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Myosotis et géraniums 2/3

Floraly
Floraly
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Mer 1 Avr - 12:04
Floraly
Hello !

Comme promis, voici la partie II ! Very Happy

Pas de dessin spécial d’Epo cette semaine malheureusement, mais ça reviendra sûrement pour la semaine prochaine ;D

Bonne lecture !
Floraly

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Myosotis et géranium
Part II
Myosotis et géraniums 2/3 Epo_fa10


Deux jours plus tard, flanqué de Mme Bibine et sous les yeux attentifs des professeurs et des élèves de Poudlard, Zerator présenta avec un enthousiasme non-dissimulé le premier défi que les participants aux Joutes Aériennes allaient devoir relever. La « chute libre ». L’annonce eut lieu dans la grande salle, où les curieux s’étaient rassemblés après les heures du dîner.

Comme il fallait faire simple, il compara l’épreuve à un limbo. Les participants, postés à cent mètres au-dessus du sol, allaient devoir se précipiter jusqu’au plus près du sol pour passer sous une barre horizontale qui serait descendue d’un demi-mètre après chaque nouveau passage. Pour ajouter un peu de dynamisme, seuls les joueurs les plus rapides, capables d’atteindre l’arrivée moins de trois secondes après le premier, passeraient au tour suivant.

L’épreuve s’attira des critiques positives et négatives : les couards qui la trouvaient trop dangereuse, les aventuriers qui avaient hâte de s’y essayer et les inconscients qui la pensaient facile. Zerator suivit de loin les premiers entraînements et vit les élèves motivés se mettre au travail avec un acharnement qui lui gonfla le cœur. Au départ, il fut difficile de repérer les groupes qui s’exerçaient pour la compétition, disséminés partout sur le grand terrain qui environnait Poudlard. Mais bien vite, quelques malins eurent l’idée d’aller s’entraîner au-dessus du lac, rendant les chutes beaucoup moins douloureuses et dangereuses. Leurs conditions s’améliorèrent encore lorsque quelques sixième et septième années se mirent à rendre populaire un sort de séchage rapide qui permit aux motivés de s’entraîner par tous les temps sans risquer de prendre froid.

Entre deux réunions d’organisation, Zerator se permettait d’aller faire un tour au lac, se glissant dans les groupes pour poser quelques questions, observer les prouesses des élèves et s’enthousiasmer avec eux.

Carl et Bren avaient également pris le pli de fuir leurs révisions pour venir passer un peu de temps à s’entraîner et à s’amuser. Entre les cours et les examens qui approchaient, ils se gardaient du temps pour filer au lac dès qu’ils en avaient l’occasion. Parfois seulement à deux, parfois rejoints par des membres de leur équipe de Quidditch, ils avaient rapidement atteint un niveau très respectable qui leur attirait des œillades admiratives de tous les côtés. Quelques audacieux s’osaient même à venir leur demander des conseils, chose qu’ils n’avaient pas le cœur de refuser. Tant qu’on les laissait tranquille suffisamment de temps pour qu’ils puissent se faire quelques piqués...

Zerator vint leur rendre visite plusieurs fois, et pour cause, ils avaient été jugés favoris par beaucoup d’autres compétiteurs potentiels. Parfois il ne faisait que passer pour les féliciter, d’autres fois il restait discuter un peu en profitant de l’une de leurs pauses. Une fois même, Carl le convainquit de grimper à bord de son balai pour lui faire expérimenter la chute libre extrême, à sa vitesse. Lui qui s’était senti ridicule de rougir en sentant Zerator l’enlacer pour se tenir à lui, il se trouva soulagé de découvrir qu’il avait réussi à lui flanquer une sacré frousse en l’emmenant avec lui. Zerator lui avait gentiment promis qu’il éviterait de remonter sur son balai à l’avenir avant de rapidement détourner l’attention générale sur Bren qui avait profité de leur absence pour s’entraîner à tenir debout avec un pied sur chaque balai.

Carl et Zerator ne s’étaient pas revus seul à seul depuis le dîner qu’ils avaient partagé. Cela ne les avait pas empêchés de ne pas manquer une occasion de se taquiner, que ce soit durant l’une des visites de Zerator ou simplement lorsqu’ils se croisaient de loin. Le départ sombre de Carl n’avait pas semblé rembrunir Zerator, loin de là, et quelque part, le Gryffondor en était soulagé. Il avait la drôle d’impression d’avoir fait un bond en arrière, à l’époque où Zerator et lui étaient devenus amis et se couraient encore après. Et même s’il n’était pas certain de savoir l’issue qu’il souhaitait à tout ça, Carl appréciait pour l’instant la situation, heureux lorsqu’il sentait l’attention précieuse de Zerator sur lui, et déçu à chaque fois qu’il la perdait sans qu’ils ne se soient rapprochés davantage...

Lorsque Zerator présenta le « sans les mains », quelques semaines plus tard, Carl sut immédiatement que cette épreuve-là ne serait pas pour lui. Aussi simple que son nom l’indiquait, il suffisait de réaliser un parcours en guidant son balai sans qu’il n’ait le moindre contact avec les mains. Le parcours de la compétition ne serait révélé qu’au dernier moment, mais les points se compteraient sur une course de vitesse. Autant bien travailler sa technique pour être sûr d’y arriver. Les joueurs s’inventèrent beaucoup de stratégies, mais seules deux semblèrent sortir du lot et être finalement adoptées par les compétiteurs sérieux. La majorité, dont Carl, s’entraînèrent à diriger leur balai à la seule aide de leur bassin, se servant de leurs hanches et du poids du corps pour donner des ordres à leur monture. D’autres, plus téméraires, dont Bren, tentaient la stratégie de tenir debout sur leur balai. Plus dangereuse mais plus efficace, cette technique-là demandait un bon équilibre mais elle permettait une plus grande précision car il était possible de s’aider de tout son corps. Mais, pas fou, les joueurs qui s’entraînaient à cette deuxième technique assuraient leurs arrières en s’exerçant aussi à la première. Parce que s’il y avait des loopings à effectuer, il n’était pas certain que la gravité soit de leur côté...

