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Myosotis et géraniums 3/3

Floraly
Floraly
Modératrice - La boîte à horreur
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Mer 8 Avr - 17:15
Floraly
Hello !

Voici l’ultime partie de ce long One Shot ! C’est un grand projet qui se termine pour moi. J’espère que cette dernière partie, même si elle est plus longue que les autres, saura vous embarquer avec elle !

Il y a beaucoup de monde à qui je dois dire merci pour ce projet, je crois qu’il est grand temps de le faire…

Tout d’abord, merci à Nayara d’avoir été ma fidèle bêta-lectrice sur cette longue histoire. En relisant cette dernière partie, j’ai éclaté plusieurs fois de rire en relisant les commentaires qu’elle avait laissé tout au long de l’histoire. Ça demande du courage d’être la bêta-lectrice de mes gros pavés, donc merci, je t’aime, vivement le mariage. <3

Ensuite, je me dois de citer mes deux compères mesdames Nyal et Sohuna, sans lesquelles je ne me serais jamais lancée dans un projet aussi gros, et sans lesquelles je ne serais probablement jamais arrivée au bout. J’ai rempli ma part du contrat, mesdames, j’attends la vôtre maintenant ;D

Merci à Epo, encore, je ne la remercierai jamais assez d’avoir pris de son temps pour me faire des illu, celle de ce chapitre est magnifique, donnez-lui de l’amour.

Et finalement, merci à toi, cher lecteur, qui a pris la peine d’ouvrir cette page, qui prendra peut-être de son temps pour lire cette dernière partie et laissera éventuellement un commentaire. Merci du fond du cœur. On dit qu’on écrit pour soit, mais en vérité mon vrai plaisir ça a toujours été de partager les histoires qui naissent dans mon esprit. C’est toujours un bonheur de savoir que quelques personnes me suivent dans mes aventures farfelues !

Sur ce, je vous souhaite à tous une excellente lecture.
Flo’

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Myosotis et géranium
Part III
Myosotis et géraniums 3/3 Epo_fa12

Comme le reste du public, Etoiles retenait son souffle. Voir tous ces joueurs alignés dans les airs, prêts au départ, était impressionnant. La « chute libre » promettait d’être spectaculaire. Et dangereuse.

Bien qu’appartenant à la maison Poufsouffle, c’était sur ses amis qu’Etoiles avait décidé de miser en ce jour particulier. Il faisait confiance à Carl et Bren pour écraser le reste des concurrents, parce qu’ils étaient tous les deux beaucoup trop forts à ses yeux. Enfin, peut-être manquait-il un peu d’objectivité.

Quoiqu’il puisse en être, l’ambiance dans les gradins était incroyable. Si tout le monde semblait avoir son joueur favori, ils n’en étaient pas moins ici pour assister au spectacle que Zerator leur avait promis. Et pour le moment, il tenait ses promesses. Survolté, l’ex commentateur de Poudlard semblait receler d’une énergie que lui seul était capable de sortir dans une situation pareille. Il n’aurait pas été possible de trouver meilleur animateur pour cette compétition.

Ses mots, ses gestes, son attitude. Tout transpirait la joie et la force. L’écouter était un vrai régal.

Il lança d’ailleurs un décompte que le public suivit avec un réel entrain.

Arrivé au zéro, un long bip.

Et les joueurs partirent en chute libre.

**

Ciremyxx ne s’était jamais considéré comme un bon joueur de Quidditch. Il aimait bien le sentiment de liberté qui l’étreignait lorsqu’il se trouvait aux commandes d’un balai et il était fasciné par les stratégies parfois complexes du jeu, mais sa carrière s’arrêtait là, à commenter des compétitions.

Pourtant, le concept des Joutes Aériennes l’avait séduit. Sortant des sentiers battus, c’était une autre façon d’aborder l’utilisation des balais magiques et il avait été curieux. Alors il s’y était inscrit, pour l’expérience. Il n’aurait peut-être pas du.

Il se demandait comment il avait réussi à tenir jusque-là. Perché à cent mètres de hauteur, il contemplait la barre, beaucoup trop basse pour l’entendement. Il en était arrivé au point où il ne savait plus trop ce qu’il faisait encore là.

Le top arriva et il se pencha vers l’avant. Son balai atteignit bien rapidement des vitesses vertigineuses alors que le vent sifflait dans ses oreilles. Ils étaient encore beaucoup à se jeter dans le vide à ce stade pourtant avancé de la compétition. Ciremyxx vit la barre se rapprocher. Vite. Près. Il n’y arriverait pas.

Pas assez fou pour tenter le diable, il redressa bien plus tôt que ce qu’il aurait du. Les autres participants le devancèrent comme des fusées et il les regarda partir vers l’avant, impressionné. Ce tour avait été décisif pour beaucoup de monde, mais certains, infatigables, semblaient encore capables de tenir plusieurs tours. Ciremyxx le leur souhaitait.

Mais la compétition s’arrêtait là pour lui.

**

Ils n’étaient plus que cinq à remonter dans les airs. Carl jeta un coup d’œil à Bren. Ils en étaient arrivés jusque-là, mais le plus dur restait à venir. La fatigue de toutes ces descentes commençait à se faire ressentir, mais ce n’était pas le moment de flancher. Ils pouvaient encore passer sous la barre, tout était une question de timing.

Finalement, cette compétition se jouait aussi au mental.

Zerator meublait entre chaque passage, posté au-dessus du terrain et observant tout ce qu’il s’y passait de son œil de lynx. Carl ne s’était jamais rendu compte d’à quel point ses braillements dans son mégaphone lui avaient manqués.
- Carl, reste focus.
Pris sur le fait, Carl fit la moue en se tournant vers Bren qui devait avoir surpris son regard en direction de Zerator. Ce dernier lui envoya un clin d’œil taquin et ils s’échangèrent un top-là de bonne chance, comme à chaque tour, avant de se mettre en position.

Carl regarda en bas. Hors de question de flancher maintenant. Pas sous les yeux de Zerator.
Cette fois-ci, il n’y avait aucun cognard pour le rendre ridicule.
Il allait briller.
Time to shine.

Biip.

**

Zerator reprit son souffle, les yeux brillants. Si la « chute libre » avait fait le spectacle, les « cerceaux ardents » semblaient laisser planer un léger flottement, mais un peu moins d’intensité lui faisait du bien. Et puis, il n’était pas inquiet. On approchait du début du troisième tour, celui où les joueurs allaient tout donner, parce que ce serait leur dernier essai pour tenter d’aller accrocher la première place.

Pour l’instant, le classement lui plaisait, mais une surprise était toujours la bienvenue. Zerator avait secrètement ses chouchous, mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était les outsiders. Et à moins de la moitié de la compétition, rien n’était joué !
- Forcément, sur ce genre d’épreuve, les joueurs ont cherché le chemin le plus optimisé et on dirait bien qu’ils se sont mis d’accord sur la voie à emprunter. Je doute qu’on ait des variantes au troisième tour !

Il avait hâte de voir la suite.

**

Papou sentit la chaleur lui rougir le visage. Il négociait des virages dangereusement serrés, mais il n’avait pas réellement le choix. Carl-Antoni tenait la première place avec un sans-faute impressionnant, s’il voulait tenter de la lui accrocher, il n’avait pas d’autre solution que de prendre tous les risques.

Enfin, il n’avait pas réellement envie de finir comme ce pauvre Ayako, dont le balai avait malencontreusement pris feu au cours de l’épreuve...

L’attrapeur de Gryffondor s’était entraîné d’arrache-pied pour cette compétition, mais il ne s’était pas attendu à obtenir de tels résultats. D’une régularité impressionnante, il se trouvait aux portes du podium et avait bien l’intention de tout faire pour y mettre les pieds.

Mais pour ça, il allait falloir qu’il vienne titiller ses deux coéquipiers de Gryffondor. Et il en avait bien l’intention.
- Magnifiiiique ! Papouuu ! s’écria Zerator dans son mégaphone.
Papou venait d’allumer le dernier cerceau, essoufflé par la chaleur et l’effort physique qu’il venait de terminer.

Sur l’écran d’affichage, son nom, inscrit en grand, et un temps.

Il sourit. Il venait de rafler la première place.

De quoi mettre un coup à ses camarades pour leur dernier passage...

**

Lucas trépignait, assis sur l’un des nombreux sièges de la tribune réservée aux participants. La pause de midi avait semblé durer une éternité et enfin allait débuter la troisième épreuve de la compétition : le « sans les mains ». Les joueurs avaient eu tout le loisir de se reposer et attendaient désormais avec impatience qu’on leur dévoile le parcours qu’ils allaient devoir effectuer sans avoir la permission de laisser leurs mains effleurer le bois de leur balai.

C’est avec un enthousiasme débordant que Zerator, toujours aussi pimpant malgré ses trois heures de commentaires effrénés sur les épreuves précédentes, revint au centre du stade pour leur faire découvrir ce nouveau terrain de jeu qu’aucun d’entre eux n’avait aperçu jusque-là.

Parmi les vingt-cinq joueurs restants, Lucas se plaçait honorablement. Il oscillait entre la septième et la huitième place, des positions plutôt éloignées du podium mais il ne s’en formalisait pas vraiment. Après tout, seule la moitié de la compétition avait été jouée, et il savait que ses meilleures épreuves seraient les dernières. Enfin, cela dépendait du terrain que Zerator leur avait concocté...

Sous les applaudissements du public, ce dernier découvrit enfin le tant attendu parcours. Les joueurs en scrutèrent rapidement tous les détails. Ils ne seraient pas autorisés à voir les autres participants effectuer leurs tentatives, il leur fallait donc tout mémoriser, et vite.

Lucas balaya l’ensemble des obstacles à franchir d’un coup d’œil rapide. Une information capitale l’intéressait. Lorsqu’il fut sûr de son constat, il se tourna sur la droite, et chercha un regard dans les rangées s’étendant près de lui.

Bren le regardait déjà. Ils se sourirent.

Pas de looping. C’était le pied.

« Sans les mains » ? Ça leur ferait une belle jambe. Ou plutôt « de » belles jambes.

A deux pieds sur leurs balais, il était temps de reprendre la main et de remettre les pieds dans le classement !

**

Carl laissa ses mains retomber sur son balai avec soulagement. « Épreuve », c’était le bon nom pour ce qu’il venait de traverser. Tenir en équilibre sur un balai et le diriger sans les mains lui demandait une concentration aiguë qu’il avait été fatiguant de déployer.

Curieux de connaître son résultat, il tendit l’oreille pour écouter les commentaires de Zerator. Il se sentit soulagé en apprenant qu’il avait réussi à atteindre la quatrième place grâce à ce troisième et dernier passage. Une quatrième place qui risquait bien de lui coûter cher au classement général, en plus de briser sa chaîne de victoires...

Les jambes douloureuses d’avoir été si longtemps crispées sur le manche de son balai, Carl donna une légère impulsion vers l’avant pour rejoindre les tribunes dédiées aux participants. Bien qu’il ait réalisé un temps honorable, le jeune homme devait bien s’avouer un peu préoccupé. Cette faiblesse de parcours pouvait bien lui faire passer la coupe sous le nez, et il était hors de question qu’il laisse une telle chose arriver.

Il se posa sur le côté des gradins et descendit de son balai avant de jeter un coup d’œil au classement de l’épreuve, affiché sur l’un des pans du stade. Son nom était inscrit en grand à cette malheureuse quatrième place, mais ce qui attirait son regard se trouvait plus haut sur le tableau. Tout en haut, même.

Bren. Son plus dangereux rival siégeait à la première place de du classement de l’épreuve. Tabernak, voilà qui n’arrangeait pas ses affaires...

Le public applaudit à une blague de Zerator et le regard de Carl, accroché au tableau, glissa vers le commentateur.

Il se démenait toujours pour animer sa compétition avec un infatigable enthousiasme. Zerator était tellement investi dans son rôle que Carl l’avait vu se promener parmi les participants durant la pause de midi, à la recherche d’informations sur les joueurs bien placés qu’il ne connaissait que très peu, sûrement pour avoir de quoi épiloguer sur eux durant l’après-midi.

