Ils s’étaient tous réfugiés dans le grand salon et attendaient les hommes du Maître, en silence. Chelxie savait qu’ils venaient probablement pour elle, mais elle n’osait pas le dire. Elle se doutait que les autres ne la vendraient pas si facilement, mais elle avait peur qu’ils l’abandonnent, ce qui aurait été tout à fait légitime vu les problèmes qu’elle leur avait créés. Des bruits de pas précipités se firent entendre dans les couloirs. Leurs ennemis n’étaient plus très loin. La porte s’ouvrit en grand et une nuée d’hommes de toutes tailles, leurs visages camouflés par des masques sombres, entra dans la pièce. Ils se jetèrent sur eux et les éparpillèrent aux quatre coins de la pièce. Ils n’étaient pas méthodiques, comme à chacune de leurs apparitions précédentes, non. Ils étaient désorganisés, et sauvages, comme s’ils les incitaient à les combattre. Chelxie ne se fit pas prier et fut la première à réagir, lançant un coussin sur l’un des hommes de manière totalement puérile. Son geste suffit à gêner son adversaire, assez pour qu’elle lui bondisse dessus et le frappe de toutes ses forces.
Le combat était lancé.
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Il piochait dans son paquet de Tuc frénétiquement, commençant à avoir la bouche sèche à force de vider les emballages. Il y était. Après cette épreuve-là, il y en avait une autre de prévue, mais elle avait été faite pour... Dix participants... Pas un de plus... Sa langue passa sur ses doigts pleins de sel et de paprika. Ses consignes avaient été claires : à un mort ou un blessé grave, tout s’arrêtait, et cette fois-ci, cette pétasse de Chelxie ne serait pas là pour sauver la mise au pauvre bonhomme qui serait en difficulté.
Il avait dit à ses hommes de viser cette petite pouffiasse en priorité, mais n’importe qui lui ferait plaisir. Chap et Fukano, qu’il allait se faire un plaisir de torturer encore, étaient hors de portée, et qui que ce soit d’autre, il s’en remettrait. Ce n’était qu’une marionnette de moins, de toute manière...
Il ouvrit avec délice un nouveau paquet de ces biscuits secs qu’il adorait. Il s’imagina quelques secondes chaque participant mort, et les répercussions que cela pourrait avoir sur les autres. Chelxie n’était pas la plus amusante, finalement. Si c’était Melon ou Dfg, l’autre serait détruit... Dans le cas d’Azenet, Aypierre s’en voudrait probablement à mort... Mais le plus intéressant...
Cela aurait été Zerator.
Dommage que le Maître y tienne autant, sinon il l’aurait fait tuer d’office. Sa mort détruirait Fukano définitivement, il n’y aurait plus qu’à l’éloigner de Chap à nouveau et il basculerait dans une dépression sans fin dont personne ne pourrait plus le tirer... Le décès de Zerator toucherait Jiraya, également, avec lequel le brun aux yeux pétillants était devenu très proche ces derniers temps... Et puis, cela aurait affecté Xari et Dfg, qui le connaissaient de longue date, et Azenet et Aypierre aussi, et...
En réalité, tous les schémas affecteraient tout le monde, mais certains étaient plus plaisants à imaginer que d’autres... Le Maître se laissa rêver quelques secondes. Il avait dit à ses sbires d’insister sur Chelxie, mais il regrettait un peu ses paroles, espérant secrètement voir mourir un autre participant...
Sur son écran, l’un de ses hommes attrapa les cheveux de Jiraya et les tira en arrière avec violence. Le Maître laissa échapper un hurlement de joie et se redressa sur sa chaise, avalant trois Tucs d’un coup. C’était passionnant.
*****
Jiraya se sentit libéré de la douleur qui lui lancinait le crâne avant qu’on ne le tire brusquement en avant pour l’empêcher de prendre un coup de pied de plein fouet. Il reprit ses esprits et croisa le regard inquiet de Zerator qui venait de le tirer des griffes de son adversaire. Il lui adressa un sourire reconnaissant et lui fit signe qu’il allait bien. Ils se remirent à tenter de traverser la mare d’ennemis qui les séparaient de Xari. Jiraya apercevait Azenet, Aypierre, Dfg et Melon se battre à l’autre bout de la salle, veillant probablement les uns sur les autres comme il le faisait avec Zerator, mais son meilleur ami lui, était resté seul, coincé au milieu du champ de bataille. Ils essayaient donc de l’atteindre depuis de longues minutes, sans succès. Il ne connaissait pas la position exacte de Chelxie, la jolie blonde avait disparu dans la foule et il n’avait pas franchement le temps de la retrouver. Il entendit un gémissement de douleur près de lui et se retourna pour voir Zerator tomber à terre, maîtrisé par deux hommes en noir.
