Le sang, la neige et l'ébène

La Neige, le Sang et      l'Ebène

L'histoire d'un conte

Il était une fois, dans une lointaine contrée, une reine d'une beauté éblouissante. Elle était respectée et admirée à travers tout le pays, et nulle part on ne trouva femme plus belle qu'elle: on disait qu'elle était une créature divine.

Mais à cause de cette bénédiction divine, la reine était souvent seule, car les nobles et les servantes du château la craignaient. Personne ne voulait recevoir les mauvaises grâces d’un mortel divin. Alors, désespérée par ces années de solitude, la reine pria le ciel, aux étoiles et à la lune de lui accorder un enfant à la beauté égalant la sienne, afin qu'elle ne soit plus seule.

Peut de temps après naquit cette "enfant du miracle" tant souhaitée et les cloches de tout le pays sonnèrent pour annoncer son arrivée. Pourtant, la reine n'eut guère le temps de l'aimer car le roi mourut juste après la naissance de l'enfant et c'est a la reine, désormais seule dirigeante, que revenait la charge de régner sur le pays. Les affaires à régler étaient toujours nombreuses et la reine n’eut guère le temps de boit cet enfant jadis si chéri.

Les années passèrent et l'enfant grandi : c'était à présent une fille a la peau aussi blanche que la neige, aux cheveux aussi noire que l'ébène et aux yeux aussi rouges que le sang. Bien que peu l’ait vue de leurs propre yeux, sa beauté était déjà renommée parmi les commères et les contes de tavernes. Son innocence sacrée en toute occasion lui valut le surnom de « blanche ».

A chaque fois qu'elle voyait sa mère, ce qui était une occasion rare, la princesse était toujours plus belle, alors que la mère vieillissait a chaque fois qu'elle levait les yeux vers sa glace sertie d’or. Des rides apparaissaient lentement aux replis de son visage qui de céleste redevint aux yeux de tous celui d’une simple reine. Mais être une « simple » reine n’était plus assez pour cette femme-là.

« Cette enfant me vole ma beauté, son existence est un crime » dit-elle. Ainsi la corruption changea l'amour en haine. La reine qui régnait sur son pays d'une main de fer pour maintenir l'ordre exila sa propre géniture, maudissant ce qu'elle lui avait donné ce jour-là.

« La couleur de cette peine est le blanc que vous me donnâtes ce jour là » murmura la misérable princesse tandis que les branches de la sombre forêt se refermaient sur ses pas. Quelles étaient ces perles de rosées sur ses joues blanches ?

L'enfant partie, la reine pourtant n'était pas rassurée, car la vieillesse sans cesse rongeait ses os. Son reflet, immuable, continuait à lui renvoyer l’image lointaine d’un regard ocre et amer fixé sur sa mort. « Cette beauté est un crime qu'il faut punir », dit-elle au chasseur qu'elle envoya tuer Blanche. Comme la reine était une femme prévoyante, elle ordonna au chasseur de lui ramener le cœur de la princesse.

Le chasseur trouva bien vite la jeune fille, mais il la trouva si belle qu'il ne put se résoudre à gâcher ce corps parfait en lui arrachant le cœur.

Ne pouvant plus taire son désir, il s'approcha de "l'enfant du miracle" de ce pas silencieux qu’on les hommes de son espèce. Il l’attrapa dans un de ses pièges dont il a le secret, l’attacha tel un animal et lui prit sa pureté sans vergogne.

« Tu est si belle que c’est un crime. Une punition, voilà ce que tu mérite. » Dit le chasseur, une lame posée sur la gorge de la jeune fille. « Je te rendrai belle à jamais, et tu ne serras que mienne, pour toujours » Dit le chasseur en aiguisant un sourire féroce.

« C’est donc un cadavre que vous voulez », murmura l’enfant désespérée.

Au bout d’une corde se pends l’espoir. Le cœur jadis pur en un instant fut brûlé. Ravagée à jamais, la princesse s’empara du couteau du boucher tandis qu’il se penchait sur elle et lui trancha la main.

A cet instant, la forêt lui vint enfin en aide. Les petits hommes qui depuis l’exil de l’enfant portaient leurs yeux sur sa route sortirent de l’ombre du sous-bois et vinrent, de leur force bien grande pour une petite taille, achever le tyran.

La princesse cependant, tombait à genoux, l’épée souillée de sang ruisselant sur ses mains, sa robe. « La couleur de cette terreur est le rouge que vous me donnâtes ce jour-là » dit-elle en serrant contre elle le fil écarlate de ses souvenirs.

Enfin, elle se leva, brandit sa lame et déchira ce fil, un feu nouveau brulant dans les profondeurs de ses yeux ocres.

Les semi-hommes qui la sauvèrent ce jour-là se joignirent à la princesse et, comme le règne acide de la Reine assouvissant le peuple malheureux, la Blanche n’eut guère de peine à rassembler des guerriers à sa cause. Utilisant à sa guise les hommes sous ses ordres, la jeune femme à la lame agile mena la révolution. Elle se battit, dirigeant les épées comme seule une reine peut le faire. Le peuple l’aima ; elle les mena à la victoire.

« La couleur de ce sentiment est le noir que vous me donnâtes ce jour-là » dit-elle à celle qui fut sa mère, assise sur le siège du bourreau, la haine brûlante de ses yeux dévorant sa peau blanche, un sourire aux lèvres rouges. Tandis que la lame tombait sur le coup de sa mère, les cheveux de jais de l’enfant miraculeuse furent couronnés d’un cercle d’or.

Les cloches sonnèrent dans tout le pays pour annoncer le règne de la nouvelle dirigeante. Son règne fut long et riche, elle mena de nombreuses guerres et étendit son royaume. Bien des années après sa mort, elle était toujours connue sous le nom de la Reine à l’épée écarlate, au regard de glace et au cœur de ténèbres.  

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