Mais... il n’était pas venu saluer l’équipe de Gryffondor. Certainement parce qu’il en connaissait tous les joueurs, mais Carl n’avait pas pu s’empêcher de se sentir un peu déçu. Il avait remporté les deux épreuves de la matinée, et... Il n’aurait pas demandé de félicitations, juste... un mot, un encouragement, un regard ? Mais rien. Zerator s’était contenté de l’ignorer.

Et depuis, Carl était encore plus déterminé à remporter la compétition. Un objectif que l’épreuve du « sans les mains » venait de mettre en péril...

Carl secoua la tête. Il ne devait pas y penser et rester concentré jusqu’au bout, sans se laisser distraire par les pensées parasites qui pourraient faire grimper la pression plus haut que la limite qu’elle avait déjà atteinte...

Le retour à la réalité rappela à Carl que ses deux jambes avaient bien besoin de repos, et qu’une place assise ne serait vraiment pas de refus...

Bren avait beau être son plus grand rival dans la compétition, il n’en restait pas moins son meilleur ami en toutes circonstances. Se doutant qu’il lui avait probablement gardé une place dans les gradins, le jeune homme se mit à le chercher dans la foule. Il ne fallut que quelques secondes à Carl pour le repérer avant de le rejoindre.
- Salut, fit Bren lorsqu’il fut à portée.
- Hey, le salua Carl en retour. Ton temps était vraiment nice, man.
Le nouveau venu s’affala dans le siège à côté de son meilleur ami, un sourire aux lèvres.
- Merci, t’étais pas mal non plus.
Mais pas assez bien, pensa Carl intérieurement. Son regard dévia bien malgré lui à nouveau sur Zerator, perché dans sa tribune.

Il se rendit à peine compte de son mouvement, mais Bren, lui, n’en rata pas une miette. Il lui poussa affectueusement l’épaule.
- Mais tu le lâches un peu ?
Carl sentir le rouge lui grimper aux joues en se tournant vers un Bren à l’air discrètement espiègle.
- T’es pas croyable, depuis que t’as atterri dans ces tribunes, tu l’as quasiment pas lâché des yeux...
- C’est parce que j’écoute ce qu’il dit ! tenta de se justifier Carl.
En réalité, il n’en avait aucune idée. Il aurait été incapable de dire qui était le joueur qui passait l’épreuve à ce moment-là.
- Mais oui, bien sûr, ironisa son ami. Pas à moi, Carl-Antoni...
L’intéressé croisa les bras, mal-à-l’aise. D’accord, il avait tendance à se laisser distraire par Zerator. Un peu trop même. Beaucoup trop pour sa propre opinion. Mais c’était plus fort que lui, quelque chose chez Zerator l’attirait comme du miel aurait attiré une abeille, et malgré tout ce qu’ils avaient bien pu traverser, il n’arrivait pas à s’en défaire...
- Vous avez parlé ? s’enquit Bren, reportant son attention sur le match en contrebas.
Carl s’appuya contre le dossier de son siège et croisa les bras, lui jetant un regard de biais, confus.
- Parlé ?
- De vous. D’il y a deux ans...
Carl serra ses bras plus fort contre son torse. Il n’avait pas réellement envie de penser à toutes ces choses. Il aurait voulu laisser ces histoires de côté le temps de la compétition, mais visiblement, c’était râpé...

Bren remarqua bien vite son malaise et, comprenant qu’il n’aurait peut-être pas du réveiller ces souvenirs, il s’excusa d’un regard en affichant une moue désolée. Il planait toutefois dans ses prunelles sombres une légère incompréhension qui intrigua Carl.
- Donc Zera est pas venu te voir ? Lâcha finalement Bren, troublant un peu plus son ami.
Ce dernier cligna des yeux, les sourcils froncés. Pourquoi diable Zerator serait-il venu le voir ? Quand ? Bren semblait évoquer un moment précis où Zerator aurait du venir le voir, mais Carl n’arrivait pas à déterminer lequel. Son meilleur ami savait-il quelque chose qui lui échappait ?

Il s’apprêtait à demander des précisions à Bren, mais ce dernier fut sauvé par un long sifflement, annonçant la fin de l’épreuve en cours. Le public se mit à applaudir à tout rompre et, même si les interrogations de Carl traînaient toujours dans sa tête, les deux jeunes hommes laissèrent tomber leur conversation pour s’occuper du tableau des scores.
- Bien joué, Brendou, le félicita Carl en apercevant le nom de son ami toujours en tête de classement.
Ce dernier lui sourit. Il avait l’air ravi. Un peu trop ravi, même...
- Merci.
Il s’interrompit. Son regard était vif, comme s’il réfléchissait rapidement. Il finit par se tourner vers Carl pour lui demander :
- Tu sais ce que ce résultat veut dire ?
- Dis-moi ?
- On est ex-aequo à la première place du classement général.
Carl se figea.

Que...

Oui, c’était bien possible. Si Carl avait enchaîné le premières places, Bren n’était lui non plus jamais sorti du podium. L’écart de parcours de Carl lui avait permis de le rattraper à la tête du classement et ils se retrouvaient à deux sur la première marche, avec une avance confortable sur le troisième joueur... De tous les scénarios possibles, il avait fallu que ce soit celui-là qui tombe...

Carl et Bren, le bien connu duo de l’équipe de Gryffondor. Eux deux à la première place, à ce stade de la compétition. Cela signifiait donc que tout allait se jouer sur la dernière épreuve. Zerator avait voulu du spectacle ? Il allait en avoir. La détermination dans les yeux de Bren n’était pas feinte, et celle qui brillait déjà dans ceux de Carl n’allait pas ternir. Un regard échangé leur suffit. Un sourire craqua sur leurs visages.

Carl tendit la main et, comme leur rituel avant chaque épreuve, ils firent claquer leurs paumes avec force.
- Que le meilleur gagne, fit Bren.
Carl hocha la tête, entendu.

Et puis, son regard dévia à nouveau vers la tribune de Zerator, mais il ne s’y trouvait plus. Carl souffla, convaincu.

Il aimait Bren comme un frère.

Mais le meilleur ? Il fallait que ce soit lui.

**

Le public était en délire total. Zerator aussi.

Aurait-il pu s’attendre à meilleur scénario ? Certainement pas ! Enfin, c’était ce que s’imaginait Etoiles, assis avec ses amis dans les gradins. Tout autour d’eux, plus personne ne se faisait d’illusion. On s’arrachait les noms de Carl et Bren, pariant à celui qui remporterait le trophée. Rares étaient devenus ceux qui s’osaient à citer d’autres compétiteurs. Le duel de ces deux-là avait emballé tout le monde !

Le silence se fit au départ de la quatrième et dernière épreuve. Etoiles se sentait tellement impliqué par cette atmosphère de folie qu’il en oubliait presque que toute cette aventure allait bientôt trouver sa fin.
- Hey, Etoiles, t’es pour qui toi ? l’interpella l’un de ses amis, après que le coup d’envoi ait été lancé.
Etoiles sourit.
- Je suis Team-
Mais une exclamation de la foule étouffa ses derniers mots...

**

Bren ferma les yeux. Lentement, il inspira. Lentement, il expira.

Ils en étaient à leurs derniers passages. Dès le premier tour, Carl avait pris la tête. Sans hésitation, il s’était élancé dans le tunnel infernal du « en un seul morceau » et avait pulvérisé son propre record d’entraînement. Un record quasiment imbattable. Quasiment. Parce que Bren l’avait déjà fait. Mais qu’il lui faudrait un miracle pour le réussir à nouveau.

Le jeune homme souffla doucement, cherchant à réunir assez de concentration pour se sentir prêt.

C’était le dernier tour. De l’épreuve, mais également de la compétition. Et même s’il s’efforçait de l’oublier, son tour était celui qui déciderait du classement final. Celui qui pouvait tout changer.

Et Bren avait bien l’intention de se battre jusqu’au bout. En prenant les risques qui s’imposaient.

- Brendan, appela l’un des organisateurs de la compétition.
D’une main ferme, Bren attrapa son balai.
L’air extérieur faisait du bien. La foule salua son arrivée avec un engouement qui le terrifiait autant qu’il lui plaisait. Il devait en faire abstraction. De tout. Se concentrer sur son objectif. Se concentrer sur son chemin.

Bren vint se placer devant l’arrivée.

Ce qu’il s’apprêtait à faire relevait de l’inconscience la plus totale. Un choix absolument déraisonnable, mais Bren était décidé. Il n’avait que trop réfléchi jusqu’à présent, il était temps pour lui de laisser parler son instinct, et de se faire confiance. Il lui suffisait d’un mouvement pour tout mettre en place. Un mouvement et il scellerait sa folie. Un mouvement et ses intentions deviendraient claires pour la majorité des spectateurs. Alors, il rassembla son courage.

Et il le fit.

Lentement, il s’aida de ses mains, souleva le bassin, et posa un pied sur le manche de son balai. Cinq secondes. Ce fut le temps dont il eut besoin pour se redresser et se stabiliser debout sur sa monture.
- Incroyable ! Ohlala, mon brave Bren, tu prends des risques !
La voix impressionnée de Zerator se fraya un chemin jusqu’aux oreilles de Bren, qui ne put s’empêcher d’écouter.
- Mesdames et Messieurs, on dirait bien que Bren tente le tout pour le tout !
Une longue vague d’applaudissements vint saluer l’intervention du commentateur. Il reprit lorsqu’elle se calma :
- Ne pensez pas qu’il tente une nouvelle stratégie ! J’ai déjà vu quelques personnes s’entraîner à prendre ce chemin, et croyez-moi, peu seraient assez FOUS pour l’utiliser en conditions réelles ! S’il veut gagner du temps, Bren va partir debout et devra sauter en plein vol pour esquiver une barre avant d’atterrir assis sur son balai, un tour vraiment très très risqué mais qui peut lui faire gagner de précieuses secondes...
Bren arrêta d’écouter lorsqu’il sentit que Zerator n’arrivait plus vraiment à masquer l’inquiétude dans sa voix. Il préféra souffler longuement. Puis, il pressa sur la pointe de son pied droit. Et son balai s’élança pour franchir la ligne de départ.

- Il le teeeeente ! Hurla Zerator.
La foule se déchaîna.

Mais Bren n’entendait rien. Il était dans sa bulle, fixant son objectif, ce chemin qu’il s’était exercé à emprunter tant de fois durant ses entraînements avec les illusions. Mais les barres virtuelles étaient cette fois-ci bien solides. Dangereusement solides. Bren bloqua sa respiration.

Il se baissa pour passer sous le premier obstacle, se pencha pour esquiver le second. Puis il prit toute la vitesse qu’il put.

Et bondit.

La sensation d’être suspendu dans les airs le frappa de plein fouet. Il baissa les yeux, cherchant son balai qu’il avait quitté et qui devait filer encore comme une flèche sous lui, s’il avait bien dosé son saut. Il le trouva, soulagé. Le timing était bon. Ou presque.

Il retomba assis sur son balai.
- ET IL LE PASSE ! C’EST FOUUUU ! BREN L’ACCROBATE !
Bren força sur le manche de son balai pour esquiver une barre. Il avait passé le plus dur, mais s’était mal réceptionné. Il se retrouvait assis trop près du bout de son balai, rendant ce dernier trop difficile à diriger dans les manœuvres étroites qu’il aurait du effectuer...

Il tenta de garder son sang-froid mais, dans cet amas d’obstacles, sans ses repères habituels, il perdit le contrôle. Sa tête heurta l’une de ces trop nombreuses barres. Son corps partit à la renverse et s’écrasa lourdement sur le sol du tunnel de l’épreuve.

