Hello peuple de TCS !
Y a-t-il encore des gens qui se souviennent de moi ?
Peut-être que oui, peut-être que non. Honnêtement, ça fait bien longtemps que je n'ai plus partagé mes textes. Mon rythme d'écriture s'est considérablement amoindri ces dernières années, mais ça ne m'a pas empêché de noircir un peu de papier (en l’occurrence, des documents Word), et j'aimerais aujourd'hui partager avec vous un très long One shot que j'ai écrit il y a deux ans.
Vous vous souvenez de cette histoire, ce RP de Sohuna et Nyal qui était passé aux tous derniers coups de cœur qui aient existé sur le forum ?
Mais oui...
ce texte-là !Dahlias rouges et Tournesol...
Ce texte incroyable m'a hanté durant des semaines, jusqu'à ce que je me résolve, défiant Nyal et Sohuna de faire pareil, à écrire une suite !
Mon long one-shot est donc la suite de cette histoire que j'avais tellement aimé, et je suis toute émue de vous le partager enfin aujourd'hui ! Comme c'est un grand texte, je l'ai découpé en trois grandes partie. J'essaierai de les poster les mercredi après-midi ces prochaines semaines ;D
Je ne sais pas s'il y aura encore du monde ici pour lire mes bêtises, mais sachez que je serais ravie de connaître vos avis, remarques et critique sur ce grand travail, alors n'hésitez pas à mes les laisser en commentaire !
Aussi, je tiens à remercier la plus incroyable de tous, Mlle Eposhina, la dessinatrice des différentes images que vous verrez en couverture de chacune de ces trois parties ! Vraiment, elle mérite juste tout l'amour du monde... <3
Sur ce, mes chers, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une agréable lecture.
La partie 1 est trop longue pour que je puisse la poster en un seul message... Attendez-vous donc à ce que je poste la suite en réponse à ce message ;D
Je vous souhaite à tous un bel après-midi ! Prenez soin de vous dans ces temps difficiles !
Floraly
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Myosotis et géraniumPart I Les rayons du soleil caressaient son visage, cajolant sa peau pâle, de son visage détendu à ses pieds nus dont le talon s’enfonçait verticalement dans l’herbe fraîche. Les brins verdoyants de cette dernière lui chatouillaient la nuque, balancés par la faible brise venue du lac. Un bruissement léger, ajouté au paisible son des vagues, formait un agréable bruit de fond. Il était régulièrement couvert par les cris et les discussions vives des nombreuses personnes venues passer ce bel après-midi de début d’été sur la pelouse au bord du lac.
Allongé sur le dos, les mains posées sur le ventre et les yeux clos pour se protéger de la luminosité prononcée du ciel, Carl-Antoni ne faisait pas exception à la règle. Après les examens de fin d’année, l’idée de ne rien faire et de profiter du soleil n’était que trop alléchante. Il était resté enfermé bien trop longtemps à son goût devant des livres et des cahiers. La faute en revenait à ce très cher Brendan, son infatigable meilleur ami, qui ne l’avait pas lâché d’une semelle durant les dernières semaines pour le forcer à réviser. Et même si Carl avait passé beaucoup de temps à râler, il savait bien au fond de lui-même qu’il devait une grande partie de sa réussite scolaire à la persévérance de son meilleur ami...
Un nuage se glissa devant le soleil et les paupières du jeune homme se décrispèrent avec soulagement en réaction à la baisse de luminosité. Il sentit du mouvement près de lui mais ne s’en inquiéta pas, plongé dans une détente et un calme profonds.
Pourtant, lorsqu’une main tiède se posa sur sa joue, accompagnée à peu d’intervalle par une paire de lèvres brûlantes qui se scellèrent aux siennes, Carl-Antoni sentit toute sérénité quitter son corps. Un souffle chatouilla son visage alors que la pression délicieuse de cette bouche contre sa peau s’accentuait tendrement, avec une insistance joueuse qui trahissait l’envie d’une réponse. Le cœur de Carl dut rater quelques battements, alors que sa respiration devenait erratique, tout comme le cours de ses pensées.
