Deux heures.
Deux heures que tu ne répondais plus.
Deux heures que j'attendais, le coeur battant, qu'une faible vibration secoue mon bureau.
Deux heures qu'une fine pellicule de sueur couvrait mon corps.
Deux heures que la peur me serrait le coeur.
Deux heures que la colère hurlait dans ma tête.
Deux heures que j'avais reçu ce message alarmant.
Deux heures que j'avais envoyé milles et uns messages angoissés.
Deux heures que je tentais de me détendre, accompagnée d'une seule personne.
Deux heures que je n'y arrivais pas.
Deux heures que je travaillais, les mains moites, sur ce dessin sans réussir.
Deux heures que j'étais acculée contre ce mur sans fin.
Deux heures que je me sentais impuissante, comme sans armes devant un ennemi, un cauchemar.
Deux heures que j'essayais de trouver les mots justes, la phrase bonne pour que tu ouvre les yeux.
Deux heure que-
Une vibration.
Quelques mots.
Qui paraissaient comme agacés, énervés. Un ton sarcastique déguisé en désolé.
Allais-tu finir par m'expliquer ?
Car tes mots ne servaient à rien. Strictement à rien.
J'avais décidé - ou plutôt, on m'avait obligée - de ranger le bois qui avait été déposé dans le jardin.
Bien m'en prit, cela m'avait fait du bien d'effectuer une activité physique.
Sereine, j'étais revenue.
Tu étais là.
Toute pimpante, comme si rien ne s'était passé.
Je savais. Je savais que tu n'avais pas oublié.
Mais je savais ce que tu faisais. Tu appliquais la stratégie que nous avions mit en place il y a quelques jours. Vivre notre vie et envoyer bouler les obstacles.
Tu avais craqué aujourd'hui. Normal.
Mais d'habitude, lorsque tu craquais, tu ne le faisais pas.. pas comme ça.
Tu ne t'infligeais pas ça. Tu hurlais, tu pleurais, tu criais, mais tu ne te faisais pas avoir par ça. Tu me l'avais toi-même dit, tu m'avais toi-même mise en garde le soir où je m'amusais à faire des choses dans ce genre. Alors pourquoi ne t'étais-tu pas écoutée toi-même ?
J'ai décidé que j'allais te le rappeler. Ce soir où tu m'as dit ça. Je vais te le rappeler à chaque fois. A chaque fois. Et tu comprendras qu'ils n'en valent pas la peine.
Trois ans. C'est si long que ça ? Je ne trouve pas.
Trois ans pour arriver à la délivrance. Quelle sera ta joie ce jour-là ! Je me l'imagine en souriant, heureuse.
Que trois ans. Tu allais y arriver. Tu avais déjà résisté pendant des années, tu pouvais bien résister encore trois ans, non ? Ce n'était pas une question. Ou alors rhétorique.
Courage.
Nous étions avec toi.
Courage.
Et si tu me ressors que tu ne nous mérite pas, je fugue de chez moi, je prends le train pour chez toi, et je t'en mets une.
Courage.
Trois ans. Ça passe vite la vie.
Voilà. Vas-y. Ris, souris, chante. Si tu veux, tu peux hurler et pleurer. Mais je préfère t'entendre rire.
Oui, je préfère ton rire.