Un long sifflement accompagna l’étourdissement provoqué par la chute. Ses pensées lui paraissaient toutefois encore étrangement claires. Il ne terminerait jamais sa dernière course. Carl avait gagné, et il lui concédait la victoire de bonne grâce. Il avait donné tout ce dont il était capable.
Bren, malgré une céphalée insupportable, n’avait aucun regret.
- T’es un con, mais t’es un con Brendan !
L’interpellé ne put s’empêcher de sourire un peu en entendant le ton inquiet de son meilleur ami. Évidemment, qui d’autre que lui aurait pu venir le chercher ? Carl débarqua en grande pompe et s’accroupit près de lui en l’observant avec inquiétude. Le voir les yeux ouverts semblait déjà le rassurer.
- J’te déteste mec ! Tu te sens bien ?
Bren essaya de rire, avant que son cerveau ne lui rappelle qu’il ferait mieux de se tenir un peu tranquille.
- Tu vois ce que je subis chaque fois que tu joues les têtes brûlées ? lâcha-t-il simplement, entre l’amusement et l’inconfort.

Avec précautions, Carl l’aida à se relever. Le blessé devait s’être ouvert le front, parce qu’il sentait un liquide chaud couler sur son visage. Rien de très agréable, mais rien de très grave non plus. Il n’empêchait que Carl semblait pressé de l’emmener à l’infirmerie.

Ils s’installèrent tous les deux sur le balai du blond, et Bren s’accrocha à lui alors qu’ils quittaient le tunnel de l’épreuve. Ils furent accueillis par une longue acclamation triomphale qui fila une migraine à Bren. Mais elle lui rappela quelque chose. Quelque chose d’important.
- Bravo pour ta victoire, Carl.
L’autre lui répondit vaguement en grommelant. Bren eut un sourire affectueux.

Oui, il était déçu. Mais sa joie pour Carl était capable de surpasser ce sentiment. Son meilleur ami avait gagné cette fameuse compétition qu’ils préparaient depuis des mois. Compétition organisée par Zerator, qui plus était.

Alors oui, Bren était fier de Carl.

Mais il en profiterait certainement mieux une fois allongé dans un bon lit douillet de l’infirmerie.

Ouille, quelle idée de faire des épreuves aussi dangereuses...

**

- Et devant l’ensemble des élèves de Poudlard, Carl-Antoni soulève son premier titre !
Zerator lui glissa la coupe entre les mains. Le métal qu’il toucha de ses doigts était chaud d’avoir été exposé si longtemps au soleil, mais Carl n’en avait pas grand-chose à faire. Parce que lui aussi, il brûlait.

Avec un cri de joie, il leva son trophée vers le ciel. Voir ces milliers de personnes qui l’acclamaient fit vibrer quelque chose en lui. Il ne s’était jamais senti aussi reconnu, entouré d’autant d’attention et de reconnaissance. C’était grisant... Tellement grisant... A peine eut-il le temps de savourer cet instant que ses amis l’entouraient. Qu’ils soient de sa maison ou non, les autres compétiteurs vinrent le féliciter, l’étreindre pour les plus proches. Il tenta tant bien que mal de les inclure dans son triomphe, de leur faire profiter de l’engouement qui avait saisi le public. L’instant dura quelques secondes, peut-être quelques minutes. Pour Carl, il parut durer une éternité. Une si douce éternité qu’il lui fut difficile de revenir à la réalité.

Zerator le ramena à lui, attirant son attention d’un contact léger sur l’épaule. Il le couva d’un regard fier et il lui tendit le mégaphone, articulant de ses lèvres « Un petit mot ? » qui fit comprendre à Carl ce qu’il attendait de lui. Ce dernier hocha la tête et fit s’effleurer leurs doigts en prenant l’objet des mains de Zerator. Objet qu’il s’empressa de porter à ses lèvres.
- Merci à tous ! s’exclama-t-il, avant de baisser sa voix en se rendant compte que le mégaphone était bien assez efficace sans qu’il n’ait besoin de crier à l’intérieur.
- Merci à tous ceux qui m’ont soutenu durant la compétition, à mes amis avec lesquels je me suis entraîné ! Une pensée pour Bren qui aurait du être là avec moi pour fêter ça !
Les applaudissements redoublèrent et Carl attendit qu’ils se calment avec un sourire aux lèvres. Son cœur dérailla dans sa poitrine. Il inspira.
- Et merci à Zerator, fit-il en se tournant vers celui qu’il venait de nommer. Merci pour cette expérience incroyable, j’espère qu’il y en aura d’autres.
Leurs regards se croisèrent. Dévoré par l’allégresse, cette sensation que de la joie liquide coulait dans ses veines, Carl sentit une impulsion monter dans tout son être. Cet instant fou lui donnait envie d’oublier. Oublier tout ce qui avait pu le contrarier, oublier ses barrières, ses limites. Arrêter d’écouter sa raison et faire ce qu’il avait réellement envie de faire.

L’adrénaline le libérait complètement.

Zerator hocha doucement la tête pour le remercier et Carl eut toutes les peines du monde à se contenir, prenant soudain conscience qu’ils n’étaient pas seuls, qu’il tenait toujours le mégaphone en main.

Que se jeter sur Zerator à cet instant-là n’était peut-être pas la plus brillante des décisions à prendre.

Alors, malgré son être tout entier qui le démangeait, il se força à se tourner à nouveau vers la foule, et conclut son discours.
- Merci à tous ! Je vous aime !
Il leva une nouvelle fois sa coupe en signe de joie et savoura encore quelques secondes cette gloire éphémère qui, il en était sûr, resterait à jamais gravée dans ses souvenirs.

Et puis, il se tourna vers Zerator pour lui rendre son mégaphone. Ce dernier allait le lui reprendre, mais, sans pouvoir s’en empêcher, Carl le retira à la dernière seconde. L’autre lui jeta un regard perplexe. Avec une timidité qui s’accordait mal à son triomphe, le jeune homme ouvrit ses bras et, hésitant, inclina la tête.

Zerator ne fit pas de cérémonie. Il aurait été bien cruel de lui refuser une étreinte devant autant de monde et, de toute manière, Carl savait au fond de lui qu’il ne l’aurait pas fait. Il dut tout de même s’avouer soulagé de le sentir dans ses bras et le serra contre lui franchement. Cette victoire, elle devait aussi être à lui. Parce que s’il avait pu en arriver à là, c’était surtout grâce à Zerator.

Ils étaient fatigués, tous les deux, complètement défraîchis par cette longue journée qu’ils venaient de traverser, mais au fond, ils n’en avaient pas grand-chose à faire. Zerator lui caressa le dos affectueusement, et lui glissa à l’oreille un « bien joué » qui électrisa les membres de Carl. Oui, Zerator l’avait déjà félicité tout à l’heure, après la fin des épreuves, en criant dans son mégaphone. Mais cette célébration-là avait quelque chose de plus intime qui donna le sentiment à Carl qu’il n’avait pas fait tout ça pour rien. Les entraînements, la pression, les coups durs. Tout trouvait un sens, parce qu’il était dans les bras de Zerator, et que même si ce dernier tentait de rester professionnel face à la foule, il sentait dans son attitude qu’il était fier de lui. Et ça n’avait absolument pas de prix.

Ce fut Zerator qui amorça le mouvement pour qu’ils se détachent l’un de l’autre. Il fit glisser sa main le long du poignet de Carl pour lui reprendre délicatement le mégaphone, et puis lui jeta un dernier regard.

Carl sentit son sang se glacer dans ses veines. Un frisson lui remonta les côtes alors que Zerator détournait les yeux, reprenait contenance, et s’écarta finalement pour se mettre à remercier les sponsors de la compétition.

Carl resta figé sur place. Il était le seul à l’avoir vu, il en était certain. L’azur si pur des yeux de Zerator s’était troublé. Juste une fraction de seconde, où les deux bulles océan avaient semblé sur le point de se percer et de laisser échapper un filet de leur eau si précieuse. Un écart dont Carl n’aurait sans doute pas du être le témoin et qui lui compressa le cœur, en même temps qu’il l’inquiéta.

Quelque chose avait changé chez Zerator.

Il n’arrivait pas à déterminer quoi. Zerator avait beau avoir joué son rôle de présentateur motivé toute la journée, la fragilité qu’il venait de le laisser apercevoir ne lui ressemblait pas. Carl aurait bien mis cette vulnérabilité sur le compte de la fatigue, mais à bien y réfléchir, l’autre lui avait déjà semblé étrange lorsqu’ils s’étaient vus avant la compétition.

Il se sentait affreusement démuni. S’était-il passé quelque chose dans la vie de Zerator qui l’affecte assez pour qu’il manque de craquer devant lui ? Carl y était-il pour quelque chose ? Cette pensée l’ébranlait.

Alors qu’il observait Zerator clôturer la cérémonie de remise des prix, il ne pouvait s’empêcher de chercher en lui chaque signe qui aurait pu être un indice, qui pourrait lui donner une réponse. Mais Zerator avait toujours été un excellent comédien...

Carl allait donc devoir être un excellent enquêteur.

**

La clameur du stade finit par s’essouffler.

Sur les gradins, les spectateurs s’étaient mis à quitter les rangs, fatigués par cette longue journée aux émotions vives. Ils garderaient sans doute les paumes brûlantes pour quelques heures, mais ce désagrément n’était qu’un maigre prix à payer pour les étoiles qui luisaient encore dans leurs yeux et les milliers de souvenirs que leur avait laissé cette compétition inédite.

Zerator remercia pour la énième fois les participants des Joutes Aériennes. Il n’avait pas de discours à leur faire, la gorge encore obstruée par les émotions de la fin du match. De sa voix éraillée d’avoir été sollicitée toute la journée, il les invita simplement à l’apéritif festif qui se déroulerait dans la Grande Salle avant le dîner. Les sponsors et autres invités de marque s’y rendraient directement, mais Zerator et son ami Dach, après concertation à ce sujet durant la préparation de l’événement, étaient tombés d’accord pour dire que les joueurs auraient peut-être bien besoin de se rafraîchir avant de les rejoindre. Ce fut avec un sentiment de fierté mêlé de fatigue que Zerator regarda le troupeau de joueurs passer la porte des coulisses pour aller rejoindre leurs dortoirs respectifs.

Malgré ses efforts pour rester impassible, la silhouette de Carl, même de dos, se détachait pour lui de toutes les autres, aussi immanquable que le rouge flamboyant d’un coquelicot dans des herbes hautes de début d’été. Il la vit disparaître avec les autres au tournant d’un couloir et soupira un grand coup, le cœur gros. L’épuisement qu’il avait accumulé au cours de la journée tenta de tirer profit de cet instant de relâchement, mais le réputé infatigable commentateur de Poufsouffle se reprit avant de se laisser envahir.

Il n’aurait pas le temps de prendre une douche, se sachant attendu à l’apéritif. Il se contenta de se changer dans la loge qu’on lui avait attribuée et de passer son visage sous l’eau pour donner une illusion de fraîcheur. Une coquetterie un peu sale, mais qui porta ses fruits. Il partagea ce bref moment de toilette en compagnie de Dach, ce qui eut pour don de le distraire un peu, mais le rendit également mélancolique.

Il aurait tant aimé que son cher Thomas puisse être là… Son ami d’étude lui manquait terriblement depuis quelques semaines. Après tout, il n’était jamais resté à Poudlard aussi longtemps sans lui... Partager ces instants de réussite avec ce bon vieux Thomas aurait été un réel bonheur, même si... Zerator savait au fond de lui qu’il n’y avait pas que pour cette raison qu’il regrettait tant son ami. Bien qu’il ait créé des liens forts avec les collègues et amis qui avaient travaillé avec lui sur le projet des Joutes Aériennes, aucun d’eux n’aurait pu comprendre ce qui le tourmentait, lui déchirait la poitrine. Thomas aurait compris. Mais Thomas n’était pas là.