Il ne chercha toutefois pas à lutter contre l’avalanche de sensations qui se propageait dans son être entier, amenant délicatement ses lèvres à participer à ce baiser tranquille, d’une intensité bien présente mais paresseuse, familière, confortable. Un confort qui ne fut que de courte durée, trop courte au goût de Carl qui décolla désespérément sa nuque du sol à la poursuite de ces lèvres frivoles s’en allant déjà. Il récolta une caresse sur la joue pour toute excuse, avant que le contact ne disparaisse, le laissant frustré mais heureux.
Il ouvrit les yeux. Ses iris pâles tombèrent sur l’éclatante beauté du ciel, un bleu d’une clarté éblouissante, juste taché de quelques nuages duveteux. Mais bien que le spectacle lui plaise beaucoup, l’objet de ses convoitises, lui, se trouvait bien plus à ras du sol, et bien heureusement. Le regard de Carl glissa sur le côté pour tomber sur une silhouette qu’il ne connaissait que trop bien.
Zerator s’était redressé jusqu’à être assis dans l’herbe, les genoux serrés contre son torse, cerclés de ses bras. Son regard était perdu sur le paysage, observant les eaux scintillantes du lac avec une douce mélancolie.
Carl resta immobile quelques instants, les yeux fixés sur le dos de son précieux petit ami. Il basculait entre l’allégresse et l’intrigue, encore surpris, mais pas moins ravi par ce baiser que venait de lui offrir Adrien alors qu’ils se trouvaient au beau milieu de la moitié des élèves de l’école. Si Zerator, le bien connu commentateur et brailleur de Poufsouffle, était quelqu’un de plutôt extraverti et libéré, il était toutefois bien plus pudique et discret quant à ses relations. Pas qu’il ne cherche à cacher leur liaison, bien évidemment, mais il semblait préférer garder les gestes tendres et autres effusions pour leur intimité, à l’abri des regards. C’était quelque chose que Carl respectait, bien qu’il ait généralement du mal à résister à la tentation, même après quelques heures seulement de séparation, de lui plaquer un long baiser langoureux sur les lèvres et de le tenir contre lui pour être sûr qu’il ne s’échappe pas à nouveau.
Alors, le fait que Zerator trahisse ses principes l’intriguait, tout autant qu’il lui plaisait. Et peut-être que cela l’inquiétait un peu, aussi.
Il prit donc appui sur ses coudes pour se relever et singea la position de son petit ami, sauf que plutôt que de regarder l’eau, il appuya sa tête contre ses genoux pour voir le visage de l’autre, distrait, perdu dans ce paysage qu’il ne semblait même pas voir. Pour lui faire remettre les pieds sur la planète terre, Carl se balança doucement et lui poussa l’épaule, malicieux.
- Alors ? Monsieur Adrien ne peut plus me résister ? le taquina-t-il, appuyant volontairement davantage sur ses intonations canadiennes.
Zerator secoua la tête doucement, un rictus amusé, bien que distant, se dessinant sur son visage.
- Aah, Carl-Antoni... , répondit ce dernier en laissant traîner la dernière voyelle sur sa langue, comme pour créer du suspens.
Mais la suite ne pointa pas le bout de son museau et leur conversation s’arrêta là, décevant légèrement le canadien qui avait l’habitude de voir son petit ami bien plus enjoué et mordant. La fin de l’année, et de sa scolarité par la même occasion, affectait le brun plus qu’il n’aurait aimé le laisser paraître, et Carl se retrouvait un peu démuni devant la nostalgie de son petit ami. Poudlard avait été le foyer de Zerator durant sept longues années. Le quitter devait lui paraître bien étrange.
- Dire que tu seras plus là l’année prochaine, souffla Carl. Il va me falloir une nouvelle motivation pour jouer au Quidditch.
L’autre pouffa doucement, mais le cœur n’y était pas. Le blond sentit son cœur se serrer à l’idée que Zerator n’arpenterait plus les couloirs de l’école l’année suivante, alors que lui y serait encore coincé, embarqué pour deux longues années supplémentaires. Son petit ami allait terriblement lui manquer.
- Carl, à propos de ça...
