« Il était une fois, dans un pays magique et merveilleux, un bienveillant sorcier. Il était un homme mais, rejeté à cause de ses nombreux pouvoirs, restait seul dans son immense château. C'était sa maison et il l'aimait beaucoup. Malheureusement la solitude était très dure à supporter. Petit à petit, chaque jour passant, le mage dépérissait lentement.
« Si j'utilisais ma magie pour me créer des amis ? »
Il lança alors un sortilège sur différents meubles de son château. Ces derniers se mirent à parler, à s'animer, à vivre. Le vieil homme avait enfin trouvé des compagnons. Ils passaient leurs journées à discuter et à jouer.
Mais tout est éphémère dans ce monde.
Lors d'un incendie, le miroir de verre est retourné à l'état de poussière. Le bois sombre de la petite chaise a été dévoré sans aucune gêne par les termites. Les légers verres de cristal se sont brisés en morceaux ...
Un à un, tous finirent par le quitter. Il prit alors une décision.
« Si tout peut être détruit et usé, je n'ai plus qu'à ranimer quelque chose d'éternel. »
Il rassembla toutes ses forces et déversa toute sa magie, toute son énergie vitale, tous ses sentiments les plus puissants dans son château.
Tel le manoir de la Bête ou la maison de Merlin, dotée d'une volonté propre, l'immense bâtisse aidait son maître. Après s'être éveillé, le château avait commencé par ouvrir les fenêtres et la porte de la façade principale. Il semblait ouvrir les yeux sur un monde inconnu, comme un nouveau-né. Cependant, les miracles n'engendrent pas tout le temps le bonheur.
Le mage, déjà âgé, s'affaiblissait de plus en plus. Il savait que, dorénavant, sa « création » était liée à lui. Sa magie et son corps devenaient fragiles. Un simple tremblement aurait suffi à le briser. Il était conscient de son état. Il savait qu'il ne tiendrait plus longtemps. Mais il résistait ne pouvait laisser son château seul.
Les villageois, s'ils avaient eu vent de cette histoire, auraient ri. Ils ne pouvaient comprendre sa souffrance. Ce château ne possédait ni nom ni réel propriétaire mais il était une part d'espoir. Comme un animal recueilli par crainte de s'abandonner à la solitude. Personne ne comprenait rien.
Durant trois longues années, un lien unique se tissa entre eux. Tous deux avaient maintenant le courage de laisser partir l'autre. Couché dans son grand lit rouge, le vieillard ferma les yeux et expira une dernière fois. Il n'était plus. La terrible maladie qui le rongeait l'avait terrassé. Il ne fallut qu'une poignée de semaines pour que le château ne devienne qu'un amas morne et triste de pierres, entassées les unes sur les autres, sans réel sens. Sans le magicien, il allait lui aussi disparaître. Il ne survivrait pas très longtemps.
Or, un beau jour, un roi venu d'un pays ravagé par la guerre, passa devant la bâtisse délabrée. Il avait tout perdu, il n'était plus rien. Lui et sa femme, jusqu'à cet instant, déambulaient sans quête, sans but, sans espoir. Mais ce léger souffle insufflé par le sorcier passé leur parvint. Ils choisirent de s'installer là, à cet endroit que tous avaient oublié.
Ils suèrent sang et eau afin redonner à ce château sa splendeur d'antan. Ils y parvinrent mais il manquait tout de même quelque chose. Quelque chose d'essentiel. Ils vécurent paisiblement malgré cette étrange sensation. Ils avaient enterré le mage sans réellement connaître son identité.
Les habitants s'accoutumaient à leur nouvelle maison. Ils devenaient de plus en plus heureux. Ils retrouvèrent la joie de vivre, celle d'espérer.
Il s'éveilla une deuxième fois. Comme à sa naissance, les fenêtres s'entrouvrirent ? De nouveau, le château agissait indépendamment. Le roi et la reine lui avaient permis de vivre. Ils s'apprivoisèrent lentement, à leur manière. A son grand étonnement, les humains n'avaient pas fui. Ils avaient compris et s'étaient adaptés.
Ils vécurent tous heureux et ce bonheur fut communiqué aux enfants. Le château pu continuer à vivre. Il avait retrouvé un cœur. »
Le livre d'histoire se referme sans un bruit. La jeune femme assise sur un lit d'hôpital sourit au petit garçon à côté d'elle.
« Fin. Alors, ça t'a plu ?
- Ouais ! Mais c'est triste pour le magicien quand même ... »
Une main vient ébouriffer les cheveux bruns de l'enfant. Il se retourne et s'écrie en ouvrant les bras.
« Papa !
- Eh bien, on dirait que tu es resté bien sage avec ta mère.
- Ouais, elle m'a raconté une super belle histoire. »
Ses yeux se tournent vers sa femme, emplis d'inquiétude.
« Tu vas bien ? Ne te force pas trop. Ça fait à peine quelques heures que la greffe de ton cœur ... Que l'opération s'est terminée.
- Ne t'inquiète pas. Tout ira bien. Après tout ça, je reprends enfin espoir, je peux enfin être heureuse avec vous. »