Hello !
Voici l’ultime partie de ce long One Shot ! C’est un grand projet qui se termine pour moi. J’espère que cette dernière partie, même si elle est plus longue que les autres, saura vous embarquer avec elle !
Il y a beaucoup de monde à qui je dois dire merci pour ce projet, je crois qu’il est grand temps de le faire…
Tout d’abord, merci à Nayara d’avoir été ma fidèle bêta-lectrice sur cette longue histoire. En relisant cette dernière partie, j’ai éclaté plusieurs fois de rire en relisant les commentaires qu’elle avait laissé tout au long de l’histoire. Ça demande du courage d’être la bêta-lectrice de mes gros pavés, donc merci, je t’aime, vivement le mariage. <3
Ensuite, je me dois de citer mes deux compères mesdames Nyal et Sohuna, sans lesquelles je ne me serais jamais lancée dans un projet aussi gros, et sans lesquelles je ne serais probablement jamais arrivée au bout. J’ai rempli ma part du contrat, mesdames, j’attends la vôtre maintenant ;D
Merci à Epo, encore, je ne la remercierai jamais assez d’avoir pris de son temps pour me faire des illu, celle de ce chapitre est magnifique, donnez-lui de l’amour.
Et finalement, merci à toi, cher lecteur, qui a pris la peine d’ouvrir cette page, qui prendra peut-être de son temps pour lire cette dernière partie et laissera éventuellement un commentaire. Merci du fond du cœur. On dit qu’on écrit pour soit, mais en vérité mon vrai plaisir ça a toujours été de partager les histoires qui naissent dans mon esprit. C’est toujours un bonheur de savoir que quelques personnes me suivent dans mes aventures farfelues !
Sur ce, je vous souhaite à tous une excellente lecture.
Flo’
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Myosotis et géraniumPart III Comme le reste du public, Etoiles retenait son souffle. Voir tous ces joueurs alignés dans les airs, prêts au départ, était impressionnant. La « chute libre » promettait d’être spectaculaire. Et dangereuse.
Bien qu’appartenant à la maison Poufsouffle, c’était sur ses amis qu’Etoiles avait décidé de miser en ce jour particulier. Il faisait confiance à Carl et Bren pour écraser le reste des concurrents, parce qu’ils étaient tous les deux beaucoup trop forts à ses yeux. Enfin, peut-être manquait-il un peu d’objectivité.
Quoiqu’il puisse en être, l’ambiance dans les gradins était incroyable. Si tout le monde semblait avoir son joueur favori, ils n’en étaient pas moins ici pour assister au spectacle que Zerator leur avait promis. Et pour le moment, il tenait ses promesses. Survolté, l’ex commentateur de Poudlard semblait receler d’une énergie que lui seul était capable de sortir dans une situation pareille. Il n’aurait pas été possible de trouver meilleur animateur pour cette compétition.
Ses mots, ses gestes, son attitude. Tout transpirait la joie et la force. L’écouter était un vrai régal.
Il lança d’ailleurs un décompte que le public suivit avec un réel entrain.
Arrivé au zéro, un long bip.
Et les joueurs partirent en chute
libre.
**
Ciremyxx ne s’était jamais considéré comme un bon joueur de Quidditch. Il aimait bien le sentiment de liberté qui l’étreignait lorsqu’il se trouvait aux commandes d’un balai et il était fasciné par les stratégies parfois complexes du jeu, mais sa carrière s’arrêtait là, à commenter des compétitions.
Pourtant, le concept des Joutes Aériennes l’avait séduit. Sortant des sentiers battus, c’était une autre façon d’aborder l’utilisation des balais magiques et il avait été curieux. Alors il s’y était inscrit, pour l’expérience. Il n’aurait peut-être pas du.
Il se demandait comment il avait réussi à tenir jusque-là. Perché à cent mètres de hauteur, il contemplait la barre, beaucoup trop basse pour l’entendement. Il en était arrivé au point où il ne savait plus trop ce qu’il faisait encore là.
Le top arriva et il se pencha vers l’avant. Son balai atteignit bien rapidement des vitesses vertigineuses alors que le vent sifflait dans ses oreilles. Ils étaient encore beaucoup à se jeter dans le vide à ce stade pourtant avancé de la compétition. Ciremyxx vit la barre se rapprocher. Vite. Près. Il n’y arriverait pas.