Intrigué, le jeune homme se tourna vers son camarade, la joue écrasée sur son genou. L’autre semblait observer l’horizon, esquivant son regard, ce qui eut pour effet de rendre Carl inquiet. Il était rare que Zerator montre des signes de nervosité, mais lorsque c’était le cas, il n’était pas difficile de les débusquer. Ce regard fuyant, ces mains crispées autour de ses jambes, ces épaules remontées, que de mauvais signes qui hurlaient à Carl qu’il n’éprouvait aucun plaisir face à ce qu’il s’apprêtait à lui dire.
- Dans deux jours, je quitte Poudlard définitivement. Dans une semaine, je commence mon nouveau travail et je serai forcé de voyager tout le temps un peu partout. Et toi, après tes vacances, tu vas revenir ici pour deux années de plus, continuer tes études avec tes amis...
Carl sentit un nœud se former dans sa gorge tandis que le ton de Zerator se teintait d’émotion tout en restant terriblement calme. Il ne lui apprenait rien, mais ce qui était un simple rappel des faits pesait lourd dans la gorge de Carl. Parce que c’était difficile à entendre, mais aussi parce que le fait que Zerator se sente obligé de le répéter n’augurait rien de bon...
- Il va être temps d’investir dans un hibou, blagua Carl, tentant maladroitement de détendre l’atmosphère, mais il ne fit au final que tendre une perche à Zerator, qui enchaîna dans un soupir défait :
- Et quoi ? On s’écrira pour se raconter nos journées, on essaiera tant bien que mal de se voir une fois par année ? Carl, toi et moi, c’est physique, c’est vivant. On tiendra jamais sur du papier. On va juste finir par se manquer, et se frustrer, et s’énerver, ça va nous faire du mal...
Le cœur de Carl se déchira dans sa poitrine. Les mots de Zerator trouvaient un sens en lui, mais il ne parvenait pas à les accepter. Il savait que ce serait dur, mais il ne voulait pas laisser tomber la relation qu’il entretenait avec le Poufsouffle. Pas après tant d’années à l’avoir cherché, pas après les six mois enivrants de bonheur intense qu’ils avaient vécus.
- Adri-
- Je dis pas qu’on doit tout arrêter. Mais peut-être que ce serait bien de... laisser tout ça de côté. Jusqu’à ce qu’on trouve de meilleures conditions pour tout reprendre.
Carl retint son souffle, frustré que l’autre ne le laisse pas prendre la parole pour se défendre. Mais alors que son esprit embrouillé cherchait désespérément des façons de convaincre Zerator qu’ils seraient capables d’affronter tout ça, l’évidence le frappa, comme une douche glacée par moins dix degrés.
Ses arguments étaient raisonnés, son ton sans appel. Le brun avait du mûrir cette réflexion durant un long moment, il l’avait pensée, sans doute tournée dans tous les sens. S’il lui en parlait aujourd’hui, c’était que sa décision était prise. Ce n’était pas une suggestion de sa part, il ne faisait qu’exposer ce qu’il avait choisi, sans attendre d’avis en retour. Carl se prit le rejet de plein fouet, sonné, écœuré. Il avait beau être quelqu’un de déterminé, il ne pouvait pas lutter contre la résolution de quelqu’un qui ne voulait plus de lui...
- Tu veux qu’on se sépare...
- Carl, crois-moi, ça me déchire autant que toi... mais c’est la meilleure décision à prendre...
- Tu me quittes, tu me brises le cœur, et c’est la meilleure décision à prendre ?!
- Réfléchis deux secondes avant de m’accuser, Carl. J’ai confiance en toi, je sais qu’on pourrait tenir même à distance, mais on ne peut pas s’infliger ça. S’enfermer là-dedans, ça risquerait de nous détruire. Mets-toi à ma place, je vais vers l’inconnu et je ne vais pas me permettre de te laisser poireauter en attendant que j’aie du temps à te consacrer. Ce serait pas correct de ma part.
La voix de Zerator était désolée, légèrement sur la défensive. Carl pouvait lire le regret dans ses yeux. Le regret et la peine. Mais en lui-même, il laissa la colère surpasser tout le reste, incapable de gérer la situation avec autant de calme que pouvait en avoir son interlocuteur.
- Tu m’niaises ? s’énerva-t-il. J’ai passé cinq ans, cinq ans à te regarder de loin, à attendre que tu me donnes de l’attention, qu’on se rapproche... et quoi, tu nous laisses six mois et tu arrêtes tout sans nous laisser la moindre chance ?