A un mois de la compétition furent annoncées les deux dernières épreuves. « En un seul morceau » et « Les vingt cerceaux ardents ». Happés par l’imminence de leurs examens, Carl et Bren furent contraints d’espacer leurs entraînements. De toute manière, s’entraîner sur ces deux dernières épreuves était compliqué. Contrairement aux deux premières, qui pouvaient être exercées sans matériel nécessaire, les deux nouvelles épreuves nécessitaient certains dispositifs que l’organisation n’avait hélas pas pu avoir en grande quantité. « En un seul morceau » consistait en un long tunnel obstrué d’obstacles à traverser le plus rapidement possible. Lors de la compétition, chaque joueur aurait trois essais et leur meilleur temps serait gardé pour le classement final. De l’autre côté, « Les vingt cerceaux ardents » se déroulerait sous le même format, sauf qu’au lieu d’un long tunnel, les participants auraient devant eux un terrain moyen sur lequel seraient disposés exactement vingt cerceaux qu’il faudrait traverser, peu importe l’ordre, mais le temps compterait à partir de la traversée du premier cerceau jusqu’au moment où le dernier serait franchi.

Mais pour entraîner ces épreuves-là, il fallait avoir du temps devant soit, et du temps, Carl et Bren n’en avaient pas vraiment. Alors faire la file durant vingt minutes pour avoir le droit à un passage de soixante secondes et recommencer à faire la file, ce n’était vraiment pas encourageant.

Et cette idée rendait Zerator malade. Il s’échina à trouver des solutions, mais impossible de mettre en place un deuxième tunnel et un deuxième terrain avec des anneaux, leur budget et l’espace qu’ils avaient à disposition ne leur suffisait pas. Ce fut son ami Dach qui lui proposa une brillante solution. Dès lors, Zerator appela ses contacts et travailla d’arrache-pied pour arriver à ses fins. À peine quelques jours après que le problème se soit déclaré, il était déjà réglé. Et Zerator, fou de joie, sortit de leur espace de test en courant comme un dératé, son balai dans une main et sa baguette de sorcier dans l’autre.

Il arriva à toutes pompes sur le terrain d’entraînement des joueurs et ses yeux balayèrent la foule à la vitesse de la lumière. Il savait qu’il était là, il lui avait dit, avec son air un peu désolé, qu’il tenterait de s’entraîner dans l’après-midi, mais probablement pas très longtemps.

Zerator le repéra rapidement, adossé contre un mur dans la file d’attente, balai en main, en pleine discussion avec son ami Etoiles. Aussi excité qu’une puce, Zerator reprit sa course et fonça vers lui. Il se rappela tout juste de crier un « Venez tous au lac ! » avant de poser sa main sur Carl et de le faire transplaner avec lui jusque sur la plage.

Pris au dépourvu, Carl s’étala à l’arrivée. Il jeta un coup d’œil à la fois nauséeux et offusqué à Zerator tandis que ce dernier l’aidait à se relever, contrit.
- J’parle tranquille à mes potes et tu m’fais transplaner, comme ça... lui reprocha-t-il en titubant, sonné par le voyage brusque qu’ils venaient d’effectuer.
Son ton agacé laissait transparaître un léger amusement qui soulagea Zerator. Ce dernier lui jeta un regard désolé, accompagné du plus doux de ses sourires.
- Désolé, mais j’ai besoin de toi...
Carl sursauta presque. Son regard encore vitreux s’était éclairci d’un coup. Il dévisagea Zerator, l’air perdu dans des émotions contradictoires. Il finit par laisser tomber sa mauvaise humeur naissante, ne gardant qu’un air boudeur très peu crédible alors qu’il époussetait nerveusement sa cape de sorcier.
- Je savais même pas que tu pouvais transplaner ici... finit-il par marmonner.
Zerator sourit et enfourcha son balai.
- Permission spéciale pour le travail. Je vais pas m’en plaindre, c’est bien pratique pour te voler à tes amis.
Il lui adressa un clin d’œil joueur et décolla sans plus d’avertissement, n’entendant la réponse outrée de Carl que de loin. Ce dernier finit par le suivre, bien obligé, et ils grimpèrent dans les airs jusqu’à se retrouver à bonne hauteur au-dessus du lac.

S’il était resté boudeur jusque-là, la curiosité de Carl finit par reprendre le dessus.
- Et donc, pourquoi tu m’as amené ici ?
Les yeux de Zerator pétillèrent à cette question et il brandit sa baguette devant lui.
- Regarde et écoute bien, fit-il. Ça pourrait t’être utile !
Il se concentra ensuite devant lui et, s’accompagnant d’un grand geste théâtral, il déclama :
- Circulos ignis !
Devant eux, dans le ciel vide, se mit à se dessiner l’illusion du terrain de l’épreuve des cerceaux ardents. Carl écarquilla les yeux. Il s’approcha avec émerveillement pour effleurer un cerceau de ses mains et celle-ci passa à travers comme s’il n’avait pas existé. Il se tourna vers Zerator, impressionné.
- Simple, rapide et efficace, commenta ce dernier. Passe dans un cerceau pour voir !
Il était fou d’enthousiasme et tester ce nouveau bébé avec Carl ne rendait la chose que plus exaltante. Le Gryffondor se plia à sa demande. A peine était-il passé à l’intérieur du cerceau que celui-ci s’enflamma, marquant la dénomination de l’épreuve : les cerceaux ardents.
- C’est trop trop cool, souffla Carl.
Il semblait avoir oublié son désagréable enlèvement au profit de cette petite merveille de magie que Zerator et son équipe avaient concocté.
- Comme ça tu pourras participer, souligna fièrement Zerator.
Ils échangèrent un long regard. Leurs deux paires d’yeux brillaient de concert. Zerator n’aurait voulu partager cette réussite avec personne d’autre.

Ce fut l’arrivée des autres participants qui les tira de leur bulle devenue pourtant si confortable. Zerator et Carl se séparèrent et enseignèrent le sortilège d’illusion chacun de leur côté. Quelques jours plus tard, le sort qui recréait le tunnel de l’épreuve du « En un seul morceau » était prêt et Zerator vint l’apprendre aux participants au-dessus du lac. Les illusions s’effaçaient simplement dès que quelqu’un les avait traversées. Le système était parfait.