Pas assez fou pour tenter le diable, il redressa bien plus tôt que ce qu’il aurait du. Les autres participants le devancèrent comme des fusées et il les regarda partir vers l’avant, impressionné. Ce tour avait été décisif pour beaucoup de monde, mais certains, infatigables, semblaient encore capables de tenir plusieurs tours. Ciremyxx le leur souhaitait.
Mais la compétition s’arrêtait là pour lui.
**
Ils n’étaient plus que cinq à remonter dans les airs. Carl jeta un coup d’œil à Bren. Ils en étaient arrivés jusque-là, mais le plus dur restait à venir. La fatigue de toutes ces descentes commençait à se faire ressentir, mais ce n’était pas le moment de flancher. Ils pouvaient encore passer sous la barre, tout était une question de timing.
Finalement, cette compétition se jouait aussi au mental.
Zerator meublait entre chaque passage, posté au-dessus du terrain et observant tout ce qu’il s’y passait de son œil de lynx. Carl ne s’était jamais rendu compte d’à quel point ses braillements dans son mégaphone lui avaient manqués.
- Carl, reste focus.
Pris sur le fait, Carl fit la moue en se tournant vers Bren qui devait avoir surpris son regard en direction de Zerator. Ce dernier lui envoya un clin d’œil taquin et ils s’échangèrent un top-là de bonne chance, comme à chaque tour, avant de se mettre en position.
Carl regarda en bas. Hors de question de flancher maintenant. Pas sous les yeux de Zerator.
Cette fois-ci, il n’y avait aucun cognard pour le rendre ridicule.
Il allait briller.
Time to shine.
Biip.
**
Zerator reprit son souffle, les yeux brillants. Si la « chute libre » avait fait le spectacle, les « cerceaux ardents » semblaient laisser planer un léger flottement, mais un peu moins d’intensité lui faisait du bien. Et puis, il n’était pas inquiet. On approchait du début du troisième tour, celui où les joueurs allaient tout donner, parce que ce serait leur dernier essai pour tenter d’aller accrocher la première place.
Pour l’instant, le classement lui plaisait, mais une surprise était toujours la bienvenue. Zerator avait secrètement ses chouchous, mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était les outsiders. Et à moins de la moitié de la compétition, rien n’était joué !
- Forcément, sur ce genre d’épreuve, les joueurs ont cherché le chemin le plus optimisé et on dirait bien qu’ils se sont mis d’accord sur la voie à emprunter. Je doute qu’on ait des variantes au troisième tour !
Il avait hâte de voir la suite.
**
Papou sentit la chaleur lui rougir le visage. Il négociait des virages dangereusement serrés, mais il n’avait pas réellement le choix. Carl-Antoni tenait la première place avec un sans-faute impressionnant, s’il voulait tenter de la lui accrocher, il n’avait pas d’autre solution que de prendre tous les risques.
Enfin, il n’avait pas réellement envie de finir comme ce pauvre Ayako, dont le balai avait malencontreusement pris feu au cours de l’épreuve...
L’attrapeur de Gryffondor s’était entraîné d’arrache-pied pour cette compétition, mais il ne s’était pas attendu à obtenir de tels résultats. D’une régularité impressionnante, il se trouvait aux portes du podium et avait bien l’intention de tout faire pour y mettre les pieds.
Mais pour ça, il allait falloir qu’il vienne titiller ses deux coéquipiers de Gryffondor. Et il en avait bien l’intention.
- Magnifiiiique ! Papouuu ! s’écria Zerator dans son mégaphone.
Papou venait d’allumer le dernier cerceau, essoufflé par la chaleur et l’effort physique qu’il venait de terminer.
Sur l’écran d’affichage, son nom, inscrit en grand, et un temps.
Il sourit. Il venait de rafler la première place.
De quoi mettre un coup à ses camarades pour leur dernier passage...
**
Lucas trépignait, assis sur l’un des nombreux sièges de la tribune réservée aux participants. La pause de midi avait semblé durer une éternité et enfin allait débuter la troisième épreuve de la compétition : le « sans les mains ». Les joueurs avaient eu tout le loisir de se reposer et attendaient désormais avec impatience qu’on leur dévoile le parcours qu’ils allaient devoir effectuer sans avoir la permission de laisser leurs mains effleurer le bois de leur balai.