Rageusement, Carl ramassa ses chaussures et se releva, d’un saut brusque, les poings serrés.
- Carl... Sois pas borné, s’il te plaît. On est pas obligé de finir comme ça...
Les mouvements du jeune homme se ralentirent, devinrent hésitants. Il accorda un regard au visage d’Adrien et regretta presque immédiatement de l’avoir fait. Les yeux humides, l’air sincèrement désolé de son visage... Au moins ne le laissait-il pas partir de gaieté de cœur, mais Carl voyait bien dans ses prunelles azurées sa résolution, qui ne lui laissait aucune chance. Entre eux deux, Zerator avait toujours mené la danse, si c’était lui qui décidait d’y mettre un terme, Carl n’avait plus qu’à retourner se ranger sur le banc des solitaires.
Mais ce qui fit le plus mal au blond, c’était que même après qu’il lui ait éclaté le cœur, la seule chose qu’il rêvait de faire en voyant le visage de Zerator, c’était de l’embrasser de tout son soûl, jusqu’à en perdre son souffle.
Il sentit sur ses lèvres renaître la douceur du baiser qu’ils avaient échangé à peine quelques minutes plus tôt, teintée d’une saveur amère. Cela avait été un baiser d’adieu. Il ne l’avait pas compris.
- Carl, souffla Zerator, de sa voix chaude qui lui avait procuré tant de joie, mais lui fit si mal à cet instant.
Pourquoi s’obstinait-il à le rappeler alors qu’il cherchait au contraire à l’éloigner ? Carl n’avait jamais cru aux relations à longues distances. Mais pour Zerator, il aurait fait l’effort. Parce qu’il l’aimait.
Calice, il l’aimait.
Il remonta son bras à ses yeux et appuya fort contre ses paupières closes, avant de prendre ses jambes à son cou, quittant la pelouse d’un pas vif, entre la marche rapide et la course. Il ne salua personne dans les couloirs, traçant son chemin dans la foule sans voir personne, ses pieds l’amenant machinalement à la tour des Gryffondor.
Il allait traverser la salle commune à la même allure, sans s’arrêter, le cœur battant, les yeux beaucoup plus humides que raisonnablement.
- Carl !
L’interpellé ne s’arrêta pas, filant tout droit à côté de la provenance de cette voix si familière qu’il aurait préféré ne pas entendre. Mais une démarche lourde se fit entendre à ses trousses et il jura intérieurement.
- Lâche-moi, Bren.
Évidemment, sa voix tremblante et son attitude alarmante n’étaient pas le genre de chose devant lesquelles son meilleur ami risquait de s’incliner. Au contraire, il entra dans leur dortoir à sa suite, et lui attrapa le poignet avant qu’il n’ait le temps de s’écrouler sur son lit.
- Qu’est-ce qui se passe, Carl ?
- Rien, laisse-moi, maugréa le jeune homme qui avait plus que tout envie de se retrouver seul pour déshydrater son corps à l’aide de ses yeux.
- Me prends pas pour un blé d’inde, Carl. Il s’est passé un truc avec Zerator, sinon tu serais encore revenu avec ta tête d’imbécile heureux, et pas avec cette tête d’imbécile malheureux.
Carl laissa échapper un soupir accablé alors qu’il cherchait une manière de dire les choses sans les dire, histoire de ne pas mouiller sa fierté déjà bien piétinée, tout en donnant une excuse crédible à son meilleur ami. Mais les bras de ce dernier s’enroulèrent trop vite autour de lui, l’entraînant dans une étreinte chaleureuse et rassurante contre laquelle Carl n’avait aucune arme. Alors il plongea son nez contre l’épaule de Bren, abattu, luttant à grand peine contre sa tristesse qui menaçait d’éclater à tout instant. Et dans un élan de courage, il modula une simple phrase, parce qu’il n’était pas capable d’en dire plus.
- Adrien et moi c’est fini.
C’était dit. C’était vrai.
Et Bren le serra plus fort contre lui.
