Les Gardiens du Firmament-TRAILER

Necrotia est une grande ville au milieu d'un Désert. Elle est connue pour les jeux d'arènes qu'elle organise.

Les doigts d’Hikari étaient serrés autour de la garde de sa lame à s’en briser les doigts. C’était une simple épée à la lame droite de taille moyenne avec la garde garnie de cuir, comme en portent souvent les soldats ; faite pour trancher proprement, et rien d’autre. Cependant, Hikari n’avait pas choisie une épée par esthétique mais bien parce que c’était la plus aiguisée du lot que lui proposait la panoplie de l’arène. Avant d’aller combattre on l’avait conduite dans une petite salle pleine à craquer d’arme et d’armures. Elle y avait fait un choix simple en complétant son équipement avec un casque, des gants de cuir et un plastron. Rien de trop lourd.
Inspirant un bon coup, la jeune fille pointa sa lame devant elle, écarta légèrement ses pieds et fléchis les jambes, tous ses muscles contractés. Elle était prête au combat.
Du revers de sa main droite, Kari essuya la sueur qui coulait dans ses yeux. Il faisait putain de chaud ! Le soleil était haut dans le ciel, tout autour d’elle était blanc : le sable sous ses pieds, les murs qui délimitaient l’arène tout autour et les gradins au-dessus d’elle dans lesquels se pressaient une foule divers, excitée, trépidante et hurlante. Les acclamations fusaient de toute part. Un tapage incessant de cris tel qu’il était impossible de distinguer quoi que ce soit. Mais Hikari comprit à la tonalité que c’était des cris d’encouragement.
Certainement pas pour elle. La foule acclamait l’héros de l’arène. Mon ennemi. Il n’était qu’à quelques mètres, elle pouvait l’atteindre d’un bond… mais à cause de ce foutu soleil, elle n’arrivait qu’à distinguer une forme vague.
- Dis plutôt que c’est ce stupide casque de gladiateur qui t’empêche de voir, grinça la douce voix de Killian dans sa tête, pourquoi tu pouvais pas au moins choisir quelque chose de plus pratique ?!
Bon, ok. Elle pouvait maintenant avouer que le casque n’avait peut-être pas été un bon choix mais… est ce qu’il était obligé d’avoir un ton aussi réprobateur ? Comme d’habitude quoi.  Kari lâcha un long soupire. On a besoin d’argent, non ? Si je gagne…
- Parce que tu crois pouvoir gagner ? Mais regarde-le, ton adversaire ! Il a l’air d’un bandit de rue à qui on peut mettre une raclée facile ?
Il faut bien dire qu’il n’avait pas tord : le jeune homme à quelques pas d’elle qui levait les bras devant les cris de la foule, souriant largement, n’avait pas du tout l’air sérieux. Il lui donnait l’impression d’un coq se pavanant dans sa basse-cour, et pourtant c’était le champion de l’arène, et ce depuis deux ans. L’Imbattable, comme l’appelait les commères. C’est la seule chose qu’elle avait entendue en s’inscrivant pour ce combat. Elle ne savait rien d’autre sur lui, à part qu’elle devait le battre pour gagner une grosse somme d’argent. Mais il n’était pas du tout sérieux. Est-ce qu’il la sous-estimait ? Et surtout… Il n’a pas d’arme ! Tu crois qu’il se bat à mains nues ?
- J’en sais rien, mais tu devrais… attention !
L’Imbattable qui avait fini de parader s’était soudain jeté sur Hikari. La jeune fille s’était baissée au dernier moment, assez agile pour éviter le coup de pied qui l’aurait envoyée au tapis. D’un coup complètement concentrée sur son combat, elle recula d’un bond et empoigna son épée à deux mains. Elle ne devait montrer aucune pitié. La jeune fille abattit sa lame vers le cou du garçon pour le libérer d’une tête un peu trop lourde. Bien sur, il était interdit de tuer : elle s’attendait à une esquive vers l’arrière ou le bas et était prête à riposter. Il fit tout l’inverse de ce qu’elle avait prévu : il bloqua l’épée avec son bras. Son bras droit ! La lame rebondit sur ce bras, qu’elle aurait dû couper comme du beurre, d’un bruit métallique. Prise au dépourvu, Kari recula de quelques pas, l’épée tendue entre eux comme une protection. Bien maigre protection. Ses yeux de givres fixés sur le bras de l’Imbattable, s’écarquillèrent. A la place du bras, il n’avait plus qu’une grande et longue lame, recourbée, qui partait de son épaule. Les cris de la foule redoublèrent de volume. C’était un spectacle auquel ils étaient habitués, qu’ils attendaient.