Et Zerator, était heureux.

**

Une pluie fine avait commencé à tomber en début d’après-midi, chassant les élèves de leurs jeux et occupations extérieurs. Il faisait un temps à se confiner à l’intérieur du château, un avis partagé par la majorité des élèves de Poudlard, qui profitaient de la morosité météorologique pour s’investir dans leurs révisions de dernière minute ou disputer une bonne partie d’échec dans leur salle commune.

Quelques téméraires, toutefois, avaient bravé les éléments pour venir se réfugier dans les grandes serres de l’école. Livres et cahiers en main, ils se promenaient de table en table, relisant avec attention leurs notes de cours en observant les différentes plantes et en manipulant précautionneusement celles qui ne risquaient pas de leur faire perdre un doigt.

L’atmosphère était régie par un calme studieux, bercé par le son ininterrompu de la pluie qui battait le toit voûté de l’installation et éclipsait par son volume constant tout autre bruit parasite. L’intérieur de la serre embaumait l’entêtante odeur de la terre mouillée, mêlée à celles plus légères des centaines de plantes qui garnissaient les tables de l’endroit. L’air humide apparaissait d’une agréable fraîcheur après la chaleur lourde des derniers jours.

On aurait pu croire que si Zerator était venu visiter ces immenses serres en ce jour pluvieux, c’était par pure nostalgie du bon vieux temps, en souvenir de ces heures qu’il avait lui-aussi passées là à apprendre pour ses propres examens. Et pourtant, même s’il appréciait la familiarité du lieu, ceux qui pensaient de cette manière avaient tort. S’il se trouvait là, c’était parce qu’on lui y avait donné rendez-vous. Un rendez-vous, inattendu mais pas désagréable, qui avait eu le don de piquer sa curiosité. Il avait fait en sorte d’arriver bien en avance, espérant de ce fait réussir à calmer un peu la nervosité qui l’avait saisi. En réalité, il ne savait pas trop à quoi s’attendre. À une semaine des Joutes Aériennes, il avait bien d’autres choses auxquelles penser, et probablement que son interlocuteur, en plein milieu de ses examens, était aussi bien occupé de son côté...
- Zerator ?
L’interpellé se désintéressa des pousses de mandragore qu’il observait distraitement. Son regard amical tomba sur un visage bien connu dont les prunelles marron étaient fixées sur lui avec une douce hésitation.
- Bren, salut !
- Salut ! Viens, on sera plus tranquille à côté. Ça fait longtemps que tu attends ?
Il l’enjoignit à le suivre d’un léger signe de tête et Zerator s’exécuta sagement en répondant à sa question sur un ton détaché.

Il se laissa mener jusqu’à une porte opaque qui servait de transition entre deux serres. Le batteur de Gryffondor la poussa et ils s’avancèrent dans un deuxième univers, bien moins peuplé que le premier. Carrément vide, en fait. Ici étaient observées les plantations moldues et leurs affinités avec le monde des sorciers. Une exposition qui intéressait bien moins les élèves sur le point de passer leurs examens, mais elle était bien plus jolie à voir que les plantes biscornues du monde magique. Zerator s’approcha d’un plan de tulipe, admiratif devant leurs couleurs détonantes. Il avait toujours apprécié les fleurs.
- Merci d’avoir accepté de me voir. Tu dois te demander pourquoi je t’ai fait venir... commença Bren un peu plus loin en se débarrassant de sa cape trempée.
- Oh, j’imagine que tu vas me parler de Carl ?

Zerator savoura la légère surprise qui figea Bren. Ce dernier finit par hocher la tête avec un sourire appréciateur, et posa son regard amusé sur Zerator. Celui-ci s’adossa à la table derrière lui et croisa les bras, adoptant une attitude confortable et attentive. Si Bren avait quelque chose à lui dire à propos de Carl, il était bien curieux de savoir de quoi il pouvait s’agir.

L’autre passa son poids d’une jambe à l’autre, soudain un peu mal-à-l’aise de l’attention dévouée que lui portait son interlocuteur. Il glissa une main dans ses cheveux.
- Écoute, je sais que j’ai pas à me mêler de vos histoires. Carl me passerait un savon s’il savait ce que je suis entrain de faire, mais je vois bien à quoi vous jouez tous les deux, et tu sais aussi bien que moi où ça a mené Carl la dernière fois...
Zerator fit la moue, confirmant à Bren la véracité de ses dires. Oh oui, il ne s’en souvenait que trop bien. Mais les circonstances étaient différentes désormais. Carl n’avait plus besoin de s’épuiser pour l’impressionner. En fait, les rôles s’étaient plutôt inversés. Et Bren devait savoir que Zerator était bien plus mesuré que Carl-le-téméraire.

Bren inclina la tête, lentement. Posant son regard dans le vide après un passage furtif dans les yeux de Zerator, il prit une grande inspiration et poursuivit, sur un ton franc :
- Il y a deux ans, j’ai vu Carl se brûler les ailes en essayant de se rapprocher de toi. Quand il s’agit de sentiments, c’est la personne la plus entière que j’ai jamais vue. Que ce soit de l’amitié ou de l’amour, il s’implique toujours corps et âme dans ses relations. Il est prêt à faire n’importe quoi pour ceux à qui il tient, quitte à se mettre dans des situations impossibles...

Le regard de Zerator s’adoucit. La façon qu’avait Bren de décrire Carl, pleine de tendresse et de respect, le toucha. Il avait toujours su que le lien qui unissait ces deux-là était fort. Les souvenirs de leurs longues heures passées à l’infirmerie pour veiller sur Carl, alors qu’ils se connaissaient à peine, lui revinrent en mémoire. C’était leur affection pour Carl qui les avait rapprochés, à l’époque, et c’était encore elle qui les liait aujourd’hui, plus étroitement que jamais, alors qu’ils ne souhaitaient tous les deux que le bonheur de leur protégé sans savoir comment le lui obtenir...
- Quand tu l’as quitté, j’ai assisté à l’écroulement de tout son monde. Il était tellement devenu l’ombre de lui-même que j’ai cru qu’on ne le retrouverait jamais. Il a pris du temps à s’en remettre, à réussir à passer à autre chose...

