DOTM (Dark of the Moon)

« Tu m'énerves ! »
« On ne peut rien te dire de toute façon! »
« … quoi? Tu insinues qu'on ne peut pas parler avec moi ? »
« Pas avec une porte entre nous deux, Siphano. »

Ça y est. Il m'énerve vraiment. Dire que la dispute a commencé à cause de son abruti de clébard...toujours dans mes pattes celui là. Si on ne peut même plus se faire respecter sur cette navette, où va-t-on ? Je ne bougerais pas de là de toute façon. Je suis bien dans ma chambre.
Dieu que ce voyage est interminable...
Pourquoi faut-il autant de temps pour rentrer sur Terre ?
Et dire que c'était mon idée d'aller sur la Lune...
Les semaines passées dans notre navette ont été les pires de ma vie. Je n'ai jamais été aussi en froid avec Frigiel. Un seul regard suffit pour nous lancer dans une dispute qui peut durer des heures. Je vois bien les regards de Zelvac ou de Léo en fond... ils tentent de nous apaiser. Ils y parviennent. Mais pour combien de temps ? Ça repart aussitôt.
Une nuit...j'ai secrètement souhaité que tout s'arrête. Je n'en peux plus de ses disputes. Dire que nous étions les meilleurs amis du monde...aujourd'hui, j'ai encore du mal à l'appeler « mon ami ».

Je n'espère qu'une seule chose...
Qu'une fois sur Terre, nous ne nous croisons plus jamais.
J'ai bien peur que notre « Coop Team »....disparaisse avec ce voyage.
C'était tout simplement trop beau pour durer.
J'entends les pas de Frigiel qui s'éloigne enfin de ma porte. Pourquoi était il venu déjà? Ah oui. Le dîner. Je devrais y aller..par respect pour Zelvac et Léo.
Non.
Je me sens incapable de sortir.
Ma tête est pleine d'idées noires.

*_*_*_*_*

Je m'éveille lentement. J'ai réussi à m'assoupir le long de la porte. Bravo, Siphano!
Maintenant j'ai mal au dos et aux bras...
Apparemment, personne n'est venu voir si je n'avais pas fais un malaise.
Ils s'en fichent.
….
C'est Frigiel que je vois en face de moi là? C...Comment est-il entré ? Ah... mon magnifique mur a été massacré... il y a un énorme trou.

« … T'es sérieusement rentré par là pour me regarder dormir? »
« Zelvac a frappé. Tu ne répondais pas. Léo m'a dit :  « Va chercher la TNT ! » et donc... voilà. Le trou. »
« A coup de TNT? Vous auriez pu faire exploser la navette les mecs ! »
« Mais j'en ai mis très peu... Siph...pourquoi? »
« Pourquoi quoi? »
« Pourquoi on s'est perdu de vue comme ça? »
« Je ne sais pas. Interroge ta personne un peu. »
« Je suis si égocentrique que ça? »
« … Fri... »
« Non mais...j'ai compris. »

Je le regarde se lever. Ses sourcils sont froncés. Il semble entre la colère et la tristesse. Tient, il daigne me donner un regard...

« Toi tu es juste méchant. Tu sais quoi...tu as raison....vivement qu'on rentre sur Terre... qu'on arrête de se voiler la face et qu'on se dise enfin « Adieu ! » »
« Méchant....? Moi? Hahaha....Non mais....tu t'es regardé ? Franchement? Tu peux amadouer Zelvac parce qu'il est assez idiot pour te croire ! Mais pas moi ! Tu ne penses qu'à ta petite personne ! Peu importe ce qui arrive aux autres ! Du moment que Monsieur Frigiel va bien, tout va bien ! Aller, casse-toi ! Tu me dégoûtes ! Et tu sais quoi? »

Je vois les larmes couler sur ses joues. Encore de la comédie.

« Tu serais mort, ça ne changerait rien pour moi. »

La goutte a fait déborder le vase. Le voilà qui quitte ma chambre en versant quelques larmes en silence. Pour ma part, j'ai dis les choses. Qui sait? Ça va peut-être le faire mûrir un peu dans sa tête de gamin? Pour qui se prend-il?
Je suis tellement en colère. Je n'arrive plus à contrôler ma rage. De plus, ce mur va me servir de punching-ball...
Je le frappe...avec toute la force dont je dispose... je sens mes os vibrer à son contact...
La douleur est présente...
Aussi, je retire ma main délicatement...je la tiens avec mon autre main...elle tremble...je tremble.
Pas à cause du choc... plutôt à cause de ce que je ressens.
C'est terminé. Il ne me parlera plus jamais.
La CoopTeam n'existe plus.

*_*_*_*_*_*

Des secousses me sortent de mes pensées...que se passe-t-il encore?
La lumière s'éteint soudainement.
Les lampes de secours à la lueur rougeâtre s'allument.
J'entends le clébard de Frigiel aboyer. Mais brièvement. Son aboiement semblait se perdre dans le temps. Je n'entends plus rien.
Si.
J'entends les cris de Léo. Mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Les secousses reprennent.
Je décide de me lever.
Il faut que je comprenne ce qu'il se passe.
Aussi, je passe mon regard devant le hublot du couloir. Des météores. Une pluie de météorites frappe notre navette et le bouclier n'est pas activé. Je sers les dents en pensant à la personne chargée de ce travail. Frigiel. Encore une étourderie qui va nous coûter une dispute.