-Qu’est ce qui se passe ? Cria la voix paniquée de son frère dans sa tête. Sa sœur se mordit la langue, ses yeux médusés toujours fixés sur son adversaire. Il n’avait rien des petits bandits de rue, en effet.
-J’en sais rien ! Il… il a solidifié son bras droit ou il l’a transformé, j’en sais rien, merde !
La voix d’Hikari tremblait, anxieuse. Ce timbre était tout sauf normal, et Killian détestait l’entendre. Le gars qu’elle affrontait se montrait plus coriace que prévu. Tu vois, je te l’avais dit ! Tu n’aurais jamais dû te précipiter comme ça, sans rien connaitre de l’ennemi. Qu’est ce que tu vas faire maintenant ? Peut-être qu’il peut même transformer tout son corps comme ça. Comment tu vas pourvoir le battre maintenant, hein ?
-Ca va, calme toi. Je trouverai bien un truc… pas besoin de crier comme ça. Cette voix, mi-révoltée mi-exaspérée lui allait déjà mieux, mais il ne put empêcher la peur de s’insinuer dans chacune de ses artères. Comment pourrait-il rester là à regarder sa sœur se prendre une raclée ? Impossible ! Il devait trouver quelque chose, une faille dans la carapace d’acier de l’ennemi. Killian fixa sa concentration sur l’arène, essayant de faire abstraction des centaines de fans qui hurlaient autour de lui.
Elle ne l’avait pas attendu pour passer à l’attaque. Hikari enchainait les attaques directes à une vitesse surprenante pour ce qui semblait être une jeune et frêle humaine en essayant de varier les angles d’attaque pour trouver le point faible de son adversaire. Toujours la même chose : elle fonçait tête baissée, appliquant une seule stratégie : attaquer le plus vite, le plus fort possible. Sauf que là, l’ennemi se contentait d’esquiver en bloquant de temps en temps un coup avec son bras droit. A cette distance, il ne pouvait en être sur, mais Killian était presque sur de voir un sourire triomphant sur le visage de ce connard. De temps en temps, il ripostait mais c’était toujours très simple : un coup en avant ou une tranche verticale. Sa posture était complètement relaxée, comme s’il se trouvait à un simple entrainement de novices.
Kari, il veut te fatiguer pour avoir facilement l’avantage! Espace tes attaques, vas-y mollo surtout. Sa sœur ne lui donna aucune réponse mais il savait qu’elle allait l’écouter. Quand elle commençait à combattre sérieusement sa concentration atteignait son maximum. Dans ces moments-là, même un tremblement de terre ne pouvait l’empêcher de frapper. Killian, lui, avait besoin de rester immobile et calme mais il réfléchissait alors extrêmement vite. Et il devait justement trouver très vite une parade pour aider sa tumultueuse petite sœur, puisqu’il ne pouvait pas la sortir de cette stupide arène autrement.
L’ennemi ne s’inquiétait pas du temps ce qui laissait supposer qu’il pouvait utiliser sa capacité à transformer son corps en arme indéfiniment ou en tout cas très longtemps. Essayer d’user sa force par du burinage n’aurait donc comme effet que de fatiguer Hikari. Pour l’instant, avec une technique de combat usuelle d’un épéiste, elle n’avait pas pu le toucher une seule fois. Leur seule chance, s’était de déstabiliser l’adversaire. L’effet de surprise devait être leur arme la plus redoutable. Dans l’esprit de Killian, Elle et lui ne firent plus qu’un. La tête et le corps d’une même entité qu’il devait guider vers la victoire.