Show must go on. Ce fut ce que se dit Zerator pour s’encourager, en route vers la Grande Salle. Il se sentait vide et à la fois plein d’émotions contradictoires. Faire la part des choses dans tout ce capharnaüm intérieur en devenait mission impossible, mais le jeune homme serra les dents. Cet apéritif était sa dernière épreuve à traverser. Ensuite, il aurait tout le loisir de se laisser réfléchir, d’envisager la suite et, bon sang, de se reposer.

Mais lorsqu’il poussa la lourde porte de la Grande Salle en compagnie de Dach, il sentit son cœur se serrer. Tant de gens à aborder, tant de faux pas à ne pas faire… Zerator était habitué à ce genre de conventions, mais ce soir-là, l’idée d’échanger des sourires et des politesses lui semblait insoutenable.

Show must go on, se répéta Zerator comme une entêtante mélodie.

Il afficha un sourire et se laissa entraîner par Dach vers un premier groupe de personnes.

La salle avait été réaménagée pour l’occasion, sans toutefois qu’aucun changement majeur ne soit à signaler. Après tout, les élèves de l’école devraient venir prendre leur dîner un peu moins de deux heures plus tard. Les longues tables avaient simplement été écartées le long des murs et garnies de mets en tous genre que les elfes de maison de l’école avaient concoctés avec soin. Zerator n’arrivait pas à trouver le goût d’en avaler un seul. Il employa ses vingt premières minutes à flâner entre les différents groupes, se laissant féliciter avec une légère gêne. Il vantait le travail de son équipe plutôt que d’accepter les compliments et louait le talent des participants lorsqu’on le félicitait pour le divertissement. Les invités étaient conquis, les sponsors satisfaits, de quoi laisser une délicieuse sensation de victoire sur sa langue, mais il ne la sentait pas. Tout comme les saveurs sont atténuées lorsqu’on se pince le nez, celles de Zerator l’étaient par son cœur serré...

Il s’ennuyait dans une conversation d’usage avec ses anciens professeurs lorsque les grandes portes à battants s’ouvrirent sur une troupe d’élèves en tenues civiles. Les participants de Gryffondor s’étaient certainement attendus pour descendre et Zerator, à sa propre surprise, vit leur arrivée comme une bénédiction.
- Toutes mes excuses, je dois vous laisser, se déroba-t-il poliment.
Il laissa son regard glisser sur Mme Chourave, qui lui adressa un clin d’œil entendu, confirmant un accord qu’ils avaient passé tantôt.
- N’oubliez pas de goûter les croissants au jambon, il parait qu’ils sont délicieux, ajouta-t-il avant de s’éclipser.
Il eut le droit à des sourires aimables et compréhensifs en retour, alors qu’il quittait ce groupe-ci pour se diriger vers celui qui stagnait à la porte d’entrée.

Il observa avec satisfaction que les serveurs qui distribuaient les verres avaient suivi ses consignes à la lettre, ne proposant aux nouveaux arrivants que du jus de citrouille. Lui-même aurait été d’avis de les laisser fêter leur victoire dignement, mais la direction de l’école avait émis des consignes claires à propos des élèves et il ne se trouvait pas en position de les réfuter.
- Bonsoir bonsoir, fit-il en arrivant à leur hauteur.
Les regards se tournèrent immédiatement vers lui alors qu’il sondait de son côté la petite troupe. Bren manquait à l’appel, mais mis à part lui, les joueurs de Gryffondor semblaient au complet. Zerator eut toutes les peines du monde à ne pas laisser son regard s’attarder sur la silhouette de Carl. Il s’arma d’un peu de concentration pour lancer d’un ton bienveillant :
- Le rafraîchissement a fait du bien ?
Il obtint des réponses vigoureuses de la part de ses interlocuteurs et sourit.
- Alors profitez bien de cet apéritif et de votre fête ! Je vous conseille les croissants au jambon, on m’a dit qu’ils étaient excellents, conclut-il avec un petit ton un peu paternaliste.
Il s’écarta pour leur laisser libre passage. Les joueurs le remercièrent en observant la soirée avec une certaine timidité que Zerator trouva attachante.

Un seul participant ne bougea pas.
Zerator prit son temps pour se tourner vers lui.

Carl était d’une simplicité époustouflante. Une paire de jeans ajustée serrait ses hanches sous un T-shirt où s’alternaient de larges bandes blanches et gris clair, des couleurs douces à la vue qui lui allaient à ravir. Raidi par les efforts de la journée, il se tenait un peu plus tendu qu’à son habitude, rendant sa grande taille plus impressionnante encore et sa carrure, toujours aussi élégante, en devenait presque imposante. Ses cheveux étaient plus sombres, aussi, encore un peu humides de la douche qu’il avait prise, et son visage laissait transparaître une inquiétude gênée que Zerator prévit bien vite de balayer. S’armant d’un sourire confiant pour masquer toute autre expression malvenue, il s’approcha de son protégé.
- Carl, c’est bien que tu sois resté. Il y a tout un tas de monde qui veut te féliciter !
- Ah… fit Carl, pris au dépourvu par cette approche franche alors qu’il avait vraisemblablement prévu d’aborder un autre sujet.
Il parut un peu mal-à-l’aise à la perspective de devoir rencontrer tous ces gens, mais Zerator ne lui laissa pas le temps de s’en faire.
- Viens, je vais te présenter, dit-il en lui faisant signe de lui emboîter le pas.

Carl ne rechigna pas à le suivre, mais Zerator sentait qu’il ne le faisait pas de bon cœur. Tout allait bien se passer, pourtant. Qui ne tomberait pas sous le charme de son naturel déboussolant et de son exotique accent canadien ? Mais cette appréhension que Carl dégageait, Zerator pouvait la comprendre. Aussi, il aborda un autre sujet pour chasser sa nervosité.
- Comment va Bren ?
- Bien ! Bien. Mme Pomfresh veut le garder un moment, le temps que sa blessure cicatrise, mais il viendra nous rejoindre après s’il peut.
Zerator hocha la tête. Cette réponse lui plaisait. Bren lui avait fait une sacrée frayeur en se blessant durant la dernière épreuve, il était heureux d’apprendre que ce n’était vraiment rien de grave et qu’il aurait tout de même le loisir de venir fêter sa deuxième place avec ses amis.

Ils arrivèrent près d’un attroupement d’hommes et de femmes en tenues chic dont les flûtes de champagne commençaient à devenir furieusement vides. Zerator, dont l’attitude professionnelle avait été entraînée par l’habitude, leur présenta Carl. Et ce fut le début d’une longue tournée de convenances dont Zerator se serait bien passé, si ça n’avait été pour l’attrait qu’il se découvrit à regarder Carl évoluer dans ce monde dont il ne connaissait pas les codes.

Si l’ex-commentateur de Poufsouffle s’employait à lui sauver la mise lorsqu’il commençait à se noyer sous les compliments ou ne savait que répondre à une question trop personnelle, le jeune homme fut fasciné de voir à quel point Carl semblait s’adapter à la situation comme une anguille. Sa maladresse était attachante, son naturel déconcertant et son sourire avait une capacité inouïe à charmer chacun de ses interlocuteurs, Zerator compris. Cette facette « grand public » que Carl avait adoptée, Zerator n’avait encore jamais eu l’occasion de la découvrir. Elle ne fit que renforcer l’affection sans limites qu’il portait à l’autre. Alors qu’il le laissait mener les conversations pour lesquelles il ne semblait plus avoir besoin de son intervention, Zerator se demanda quelle injustice de la vie lui avait fait découvrir une personne qu’il admire autant pour finir par la lui retirer en fin de compte. Un vif coup d’émotion lui grimpa à la gorge mais il ne lui laissa pas la place de s’étendre. Ce n’était ni le moment, ni le lieu, pour se laisser aller à penser à ce genre de chose.

Leur tournée commença doucement à s’éterniser. À force de se glisser d’un groupe à l’autre et de revivre sans cesse le même scénario de présentations et de félicitations, le temps semblait passer long. Zerator sentait la fatigue l’étreindre lentement, conscient qu’il puisait déjà dans ses réserves depuis quelques heures. Toutefois, il tint bon jusqu’au bout. Même si ça n’avait pas été le choix de facilité, il lui tenait à cœur de présenter Carl à toutes les personnes importantes de cette convention. Si ses amis organisateurs étaient moins impressionnants, d’une conversation plus légère et agréable, la plupart des autres membres présents faisaient partie des grands noms du Quidditch et, pour Carl, avoir l’occasion d’échanger avec eux serait un atout non-négligeable pour le futur.

Mais bientôt, la longue liste de convives à aller trouver s’épuisa. Il ne resta que deux noms sur cette liste mentale que Zerator s’était créée, noms qu’il avait pris garde de conserver jusqu’à la fin.
- Passez une belle fin de soirée, n’oubliez pas d’aller goûter les croissants au jambon tant qu’il en reste !
Carl salua également et lui emboîta le pas une nouvelle fois. Zerator ne put s’empêcher de remarquer son air hilare et, parce que même dans son état la bonne humeur de Carl lui était contagieuse, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors qu’il demandait :
- Quoi ?
- Tu les as goûtés au moins ces croissants au jambon, avant de les conseiller à tout le monde ?
- … Tu sais garder un secret… ?
Carl pouffa. Zerator avait toujours été fier d’être capable de faire rire quelqu’un avec ses mots ou son attitude. Mais le rire de Carl, plus qu’être une victoire, lui semblait être un cadeau. Un présent dont il savoura chaque seconde, parce qu’il savait que son temps était compté.
- C’est ma phrase de fuite, ça attire la sympathie. Et puis, personne ne m’en tiendra rigueur si les croissants au jambon sont dégueulasses.
Pas de rire cette fois-ci, mais un sourire désabusé. Zerator se nourrissait de chacune des réactions de Carl comme si elles avaient été de minuscules mais merveilleuses pierres précieuses. En se rendant compte que le temps qu’il lui restait à passer avec Carl s’amenuisait, une boule se forma dans la gorge de Zerator. Boule qu’il s’efforça de ravaler lorsqu’ils arrivèrent devant le dernier duo qu’ils avaient à rencontrer.
- Et le meilleur pour la fin ! Carl, je te présente Domingo et NBK, respectivement coach et sélecteur pour l’équipe des Carirouge. J’imagine que tu connais leurs noms ?
Si Zerator avait pu être heureux de décrocher un rire et un sourire à Carl un peu plus tôt, il n’y avait aucun mot pour décrire le sentiment qui s’empara de lui lorsqu’il vit les deux yeux de son protégé se remplir d’étoiles. Carl prit la main du premier des deux hommes qui se tenaient devant lui après lui avoir jeté un regard ahuri plein de reconnaissance.

Zerator eut à peine besoin de parler davantage. Épris d’admiration, Carl s’était lancé dans une conversation passionnée avec les deux membres éminents de son équipe de Quidditch favorite, équipe qu’il allait intégrer dans quelques semaines à peine. Une pensée qui heurta Zerator de plein fouet. Ces deux hommes qui se tenaient devant eux étaient le futur de Carl. Lui, pourtant à ses côtés, ferait bientôt partie de son passé. Il ne suivrait pas Carl lorsque celui-ci ferait un nouveau pas en avant. Il le regarderait avancer sans combler le vide, le laisserait s’éloigner. Cette idée l’étouffa, tellement qu’il se sentit sur le point de remettre en cause sa décision. Il regarda l’échange qui se passait près de lui sans en saisir le moindre mot. Carl s’en sortait bien. Il s’en sortirait bien. Il n’avait plus besoin de lui.

Il posa une main dans le dos de Carl pour attirer son attention de se remettre dans la conversation, quelques instants, le temps de s’excuser.
- Je pense que vous avez un tas de choses à vous dire, et je vais devoir vous laisser.
Il croisa la légère surprise et la déception dans le regard de Carl, mais n’en fit pas cas. Les deux autres le saluèrent avec politesse, et pour adoucir sa fuite, Zerator jeta un regard à Carl en disant :
- Et pensez à aller vous prendre un croissant au jambon à l’occasion, il parait qu’ils valent le détour !
Cette phrase avait une drôle de saveur amère que même le regard complice que Carl lui renvoya ne parvint pas à faire passer. Sa main glissa doucement le long du dos de son champion et il se retourna avec une lenteur folle, laissant ses doigts traîner sur le T-shirt rêche de l’autre. Il s’attarda un peu, probablement trop. Mais c’était plus fort que lui. Il n’avait pas envie de lâcher Carl.