La chaude affection qu’avait ressenti Zerator se mua en une boule âpre au fond de sa gorge. Il savait très bien ce qu’avait pu endurer Carl, mais l’apprendre de la bouche de son meilleur ami avait quelque chose d’aussi brûlant que de l’acide. Si Zerator s’était raccroché à l’idée de revenir organiser sa compétition au château, Carl n’avait de son côté pas trouvé d’ancre à laquelle s’arrimer pour garder pieds... Le poids de la culpabilité retomba douloureusement sur les épaules de Zerator.

Un malaise s’immisça dans son cœur, mais Bren continua sur sa lancée, avec un ton calme mais franc qui l’aidait à mieux digérer toutes ces informations :
- Le jour où j’ai appris que tu revenais à Poudlard, je savais plus sur quel pied danser avec lui. Ton nom était devenu tabou, mais je sentais qu’il avait besoin d’en parler... Il a passé deux ans de sa vie à faire comme si tu n’avais jamais existé, alors ton retour... Je pensais que ça allait le faire replonger pour de bon...
- Et ? fit Zerator d’une voix désagréablement rauque, le regard suspendu aux lèvres de son interlocuteur.
- Et j’ai vite compris que je m’étais trompé.
Bren releva ses yeux baissés et les plongea dans le regard égaré de Zerator. Ses deux iris luisaient dans la pénombre de la serre. Le cœur de Zerator frappa fort contre sa poitrine. De toute sa vie, il en avait rencontré, des gens, et il avait vu leurs yeux, leurs regards. Mais jamais il n’avait plongé ses yeux dans des prunelles aussi sincères et déroutantes que celles de Bren à cet instant-là. Un petit sourire vint éclairer son visage. Une lueur d’espoir dans la culpabilité de Zerator. Une bouée, à laquelle il s’accrocha de toutes ses forces.
- Je croyais qu’il allait mieux, avant que tu reviennes. Mais c’était faux. Parce que le moment où on l’a retrouvé, c’est le moment où tu es réapparu dans sa vie. Ton retour a réveillé quelque chose en lui, comme s’il avait été mis sur pause pendant toute ton absence et qu’il pouvait enfin redevenir lui-même, parce que tu étais là. Ça faisait longtemps que j’avais pas revu Carl comme ça, joueur, enthousiaste, réveillé. Carl, quoi. T’as éteint un truc en partant, et quoi que ça puisse être, ça s’est rallumé quand tu es revenu...

Le cœur de Zerator battait vite, comme une boule d’excitation qui provoquait un fourmillement dans tout son corps où grondait un manque qu’il ne s’était pas autorisé à ressentir jusque-là. Le pouvoir que Carl avait pu avoir sur lui avait toujours plu à Zerator à l’époque, parce qu’il lui faisait aveuglément confiance. Mais ils ne partageaient plus la même proximité qu’autrefois, et la peur avait bridé ses sentiments, veillant à le protéger d’un refus qui aurait pu le briser.

Les paroles de Bren étaient parvenues à attiser la flamme, assez pour que la bulle ne s’écaille. Et si la douleur semblait intenable, le désir qui se mêlait à elle la rendait exaltante, euphorisante.
- Carl t’a aimé en secret pendant cinq ans, Zera. C’est pas le genre de chose que deux malheureuses années sont capables d’effacer. Vous aimez un peu trop vous courir après pour vous en rendre compte, mais au fond, je pense que rien n’a jamais été vraiment fini entre vous.
Zerator dévisageait Bren, beaucoup trop perdu dans ses émotions pour arriver à dire quoi que ce soit. Il se rendit compte, encore sous le choc, qu’il l’avait sous-estimé.

Bren tangua d’un pied à l’autre et glissa une main sur sa nuque. Il afficha un air embarrassé et ses joues prirent une teinte rosée, alors qu’il ajoutait :
- Désolé, c’est pas mon genre de parler autant d’habitude. Je me suis peut-être un peu emballé...

Cette remarque timide et anodine ébrécha l’humeur bien trop excessive de Zerator. Elle fit retomber la tension dans son corps et il accueillit cette baisse d’intensité avec un soulagement bien dissimulé. Toutefois, le manque ne s’estompa pas. Et c’était douloureusement bon. Un léger amusement perça ses lèvres, alors qu’il excusait Bren d’un hochement de tête.
- Ça te réussit bien, les longs discours. Tu devrais essayer plus souvent.
Bren piqua définitivement un fard et secoua la tête pour reprendre ses esprits.
- Zera, tout ce que je veux te dire, c’est que quoiqu’il en dise, je sais que Carl tient encore beaucoup à toi. Et ça se voit que toi aussi. Alors ne refais pas les mêmes erreurs, et ne le laisse pas refaire les même de son côté. Ça me tuerait de vous voir vous passer à côté, encore une fois.
Un sourire doux se dessina sur les lèvres de Zerator. Il aurait certainement envoyé balader tout autre personne qui aurait tenté de lui faire la morale sur Carl. Mais pas Bren. Bren était le meilleur complice qu’il puisse avoir. En plus d’être le meilleur ami de celui qui faisait battre son cœur, il était d’une bienveillance impressionnante, et Zerator ne pouvait qu’admirer ce trait.

- Carl a de la chance de t’avoir.
Bren cligna des yeux, surpris. Puis, sa bouche se fendit en un petit sourire à la fois attendri et irrité.
- Va le lui dire. Cette tête de mule aurait bien besoin d’une piqûre de rappel.
Un souffle amusé passa les lèvres de Zerator et ils échangèrent un regard complice, tous les deux bien au courant du caractère borné de leur ami commun, parce qu’ils avaient eu maintes occasions d’en faire l’expérience, chacun à sa manière.
- Sérieusement, Zera, se reprit Bren. Qu’est-ce que t’attends pour aller lui parler ? Tu sais que ce n’est pas lui qui fera le premier pas...
L’intéressé lâcha un soupir. Il détourna le regard, amer. La réponse qu’il donna lui brûla les lèvres.
- Il m’a repoussé quand j’ai essayé de le faire.
Le souvenir laissa une trace glaçante dans l’esprit de Zerator et calma presque immédiatement ses ardeurs fraîches. Tu m’as laissé tombé. Le message avait été limpide. Il avait perdu la confiance de Carl, il aurait beau tout faire pour se racheter, les cartes n’étaient plus entre ses mains...
- Il avait peut-être juste besoin de temps. Et d’explications. Mais l’heure tourne Zera. Il ne vous restera bientôt plus qu’une semaine. Tu tiens vraiment à le laisser te filer entre les doigts ?

