Voilà, j’y suis. En haut de cette maudite tour.
Je regarde par la fenêtre. Celle même par laquelle tu es passée. Je ne sais pas comment. Je ne sais pas pourquoi. Mais les faits sont là. Tu es tombé, et tu en es mort.
On était tous content, on avait enfin fini notre week-end de reprise avec les enfants. Ils étaient tous repartis chez eux, fatigués, mais content de ces deux jours. Nous, il ne nous restait plus qu’à décharger le minibus au local, et on pourrait rentrer.
Sauf que Flavia a voulu nous rassembler avant. Et elle nous l’a dit. Cette soirée, celle organisée par un groupe scout Suisse Allemand, l’After de Calaka. Le grand camp d’été. Celui qu’on a fait avec ton groupe, tu sais ?
Elle nous l’a dit. Qu’il y avait eu un accident à cette fête. Qui a débouché sur une mort. Une mort. On a tous pensé à toi. Tu étais tellement maladroit. Un maladroit au grand cœur, je crois que c’est comme ça qu’on peut te définir. Mais on n’avait pas de nom, Flavia n’en avait pas non plus. C’était dur. On connaissait presque toutes les personnes présentes à cette soirée, ça pouvait être n’importe qui. Alors, la mort dans l’âme, on a commencé à décharger le transit.
Flavia et Audrey se sont éloignées. Il fallait que Fla’ appelle Michaël pour lui dire qu’elle arriverait plus tard. En tant que responsable de groupe, elles devaient toutes les deux se rendre à une réunion spéciale pour parler de ce qu’il s’était passé.
Nous, on a vu Flavia fondre en larme, au loin. Puis Audrey. Puis Flami est allée les rejoindre, puis Tati. Avec les autres, on a continué à décharger le transit. Moi ? J’ai serré les dents. Je ne pouvais rien y faire. C’était la fatalité.
Kilian, Justin et moi, on est les seuls à ne pas avoir versé une larme. Avec Benny, mais lui, il ne te connaissait pas. Pas comme nous.
Je ne te connaissais pas si bien, moi non plus. Mais j’ai passé trois merveilleux camps en ta compagnie, supportant ta bonne humeur constante, ta maladresse et tes câlins à répétition. Flavia nous a dit de garder les bons souvenirs, et c’est ce que j’ai l’intention de faire.
Oui, j’ai pleuré, parce que tu étais un type incroyable, et tu étais jeune. Mais à force de vivre ta vie à 100%, tu as fini par en payer le prix.
Le plus dur, c’est que tu étais là, la journée d’avant, tu m’as encore serrée dans tes bras, répétant que la journée que notre groupe avait organisée en invitant tous les groupes scouts du canton était géniale. Et puis ton message, à 16h45 sous le groupe commun pour nous remercier une dernière fois. Je me souviens de l’heure. C’est le dernier contact qu’on ait eu avec toi. Je veux m’en rappeler.
Mais à l’heure qu’il est, tu dois sûrement être en train de trinquer une nouvelle fois avec Dieu, au paradis, alors que nous, on te pleure, en bas.
Je regarde une dernière fois le sol de cette pelouse où tu es parti.
Adieu.