Brigrim
La brume pesant dans ma tête venait de se dissiper. Je levai mon bras alourdi par la fatigue et tâtonnai autour de moi avant de toucher de la peau. Douce, mais quelque peu couverte d'un trop épais manteau de poil pour appartenir à une créature féminine, c'était un homme... Un homme ?! Je retirai ma main rapidement et c'est là qu'arriva un horrible mal de tête. J'ouvrai doucement mes yeux mais dû les refermer à cause de la luminosité de la pièce. Les rideaux étaient grand ouvert, laissant passer les rayons du soleil. Je me redressai et fixai le sol en me massant les tempes. Je remarquai alors qu'heureusement je n'étais pas nu mais tout de même en caleçon. Je me levai doucement et me tournai de la même lenteur vers le corps assoupi dans mon lit. Je ne pus sans aucun mal reconnaître le visage endormi de mon colocataire. Je m'avançai vers la fenêtre de la chambre donnant sur les rues encore vides de Chalon sur Saône. Les rayons de l'astre dans le ciel projetait sur mon corps frêle une chaleur douce et apaisante malgré l'heure plutôt avancée de la journée. Je m'accoudai au rebord de la fenêtre, m'abandonnant à cette sensation de bien-être. Je laissai mes yeux dériver sans but sur le parc non loin de l'appartement. Là, quelques oiseaux voltigeaient avec insouciance. Je m'étonnai de ne point voir la fine couche de poudreuse de la veille. Tout avait fondu, malheureusement. Mon regard se reporta sur le lit lorsqu j'entendis la friction des draps. Mon ami venait de s'éveiller. Je soupirai, il allait falloir qu'on discute. Je n'en ai aucunement envie mais on ne pouvait pas se passer devant comme des inconnus en faisant comme si de rien n'était ! Ses yeux papillonnaient, tentant de s'habituer à la lueur du jour levant. Je lui souris timidement et me sentis fondre lorsqu'il me le rendit, beaucoup plus franc. Il s'assit en se prenant la tête dans mes mains. Lui aussi semblait ne pas comprendre comment il était arrivé là dans cette tenue peu conventionnelle. Il resta là, muet, pendant de longues minutes. Je me remis alors à regarder la ville. La lumière du soleil se découpait derrière les habitations dont les cheminées fumantes projetaient des ombres dansantes, comme un papillon avec un lampadaire. J'aimais tant ces moments là. Une solitude si douce, avec le monde entier. C'est à ces moments là que mes envies enfantines d'aventure revenait, pleines d'innocence. Mais la réalité me revint bien vite lorsque la main de mon aîné se posa sur mon épaule. Je frémissais mais ne dis rien, ne voulant pas engager cette conversation trop sérieuse pour ma tête encore douloureuse et endormie. Il le fit à ma place.
« Grégoire... »
J'eus un pincement au cœur. Il savait que je n'aimais pas mon prénom et il ne l'avait jamais employé jusqu'ici. J'attendais avec appréhension la suite de son monologue mais elle ne vint pas. Je sentis à la place de puissant bras entourer ma taille et une mâchoire barbue se déposer avec délicatesse sur mon épaule. Il ne voulait pas non plus discuter. Je profitais au maximum de l'étreinte silencieuse. La lumière du disque jaune en face de nous nous enveloppait d'un voile satiné et une chaleur agréable réchauffait nos corps lovés. Je posai la tête sur l'épaule de Mickaël et fermai les yeux. C'était si... reposant et exaltant. Les sensations se mélangeaient dans mon être tout entier, formant un sentiment exquis. Des flammes brûlaient dans mon cœur et une brise légère tournoyait dans mon ventre, formant une boule de chaleur. Ce câlin, je ne voulais pas qu'il se finisse. Le temps était suspendu, seul comptait la sensation de nos deux corps l'un contre l'autre et la vision magnifique de ce lever de soleil si... romantique. Un bien-être incomparable s'empara de moi. Là, dans ses bras, le temps n'était plus, comme distordu avec l'espace, tout finit par tourner à une vitesse ralentie, comme celle d'une tortue. Je levai alors mes yeux bleus-gris vers le noisette des iris de l'homme se tenant maintenant devant moi. Je tournais le dos à la fenêtre et posai mes mains sur son torse. Mon regard se perdait dans l'immensité brune de ses iris brillantes. Doucement et peu sûr de moi, je passai ma main dans ses cheveux. Il approcha son visage du mien jusqu'à ce que nos lèvres se frôlèrent, provoquant comme une décharge électrique. Sous l'impatience, je plaquai moi-même mes lèvres à celles roses de l'homme que j'aimais. Je le savais maintenant, c'était avec lui que je voulais passer ma vie. Une braise ardente crépitait dans mon bas ventre. Je ne voulais pas mettre un terme à ce baiser car ça voulait dire revenir à la réalité. Dure, écrasante et triste. Celle du monde dont nous avons hérité. Enfant insouciant que nous étions, nous dénigrions les responsabilités ou simplement les repoussions au lendemain. Un lendemain incertaine, aboutissement d'une nuit fatigante. Travail imposé par notre société qui ne nous en donnait pas assez. Au final, nous, enfant du monde moderne, ce que nous désirions, c'était simplement de la stabilité. Et cette stabilité, je l'avais trouvée avec lui. Depuis longtemps déjà sans que je m'en rendais compte. Il mit fin au baiser pour me sourire. Je fourrai mon visage dans son cou, murmurant un faible :
« Je t'aime.
-Moi aussi Bri... fut sa réponse. »
Ses mains caressèrent mon dos avec tendresse. Ma place était là, maintenant, au creux de ses bras.