Bien sûr que non.

Zerator n’avait aucune intention de laisser Carl s’effacer à nouveau de sa vie. Il se sentait si fébrile tout à coup. C’était par peur de le voir s’éloigner qu’il était resté sage jusque-là, s’imposant une limite qu’il s’était promis de ne pas dépasser. Si Carl avait tenté quoique ce soit, il l’aurait laissé faire. Il en aurait même été ravi. Mais le rejet que Carl lui avait fait subir lors de leur dernier rendez-vous officiel lui avait servi de leçon. Pourtant, il voulait que Bren ait peut-être raison. L’eau avait coulé sous les ponts depuis qu’ils se côtoyaient à nouveau. Peut-être que Carl était prêt maintenant à lui accorder sa confiance à nouveau. Peut-être accepterait-il d’entendre ses explications. Peut-être le laisserait-il le prendre dans ses bras. Peut-être le laisserait-il l’embrasser...

Il le voulait tellement...

Toujours face à lui, Bren observa ses paroles faire leur bout de chemin dans les pensées de Zerator. De son œil attentif, il remarqua la seconde où l’autre revint à lui, son regard soudain posé sur quelque chose de concret, mais l’air toujours un peu perdu. Bren sourit. En face de lui, Zerator fit un pas vers l’avant, hésitant.
- Il est à la volière, l’informa Bren. Je crois qu’il attendait du courrier.
Il ne s’attendait pas vraiment à être attiré dans les bras de Zerator et répondit maladroitement à son étreinte.
- Merci Bren.
Il eut à peine le temps de répondre que l’autre s’était déjà volatilisé.

Un soupir de soulagement passa la barrière de ses lèvres. Deux années plus tard, Carl et Zerator étaient toujours les grands enfants d’autrefois. Mais cette fois-ci, l’issue du jeu du chat et de la souris était déjà tracée.

C’était les règles du jeu qui semblaient avoir changé.

**

Zerator se précipitait dans les couloirs, ivre de joie. La pluie fine qui l’avait accueilli au sortir de la serre ruisselait encore sur sa peau froide et pourtant, ses joues étaient brûlantes d’une excitation qu’il peinait à contenir.

Durant de longues semaines, il s’était privé de prendre toute initiative avec Carl, parce qu’il ne voulait pas le brusquer. Le rejet qu’il avait essuyé après leur dîner lui avait bien fait comprendre qu’ils allaient avoir besoin de temps. Alors il avait attendu, laissant flotter de petites occasions, jouant subtilement de ses charmes pour faire comprendre à Carl qu’il était toujours intéressé, qu’il ne le lâcherait pas. Par respect, et peut-être aussi un peu par crainte, il s’était refusé à aller plus loin tant que Carl n’aurait pas fait lui-même le premier pas.

Et il avait été bête. Ce n’était pas à Carl de le faire, c’était à lui. Parce que c’était lui qui avait brisé leur relation autrefois, c’était à lui d’en recoller les morceaux aujourd’hui. Il ne s’excuserait pas. Si Carl avait cherché à le comprendre à l’époque, tout aurait pu être différent. Mais, deux ans plus tôt, il n’avait pas non plus couru après Carl pour essayer de lui expliquer. Il l’avait laissé s’éloigner sans chercher à se remettre en bons termes avec lui, à lui faire comprendre sa décision. Il s’était dit que tout serait peut-être plus simple ainsi, Carl l’oublierait pour quelques années, et vivrait la fin de son adolescence en étant libre de ses mouvements.

Oui, il avait pensé libérer Carl en partant. Mais il se rendait compte qu’il n’avait fait que l’enfermer. Et pour cette regrettable conséquence, il lui devait des explications. Bren avait raison. Ils n’avaient jamais parlé sérieusement de ça depuis qu’il était de retour. Se taquiner l’un l’autre, s’envoyer des piques, c’était beaucoup plus léger et simple qu’une lourde discussion sur un passé qui les avait blessés tous les deux.

Pourtant, quand la blessure s’infecte, il vaut parfois mieux l’ouvrir d’un coup pour que tout s’écoule. La rancœur, la douleur, les non-dits. Zerator allait devoir les évacuer pour regagner la confiance de Carl. Il était temps de crever l’abcès. Carl lui manquait trop.

Il ne leur restait qu’une semaine.

Zerator était essoufflé lorsqu’il arriva au bas des escaliers de la volière. Pourtant, il avala les dernières marches comme si elles n’étaient rien. Et il s’arrêta dans l’encadrement de la porte.

Quelques personnes étaient tranquillement installées dans la tour, de petits groupes disséminés çà et là, discutant à voix basse. La volière avait toujours été un endroit paisible et austère, avec ses grands murs tout en pierres empilées, ses centaines de hiboux calmes et la vue imprenable sur la vallée que laissaient apercevoir les grandes fenêtres ouvertes. Les yeux de Zerator, peut-être un peu trop habitués à le chercher dans la foule, tombèrent bien rapidement sur Carl, assis dans un coin. Il jouait nerveusement avec une enveloppe qu’il tenait dans les mains, accompagné d’Etoiles qui semblait se moquer gentiment de lui.

Aucun des deux ne l’avait vu et, un peu frustré, Zerator recula d’un pas pour s’appuyer contre la paroi, près de la porte. Il avait beau avoir une envie sourde d’aller parler avec Carl, il ne pouvait pas. Etoiles avait beau avoir été très poli à ce sujet, Zerator savait qu’il avait abusé la dernière fois en enlevant Carl alors qu’ils étaient au beau milieu d’une discussion. Alors, pour ne pas lui manquer encore de respect, il essaya distraitement d’écouter leur conversation, pour savoir s’il serait malvenu pour lui de les déranger.

Mais au fond, il avait vraiment envie d’envoyer Etoiles aux fraises. Foutue conscience.