Je prends mes jambes à mon cou.
Je fonce à travers les couloirs.
Je grimpe les escaliers, je chute lors d'une secousse plus violente que les autres.
Les cris de Léo persistent. Que diable se passe-t-il dans ce vaisseau?
Je me demande un instant s'ils vont bien.
On a affronté des dragons...des squelettes fantômes...une planète aride... des mines abandonnées...
Alors ce n'est pas une petite pluie de météores qui va nous faire du mal?
N'est-ce pas?

*_*_*_*_*_*_*

Je passe à peine la porte de notre salle de commandes...
Quelque chose cloche.
Je vois Frigiel, dans le siège de pilotage. Il a enfin activé ce maudit bouclier? Ce n'est pas trop tôt. Les secousses se sont arrêtées. Mais le système d'alarme est toujours en place. Pourquoi? Je regarde un écran de contrôle et je vois alors le problème : une brèche dans la coque du vaisseau. Près de la chambre de Zelvac et de Léo...
Elle semble importante. Il faut qu'ils me rejoignent.
J'essaye de les appeler par la radio de ma combinaison de cosmonaute.
Rien.
Je grogne.
Je m'approche de Frigiel pour lui dire d'aller les chercher avec moi...et tant pis pour les disputes.
Quelque chose cloche.
Il ne réagit pas à mes appels.
Je m'approche davantage et je me penche...

Non...
Impossible....
Frigiel est là....
Allongé sur la table de commandes...
Une large blessure à la tête, qui déverse des flots de sang sur la console...
Ses yeux sont clos...
Je pose mes doigts sur son cou et recule de peur.
Plus de pouls.
Plus de vie.
Frigiel...

Frigiel est mort?

Je sens mes genoux lâcher lentement...
Je finis à genoux sur le sol...
Mon regard est vide...
Qu'est-ce que j'ai fais?
Mon ami est mort.
Et la dernière chose que je lui ai dit...

Non...
Je ne le pensais pas !

Je viens prendre son corps dans mes bras...
Je pose mon front contre le sien...
Mes larmes n'arrêtent pas de couler...
Mon cœur s'est brisé.
Comment ai-je pu être aussi stupide? Aussi méchant? Sans cœur?
J'ai souhaité quelque chose...
Et cela s'est réalisé...
Je ne voulais pas...
Je sanglote.
J'aimerais tellement lui dire « Pardon »...
Mais il ne m'entendra jamais.
Plus jamais.
Et c'est ma faute. J'ai détruit ce que j'avais de plus cher au monde.

Léo vient d'entrer. Il a un regard horrifié lui aussi. Il pleure.
Zelvac n'est pas avec lui.
Je lâche un « Non », étouffé dans mes larmes.
Léo hoche la tête.
Mes sanglots reprennent de plus belle et les siens m'accompagnent.
Zelvac est mort lui aussi.
La moitié de la « Coop Team » venait d'être décimé...en quelques minutes seulement.
Qu'ai-je fais pour mériter ça?
Qu'ont-ils fait eux pour mériter la mort?

Je sens les doigts de Léo sur mon col.
Il active mon casque.
Il me fait comprendre que la brèche détruit peu à peu nos réserves d'oxygène...
Il me dit de me lever.
Je ne veux pas.
Je ne veux pas le quitter. Pas comme ça.
Il me dit qu'on va mourir.
Tant mieux.
On rejoindra nos amis.

« Si tu ne le fais pas pour moi...fait-le pour eux...pour moi...tu...tu a promis... »

J'ai promis?
Les ramener sur Terre.
Tous les trois.
Oui, c'était ma promesse.
Pourtant, je viens de la rompre en perdant deux personnes chères à mes yeux.
Léo a raison.
Je dois le ramener lui.
Il n'a pas à souffrir davantage à cause de moi. A cause de mon incompétence.

Je me lève. Frigiel dans mes bras.
Je regarde Léo et je lui demande où se trouve Zelvac.
Son corps doit être rapatrié.
Il me dit qu'il est perdu... pour toujours...dans l'espace.
Je soupire tristement, essayant de calmer mes larmes.
Nous lui ferons un hommage alors. Un bel hommage.
Je demande à Léo de se rendre dans une cellule cryogénique.

La pluie de météores nous a dévié de la Terre.
La console est programmée pour se rendre sur Mars.
Qu'importe.
Nous survivrons à cela.
Il s'en va. Il me laisse seul.
Je porte le corps de Frigiel jusqu'à une autre cellule de cryogénie et l'y installe.
Ce sera sa dernière demeure.
Je referme le couvercle.
Il est là pour l'éternité maintenant. Je pose une main sur la vitre, un regard triste...et je m'en vais...
Je vais rejoindre Léo.
Mon corps va s'endormir.
Mon esprit aussi.
Peut être ne vais-je jamais me réveiller?
Mais il y a une chose que je n'oublierais jamais...

« Vous resterez à jamais dans mon cœur.
J'ai été trop stupide.
Je vous ai perdu tous les deux.
Je vivrais éternellement avec cette blessure...
Je vous aime.
J'espère que vous trouverez le bonheur, où que vous soyez.
Adieu Zelvac.
Adieu Frigiel.»

Pour une fois que ne pas écouter de musique (Ce qui est déjà très rare) m'a éviter des torrents de larmes.
Bon j'ai quand même pleuré.
Mais c'est trop beau, triste, horrible, tout quoi.
La question est: Une suite pour la rencontre avec Bri, Dortis, Xef et Rosgrim?
Parce que c'est la transition entre OL et OM en tellement bien écrit et triste.
Aller, continue à écrire parce que c'est génial.
Kiss