Pourtant il le fit. Soupirant un coup, il finit par rebrousser chemin. Et comme parfois en se disant qu’il vaut mieux arracher le sparadrap d’un coup pour moins souffrir on en oublie la douleur forte qui en résulte, Zerator ne s’était pas préparé à un tel afflux de souffrance d’un coup. Carl avait servi de tampon jusque-là, l’empêchant de penser à la suite en occupant son esprit, le satisfaisant de sa présence. Mais il venait de le laisser entre d’autres mains, plus importantes que les siennes désormais, et la sensation d’étouffement le reprit à nouveau, comme une bouffée de chaleur immense qui le consumait de l’intérieur. Le bruit, la masse épaisse de personnes, les odeurs prononcées de la nourriture et des corps, tant d’informations que Zerator ne parvenait plus à gérer. Et plutôt que de s’effondrer sur le sol au beau milieu de la Grande Salle, il se dirigea vers la sortie pour prendre l’air, s’éloigner ou au moins se retrouver seul avec lui-même le temps de se recomposer un peu.

S’il existait un dieu dans le monde des sorciers, celui-ci devait avoir une dent contre lui.

Alors qu’il atteignait la porte libératrice, une silhouette bien connue s’encra dans son champ de vision. Une silhouette que Zerator aurait sûrement été ravi de croiser dans d’autres circonstances, mais à cet instant-là, elle ne fut qu’un douloureux rappel de sa lâcheté…

Bren, forcément. Il arrivait en retard à cause de sa blessure et, comme il était dans l’encadrement de la porte, Zerator n’eut aucun moyen de l’esquiver. Il inspira, prit un faux air jovial, et glissa ses mains tremblantes dans ses poches. Il ne fallait pas que Bren comprenne. Zerator était déjà sur le fil, si l’autre tentait de se joindre à son cœur meurtri pour lutter contre sa raison, ce serait un combat perdu d’avance. Et Zerator ne pouvait pas se permettre de perdre ce combat. Pas si près du but, pas après tant d’efforts. Pas en ayant la certitude qu’il faisait ce qui était le mieux pour Carl.
- Hey Bren. Comment tu vas ? fit-il d’un ton léger. Carl m’a dit que Mme Pomfresh te remettait sur pieds !
Bren avait toujours un air irrémédiablement gentil. Un trait qui avait toujours apaisé Zerator mais qui ne lui fut d’aucun secours dans les circonstances immédiates, renforçant au contraire la culpabilité qui l’avait saisi à l’idée de devoir le tromper.
- Ça va, merci. Je suis encore un peu sonné, mais d’ici demain tout sera rentré dans l’ordre.
- Parfait. Je suis vraiment content que tu ailles bien. Le fait que tu tentes ce chemin était fou, dommage que ce soit pas passé…
- Une prochaine fois ! lança Bren avec un ton joyeusement optimiste.
Zerator lui sourit et tenta un pas vers la porte. Il n’avait jamais été claustrophobe, mais il se sentait oppressé par l’idée d’être coincée à l’intérieur. Il fallait qu’il sorte, et vite.
- Allez, je te laisse fêter tout ça. Carl est un peu plus loin si tu le cherches.
Bren acquiesça aimablement, et Zerator crut qu’il avait gagné. Il allait pouvoir s’engouffrer par la porte et s’échapper de cette salle dont l’atmosphère commençait à le rendre malade…

Il rêva trop vite. Les sourcils de Bren se froncèrent et l’autre sentit les ennuis arriver au galop.
- Zera, à propos de Carl…
Zerator crispa les paupières. Non… Bren, pourquoi… Plutôt que de le laisser poursuivre, le jeune homme fit un pas en arrière. Rassemblant toute sa détermination dans ses yeux, il posa une main ferme sur l’épaule de son vis-à-vis et plongea son regard dans le sien, assombri par la luminosité de la pièce.
- Bren, c’est aussi ta deuxième place qu’on fête maintenant. Alors profite, d’accord ?
Son interlocuteur sembla troublé, surpris par l’herbe que Zerator lui coupait sous les pieds. Il ouvrit les lèvres pour répliquer, et Zerator n’y tint plus. Il ne pouvait pas jouer l’insensible plus longtemps, pas sous le regard si attentionné de Bren. Le peu de volonté qui lui restait n’était plus suffisant pour lui permettre de s’enliser encore dans sa comédie harassante.

Pour la deuxième fois de la journée, il se sentit à deux doigts de craquer. Ses yeux se voilèrent sous le regard surpris de Bren, alors qu’il usait de ses dernières forces pour l’empêcher de poser une question à laquelle il serait incapable de répondre.
- Profite, Bren. Fais-moi plaisir, tu peux ?
Sa gorge se serra, alors que Bren essayait encore de parler, mais il ne pouvait pas le laisser faire. Il avait tellement honte de ne pas être capable de rester mesuré. C’était stupide, au fond. Laisser sa liberté à Carl, ç’avait été sa décision. Alors pourquoi était-ce si dur de l’appliquer ?

Pourquoi n’arrivait-il pas à renoncer à lui ?

Zerator devait être extrêmement pâle. Il vit Bren, inquiet, faire un mouvement pour le soutenir, mais il s’écarta, laissant sa main sur son épaule, bras tendu.
- Goûte un croissant au jambon, articula-t-il d’une voix blanche. Il paraît… Il paraît qu’ils sont excellents… finit-il dans un soupir.
C’était sa phrase de fuite. Alors il enchaîna par la seule chose qui lui restait à faire.

Il fuit, laissant derrière lui un Bren abasourdi.

Surpris.

Inquiet.

… But the show must go on.

**
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Mer 8 Avr - 17:15
Floraly
Carl était conquis. La conversation qu’il venait de tenir avait été un vrai régal, Domingo et NBK semblaient aussi passionnés que lui par le Quidditch et par toute l’atmosphère qui pouvait s’en dégager. L’assurance qu’il avait gagnée à force d’échanger avec toutes les personnes que Zerator lui avait présentées l’avait détendu et sa langue s’était déliée toute seule, malgré la timidité qu’il avait ressentie face à ces deux personnes au combien importantes pour son avenir.

Ils avaient toutefois été contraints de mettre fin à la conversation, avec un air de regret sincère, et Carl s’était permis de leur dire « à bientôt » avec le cœur léger, heureux de savoir qu’il aurait déjà des connaissances et probablement aussi des alliés sur place. Il s’était retourné et, trop dans ses rêveries pour savoir où se diriger, s’était approché du buffet luxuriant mis à disposition. Ce fut à ce moment-là qu’il y repensa. Lorsque son regard se posa sur les appétissants croissants au jambon qui se serraient dans un délicat panier d’osier, son intention de base lui revint soudain en mémoire et tout son corps tressaillit à l’idée qu’il s’était complètement oublié.

Calice. Zerator. Il fallait qu’il le retrouve. Pris dans ce ballet incessant entre les invités, il n’avait pas eu le temps de lui poser de questions sur l’étrange mélancolie qu’il tentait tant bien que mal de cacher. Il ne l’avait pas non plus remercié, tiens. L’autre avait filé sans demander son reste, mais hors de question pour Carl d’en rester là.

Alerte, le jeune homme laissa son regard parcourir l’ensemble de la salle. Une fois. Deux fois... Il s’arrêta à la cinquième. Aucune trace de Zerator. Il tendit même l’oreille dans l’espoir de saisir sa voix au détour d’une conversation, mais rien. Carl devina rapidement qu’il devait être sorti prendre l’air, ou peut-être se débarrassait-il simplement d’une envie pressante ? Qu’importe, il n’aurait qu’à l’attendre près de l’entrée. Il fallait qu’il lui parle, de toute manière.

Résolu, il se dirigea vers ladite porte d’entrée, mais...
- Carl !
Ce timbre de voix bien connu lui arracha un sourire. Il se retourna pour voir arriver vers lui son meilleur ami, avec une démarche curieusement rapide. Il s’apprêtait à le saluer, mais l’autre lui coupa la parole :
- Il est sorti il y a vingt minutes.
L’urgence dans sa voix troubla Carl. Comment... ?
- Je pense qu’il avait besoin de prendre l’air... Peut-être dans les serres... ?

Carl resta planté sur place, l’air ahuri. Il observa le visage de Bren, encore marqué de sa chute par une longue cicatrice blanche sur le front. Son meilleur ami arborait un air inquiet, nerveux, peut-être un peu stressé. Rien qui ne plaise réellement à Carl. A quoi Bren jouait-il ? Que savait-il ?
- Brendou ?
L’interpellé croisa les bras. Son regard se fit soudain plus perçant, alors qu’il le fichait dans celui de Carl, comme lorsqu’il tentait de lui extirper une vérité que l’autre ne souhaitait pas lui révéler.
- Qu’est-ce qu’il t’a dit Carl ? Il y a une semaine, quand il est venu te voir à la volière ?
Les sourcils du jeune homme se relevèrent sous la surprise. Zerator était venu le voir à la volière, une semaine auparavant ? Ils avaient parlé ? Il s’en souvenait à peine...
- Quand tu as reçu ta lettre d’admission chez les Carirouges. Vous vous êtes vu, non ?
La scène lui revint.

Appuyé contre le mur de la volière, Zerator avec un petit sourire sur son passage. Il l’avait félicité, et puis... Carl s’était dérobé ? Ils avaient à peine parlé. Le jeune homme quitta ses souvenirs pour poser son regard sur Bren. Ses sourcils se froncèrent soudain, alors qu’il réalisait que son meilleur ami savait effectivement quelque chose que lui-même ignorait.
- Qu’est-ce qu’il aurait du me dire ? Bren ?
- Les serres, Carl. Je pense qu’il est là-bas. Tu devrais aller le lui demander toi-même.
L’air de Bren s’était adouci, tout à coup. Comme s’il avait compris quelque chose... Le cœur de Carl se mit à battre douloureusement. Qu’est-ce que Zerator aurait pu dire à Bren qu’il ne lui aurait pas dit à lui ? Quelque chose de grave ?
- Si je dois savoir quelque chose, dis-le moi. Il lui est arrivé quelque chose ?
Une main affectueuse se posa sur l’arrondi de son épaule. Le regard de Bren était étonnement triste.
- J’en sais rien, Carl. Mais si quelqu’un peut régler les choses, c’est sûrement toi.

Un poids surhumain tomba sur le cœur de Carl. Bren le poussa gentiment pour qu’il reprenne son chemin vers la sortie et, la tête dans la brume, le jeune homme se dirigea vers l’extérieur d’un pas lourd.

Personne ne le retint en route. Enfin, impossible de l’affirmer. Si quelqu’un avait tenté de l’arrêter, il ne l’avait certainement pas entendu. La porte grinça lorsqu’il l’ouvrit. De l’autre côté, le couloir était quasiment désert. Le repas débuterait exceptionnellement un peu plus tard que d’habitude, et les élèves usaient sûrement de leur temps libre supplémentaire pour profiter du temps radieux qu’il faisait encore à l’extérieur. Carl baissa la tête pour s’engouffrer dans les couloirs. Il ne souhaitait pas être reconnu, même si tous les élèves de l’école devaient avoir son nom sur les lèvres maintenant qu’il avait remporté ces fameuses Joutes Aériennes...