À l’autre bout de la pièce, Carl avait déchiré le haut de l’enveloppe et en retirait le papier intérieur, sous le regard attentif d’Etoiles. Même si Zerator l’avait voulu, il n’aurait pas eu d’autre choix que d’écouter leur conversation. Les yeux fixés sur la lettre, Carl avait fait un bond pour se lever, suivi avec prudence par Etoiles. Mais les yeux bourrés d’étincelles qu’affichait le Gryffondor ne mentaient pas. Cette lettre était porteuse d’une bonne nouvelle.
- Je suis pris ! hurla-t-il à moitié, s’attirant des regards de tous les élèves installés dans la volière.
Son sourire grimpait jusqu’à ses oreilles tandis qu’il se tournait vers Etoiles, rayonnant lui-aussi, et le serrait dans ses bras avec la force brute de la joie.

Malgré la pointe de jalousie qui lui serra le cœur, Zerator ne put s’empêcher de sourire lui-aussi, de loin.

Carl finit par lâcher Etoiles, et, avec un peu plus de contenance, il s’extasia.
- C’est une des meilleures équipes canadiennes ! Jésus Marie Joseph, je suis pris Ray ! Il faut que j’aille le dire à Bren ! Et aux gars de l’équipe ! Calice...
La lettre précieusement serrée contre lui, il commença à se diriger vers la porte, d’une démarche presque dansante.

Zerator n’eut pas le temps de se cacher ou de faire mine de tout juste entrer dans la pièce. Les yeux de Carl, irradiant toujours de bonheur, se posèrent sur lui. Il lui sourit, un peu à l’ouest, sûrement encore étourdi par l’ivresse de l’annonce.
- Salut Zera.
Il resta planté devant lui, l’air un peu dissipé.
- Félicitation, dit Zerator, sincère.
Pas la peine de lui cacher qu’il avait tout entendu.
- Merci bro. Je suis tellement content ! Je... Désolé, mais il faut que je trouve Bren pour le lui dire !
Avec une simplicité déconcertante, il se détourna. Zerator sentit une pierre tomber au fond de son estomac.
- Carl !
Le capitaine de Gryffondor se retourna, l’air toujours heureux, mais pressé. Zerator essaya de cacher son désarroi.
- J’ai croisé Bren dans les serres. Il y est peut-être encore...
Le clin d’œil que lui lança Carl le perdit.
- Merci !
Et il se retourna pour partir en courant.

S’il avait été seul, Zerator se serait peut-être laissé glisser contre le mur. Il aurait peut-être éclaté d’un rire nerveux. Il aurait peut-être hurlé son affliction. Mais il n’en fit rien. Il se contenta de laisser un regard vide flotter à l’endroit où venait de disparaître Carl.
- Mec, ça va ?
Zerator ne sursauta pas. Il avait saisi le mouvement d’Etoiles dans sa vision périphérique, mais il avait secrètement espéré qu’il l’ignorerait. Ravalant son malaise, il posa ses yeux voilés sur Etoiles.
- Excuse-le, il a mis une demi-heure à ouvrir cette putain de lettre tellement il était stressé. C’est une de ses équipes de Quidditch canadienne préférée, alors t’imagines...

Oh oui. Il pouvait imaginer. Mais juste imaginer.
- C’est bien pour lui, répondit-il avec un sourire machinal. J’espère qu’il s’y plaira.
Etoiles lui rendit son sourire, mais il se fit inquiet.
- T’es sûr que ça va ? T’es vraiment pâle... Tu veux que je t’accompagne à l’infirmerie ?
Zerator se maudit de ne pas réussir à intérioriser assez bien. Il secoua la tête.
- Non, va fêter avec Carl, fit-il en sentant sa gorge traîtresse se nouer. Je connais le chemin jusqu’à l’infirmerie.
Chemin qu’il avait appris à connaître à force d’aller y trouver Carl. Drôle d’ironie qu’il s’en serve cette fois-ci pour s’éloigner.
- Zerator...

Quoi qu’Etoiles ait pu comprendre, quoiqu’il ait à lui dire, Zerator préférait ne pas le savoir. Il hocha la tête pour lui faire comprendre que la conversation se terminait là et ramassa le peu d’amour-propre qu’il lui restait pour sortir de la volière. S’il prit au départ la direction de l’infirmerie, il s’en détourna vite. Il bifurqua au milieu du trajet, laissant ses pieds le mener nulle part, choisissant les couloirs les plus vides jusqu’à ce qu’il s’y perde.

Son cerveau pulsait dans son crâne, malmenant ses émotions fracassées. Il était passé de la curiosité à la tristesse, de la tristesse à une joie intense, joie intense qui venait de se faire piétiner sans vergogne, remplacée par un vide douloureux et angoissant. Il avait beau tenter de rationaliser, de faire la part des choses, son esprit embrumé semblait capable de ne faire tourner qu’un seul disque, en boucle.

L’image d’Etoiles dans les bras de Carl. Il faut que j’aille le dire à Bren ! Et aux gars de l’équipe !

Zerator se laissa tomber contre le mur d’un couloir délaissé. Il s’imagina Carl l’ignorer pour lui faire du mal. Le laisser de côté volontairement, pour lui faire comprendre qu’il lui en voulait encore. Il aurait pu le comprendre, il aurait pu l’encaisser. Il aurait pu composer avec. Ça aurait fait moins mal.

Mais Carl n’était pas manipulateur. Carl ne réfléchissait pas à faire du mal aux autres, pas avec autant d’adresse. Il avait été sincère. C’était avec ses amis qu’il avait eu envie de fêter son admission dans cette équipe de Quidditch, alors c’était vers eux qu’il s’était dirigé. C’était Etoiles qu’il avait pris dans ses bras.

Une semaine.

Zerator ferma les yeux et appuya le haut de son crâne douloureux contre le mur. Il se sentait tellement seul.

Peut-être que Bren s’était trompé, tout compte fait. Carl ne le désirait plus à ses côtés. Plus de la même façon.