**
Le bleu des beaux jours n’émerveilla plus Carl cet été-là. Les jours de pluie semblaient plus en accord avec ses humeurs teintées de gris, et ce ne fut qu’avec l’arrivée du temps morose de l’automne que sa vie sembla reprendre son cours. Poudlard, ses amis, ses cours, le Quiddich, tant des choses qui lui rappelaient douloureusement Zerator, mais elles occupaient son esprit, assez pour que ses souvenirs entachés deviennent moins déchirants.
L’hiver arriva, et rattrapa le semblant de distance que Carl semblait avoir pris avec l’automne. Les effusions d’amour et d’affection de la période des fêtes ne firent que lui rappeler son manque dérisoire, alors que la date qui aurait dû célébrer leur premier anniversaire approchait à grands pas.
Il apprit alors à afficher une façade, pour arrêter d’inquiéter le pauvre Bren. Ce dernier finit par accepter l’illusion, et le printemps arriva, apportant avec lui de nouvelles résolutions. Carl décida d’arrêter de penser à Zerator. Il se plongea corps et âme dans ses études, s’impliqua maladivement dans l’équipe de Quiddich de sa maison, et tenta de se convaincre qu’il avait tourné la page.
En vain.
Le deuxième été fut moins difficile, tout comme le fut la deuxième rentrée. Sa dernière. La mélancolie de ses dernières fois à Poudlard remplaça celle des dernières fois avec Zerator. Soigneusement rangés dans un tiroir de son esprit, ses souvenirs s’estompèrent et il pensa être guéri.
Ah, si seulement elle avait pu se taire, cette petite voix au fond de lui qui lui hurlait qu’il ne le serait jamais...
Aux quatre coins du monde, les saisons semblèrent filer en un éclair pour Zerator. Constamment occupé, l’esprit en ébullition pour mener à bien ses projets, il ne se laissa pas penser au passé, focalisé sur le présent et le futur qu’il cherchait à atteindre. Un futur dont il commença à apercevoir la possibilité au bout d’un an, et pour lequel il se battit durant les six mois qui suivirent...
**
Le grincement strident d’une porte qui s’ouvre, le claquement sec de ladite porte qui se referme. De quoi déranger le silence nocturne de tout le bâtiment, mais ça, le nouveau venu n’en avait que faire. Une pile de papiers bien rangés serrée précieusement contre le torse, ce fut avec empressement qu’il enfonça le bouton de l’ascenseur et il regarda ce dernier s’allumer avec un brin d’impatience. Mais pour grimper jusqu’au cinquième étage, impensable de prendre les escaliers. Son nouvel appartement se situait dans un immeuble possédant un ascenseur, autant en profiter. Il grimaça, blasé. Cela faisait trois mois qu’il y habitait, mais cet endroit resterait son « nouvel » appartement jusqu’à ce qu’on lui annonce sa prochaine destination. Alors, l’appartement passerait de « nouvel » à « ancien » sans passer par la case « son appartement » …
L’appartement en lui-même n’avait rien d’extraordinaire. Il était fonctionnel et lui appartenait, comme sa petite bulle au centre d’une ville et d’un pays dont il avait tout eu à apprendre. S’il aimait voyager et découvrir de nouveaux endroits, les déménagements, en revanche, avaient vite perdu de leur charme et n’étaient plus qu’un inconvénient majeur, même si à force d’en effectuer, il était devenu un as dans le domaine.
L’homme jeta ses clefs sur la table en arrivant, dédaigneux, mais soigna avec beaucoup plus de précautions le journal qu’il tenait entre ses bras. Il le déposa sur la table de la cuisine et, par pur masochisme, s’avança vers la machine à café pour s’en préparer un avant de jeter un œil à son nouvel objet d’attention. Le liquide brunâtre coula avec une lenteur exagérée dans la tasse, mais cela ne fit qu’augmenter l’excitation et l’impatience de l’homme qui n’attendait plus que de s’asseoir à la table, de laisser sa boisson refroidir sur le coin de celle-ci et de se plonger dans la lecture de l’article qui l’intéressait tant.