Pourtant, la voix qui l’interpella lui fut extrêmement familière. Assez pour qu’il daigne s’arrêter et relève le regard. Il n’avait fait que vingt mètres.
- Mais ce serait pas mon champion ? fanfaronna Etoiles en marchant dans sa direction.
La tête ailleurs, Carl accepta son accolade amicale.
- Alors, t’as déjà laissé tomber les p’tits fours ? fit l’autre avec une curiosité amusée.
- Je cherche Zerator.
- … Il est pas à l’apéro ?
Carl secoua la tête. Ses plantes de pieds le démangeaient. Malgré toute l’affection qu’il entretenait pour Etoiles, ce n’était pas vraiment le moment opportun pour lui de taper la causette...
- Ecoute Ray, il faut que je file, on se voit...
- Hop hop hop !
Carl fut interrompu dans son mouvement par la main d’Etoiles qui lui avait attrapé le T-shirt au niveau des côtes.
- Où tu vas ?
- Chercher Zerator, s’impatienta Carl.
- Tu sais où il est ?
- Bren m’a dit qu’il était sûrement dans les serres...
Etoiles renifla, gonflant un peu plus l’agacement de Carl.
- Carl, réfléchis deux secondes. Pourquoi Zerator s’est barré à ton avis ?
Le cœur de Carl rata un battement. Etoiles savait aussi ? Quel drôle de complot se jouait dans son dos ?
- J’en sais rien !
Il allait s’énerver, mais Etoiles devait avoir saisi son impatience. Il posa une main sur son torse.
- La fatigue de la journée, la fin d’une compétition qu’il a passé des mois à organiser... Il a sûrement eu besoin de prendre du recul. Et quel est le meilleur endroit de Poudlard pour prendre du recul ?
Le terrain de Quidditch, songea Carl. Sauf que cette réponse n’allait que pour lui.
- J’en sais rien Ray.
- Un endroit en hauteur, au calme... ? Suggéra Etoiles.
- La volière ?
- Bingo !
Carl fronça les sourcils.
- J’vais quand même aller faire un tour dans les serres avant, je-
Etoiles secoua la tête.
- Te fatigue pas Carl, j’l’ai vu monter.

Carl écarquilla les yeux. Il n’aurait pas pu le lui dire plus tôt ?
- Il avait l’air dans son monde, peut-être qu’il a juste besoin d’être un peu seul ?
Carl fit demi-tour, s’écartant d’Etoiles.
- P’t-être pas.
Il fila à grandes enjambées, dans la direction opposée à celle qu’il allait prendre à l’origine.

Etoiles le regarda partir, plongé dans une incompréhension qu’il en avait marre de traîner.
- Carl ! Faudra que tu me dises un jour ce qui se trame entre vous deux !
Au détour d’un couloir, l’air de Carl se fit triste. Il n’en avait lui-même plus la moindre idée.
- Merci pour l’aide, Ray, cria-t-il en retour.

Empressé, il posa son pied sur la première marche.

**

Essoufflé, il atteignit la dernière marche.

Ses doigts nerveux se mirent à courir le long du mur alors qu’il parcourait les derniers mètres restants. Erratique, son souffle se laissa apaiser. La fatigue de l’effort se liait à une appréhension sourde qui le faisait inspirer à grandes bouffées. Ses paupières lourdes insufflaient à cet instant un nébuleux sentiment d’irréel. Il cligna fort des yeux pour s’en débarrasser. Il avait envie d’être conscient à cent pour cent pour Zerator. Pour comprendre. Pour l’aider.

Il s’engagea prudemment dans l’entrée de la tour, craignant et à la fois espérant trouver l’objet de ses recherches dans ce havre de calme.

Ses attentes ne furent pas déçues. Il s’immobilisa sans un bruit dans l’ouverture, la main toujours posée sur la pierre froide du mur. Ses yeux avaient harponné une silhouette qu’il aurait reconnue entre mille. Une silhouette qui ne broncha pas à son arrivée, lui laissant tout le temps du monde pour admirer ce tableau si anodin mais si déconcertant qui fit augmenter lentement sa fréquence cardiaque.

Zerator était là, assis sur le rebord de la fenêtre est, celle qui faisait face à l’entrée. Dos à lui, l’épaule serrée contre le mur de gauche, les pieds plongés dans le vide... Sa fatigue se ressentait dans cette posture décontractée, presque enfantine, qu’il devait s’être autorisée pour cet instant de repos. Au milieu des immenses murs creusés de niches pour les oiseaux, il paraissait si petit, ainsi courbé, la tempe posée sur la pierre fraîche qui devait faire du bien à un mal de tête émergeant.

La veste qu’il avait portée pour rehausser son style chic avait été soigneusement déposée dans un coin, ne le laissant plus que dans son t-shirt blanc, simple, aussi simple que cet instant que Carl n’aurait échangé pour rien au monde.

Le soleil se pencha un peu plus à l’horizon. L’un de ses rayons ambrés caressa l’épaule de Carl, avant de venir chatouiller la silhouette sombre de Zerator. La lumière nouvelle illumina d’or ses cheveux, fit resplendir la blancheur pure de son t-shirt. Deux tons chatoyants qui forcèrent Carl à plisser les yeux. Mais malgré la détresse de sa rétine, il était incapable de les fermer. Fixer Zerator équivalait à fixer le soleil. C’était dangereux, douloureux. Extrêmement saisissant.

Au milieu de toute cette ombre, par un jeu de lumière passager, la silhouette de Zerator semblait se détacher de tout le reste, brillant de mille feux, d’un or et blanc aussi majestueux que ceux du plus lustré des vif d’or. Cette impression, renforcée par la grandeur titanesque de la tour, serra le cœur de Carl.

Zerator lui évoquait un vif d’or. Une balle rapide, toujours en mouvement, insaisissable. Aussi insaisissable que cet homme assis dos à lui, qui lui semblait à la fois si proche et si loin. Ce vif d’or humain auquel il avait confié son cœur des années plus tôt et qui avait fini par s’envoler avec, le laissant seul, à terre, les yeux tournés vers un ciel inatteignable. Carl n’avait jamais été un très bon attrapeur. Pourtant, cette balle-ci, il aurait aimé être capable de l’attraper.

Oh, pas pour récupérer son cœur, non.

Juste pour pouvoir l’observer un peu plus longtemps, la toucher. Avoir la sensation, au moins quelques instants, qu’elle pouvait lui appartenir à tout jamais, si seulement il ne desserrait jamais l’étreinte de ses doigts...

Hésitant, Carl osa un pas vers l’avant. S’il partit sur la pointe des pieds, il laissa ses pas s’alourdir en approchant, de peur de surprendre un Zerator perdu dans ses pensées. L’attention fonctionna. L’autre ne sursauta pas lorsque Carl glissa une jambe par-dessus le muret. Il s’assit dans un silence juste entrecoupé par les frottements de tissus que provoquaient ses mouvements. Zerator demeurait indifférent.

Carl déglutit. Les pieds dans le vide, les mains jointes nerveusement sur le haut de ses cuisses, il se risqua à un regard en direction de son ami.

Une vague de rouge heurta sa vision. Il ne l’avait pas vu, de loin.

Les bras de Zerator étaient chargés d’un radieux bouquet de fleurs. Le vert tendre uniforme des tiges se confondait entre ses doigts courbés. Elles s’écartaient en prenant de la hauteur, portant à leur sommet l’élément central du bouquet, immanquable. Délicates, détonantes, les têtes des fleurs étaient colorées d’un pourpre éclatant, qui se déclinait en un rose plus pâle aux extrémités de leurs couronnes.

C’était beau, vif, inattendu. Assez pour que Carl s’y attarde quelques secondes, surpris. Assez pour que son silence intéresse Zerator.
- Elles te plaisent ?
Confus, Carl releva les yeux vers le visage de son interlocuteur. Ce dernier avait basculé sa tête sur le côté pour le regarder. Le cœur de Carl se serra. Il le dévisagea en silence, étreint d’une envie irrésistible de le prendre dans ses bras.

La superbe de Zerator s’était perdue aux oubliettes. Ses cheveux s’hérissaient sur son crâne, broussaille sauvage et délaissée. Sur son visage s’étaient gravés de longs sillons asséchés. Ils soulignaient ses yeux minuscules, s’emplissaient d’une inquiétante couleur violacée. Sa bouche semblait devenue trop fatiguée pour assurer le moindre sourire. Ce fut avec beaucoup de peine que Carl s’empêcha de venir la ranimer de ses propres lèvres.

La question de Zerator mourut dans son esprit. Jamais Carl n’avait accordé aussi peu de crédit à une parole de Zerator. Il savait que celle-ci n’était qu’une couverture, encore. Une couverture pour étouffer cette lueur d’empathie qu’il devait sûrement lire dans ses yeux, aussi aisément que si elle avait été tracée noir sur blanc.

Pourtant, incapable de trouver les mots, Carl le laissa continuer.

Zerator, voyant qu’il ne daignait pas répondre, désigna son bouquet d’un signe de tête lent.
- C’est des dahlias. On me les a offertes, mais c’est con, j’ai pas de vase chez moi... Tu les veux ?
Carl cligna des yeux, surpris par cette offre spontanée. Zerator ne lui laissa pas le temps de répondre. Il lui imposa les fleurs sur les genoux et Carl ne put faire autrement que de se saisir du bouquet. C’était beau, des dahlias. Carl ne se souvenait pas en avoir déjà eus entre les mains.
- Merci ? Tenta-t-il.
Dérouté, c’était le mot. L’attitude de Zerator le paralysait complètement...

Ce dernier soupira. Il étira paresseusement ses bras désormais vides.
- Tu devrais être à la fête, Carl...
C’était une réprimande douce, monotone. Mais le sang de Carl n’avait fait qu’un tour, lorsqu’il rétorqua :
- Toi aussi.
La réponse lui était venue impulsivement. Il bénit sa répartie en voyant le coin des lèvres de Zerator se relever, juste un instant. Oh, c’était bien loin de rallumer un quelconque éclat dans ses yeux, mais gagner les petites batailles lui semblait un bon début pour remporter la guerre.
- J’ai serré toutes les mains que je devais.
Il prononça cette phrase comme une fatalité.

Carl sentit une vague de tristesse le submerger. Zerator avait l’air si... éteint.
- Alors c’est fini ? demanda-t-il dans un souffle. Tu passes à la prochaine destination ?
La tension semblait moins palpable soudain. Comme si la glace avait été brisée. Zerator prit son temps pour répondre, mais le silence qu’il laissa planer était confortable.
- D’abord je prends des vacances. Ça fait deux ans que j’en ai pas eues. Il serait temps que je retourne voir ma famille, mes amis moldus... Je crois que ça va me faire du bien.
Carl hocha doucement la tête. Il n’aurait rien pu lui souhaiter de mieux.
- Et toi alors ? Le Canada ?
Carl papillonna des yeux une seconde, surpris. Même dans un état aussi déplorable, Zerator prenait encore le temps de s’intéresser à lui... Un frisson glissa doucement le long de sa colonne vertébrale.
- Ouais, le Canada. Ça va être cool. Domingo et NBK sont nice... D’ailleurs, merci pour les présentations.
Zerator se contenta d’un signe de tête amical pour dire « de rien ». Et le silence reprit ses droits.

Carl ne savait pas quoi dire. Tout ce qu’il extirperait d’un Zerator dans cet état lui donnerait l’impression d’être le pire des escrocs, mais il ne pouvait pas non plus se résoudre à abandonner. Il connaissait assez Zerator pour savoir à quel point il aimait garder les choses pour lui. A quel point il pouvait se persuader qu’il était seul.

Seul.

Carl baissa son regard sur les fleurs qu’il tenait dans ses bras, appuyées contre son torse comme un enfant que l’on berce. L’année scolaire de Poudlard prendrait officiellement fin deux jours plus tard. Carl reverrait-il Zerator d’ici-là ? L’angoisse lui monta à la gorge.

Il la calma en observant les dahlias. Il n’était pas là pour ça. S’il était venu à cette tour, c’était avant tout pour essayer de soulager Zerator de ce qui le tracassait. Ses sentiments n’avaient pas leur place ici. Alors il calma son esprit en détaillant les formes des fleurs, partant de la couronne centrale aux pétales minuscules et allant jusqu’à la dernière couronne dont les pétales étaient dix fois plus grands. Il n’était pas un expert, mais ces fleurs ne semblaient comporter aucun défaut, sans doute choisies avec soin par la personne qui les avait offertes à Zerator...