Jiraya n’attendit pas de savoir ce qu’ils lui voulaient, il se jeta sur le premier agresseur à sa portée et lui lança son poing dans la nuque avec une violence qu’il ne se connaissait pas. La même qui l’avait saisi lorsqu’il avait eu envie de cogner Xari. L’homme qu’il venait de frapper se retourna vers lui et Jiraya décrocha une droite dans sa mâchoire, l’envoyant à terre. Son allié fut surpris et leva les bras, signe qu’il se rendait, avant de laisser Zerator tranquille et d’aller voir son coéquipier à terre. Le jeune homme aux longs cheveux les traita mentalement de mauviette. Quel genre de personne se rendait devant lui ?
Il prit la main du brun et le releva brusquement. Dans cette arène étrange, une personne à terre était une personne sûre de très mal s’en sortir. C’était trop vite fait de se faire piétiner. Zerator se tenait le ventre, une grimace de douleur dessinée sur le visage.
- Zera ! Zera ça va ? demanda le jeune homme, inquiet.
- Oui... Oui ça va, laisse-moi.. laisse-moi deux secondes, s’il te plaît...
Zerator s’appuya sur l’épaule de Jiraya, tentant de retrouver une respiration régulière. Le temps sembla s’arrêter autour d’eux. Personne ne venait les attaquer. Les ennemis semblaient avoir focalisé leur attention sur l’équipe des quatre jeunes hommes qui se battaient au fond de la pièce. Jiraya restait sur le qui-vive, prêt à bondir sur la première personne qui leur voudrait du mal. Le brun finit par se reprendre.
- Merci. On va chercher Xari ?
Ils échangèrent un regard entendu et se précipitèrent vers l’avant pour aller aider leur ami qui se battait seul, au milieu de tous ces hommes qui ne leur souhaitaient visiblement aucun bien.
*****
Melon protégeait Dfg de son mieux. Il savait que son ami était encore faible et sa grande taille ne lui suffisait pas à compenser son manque d’assurance évident. Il savait qu’Aypierre, bien qu’encore épuisé physiquement à cause de sa traversée du lac, faisait la même chose que lui, mais avec Azenet. Les deux binômes se croisaient, couvrant une faible partie de la salle. Dfg para un coup qui aurait dû le frapper dans le ventre et Melon envoya valser son adversaire. Ses cours de judo lui paraissaient enfin utiles... Il regretta l’absence d’Alderiate qui aurait pu être d’un grand secours dans la situation dans laquelle ils se trouvaient. Il sentit les mains de Dfg l’attirer en arrière pour lui faire éviter une pierre qui volait dans sa direction. Le châtain le remercia rapidement avant de se remettre en garde pour combattre l’ennemi suivant. Leur petit jeu dura de longues secondes, avec Melon au front et Dfg en arrière plan qui le surveillait grâce à sa vision d’ensemble.
Du côté d’Azenet et d’Aypierre se dessinait un manque d’organisation flagrant, dû au fait qu’en dépit de ses efforts, le plus âgé était incapable de tenir le rythme pour deux personnes. Il faisait du mieux qu’il pouvait, mais il n’était pas assez en forme pour pallier le bras blessé de son camarade.
Melon l’avait bien senti et il avait fait en sorte que Dfg et lui se rapprochent d’eux pour pouvoir les soutenir en cas de nécessité.
Il eut bien raison de le faire. Alors qu’Aypierre peinait à se débarrasser d’un adversaire, un autre se jetait déjà sur Azenet, totalement incapable de se défendre. Melon bondit sur l’adversaire du jeune homme, laissant Dfg se débrouiller seul quelques secondes, confiant. Il se débarrassa de la menace qui pesait sur Azenet et se retourna pour arrêter la prochaine personne qui voulait l’attaquer, mais avant même qu’il n’ait le temps de faire volte face, une main heurta violemment sa tête et il recula sous le choc. Il finit dans les bras d’Azenet, qui l’attira en arrière. Aypierre avait enfin réussi à mettre son adversaire hors d’état de nuire et empêcha l’homme de frapper Melon une seconde fois. Le châtain mit quelques longues secondes à se remettre avant de se redresser. Il fit signe à Aypierre de partir aider Dfg, alors qu’il s’occuperait d’Azenet. Celui lui brisait le cœur de ne pas défendre l’homme de sa vie lui-même, mais les équipes seraient bien plus équilibrées de cette manière.
En quelques bonds, le plus âgé se retrouva auprès du brun, alors que Melon, haletant, assurait la protection d’Azenet. Ils continuèrent ainsi durant une longue durée que le châtain ne parvenait pas à estimer.