Ce journal n’était pas n’importe quel journal. C’était une édition provisoire de
La Gazette Du Sorcier. Celle du surlendemain, plus précisément. Elle lui avait été livrée par un hibou quelques heures auparavant, mais il s’était interdit d’y poser les yeux, trop occupé par son travail. Enfin, il était chez lui, au calme, et plus rien de l’empêchait de savourer ce moment comme il en avait envie. Alors il attrapa sa tasse de café brûlante, la posa près de lui, et s’installa à la table avec satisfaction. Il déroula le journal.
C’était là, en première page de la gazette, accompagné de l’image vivante et acrobatique d’un joueur en plein match de Quidditch. Il sourit. C’était parfait. Il dévora les lignes, une à une, savourant chacune d’entre elles. Voilà de longs mois qu’il se battait pour ce projet. De longs mois qu’il était parti de chez lui, laissant derrière lui sa famille, ses amis, son chez-lui. De longs mois qu’il voyageait sur tout le globe pour acquérir de l’expérience, participant à l’élaboration et à la mise en place de nombreux événements. Il s’était ainsi créé un réseau de personnes fiables, amies et compétentes, qui avaient accepté de le rejoindre dans le projet fou qu’il rêvait de réaliser.
L’idée était si audacieuse qu’il se devait de commencer petit. Cela occasionnerait un retour aux sources qui lui ferait du bien, entre quatre murs qui lui avaient toujours paru être son second chez lui, si ce n’était parfois le premier. Il sourit et trépigna sur sa chaise, excité et fier à l’idée que, le surlendemain, ce projet allait être dévoilé au grand jour à tous les sorciers susceptibles de lire
La Gazette du Sorcier. Mais tous ne l’intéressaient pas. Ce qui le faisait vibrer, lui, c’était la réaction de ses anciens camarades, à Poudlard. Là où s’organiserait son projet, là où tout commencerait ou finirait. Son cœur fit un bon dans sa poitrine. L’idée motiverait-elle les élèves comme elle le motivait ? Seraient-ils emballés et désireraient-ils participer, ou n’y aurait-il qu’une minorité de volontaires ?
C’était à la fois excitant et effrayant, mais s’il y avait une chose qui lui serrait le cœur, plus que tout le reste, c’était ce visage. S’il s’était battu durant ces longs mois pour en arriver où il était désormais, c’était aussi pour lui. Oh, il savait que de nombreux joueurs seraient intéressés par la compétition qu’il allait présenter. Mais parmi tous les joueurs, il n’y en avait qu’un seul dont l’avis comptait réellement.
Son joueur.
Carl-Antoni Cloutier.
**
Les lueurs dorées du soleil se reflétaient sur le vieux parquet ciré, constellé d’affaires en désordre et de sacs mal rangés. À ces heures-là, le silence n’était couvert que par des frottements aériens de tissus et des murmures soufflés à demi-mot. De temps à autre, un pas plus lourd se faisait entendre, preuve que la pièce aurait cruellement eu besoin d’une petite remise en ordre, mais les quelques occupants de ces lieux n’en avaient pas grand-chose à faire.
C’est dans cette ambiance feutrée du matin que Carl sentit sa conscience revenir à lui pour la seconde fois. Son premier réveil n’avait été que de courte durée, tout juste assez long pour qu’il entende le concert complet des sonneries stridentes de leur alarme avant que l’un de ses camarades de chambre ne se dévoue en grommelant pour aller l’éteindre. Et puis il avait sombré à nouveau. L’entraînement de la veille avait duré tard, bien que Mme Bibine lui ait conseillé d’éviter de s’entraîner la veille d’un match. Mais pour Carl, c’était devenu une habitude.
- Allez la marmotte, remue-toi ou tu vas rater le p’tit déj’. Et pas question que tu te pointes au match avec le ventre vide !
Le corps de Carl tangua sous une poigne qui se voulait douce et il grogna, à la fois de mécontentement et d’approbation, pour signifier que le message était passé. Bren lui frappa gentiment l’épaule avant de s’éloigner d’un pas pressé, certainement pour rejoindre les autres qui l’attendaient déjà dans le couloir. La chambre retrouva bientôt un silence confortable et Carl laissa traîner ses oreilles quelques secondes, à l’affût des différents bruits qui se propageaient déjà dans la tour de Gryffondor. Il aurait adoré rester encore quelques longues minutes à paresser dans ses draps douillets, mais Bren avait bien raison : arriver à un match sans rien dans l’estomac était inconsidéré.