D’ailleurs... Qui avait bien pu les lui offrir ? Quelqu’un de consciencieux, certainement. Ce n’était pas le genre de bouquet classique qu’on offre à quelqu’un pour le féliciter ou le remercier. Non, ces fleurs semblaient avoir quelque chose de plus, quelque chose de particulier, quelque chose de...

Carl se redressa soudain. Son mouvement attira l’attention de Zerator.
- Zera, ces fleurs, tu les as pas reçues, right ?

Un sourire, un vrai. Carl s’en fichait qu’il soit fatigué. Il s’en fichait qu’il ne grimpe pas jusqu’à ces prunelles océan qu’il aimait tant. Il avait décroché un sourire à Zerator et c’était tout ce qui lui importait. Ça, et la réponse à sa question.

Mais elle ne vint pas.

Zerator s’agita, lentement, comme s’il remettait en marche les rouages de son corps rouillé. Il s’appuya avec force sur l’épaule de Carl et passa une jambe par-dessus le muret, puis deux, étirant ses articulations rigides par la même occasion.
- Je devrais redescendre donner un coup de main à Dach.

Quoi ?

Carl resta interdit. Il ne comprenait pas. Il entendait les bruits de pas de Zerator s’éloigner. Il baissa les yeux vers le bouquet de fleurs. Chaque nouveau bruit de pas était une seconde de plus durant laquelle il ne parvenait pas à le retenir...

Et puis ça lui revint...

- Bren, c’est quoi ces fleurs sur ma table de chevet ?
- Ah ça ? Madame Pommfresh m’a demandé de te les ramener. Elles sont à toi.
- Sérieux ?
- C’est des perces-neiges. « L’espoir de jours meilleurs », apparemment. J’ai pensé que tu voudrais les garder en sachant de qui ils venaient...


Un nouveau pas, une nouvelle seconde. Carl serra les fleurs contre lui et releva la tête vers l’horizon. L’appréhension lui rongeait le souffle.
- Et c’est quoi la signification des dahlias ?
Pas de nouveau pas. Pas de nouvelle seconde.

Pas de réponse non plus.

Carl se retourna.

Zerator s’était immobilisé, dos à lui. Cherchait-il une réponse ? N’osait-il pas la lui donner ? Carl en avait pourtant tellement besoin... Il se débarrassa délicatement du bouquet en l’arrangeant sur le muret et poussa sur ses mains pour se relever. Zerator n’avait pas bougé. Carl n’avait aucune idée de quoi faire pour faire bien. Mais il n’avait jamais eu besoin d’idées pour avancer. Tout ce qu’il avait à faire, c’était suivre son instinct, et son instinct lui fit glisser une main sur l’épaule de Zerator. Il l’attira doucement en arrière et l’entoura de ses bras jusqu’à ne plus laisser le moindre espace entre eux. Il sut qu’il avait fait le bon choix lorsqu’il sentit Zerator se blottir contre lui et la chaleur de son souffle dans son cou. Carl le serra plus fort et cala confortablement sa tête contre celle de son vis-à-vis. Il ferma les yeux.

Rien. Aucun mot, aucun regard n’aurait pu être plus efficace pour exprimer à Zerator ce qu’il voulait lui dire. Un mélange de « je tiens à toi » et de « je te protège », des mots qu’il aurait rechigné à prononcer mais qui, sous la forme de cette étreinte, semblaient la plus pure des évidences. Il y avait tellement d’autres messages qu’il aurait aimé être capable d’exprimer sans aucun mot, mais il ne savait pas comment les transcrire dans cette langue-là. « Fais-moi confiance », « Parle-moi » ...

« Je t’aime »

Carl soupira doucement dans l’étreinte. Il était au bout. C’était pour Zerator qu’il avait gravi les escaliers de la volière, pour lui qu’il avait quitté l’apéritif qui célébrait sa victoire. Il aurait aimé se dire que c’était pour lui également qu’il prononça les mots suivants, mais il sentait bien au fond de lui qu’il le faisait surtout pour lui-même.
- Toi aussi, tu m’as manqué...
Le souffle de Zerator se coupa. La réponse de Carl tombait certainement un peu tard, mais ils savaient tous les deux à quoi elle faisait référence. Ils savaient tous les deux ce qu’elle signifiait.
- Dis-moi c’qui va pas, Adrien. Je vois bien que ça tourne pas rond depuis ce matin.
Zerator s’écarta doucement. Carl refusa de le laisser s’éloigner. Il posa ses mains sur sa taille, pas prêt de le laisser partir sans qu’il ne lui ait donné une explication valide.

Mais Zerator n’avait pas l’intention d’aller bien loin. Dans ses yeux s’était allumée une flamme nouvelle et Carl se sentait étrangement apaisé sous la caresse affectueuse de ce regard qui le dévisageait avec tendresse. Une main fraîche se glissa sur sa joue et Carl s’y appuya doucement.
- « Merci pour le bonheur que tu me donnes. Je ferai tout pour te rendre heureux. » C’est ce que ces dahlias veulent dire.
Touché. Le cœur de Carl éclata dans sa poitrine. Il le masqua sous un sourire espiègle, bien qu’attendri.
- Je savais que ces fleurs étaient des bavardes...
La remarque fit pouffer Zerator avec retenue. Il reprit toutefois rapidement son sérieux. Ses pupilles se dilatèrent.
- Oh tu sais, ça se résume facilement...
- Ah oui ?
Zerator acquiesça lentement. Sa main passa de la joue de Carl à sa nuque. Il y exerça une délicate pression. Carl frémit.

Il se laissèrent sombrer.

C’était comme une vieille chanson. Zerator la chantait sur ses lèvres et Carl en réapprenait la mélodie familière avec une douce vague de nostalgie. Les bras de Carl retrouvèrent leur chemin sur ce corps qu’il avait tant étreint et ses mains agrippèrent le tissu humide du T-shirt de Zerator, dans une tentative de calmer les tremblements erratiques de ses doigts.

Deux années. Deux années de frustration, de contrainte, de séparation. Deux années dont ils se débarrassèrent dans ce baiser, deux années auxquelles ils adressèrent le plus gros doigt d’honneur qu’il leur était possible de former avec leurs doigts liés. Un mélange de désir et de supplication s’échangeait entre leurs deux corps brûlants, une symphonie de « sois à moi » et de « reste », une harmonie de demandes muettes qui ne pouvaient s’accorder que par ce baiser.

La musique ne devait pas avoir de fin. Ils l’entonnèrent encore et encore, pressé l’un contre l’autre à s’y confondre, jusqu’à en avoir la gorge sèche et serrée, et le souffle trop court pour continuer.

Zerator fit durer la dernière note. Incapable de se séparer de Carl, de le regarder dans les yeux, il se fondit un peu plus dans ses bras et glissa sa tête sur son épaule. Jamais Carl n’aurait refusé de le tenir dans ses bras. Le cœur en liesse, ce dernier sourit, doucement. Il se laissa un peu de temps pour reprendre son souffle, et ses esprits. Les mots, qu’il prononça à voix basses, vinrent d’eux-mêmes.
- Ça te dirait des vacances au Canada ?
Le pouce de Zerator effleura la racine des cheveux de Carl. Il resta silencieux quelques instants. Puis, avec une lenteur douloureuse, il s’écarta, les yeux dirigés vers le plancher.
- Carl... C’est pas ce que tu veux...

Les sourcils de Carl se froncèrent d’incompréhension. Quoi qu’il puisse se tramer dans l’esprit de Zerator, il était incapable d’en saisir la logique.

Bien sûr qu’il le voulait. Le baiser qu’ils venaient d’échanger n’en était-il pas la preuve indéniable ? Carl savait qu’il n’avait pas été le seul à en ressentir l’intensité. Impossible. Mais comment Zerator pouvait-il s’imaginer qu’il ne veuille pas de lui ? Il voulait ses bras, ses lèvres, sa peau contre la sienne... Son attention tournée vers lui à chaque occasion, cette ridicule manie de le faire tourner en bourrique, l’éclat de sa voix lorsqu’il s’adressait à lui... Il avait besoin de Zerator de Z à R, et que l’autre puisse évoquer le contraire l’irrita autant que cela le blessa.
- Qu’est-ce que t’en sais ?
- Carl...

Et Carl connaissait ce ton. Il le connaissait si fort que ça en faisait mal, si fort que, cette fois-ci, il ne put pas retenir sa rage. Elle s’était plantée en lui depuis le jour où Zerator lui avait annoncé que c’était fini, depuis qu’il l’avait laissé tomber en décidant que c’était pour son bien. Il se sépara brusquement de l’autre, un déchirement pour son cœur, un soulagement pour son esprit.
- « Je ferai tout pour te rendre heureux », récita Carl en désignant le bouquet de fleurs étalé sur le muret.
Son ton était dur, révolté. Zerator détourna son regard vers le ciel et ça ne fit qu’augmenter sa colère.
- Mais sérieusement, c’était quoi le plan, Adrien ? Tu décides que j’ai pas besoin de toi, tu me fais une déclaration ambiguë avec trois fleurs et tu t’en vas pour toujours comme s’il ne s’était rien passé ?
L’autre ouvrit les lèvres pour répliquer, mais Carl n’avait pas terminé.
- Et moi ? Tu m’as jamais demandé ce que je voulais ! Tu t’es jamais dit que j’avais peut-être mon mot à dire, que t’avais pas à prendre la responsabilité pour deux ? T’as jamais voulu connaître mon avis, autrement que par tes suppositions débiles ?
Le regard de Zerator se baissa un peu, mais il ne se posa pas sur lui. Qu’il n’essaie plus de répondre était inquiétant. Inquiétant au plus haut point, même. Parce que Zerator ne se laissait pas écraser si facilement, d’habitude. Parce que le fait qu’il n’ose rien dire était sûrement lié à ses yeux involontairement brillants. Mais Carl était trop perdu dans sa tirade pour se rendre compte de quoique ce soit. Zerator l’écoutait, pour une fois, et c’était ce qui lui importait.

Mais il ne le regardait pas et Carl s’écarta davantage.
- Regarde-moi, merde ! J’ai dix-sept ans, Zera. Je suis majeur, vacciné. Et je sais ce que je veux. Je te veux toi.
Zerator releva les yeux. L’azur meurtri se heurta à un acier tranchant, implacable. Ils se jaugèrent du regard quelques secondes, mais ça n’avait rien d’un combat. Zerator se contentait d’encaisser les coups sans esquisser la moindre action pour les rendre.

C’était peut-être parce qu’il sentait qu’il avait gagné que le ton de Carl s’apaisa. Il n’avait plus besoin de s’emporter pour être entendu. Il n’en restait pas moins ferme.
- Alors voile-toi la face si tu veux, fais-nous du mal si ça te chante, mais ne viens pas me dire que c’est pour notre mieux, parce que je ne te le pardonnerai pas une deuxième fois.

Une légère brise se faufila à l’intérieur de la volière. Mis à part les mouvements portés par le vent, on aurait pu croire que le temps s’était suspendu.

Zerator s’éclaircit la voix le premier. Après un reniflement discret, il fit basculer son poids d’une jambe à l’autre, fragilisant son équilibre déjà instable.
- Je m’étais imaginé des circonstances différentes pour cette conversation...
Carl ne broncha pas. Lui aussi, il aurait aimé se débarrasser de ce poids d’une autre manière. L’air profondément exténué de Zerator éveillait en lui un sentiment de culpabilité qu’il peinait à faire taire. Il avait l’impression de frapper un homme déjà à terre, mais d’un autre côté, ils étaient bien conscients tous les deux que tant que ce différend ne serait pas réglé, ils ne parviendraient pas à avancer, aussi puissante soit l’attraction qui les attirait l’un vers l’autre.