Les certitudes de Zerator s’effondrèrent une à une alors qu’il se remémorait les moments qu’ils avaient passés ensemble dernièrement, et qu’il les voyait prendre une tournure différente. Les moments de complicité se muèrent en une amitié affectueuse, les petits jeux de charme en des taquineries innocentes. Carl n’avait jamais montré le signe d’une timidité amoureuse, d’un désir refréné. Ce n’était que des jeux pour lui. Et c’était au plus naturel de ses instants de joie que Zerator s’était rendu compte de la vérité.

Carl n’avait pas pensé à lui. Pire, il l’avait sciemment écarté au profit des autres. De ses vrais amis. Des personnes auxquelles il tenait réellement.

Ces pensées noires étaient d’autant plus difficiles à accepter qu’il n’arrivait pas à les démentir. Seul le discours de Bren aurait pu lui donner l’ombre d’une idée contraire, mais après tout, qu’est-ce qui lui prouvait qu’il disait la vérité. N’avait-il pas basé son discours sur de simples observations, sans connaître au fond ce qui se tramait dans l’esprit complexe de Carl ?

Zerator ouvrit les yeux, perdu dans un monde sans couleur. Un monde dans lequel Carl et lui ne seraient plus jamais ensemble. Un monde où les rêves de Zerator ne pourraient jamais se réaliser. La réalité. Ce monde où il était temps qu’il cesse de pourchasser égoïstement Carl pour le laisser respirer.

Oh, il tenait trop à lui pour le lâcher du jour au lendemain. Il soutiendrait Carl jusqu’à la fin de sa compétition, mais en retrait, sans plus rien chercher de lui, sans provoquer des jeux dont il ne voulait probablement pas. Et puis il le laisserait partir au Canada vivre ses rêves, rencontrer d’autres personnes, se tisser une vie. Sans lui.

C’était dur. Mais après tout, n’avait-il pas toujours voulu le bonheur de Carl ?

**

Un éclair. Ce fut le temps que sembla durer la semaine de Carl. Entre l’anticipation de ses futures aventures, ses derniers examens qui lui amenaient à la fois nostalgie et soulagement, la compétition de Zerator qui s’approchait à grands pas, il était assailli de tout un tas de pensées et de pressions qui lui donnaient l’impression que le temps passait à la fois vite et lentement.

Les étudiants de Poudlard commençaient à sentir les vacances, avec l’arrivée bienvenue de l’été et de la fin de l’année scolaire. Mais, par-dessus tout, tous appréhendaient les Joutes Aériennes. Les inscriptions s’étaient terminées quelques semaines plus tôt, et elles promettaient du beau monde. Une petite cinquantaine de participants tentaient leur chance, comprenant la quasi-totalité des membres des diverses équipes de Quidditch de l’école ainsi que quelques téméraires, doués sur un balai mais pas avec des balles.

Carl et Bren avaient commencé un décompte depuis leur inscription, attendant avec impatience le moment de la compétition. Ils s’étaient tous les deux entraînés comme des acharnés et n’espéraient plus que de pouvoir comparer leur talent à celui des autres, surtout qu’ils partaient favoris aux yeux de beaucoup. Ce qui ne manquait pas de leur mettre une pression supplémentaire.

Pression que Carl se retrouva à gérer difficilement, à peine une heure avant le début de la compétition...

**

Les gradins étaient pleins à craquer. Entre les élèves de l’école, les invités des marques qui avaient aidé à sponsoriser l’événement, les personnalités importantes du monde du Quidditch, les journalistes curieux et très importants pour l’avenir de ce genre de compétition... Le vacarme émanant du stade était assourdissant !

Dans les tribunes, les élèves formaient des groupes pour soutenir leur joueur favori, même si la plupart se contentaient de soutenir les joueurs de leur maison. Les quatre épreuves seraient jouées dans un ordre bien défini. Une mise en abîme avec la « chute libre », un peu de passage seul à seul avec les « vingt cerceaux ardents », une bonne dose de spectacle au travers du « sans les mains » pour terminer par le très attendu « en un seul morceau ». Évidemment, Zerator avait été assez malin pour placer les épreuves les plus dangereuses à la fin de la compétition...

La compétition se déroulait dans le stade habituel des matchs de Quidditch, réaménagé pour l’occasion. Un rendez-vous avait été donné aux participants une heure avant le début de la compétition pour les briefer sur les épreuves et le déroulement de celles-ci. On leur avait rappelé que, pour des raisons de durée, seule la moitié des compétiteurs participerait à l’entièreté de la compétition, filtrés par la première épreuve.

Et depuis, les participants attendaient le départ des festivités, enfermés comme des lions en cage dans les coulisses.

Carl avait l’impression de devenir dingue.

Il avait fui les autres, trop à fleur de peau pour être capable de communiquer avec qui que ce soit. Il n’était pas prêt. Malgré toutes ses heures d’entraînement et ses résultats corrects, il ne se sentait pas digne de porter les espoirs que ses amis et les autres élèves de l’école avaient placés en lui. Ah, il était bien connu, le capitaine rouge et or, pour ses cascades toutes plus périlleuses les unes que les autres ! Évidemment qu’il allait briller ! ...Carl avait beaucoup trop chaud.

De plus, le fait que Gryffondor ait remporté la coupe des quatre maisons accentuait les attentes qui pesaient sur lui. Et bon sang, qu’est-ce qu’il avait le trac. Et s’il se ridiculisait devant tout ce monde ? Et s’il se ramassait dans le gazon au premier tour de la « chute libre » ? Et si son balai se mettait à brûler durant l’épreuve des « cerceaux ardents » ? Et s’il tombait de son balai au « sans les mains » ?

Il marchait de long en large, cherchant à canaliser son hyperactivité cérébrale à l’aide d’une hyperactivité physique, mais il lui aurait probablement fallu courir un marathon pour faire marcher cette technique. Il n’empêchait que le fait d’être en mouvement avait le don d’apaiser un peu le sentiment d’urgence qui le poussait à paniquer...

Ruminant au milieu de l’une de ses énièmes traversées, il ne remarqua que quelqu’un s’était approché de lui que lorsque deux pieds bien chaussés entrèrent dans son champ de vision baissé vers sol. Contrarié de devoir s’arrêter, il releva les yeux vers le perturbateur, prêt à lui faire une remarque.