Alors, il se débarrassa de sa couverture et fila se blottir dans des habits plus chauds que son pyjama d’hiver. Le printemps pointait désormais le bout de son nez, et si cette saison était porteuse de renouveau et de joie pour de nombreux étudiants puisqu’elle ramenait le soleil, Carl n’arrivait pas à apprécier sa venue à sa juste valeur cette année-là. D’une part à cause des examens de fin d’année qui s’annonçaient lourds, et d’autre part, car ce serait sa dernière saison complète en tant qu’élève à Poudlard. Et pour être honnête, la perspective de ne plus remettre les pieds dans cette école lui filait la frousse.
Il nageait toujours un peu dans les vapes lorsqu’il déboula dans la Grande Salle pour rejoindre ses camarades. Même si le réfectoire géant était généralement bien plus animé les matins avant les matchs de Quidditch, rien n’avait pu préparer Carl au volume de la pièce en ce simple samedi. Le jeune homme se faufila entre deux tables, esquivant à grand peine les élèves aux conversations surexcitées qui, malgré la brume dans laquelle son esprit semblait encore nager, piquèrent sa curiosité. Le match du jour n’était qu’un bancal Gryffondor-Poufsouffle, pas de quoi créer une émeute pareille…
Il repéra bien vite ses coéquipiers rassemblés sur un segment de table, comme à leur habitude avant un match. Il s’en approcha rapidement, pas beaucoup plus alerte qu’à son entrée dans la pièce malgré l’effervescence qui semblait en avoir saisi les occupants. Bren lui avait laissé une place à côté de lui et Carl ne manqua pas de s’y installer lourdement avant d’attraper mécaniquement une brioche en saluant tout le monde. L’ébullition générale semblait également avoir atteint ses amis, qui s’étaient tous regroupés autour d’un énorme journal dont ils semblaient lire le contenu avec un enthousiasme non modéré.
- Quelqu’un pourrait m’expliquer ce qui se passe ?
En quête d’un peu de lumière sur cette histoire, Carl se tourna machinalement vers Bren, qui ne semblait étrangement pas touché par la même fièvre que les autres. Le regard mi-inquiet mi-désolé qu’il lui adressa lui fit froncer les sourcils, mais il n’eut pas le temps de s’en préoccuper bien longtemps. On lui colla un journal sur le nez et le pauvre Gryffondor ne put que loucher sur l’image bien trop dynamique à son goût d’un joueur de Quidditch en plein match. En sentant une migraine poindre au fond de son cerveau, Carl repoussa gentiment l’image à plus de quatre centimètres de son visage, en espérant y comprendre quelque chose.
- Oui, mais c’est quoi ? finit-il par s’agacer un peu, pas vraiment fait pour être aussi brusqué dès le matin.
- Lis ! Lui répondit l’autre en agitant le papier devant lui.
Carl grogna. Il aimait les joueurs de son équipe. Mais parfois, il aurait aimé que la bande compte un peu moins de surexcités dans son genre.
- Nan bro, lis-le moi s’te plaît.
- Je mange, se plaignit l’autre. Mais tiens, Lulu a fini. Lis-nous l’article !
La
Gazette du sorcier (Oui parce que le titre était écrit au moins assez grand pour que Carl ait pu le percevoir) traversa la table pour se retrouver entre les mains d’un petit rouquin aux airs enfantins que Carl affectionnait tout particulièrement. Lucas, de son vrai nom, était entré dans l’équipe l’année précédente. Jeune prodige sur un balai, il avait bien rapidement fait ses preuves en tant qu’excellent poursuiveur et Carl lui souhaitait secrètement la place de capitaine d’équipe pour dans quelques années. Il avait beau être timide et réservé au premier abord, ce gosse avait plus d’un tour dans son sac.
Il attrapa le journal, un peu mal à l’aise, et sembla chercher directement dans l’article la partie intéressante. Carl le remercia intérieurement de cette attention en mordant dans sa brioche.