-Kari, écoute ! Je crois que je sais comment le battre.
Encore une fois, la jeune fille ne répondit rien ; elle passa tout son poids sur sa jambe droite et se pencha en avant pour ensuite porter un coup vers la cuisse de l’Imbattable. Mais sa jambe se changea en acier juste au moment où sa lame touchait la chair. Merde !
-Ca sert à rien de continuer comme ça, railla la voix sarcastique de son frère.
Il avait raison, bien sûr. Il avait toujours raison, non ? Elle avait fait une erreur en s’engageant dans ce stupide combat tête baissée et maintenant, sans son aide, elle finirait par perdre. Elle ne savait même pas qu’est ce qui se passait dans ce cas là. Il dirait certainement qu’elle n’était qu’une idiote au sang chaud, et il n’aurait pas tord. Mais elle avait du mal à accepter ça. Elle en avait tout simplement marre qu’il la rabaisse tout le temps !
-Voilà ce qu’on va faire : tu vas faire semblant d’être fatiguée, comme ça il va enfin commencer à attaquer. Si tu diminue doucement ta vitesse et ta force, il ne devrait se douter de rien et baisser sa garde. A ce moment là…
Mais Hikari, qui commençait pour de vrai à sentir ses forces diminuer, lui coupa tout à coup la parole. Epargne moi tes jolies stratégies, je peux le faire très bien toute seule ! Je suis pas aussi bête que tu le crois, tu sais ?
Peut-être que son ton était un peu trop cinglant. Peut aussi que ce n’était pas du tout le bon moment pour bouder son frère jumeau. Mais elle en avait juste assez de son petit ton supérieur. Avant qu’il ne puisse rappliquer quoique ce soit, elle fit le vide en elle-même et le chassa de son esprit. Il était bien plus fort qu’elle dans ces choses-là mais, heureusement, il se laissa faire. Elle allait bien lui montrer, à ce petit prétentieux, qu’elle pouvait gagner toute seule !
La jeune fille resserra encore sa prise sur la garde. Malgré les gants, ses mains commençaient à lui faire mal. Elle fatiguait. Il fallait finir maintenant ce stupide manège. Le garçon dont elle ne connaissait même pas le nom d’ailleurs, avait lui aussi interprété sa courte retraite comme un signe d’épuisement. Il attaqua et la foule hurla son contentement.
Tout va bien, je vais y arriver ! Hikari leva son épée pour bloquer le coup et réussi à le repousser et il fut déséquilibré pendant quelques secondes que la jeune fille utilisa pour abattre l’épée vers son ventre. Malheureusement il réussit à se rétablir avant qu’elle l’atteigne et bloqua à son tour avec sa main…enfin, son bras-lame. Ils étaient tous proches. Aurait-elle avancé d’un centimètre qu’ils se serraient touchés. Pendant ce qui devait être une seconde leurs yeux se croisèrent. Les siens étaient… rouges ? C’était un rouge profond et tumultueux, si inhabituel.... Surprise, Hikari fut déconcentrée pendant une seconde. Une seconde de trop. Avec un sourire carnassier son adversaire lâcha soudain le contact entre leurs deux lames et recula pour mieux se jeter sur elle. La jeune fille ne put bloquer le coup que de justesse et perdit son équilibre. Transformant son deuxième bras aussi, le garçon attaqua avec une intensité soudaine, enchainant sans cesse et de toute part des coups mortels. Hikari bloquait chaque coup, mais il ne lui laissait pas une chance de riposter.
Trop concentrée sur ses bras, elle ne vit pas venir le coup de pied qui lui arracha son épée des mains. Il l’avait acculé jusqu’au mur de l’arène, et l’arme alla voltiger à une dizaine de mètres. La combattante, désemparée, n’avait plus de quoi ni attaquer ni se défendre. Sa main lui faisait horriblement mal : le coup lui avait cassé le poignet. L’Imbattable frappa à l’horizontal et elle ne put l’éviter, le dos collé au mur. Touchée, elle tomba à genoux, la main pressée contre son coté droit. Du sang maculaient ses doigts. Son adversaire, debout au dessus d’elle posa la pointe de son bras-lame sous le menton. Son bras gauche était redevenu normal, ainsi que tout le haut de son bras droit. Lui aussi était épuisé. La foule applaudissait déjà.