Son expression s’adoucit immédiatement en reconnaissant le nouvel arrivant. Il ne s’attendait pas vraiment à le voir là. Enfin si, qu’il soit dans les parages semblait évident, mais il devait avoir bien d’autres choses à faire que de venir taper la discussion à un concurrent au bord de la crise d’angoisse...

Cela faisait presque une semaine complète qu’il n’avait pas revu Zerator. La dernière fois qu’ils s’étaient croisés, c’était à la volière et Carl n’y était pas réellement dans son état normal. Il avait été pris dans l’équipe des Carirouges, une équipe de Quidditch canadienne reconnue au niveau mondial pour ses performances en tournois ! Il s’était précipité pour en parler à Bren, et lorsqu’il avait voulu retrouver Zerator et lui proposer de les rejoindre au bord du lac pour fêter ça, il était demeuré introuvable. Sans doute avait-il été très occupé par les derniers préparatifs de sa compétition, parce que plus grand monde ne l’avait revu dans le courant de la semaine.
- T’es pas avec Bren ?
Zerator le dévisageait avec une amicale curiosité, un bloc de feuilles serré sous un bras. Il n’avait pas encore revêtu sa tenue de présentateur, sûrement pour ne pas avoir trop chaud à l’intérieur. Son air décontracté ne donnait par ailleurs pas du tout l’impression qu’il s’apprêtait à faire une apparition sous les feux des projecteurs, lui-aussi.
- Nan, j’crois qu’dans mon état, c’est mieux que j’reste loin...
L’autre souffla un petit rire amusé en l’observant avec une attention toute particulière. Son regard dévia sur l’une des mains de Carl et il la désigna d’un signe de tête négligé.
- Montre ta main.
Carl fronça les sourcils, perplexe face à cette demande. Mais Zerator semblait attendre, patiemment, qu’il lui montre sa main. Alors, Carl s’exécuta, presque timidement, se demandant quelle bêtise allait encore inventer cette éternelle canaille de Zerator.

Le petit sourire en coin de ce dernier fit grimper une lueur amusée dans ses yeux.
- On pourrait l’inscrire à un concours de claquette, cette petite.
Carl regarda sa main danser la farandole, abattu. Certaines épreuves demandaient de la précision et de la stabilité. Avec un corps aussi ravagé par les émotions, c’était sûr qu’il n’arriverait à rien...
- J’suis out, man... C’est impossible que j’arrive à quelque chose comme ça...
- Carl.
Un étau délicat enveloppa sa main tremblante et la fit retomber lentement, détendue. Le regard anxieux de Carl se glissa dans celui plus doux de Zerator qui l’observait avec patience, attendant peut-être qu’il se calme, ou simplement qu’il l’écoute.

L’amusement était parti, ne laissant dans sa voix qu’un tendre sérieux qui parvint à ébrécher la bulle d’anxiété de Carl.
- Moi je crois en toi, lui intima-t-il avec conviction. T’as toujours été le meilleur sous pression.
Carl renifla nerveusement, refusant de se laisser attendrir. Voir Zerator aussi confiant le touchait, mais cela ne faisait que s’ajouter à la couche déjà opprimante de pression qui s’accumulait sur ses épaules...
- Tu m’niaises, dans c’t état j’arriverai même pas à voler droit...
Malgré son ton revêche, Zerator ne se départit pas de son calme. Il pressa doucement sa main moite dans la sienne, chaude elle-aussi.
- Vas-y au feeling, Carl. C’est ce qui marche pour toi.
Le regard appuyé et intense qu’il lui adressa fit partir son cœur à toute pompe. Les deux yeux azur de l’autre firent rapidement la navette dans les siens, d’un acier terni par la peur.

Et Carl le vit. Cet instant furtif où le regard de Zerator passait sur ses lèvres alors qu’il baissait le regard. Le brun soupira doucement avant de lâcher sa main.
- Bonne chance Carl.
Zerator releva les yeux puis lui sourit affectueusement. Il s’écarta sans dire un mot de plus devant l’air un peu perdu de Carl.

C’était étrange.

Il ne tremblait plus.

**

Zerator souffla. Encore quelques secondes et tout allait commencer.

Il ne savait plus rien.

Après des années de réflexions au sujet de cette compétition, un long combat pour qu’elle soit acceptée et finalement d’intenses mois à préparer tout l’aspect logistique et humain, voilà qu’il y était. Au pied de cette compétition qu’il rêvait d’organiser depuis ses tendres années à Poudlard, durant lesquelles il avait aimé plus que tout les quelques moments où, son bon vieux mégaphone en main, il avait vibré avec le public en commentant les matchs de Quidditch. Si les Joutes Aériennes existaient à ce jour, c’était pour tous ces joueurs que Zerator avait vu voltiger avec audace durant toutes ces années.

Carl notamment.

Zerator chassa ce visage de son esprit. Il allait y être confronté toute la journée, mais ce n’était pas une bonne idée qu’il se mette à trop y penser. Son professionnalisme prendrait le dessus aussitôt la compétition lancée, il en était sûr, mais d’ici là, il fallait qu’il garde son esprit clair et évite de se laisser ronger par le stress. Après tout, c’était comme à la bonne vieille époque, lorsqu’il se calait dans les tribunes avec la foule et s’écriait des âneries à tout va. La pression en moins, il se serait presque réjoui de devoir y aller.
- Adrien, t’es prêt ? Ça va être à toi.

Il hocha la tête, attrapant son mégaphone dans une main, son balai dans l’autre. Debout devant l’ouverture dans laquelle il allait devoir s’engouffrer, il écouta la clameur excitée de la foule. Tous ces gens étaient là pour sa compétition. Elle n’allait pas les décevoir.
- Top, c’est à toi.
Il se jeta dans le vide.

Le public salua son entrée à tout va. Peut-être avait-il manqué à certain, depuis qu’il avait quitté ses fonctions de commentateurs à Poudlard. En tout cas, tant d’enthousiasme lui réchauffa le cœur. Il porta son mégaphone à son immense sourire et le volume des acclamations s’abaissa. Il gonfla ses poumons. C’était parti.
- Mesdames et messieurs, bienvenue à la toute première édition des Joutes Aériennes !
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