« Je ne sais pas si, un jour, je pourrais être sauvée de ces cauchemars. Ils reviendront, toujours plus effrayants, se nourrissant de mes pires phobies. »
Je marchais, regardant mes pieds. J’étais toujours vêtue de mon pyjama, mais je ne me trouvais plus sous ma couette, rassurée par la douce odeur de vanille qu’elle dégageait. Je traversais maintenant un couloir au sol quadrillé noir et blanc recouvert de sang, aux mûrs rouges ternis par de longues et laborieuses années à se tenir là, avec, pour seuls décors, des affiches placardées de travers, censées représenter des enfants aux larmes de sang. Dans le lointain, en tendant l’oreille, on entendait les clapotis de gouttes d’eau, de sang, d’acide, ou quelque de très peu rassurant. La lumière, au plafond, clignotait d’une manière inquiétante. J’étais déjà venue ici, dans mes rêves, ou plutôt, dans mes cauchemars. Je connaissais ces lieux par cœur.
La première fois, la vue du sang m’avait fait hurler, et je m’étais éveillée, toute tremblante, dans ma chambre.
La deuxième fois, je m’étais avancée, hésitante, vers le bout de ce corridor, et y avait aperçu une grande vitre, derrière la quelle se trouvait un bureau, tout ce qu’il y a de plus normal, si ce n’est le cadavre qui trônait sur le fauteuil. Nouveau hurlement, nouveau réveil.
La troisième fois, mon pas s’était fait plus pressé devant la vitre, et mes yeux scrutaient le sol ensanglanté avec beaucoup d’attention. Le couloir continuait à droite et à gauche. J’avais opté pour cette direction, qui me semblait bien moins effrayante. Pourtant, j’entendais régulièrement des bruits de pas, des rires d’enfants et des cris inhumains. Arrivée devant une impasse, j’y avais trouvé un dessin enfantin mettant en scène un homme colorié en violet devant cinq enfants, un couteau à la main. Je n’avais même pas comprit ce qu’il se passait, mais j’étais de nouveau chez moi.
Cette fois, c’est différent. Je suis passée devant le bureau et j’ai emprunté le couloir de droite. J’entends désormais des pleurs d’enfants, des hurlements à me glacer le sang et je sens une perpétuelle odeur de fumée, de flammes. J’arrive devant une porte, au-dessus de la quelle un panneau « Exit » clignote faiblement. Appuyant sur la poignée, je pousse la porte et une lumière blanche m’éblouie.
Je n’étais plus dans ce lieu horrifiant, même la porte avait disparue. Je me trouvais désormais dans une petite salle aux couleurs vives, avec, en bruit de fond, une musique plutôt joyeuse.
Un ours doré entra alors dans la pièce, suivit de cinq enfants. En fait, ce n’était qu’un homme dans un costume. Il tenait, dans ses mains, un gâteau, qu’il laissa soudainement tomber pour attraper un couteau, un air meurtrier sur le visage. Ce fut un vrai carnage.
J’avais hurlé, espérant me réveiller, mais rien n’y faisait. Alors, l’homme se tourna vers moi, sans vraiment me voir. Il ressemblait étrangement au dessin que j’avais vu la fois précédente. Ses yeux s’écarquillèrent, et, dans un bruissement métallique, son sang gicla.
Cette fois-ci, je me réveillais, en sueur, tremblante, sur le point de hurler. Je ne voulais pas me rendormir, trop hantée par la pensée de refaire cet horrible cauchemar.
Depuis ce jour, chaque fois que je m’endors, j’entrevois des figures d’enfants pleurant, hurlant et cherchant désespérément de l’aide, de créatures semblables au costume de l’homme, arborant des dents aussi pointues que des dards, me sautant dessus en poussant des cris inhumains, ou presque...