-Alors, tu te rends, petit papillon ? fit le connard d’une voix moqueuse.
-Hikari ? Hikari, répond … arrête ça je… je t’en supplie, arrête !
Lian hurlait. La peur suintant de sa voix fit bien plus de mal à sa sœur que sa plaie. Mais elle ne pouvait pas abandonner maintenant. Elle devait gagner. Pour lui montrer qu’elle était forte. Elle devait gagner. Il le fallait.  
-Je dois avouer que t’es assez coriace, fit l’adolescent, d’habitude, je les bats en quelques coups. Je me suis bien amusé à te voir te démener, petit papillon. Mais maintenant, tu as perdu. Abandonne et tu ne souffriras plus. Si tu continu, par contre…
Hikari darda ses iris bleu dans les abysses rouges de son adversaire et sourit à son tour. Elle prononça d'une voix claire :
-Je n’abandonne jamais. C'est tout!
Se relevant d’un bond, Hikari frappa l’Imbattable d’un généreux coup de poing avant qu’il ait pu bouger un seul muscle. Le coup l’envoya valser en arrière mais elle n’attendit pas qu’il touche terre : Hikari bondit en l’air, prit appuie sur les épaules du garçon et rebondit en l’air. En quelques secondes, la foule était devenue silencieuse tandis qu’elle regardait la fille qu’ils croyaient tous déjà battue sauter en l’air et faire un bond majestueux. Elle tourna ; elle volait, agile et gracieuse. Pendant un instant, plusieurs d’entre eux crurent voir un ange fendre l’air. Puis elle atterrit et roula vers son épée, redevenant une combattante d’arène trempée de sang et de sueur.
Se saisissant de son épée à deux mains, la jeune fille, sans perdre une seconde, courut tête baissée vers son adversaire, qui se relevait tout juste. Légèrement déstabilisé, celui-ci ne leva son bras que tard pour se protéger de la furie qui courrait vers lui ; il allait bloquer son coup. Au dernier moment Kari changea sa main de position et abattit non pas la lame de son épée vers la tête du gladiateur mais enfonça la garde de son épée dans son ventre de toutes ses forces. Et ses forces n’étaient pas négligeables : il se tordit en deux. Puis elle l’envoya d’un coup sec percuter le mur, contre lequel il s’affaissa, vaincu. Ce fut au tour d’Hikari de poser la pointe de sa lame sur sa gorge. Il ne bougea plus. Les spectateurs, qui avaient retenus leur souffle pendant toute la scène, l’acclamèrent, scandant la victoire de la nouvelle championne. La jeune fille soupira longuement, laissant d’un coup descendre toute la tension qui s’était accumulée en elle.
Deux gardes armés descendirent dans l’arène. L’un d’eux emporta le corps du garçon tendit que l’autre s’inclina devant Hikari et lui demanda poliment de le suivre. Tandis que la jeune fille lui emboitait le pas elle chercha Lian des yeux, triomphante. Mais elle ne le vit nulle part. Killian ? Tu vois, j’ai pu gagner toute seule. Même pas besoin d’aide ! Le plaisir était trop grand pour qu’elle ne se permette pas de frimer un peu. Pour une fois qu’elle faisait quelque chose correctement ! Mais son frère ne lui répondit pas. Quoi, il boudait maintenant ? Pour une fois qu’elle avait réussi quelque chose, il n’allait quand même pas le lui reprocher ?

Hikari, exaspérée par l’attitude de son frère, ne fit même plus attention au garde, se contentant de le suivre. Mais quand elle se retrouva soudain toute seule dans une salle sans fenêtre, Hikari remarqua enfin que quelque chose n’allait pas. Elle se retourna juste à temps pour voir le garde fermer la porte derrière elle puis le sol se déroba sous ses pieds. La jeune fille poussa un dernier cri strident avant d’être engloutie par les ténèbres.