- La chose sûre, c’est que j’aime pas quand tu m’engueules.
Carl grogna. C’était tout ce que Zerator avait à lui répondre ? Il sentit sa mâchoire s’échauffer. Toutefois, son interlocuteur ne le laissa pas s’enfoncer à nouveau dans la colère.
- Mais je suis heureux que tu l’aies fait.
Zerator hocha la tête, lentement. Son regard se chargea de sincérité, et d’une certaine prudence qui étala une couche de baume sur la rage de Carl.
- T’as grandi, Carl. Et je crois que ça me plaît de plus en plus.

Carl noua ses bras à la hauteur de sa poitrine. Malgré le sourire en coin de Zerator, il conserva une attitude agacée, peut-être un peu hautaine. Même si au fond, il était bien plus touché par les mots de Zerator que ce qu’il laissait paraître.
- Il fallait bien que l’un de nous deux évolue, renifla-t-il avec un dédain qu’il n’avait pas réellement.
Zerator étouffa son rire dans un souffle.

L’atmosphère s’était détendue. Ils le sentaient tous les deux, de par l’attitude de l’autre, de par cette complicité taquine qui, familière et habituelle, les réconfortait tous les deux. C’était là, c’était maintenant, et ils en avaient tous les deux conscience.
- Je suis désolé, Carl.

En acceptant sa colère, en acceptant l’idée que Carl n’était peut-être pas l’enfant fragile qu’il croyait protéger, Zerator venait de faire un grand pas en avant. La distance qu’il lui restait à combler était si infime qu’elle en paraissait ridicule. Et pourtant, il lui fallut rassembler son courage pour oser poser la question fatidique, celle qui, soldée d’un non, pourrait bien le faire plonger. Il inspira. C’était solennel, mais il voulait faire les choses bien. Carl méritait qu’on fasse les choses bien.
- Est-ce que la version 2.0 de Carl-Antoni Cloutier accepterait de me faire l’honneur de sortir avec moi ?
La formulation fit sourire Carl. Carl qui ne le lâchait plus des yeux, incapable de détacher son attention de lui. Carl qui lui adressa un sourire taquin en roulant à moitié des yeux.
- Mais est-ce que la version 2.0 de Carl-Antoni Cloutier a vraiment besoin de répondre à cette question ?

Zerator n’eut pas la réaction escomptée. La réponse paraissait si évidente à Carl qu’il s’était permis d’en jouer. Il sentit qu’il n’aurait pas du, à la douloureuse lassitude qui éclaira les yeux de Zerator.
- Je viens de passer ma journée à me persuader qu’on allait se quitter bons amis, Carl.

Et Carl comprit.

Dans cette simple phrase, prononcée avec retenue, il sentit la lutte qu’avait menée Zerator contre lui-même, toute la journée. Ce rôle, qu’il avait endossé à contrecœur.

Il revit les doigts de Zerator serrer les siens, avant la compétition, en le rassurant doucement. Il se rappela l’insistance avec laquelle l’autre avait tout fait pour l’éviter durant la pause de midi, les émotions qu’il avait laissées s’échapper à la remise des prix, cette fuite abrupte à l’apéritif, quelques minutes plus tôt.

Carl mesura l’envergure de l’attachement de Zerator à la force qu’il avait employée à s’en priver. Et bien qu’on puisse en placer une partie sur le dos de la compétition, Carl savait que l’état actuel de son vis-à-vis n’était pas étranger à cette lutte intérieure qui avait du lui saper une bonne partie de son énergie.

Il soupira et s’avança d’un pas pour le réconforter d’une étreinte. Zerator s’y laissa couler sans peine, glissa ses bras sur les épaules de Carl, depuis son dos. Il soupira lentement, les yeux fermés.
- T’es un idiot, Adrien.
- Qui se ressemble, s’assemble, Carl-Antoni.
Les épaules de Carl se secouèrent d’un petit rire qui berça Zerator. La proximité de Carl avait un effet apaisant sur lui et, les yeux clos, il se sentait à deux doigts du sommeil.

Carl s’en rendit compte lorsque Zerator s’appuya sur lui avec plus de force, le déséquilibrant presque. Il soupira.
- Tu peux toujours transplaner dans l’enceinte de Poudlard ?
- Mmmh, confirma Zerator, la tête trop bien calée sur Carl pour avoir envie d’ouvrir la bouche.
- Alors on sera mieux chez toi...
Zerator ouvrit les yeux. Il haussa un sourcil, arborant un air amusé.
- Écoute, je sais que je suis irrésistible, mais...
Il laissa volontairement sa phrase en suspens.

Carl comprit presque immédiatement sa maladresse. Il jura tout bas en sentant le rouge lui grimper aux joues.
- C’est parce que t’as b’soin de dormir, tabernak...
Zerator rit doucement. Il pressa son front brûlant contre la gorge de Carl et inspira, calmement, pour se concentrer.

Dans les lueurs orangées du soir, un tourbillon silencieux emporta leurs corps enlacés.

Personne ne les revit de la soirée. Pas même Bren qui, ne voyant pas revenir son meilleur ami, finit par partir à sa recherche. Mais, parvenu à la volière, sous les recommandations d’Etoiles, il ne retrouva qu’un énigmatique bouquet de fleurs sur un mur, et la veste de Zerator, soigneusement pliée dans un coin...

Si la situation n’aurait été claire pour personne d’autre, elle l’était pour Bren. Elle lui était même d’une évidence limpide.

Et alors qu’il ramassait les objets que ses amis avaient laissé traîner, un sourire naquit sur ses lèvres fines.

… Enfin.

**

Cinq mois plus tard

Le ballet de la foule dense semblait ne jamais vouloir s’arrêter. Elle se découpait de plusieurs flux qui se croisaient, se bousculaient, se gênaient les uns et les autres.

Difficile de se tenir immobile dans le hall principal du grand aéroport de Montréal. Carl n’avait même pas essayé. Il se frayait un chemin dans ce ras-de-marré humain, la tête relevée vers les panneaux indicateurs qui lui donnaient la direction à prendre. Sa grande taille lui permettait de ne pas suffoquer dans la masse, mais les nombreuses personnes qui le heurtèrent par inattention lui firent presque regretter son choix d’être venu jusque-là. Il aurait peut-être mieux fait de rester sagement sur le parking, tout compte fait…

Son léger agacement se calma lorsqu’il arriva à destination. Ici, le couloir était calme, personne ne circulait avec empressement. Les gens s’étaient rangés le long des murs, parfois seuls, parfois en petits groupes.

Le speaker annonça l’arrivée d’un nouvel avion, et Carl trépigna sur place. Il s’adossa contre une barrière pour se donner une attitude décontractée, mais au fond de lui, son esprit était en ébullition. Plus que quelques minutes...

Plus que quelques secondes...

Le regard de Carl s’illumina. Des lunettes de soleil superflues, une démarche conquérante qui donnait l’impression que l’aéroport lui appartenait… Zerator n’aurait pas pris un peu de poids ? Carl s’en fichait complètement.

Ce n’était pas comme dans les films. La course pour les retrouvailles, la musique féerique, le temps qui se suspend alors que la caméra fait trois fois le tour des acteurs… Non, c’était mille fois mieux.
C’était les yeux brillants de Zerator dans les siens, son sourire ravageur qui lui avait trop manqué, son attitude faussement détachée. C’était Zerator qui le rejoignait pour l’embrasser au beau milieu de l’aéroport, comme s’il s’en foutait, comme s’il n’y avait qu’eux.
Et après trois mois sans le voir, Carl ne comptait pas le lâcher de sitôt.

Sauf…

Ce sifflement. Désapprobateur, taquin, admiratif ? Carl se figea contre les lèvres de Zerator. Ce dernier se recula en grognant. Son souffle chaud balaya le menton de Carl.
- J’aurais du le laisser à Poudlard, celui-là…
Le cerveau de Carl mit un temps à saisir l’information. Il s’écarta davantage de son bien-aimé et l’observa de ses yeux écarquillés. « Celui-là » ? Son regard passa au-delà de l’épaule de Zerator.
- J’ai ramené quelques groupies, j’espère que tu ne m’en veux pas…

Derrière Zerator s’étaient arrêtées deux personnes dont le visage rappela à Carl des souvenirs pas si anciens, qui pourtant lui semblaient bien lointains.
- Alors Carl, tu pensais vraiment qu’on allait rater ton premier match officiel ? lâcha Etoiles, l’air espiègle.
Carl aurait pu fondre en larmes. Il se jeta dans les bras de son bon vieil ami qu’il n’avait pas revu depuis des mois. Etoiles. Etoiles et Bren, qui attendait sagement son tour en le couvant d’un regard affectueux. Zerator aurait dû venir seul, mais il avait préparé des miracles...

Ce ne fut que lorsqu’il se retrouva entre les bras fins de Bren qu’il réalisa. Bon sang, ils étaient tous les trois là, avec lui, à Montréal.
- Je croyais que tu pouvais pas prendre de congé…
- En théorie, c’était vrai. Jusqu’à ce que Zera vienne y mettre son grain de sel…
Carl s’esclaffa, incrédule. Il se tourna vers l’intéressé qui lui renvoya un regard innocent.
- J’y peux rien si son patron me devait une fleur…
- T’es vraiment… Ah ! Et tu m’as caché ça !

Carl n’en revenait pas. C’était purement impossible que ses amis soient là. Comment Zerator avait-il fait pour arracher Bren à sa rigoureuse formation de médicomage ? Comment avait-il tiré Etoiles de Poudlard pour le week-end ?
- Bon, on bouge ? fit Etoiles, enthousiaste.
- Oh oh oh, le malade imaginaire, tu m’as l’air un peu trop en forme d’un coup, le taquina Zerator.
Etoiles se renfrogna. Carl lui jeta un regard plein d’incompréhension avant que Zerator ne se penche à son oreille.
- Il avait jamais pris l’avion. Il a pas lâché la main de Bren de tout le trajet.
- Les moyens de transport moldus, aussi, rumina Etoiles.

Bren, Carl et Zerator éclatèrent de rire de bon cœur. C’était si bon de les retrouver. Carl attrapa la valise de Zerator d’une main et enlaça les doigts de la deuxième avec ceux de Zerator.
- Macho… se moqua Zerator alors que derrière lui, Etoiles lançait un « Et nous ! » consterné.

Carl les guida en sens inverse à travers l’aéroport. Il veilla à ce que les autres ne le perdent pas dans la foule (chose complexe lorsqu’on traîne déjà derrière soi un petit ami curieux et une valise capricieuse). Mais, à force de patience et de zigzags dans la marée humaine, ils parvinrent à atteindre l’extérieur. Zerator inspira près de lui.
- Ah, ça m’avait manqué…
Il raffermit la pression de ses doigts sur ceux de Carl. Ce dernier lui sourit. Les souvenirs du dernier voyage de Zerator au Canada lui revinrent en mémoire. Il n’avait pu rester qu’un mois. Un mois de bonheur et de découvertes qui s’était terminé trop vite. Le travail l’avait rappelé en Europe et ils s’étaient séparés devant une porte d’embarquement, la date de leurs prochaines retrouvailles fixement inscrite dans leurs agendas respectifs.

C’était dur, la distance. Mais parfois, Carl se disait que c’était un mal pour un bien. La séparation était douloureuse, mais les retrouvailles toujours meilleures. Et puis, cela donnait à leurs moments à deux une saveur intense, plus que s’ils avaient été capables de se voir tous les jours. Lorsqu’ils avaient l’occasion de se retrouver, c’était à cent pour cent. Alors, ils s’accommodaient de cette solution, en l’espérant provisoire, puisqu’aucun d’eux ne savait ce que l’avenir allait lui réserver.

Mais ce dont ils étaient certains, chacun de son côté, c’était que quoiqu’il arrive, ils auraient toujours l’épaule de l’autre sur laquelle s’appuyer. Toujours les bras de l’autre pour se réfugier. Toujours la voix de l’autre pour se consoler.

Et qu’ils auraient toujours le cœur de l’autre, dans lequel se reposer.
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