en fait pas partie.
Voilà donc bonne journée et n'hésitez pas à donner votre avis et m'insulter si j'ai écris de la merde.