Journée Blanche

Avez-vous déjà été skier durant une journée blanche ? Aussi blanche et opaque que la moindre lumière semble détruire les yeux et que pourtant tout est obscur et rend impossible une quelconque vision ?

En des jours pareils on se rapproche d’un néant absolu, d’un rien, une solitude éternelle. On ne sait plus, en descendant les pistes enneigées, ni où on va, ni comment on y va. On sent la vitesse différemment, en espérant de ne pas tomber mais encore plus de ne pas  perdre les petits bâtons colorés qui indiquent le chemin. Les yeux cherchent désespérément une chose à laquelle s’accrocher. Le corps est en alerte extrême, prêt à réagir à la moindre bosse invisible que l’on rencontrerait sur son trajet. Une nausée et un mal de tête fatiguant accompagnent rapidement le sentiment d’être perdu au beau milieu de nulle part et tout l’esprit est mou. Une certaine peur remplit l’estomac, une peur de perdre les autres que l’on accompagne, de perdre son chemin et de se blesser.

Par moments on est seuls à avancer dans le brouillard, le froid s’insinuant avec le vent entre veste et corps et mille petites aiguilles glacées se pointent sur la peau nue autour de la bouche d’ou s’échappe une nuée blanche qui se perd dans le reste du monde.

À d’autres moments on est soudainement entouré de gens. Leurs habits multicolores ont perdu leur éclat et le silence est soudainement entrecoupé de paroles diverses et de neige crissant sous les passages incessants de la foule. Et puis la piste se sépare à nouveau et on est seul, sur un chemin que l’on ne reconnaît plus. On peut, avec de la chance, apercevoir au loin un groupe qui attend, sombre, flouté, comme tout ce qui remplit ce monde blanc. Peut être ce sont les amis qui ont attendu, il faudrait donc aller les rejoindre, mais comment ? Le blanc est partout semblable, comment savoir la différence entre ciel et terre ? La piste pourrait descendre d’un coup ou lentement, on ne peut pas savoir si elle est droite ou bossue, s’il vaut mieux faire des virages ou aller tout droit, s’il faut remonter à un moment ou freiner pour ne pas être emporté dans la pente.

Rien n’est plus sur, le silence oppressant met un doute sur tout et rien ne semble pouvoir le changer.

Et puis, d’un coup, une bourrasque de vent entoure le sommet des montagnes et les nuages s’envolent en dansant dans l’air pur te frais. Le soleil orangé emplit l’espace et recouvre le monde enneigé de poussière d’or. Un oiseau solitaire vole dans le ciel maintenant bleu et rouge et un espoir nouveau emplit l’esprit et le cœur.

En ces moments la liberté semble soudainement possible…

Journée blanche

Mémoire flanche

Loin de tout

Du rien partout

Perdu dans le temps

Avance lentement

Le vent invisible

Mais mordant

Liberté oppressante

Le néant tente

Soleil couchant…