Soudain, un hurlement strident provenant probablement de la bouche de Chelxie figea tout le monde. Instantanément, les combats cessèrent. Un silence pesant prit place dans la pièce, alors que les hommes du Maître rangeaient leurs armes et se mettaient quitter le champ de bataille, portant leurs blessés, l’air grave. Melon échangea un regard avec Dfg, inquiet. Quelque chose avait dû se produire. Le grand brun détacha son regard du sien pour aller scruter la salle. Ses yeux s’agrandirent et il courut vers l’avant.
*****
Xari n’avait pas réfléchi. Et même en réfléchissant, il aurait probablement fait pareil. Mais bon dieu qu’est-ce que ça faisait mal.
Il se battait seul depuis le début de la partie, gardant un œil sur Jiraya et Zerator qui tentaient de le rejoindre, et l’autre sur Chelxie, acculée dans un coin par un nombre trop grand d’ennemis pour elle toute seule, beaucoup trop grand. Il l’avait protégée du mieux qu’il avait pu, mais les adversaires s’acharnaient sur elle, et le jeune homme n’avait pas mis long à comprendre. Toute cette bagarre, ce champ de bataille, ces armes factices que les ennemis n’utilisaient pas... Tout ceci n’était qu’une mise en scène pour la tuer. Contre elle, ils ne se contentaient pas de leurs poings, non, ils utilisaient leurs armes et tous ce qu’ils avaient à disposition. Mais ils ne lui portaient pas le coup de fatal immédiatement, non. Ils jouaient avec elle avant, pour lui laisser croire qu’elle avait une chance de s’en sortir.
(Si vous voulez une musique d'ambiance)
Alors lorsqu’il l’avait vue, accroupie sur le sol, les mains sur son crâne dans un geste désespéré de se sauver, il n’avait pas pris la peine de se poser de question. Sa décision, il l’avait prise, avant même qu’elle ne soit réellement menacée. Il s’était jeté devant elle, prenant le coup à sa place, et s’était effondré sur le sol, transpercé de part en part par cette lance qui ne lui était pas destinée.
Il avait entendu le cri de détresse de Chelxie en le voyant tomber. Tomber pour elle. C’était ironique dans un sens, et dans l’autre, cela lui paraissait tellement évident. En dépit de tout ce qu’elle avait bien pu lui faire dans ce maudit jeu, ses agissements n’enlevaient rien à ce qu’elle avait été pour lui.
Il l’avait connue deux ans auparavant, alors qu’elle n’était encore qu’à l’essai chez Eclypsia. Elle était encore timide à l’époque, mais elle s’était très vite adaptée à la vie en Angleterre et s’était creusée une place méritée dans l’entreprise. Sa bonne humeur, sa joie de vivre, ses blagues, son indifférence, son innocence... tout lui avait plu chez elle. Il l’avait aimé secrètement, jusqu’au jour où Skyyart et elle avaient annoncés à toute l’équipe qu’ils sortaient ensemble. Cette déclaration avait brisé le cœur de Xari, mais il s’y était habitué. Même sans Skyyart, il savait qu’il n’aurait eu aucune chance avec elle. Il s’était contenté de ses sourires, de sa présence dans les couloirs des bureaux, de sa voix, de ses rires, des rares fois où il avait eu l’occasion de streamer en sa présence. Elle avait été son rayon de soleil, la raison qui lui donnait du courage pour se lever le matin...
Et puis, il y avait eu le départ de Jiraya et Skyyart, emportant avec eux la jolie brune qu’elle était à l’époque. Xari en avait beaucoup souffert, sans pour autant le montrer à qui que ce soit. Il avait dû apprendre à vivre sans elle, sans sa présence pour éclairer sa vie, sans son sourire chaque jour pour lui rappeler qu’il était bien vivant.
La douleur s’était estompée, sans qu’il ne parvienne à l’oublier complètement. Il lui était arrivé de repenser à elle, dans ses longues soirées de solitudes où il s’était retrouvé seul dans le grand appartement qu’il partageait avec Maxildan et Lrb, mais il avait finit par enfouir ses sentiments au plus profond de lui même, effaçant de son esprit peu à peu son sourire et le son si mélodieux de sa voix.
Lorsqu’il avait entendu Zerator prononcer son nom, dans le salon de la maison de bois, il avait senti un poignard se planter dans son cœur. Il avait refusé de croire que celle à qui il avait porté tant d’affection et d’amour avait pu être capable de lui faire du mal, mais pourtant, c’était bel et bien ce qu’il s’était passé. Malgré tout, il n’avait pas réussi à lui en vouloir, gommant sa souffrance sous un masque d’indifférence. Il s’était haï pour cela, incapable de ressentir la moindre colère contre celle qui lui avait ravi son cœur avant de partir avec, sans jamais le lui rendre.