- Cette année, Poudlard sera donc la scène d’une nouvelle compétition inédite du monde des sorciers : les Joutes Aériennes. Ils aiment voltiger sur un balai mais n’ont pas envie de s’intéresser aux stratégies trop complexes du Quidditch ? Ces joutes aériennes sont faites pour eux ! Les inscriptions sont ouvertes à tout élève de Poudlard qui souhaiterait relever le défi que représentent les quatre disciplines présentées : « La chute libre », « Sans les mains », « Les 20 cerceaux ardents » et « En un seul morceau »! Ces disciplines n’ont pas encore été dévoilées au grand jour, mais l’on peut s’attendre un beau spectacle...
- J’aime ça, fit Carl en acquiesçant.
Une annonce qui avait effectivement de quoi le réveiller. Le sourire qu’il afficha alluma des flammes dans ses yeux. Cette compétition avait l’air très intéressante.
- ... comme nous le précise l’organisateur de cet impressionnant tournoi :
Lulu fit mine d’ouvrir des guillemets avec ses doigts.
- « J’ai toujours aimé l’euphorie des matchs de Quidditch, la compétition, le suspens. Mais les joueurs sont rarement livrés à eux-mêmes. Il est difficile de désigner le meilleur joueur dans un jeu d’équipe. Cette compétition sera là pour les départager, mais aussi pour donner une chance à tous les pros du balai qui n’auraient pas eu envie de se ranger dans une équipe ! Et puis, la maîtrise du balai est importante au Quidditch, mais elle se remarque finalement assez peu en match. Ce que je veux, c’est mettre au grand jour l’habileté des joueurs et leurs capacités à manier leur balai dans des circonstances plus périlleuses. Je n’en dirai pas plus, les disciplines seront dévoilées bientôt, mais vous pouvez me croire, cette compétition promet du beau spectacle. » C’est donc dans un retour aux sources des plus touchants que Zerator, commentateur de Quidditch durant ses belles années à Poudlard, vient tester son prototype dans cette école qui...
La brioche de Carl venait de lui échapper des mains. Presque deux ans plus tard, l’entente de ce nom arrêtait toujours son cœur, coupait toujours son souffle. Immobilisé par le choc, il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses mouvements, récupérer sa brioche, déglutir bruyamment.
Faire comme si rien ne l’avait affecté devant les gars de l’équipe.
Zerator, Zerator, Zerator...
- Alors, tu vas participer Carl ? Tu devrais, t’es trop fort à ça !
Zerator, Zerator...
- On verra.
Zerator...
- Carl...
C’était la voix de Bren cette fois-ci, posée, mais trahissant une certaine inquiétude. Le Griffon n’était pas sûr d’être capable d’affronter le regard de son meilleur ami. Aussi, il serra son en-cas dans son poing et sortit de table, sans un mot.
- On se voit tout à l’heure pour le match.
Et puis il partit, sans plus de cérémonie.
Ses pas le menèrent machinalement au terrain de Quidditch et il se débarrassa au passage de son repas entamé. La lecture de Lucas lui avait coupé la faim.
Il fulminait. De quel droit ? De quel droit Zerator osait-il refaire apparition dans sa vie, sans crier gare, après s’être cantonné au silence radio durant de si longs mois ? Oh oui, Carl lui en voulait. Il lui en voulait de ne pas l’avoir prévenu, d’avoir organisé cette compétition à son insu, dans son école, sans même l’avoir consulté avant ! Une compétition de Quidditch, qui plus était. Son domaine de prédilection ! Juste sous son nez !
Il se mit à courir, à trottiner sur le terrain pour essayer de se changer les idées. Mais non, les mêmes images tournaient en boucle dans sa tête. Et elles criaient au mensonge. Sa colère ne tint pas longtemps avant de tourner en résignation. Il n’en voulait pas à Zerator pour cette stupide compétition. Il ne lui en voulait pas non plus de ne rien lui avoir dit. Comment aurait-il pu ? Ils n’étaient plus rattachés l’un à l’autre, désormais. Plus depuis... si longtemps.
Mais Carl avait juste peur. Peur de découvrir que Zerator avait tourné la page, peur qu’il ait trouvé quelqu’un d’autre.
Peur qu’il ait avancé là où lui n’avait fait que se noyer dans le passé.
Il avait peur que Zerator revienne voler les morceaux de son cœur en miette.
Et il était terrifié à l’idée de ne vouloir que ça...
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