Et puis, il y avait eu le bateau. Lorsqu’il l’avait vu se débattre entre les griffes du Maître, il n’avait pas hésité à bondir pour aller la chercher, même s’il se savait affaibli par tout ce qu’il avait dû endurer jusque là. Il avait usé de toutes les forces qui lui restaient pour s’occuper d’elle, pour ne pas qu’elle ait froid. Pour ne pas qu’elle souffre.
Il l’avait entendu gémir son nom, comme un appel à l’aide, et il y avait répondu, parce qu’il aurait été incapable de lui refuser quoi que ce soit, de toute manière. Il l’avait prise dans ses bras, son corps a moitié nu qu’il avait tant désiré se collant au sien, mais en dépit de toute l’attraction qui l’avait envahi, il s’était interdit d’en profiter, parce qu’il la respectait trop pour oser faire quelque chose qu’elle n’aurait pas voulu.
Au petit matin, elle l’avait embrassé sur la joue pour le remercier, avant de se séparer de lui, avec cette désinvolture qui le faisant tant l’adorer. Elle s’était excusée, sincèrement, et il s’était bien gardé de lui dire qu’il lui avait déjà pardonné bien avant qu’elle ne le fasse. Il était restée avec elle sur cette petite barque, alors qu’elle lui racontait tout. Le sauvetage de Chap, celui de Dfg et puis ce que le Maître lui avait fait en apprenant qu’elle les avait aidés contre son gré. Il l’avait écouté jusqu’au bout, la rassurant de quelques paroles. C’était la seule chose qu’il avait pu faire, mais le sourire qu’elle lui avait adressé en remerciement, il ne l’oublierait jamais.
Et puis, pendant cette bataille, il avait délibérément bondit devant elle, choisissant de prendre le coup à sa place. De mourir à sa place.
Parce qu’il ne voulait pas d’un monde sans elle. Parce qu’il l’avait tellement aimé.
Parce qu’il l’aimait.
Bon sang, qu’est-ce qu’il avait mal. La douleur lancinait son corps tout entier. Il sentait son sang se répandre sur son corps, inondant son T-shirt et le sol en dessous de lui. Il l’entendait vaguement appeler son nom. Il voyait son visage crispé par la détresse au dessus de lui. Son visage si aimable qui lui semblait entouré d’un léger halo de lumière, comme si elle était un ange... Son ange...
Il allait rejoindre un monde empli d’ange, mais où elle ne serait pas...
Il sentait ses forces s’en aller petit à petit, en même temps que le sang quittait son corps. Il gardait ses yeux fixés sur le visage de Chelxie, pour pouvoir rester encore un peu avec elle. Il ne lui restait pas beaucoup de lucidité, mais il lui en restait assez pour qu’il s’interdise de prononcer ces trois mots qu’il n’avait jamais pu lui dire et qu’il ne lui dirait jamais. Il n’avait pas le droit de lui faire cela. Il la briserait, et ce n’était pas ce qu’il voulait. Il voulait juste qu’elle soit heureuse, même s’il ne devait pas contribuer à son bonheur. Même s’il ne le pourrait plus jamais.
Il rassembla le peu d’énergie qui lui restait pour prononcer une phrase. Une simple phrase. Pour qu’elle comprenne.
- Chelxie... je... je te crois... réussit-il a articuler.
Il sentit la main de la jeune fille se poser sur sa joue, alors qu’elle le suppliait de rester avec elle. Sa demande le toucha en plein cœur. Parce que celle-ci, en dépit de toute sa volonté, il ne pourrait jamais la satisfaire.
- Tire-les de là... S’il te plaît... murmura-t-il encore dans un souffle.
Elle le pouvait, il le savait. Elle connaissait le Maître, les futures épreuves et le fonctionnement des choses. S’il y avait une personne qui pouvait empêcher les autres de vivre la même chose que lui, c’était elle.
Malgré les gémissements suppliants de Chelxie, rejointe par Jiraya, il ferma les yeux, à bout de force. Alors c’était ça, la mort ? On revoyait les meilleurs moment de sa vie, les pires, et puis on avait le droit à un dernier moment de lucidité pour s’imprégner de ce qui nous entourait pour la dernière fois ? Cela lui convenait. Il n’avait plus rien à faire là. Il n’avait plus la force de lutter contre cette douleur qui l’engourdissait totalement. Il ne sentait plus aucune partie de son corps et plus aucun de ses membres ne lui répondait.
Ne tenant plus, il se laissa doucement aller, perdant peu à peu toute sensation et toute notion de ce qui l’entourait, pour plonger dans ce sommeil dont il ne se réveillerait jamais...
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Voila.
Vous vouliez un mort ? Eh bah voilà.
J'ai compris pourquoi je ne faisais jamais mourir mes personnages en l'écrivant.
Parce que j'ai pleuré comme une lavette.
(Nothing' peut en témoigner)
Euh... Vous... Vous vous y attendiez ?
J'espère que vous avez aimé.
Flo'