C’est avec un enthousiasme débordant que Zerator, toujours aussi pimpant malgré ses trois heures de commentaires effrénés sur les épreuves précédentes, revint au centre du stade pour leur faire découvrir ce nouveau terrain de jeu qu’aucun d’entre eux n’avait aperçu jusque-là.
Parmi les vingt-cinq joueurs restants, Lucas se plaçait honorablement. Il oscillait entre la septième et la huitième place, des positions plutôt éloignées du podium mais il ne s’en formalisait pas vraiment. Après tout, seule la moitié de la compétition avait été jouée, et il savait que ses meilleures épreuves seraient les dernières. Enfin, cela dépendait du terrain que Zerator leur avait concocté...
Sous les applaudissements du public, ce dernier découvrit enfin le tant attendu parcours. Les joueurs en scrutèrent rapidement tous les détails. Ils ne seraient pas autorisés à voir les autres participants effectuer leurs tentatives, il leur fallait donc tout mémoriser, et vite.
Lucas balaya l’ensemble des obstacles à franchir d’un coup d’œil rapide. Une information capitale l’intéressait. Lorsqu’il fut sûr de son constat, il se tourna sur la droite, et chercha un regard dans les rangées s’étendant près de lui.
Bren le regardait déjà. Ils se sourirent.
Pas de looping. C’était le pied.
« Sans les mains » ? Ça leur ferait une belle jambe. Ou plutôt « de » belles jambes.
A deux pieds sur leurs balais, il était temps de reprendre la main et de remettre les pieds dans le classement !
**
Carl laissa ses mains retomber sur son balai avec soulagement. « Épreuve », c’était le bon nom pour ce qu’il venait de traverser. Tenir en équilibre sur un balai et le diriger sans les mains lui demandait une concentration aiguë qu’il avait été fatiguant de déployer.
Curieux de connaître son résultat, il tendit l’oreille pour écouter les commentaires de Zerator. Il se sentit soulagé en apprenant qu’il avait réussi à atteindre la quatrième place grâce à ce troisième et dernier passage. Une quatrième place qui risquait bien de lui coûter cher au classement général, en plus de briser sa chaîne de victoires...
Les jambes douloureuses d’avoir été si longtemps crispées sur le manche de son balai, Carl donna une légère impulsion vers l’avant pour rejoindre les tribunes dédiées aux participants. Bien qu’il ait réalisé un temps honorable, le jeune homme devait bien s’avouer un peu préoccupé. Cette faiblesse de parcours pouvait bien lui faire passer la coupe sous le nez, et il était hors de question qu’il laisse une telle chose arriver.
Il se posa sur le côté des gradins et descendit de son balai avant de jeter un coup d’œil au classement de l’épreuve, affiché sur l’un des pans du stade. Son nom était inscrit en grand à cette malheureuse quatrième place, mais ce qui attirait son regard se trouvait plus haut sur le tableau. Tout en haut, même.
Bren. Son plus dangereux rival siégeait à la première place de du classement de l’épreuve. Tabernak, voilà qui n’arrangeait pas ses affaires...
Le public applaudit à une blague de Zerator et le regard de Carl, accroché au tableau, glissa vers le commentateur.
Il se démenait toujours pour animer sa compétition avec un infatigable enthousiasme. Zerator était tellement investi dans son rôle que Carl l’avait vu se promener parmi les participants durant la pause de midi, à la recherche d’informations sur les joueurs bien placés qu’il ne connaissait que très peu, sûrement pour avoir de quoi épiloguer sur eux durant l’après-midi.
Mais... il n’était pas venu saluer l’équipe de Gryffondor. Certainement parce qu’il en connaissait tous les joueurs, mais Carl n’avait pas pu s’empêcher de se sentir un peu déçu. Il avait remporté les deux épreuves de la matinée, et... Il n’aurait pas demandé de félicitations, juste... un mot, un encouragement, un regard ? Mais rien. Zerator s’était contenté de l’ignorer.
Et depuis, Carl était encore plus déterminé à remporter la compétition. Un objectif que l’épreuve du « sans les mains » venait de mettre en péril...
Carl secoua la tête. Il ne devait pas y penser et rester concentré jusqu’au bout, sans se laisser distraire par les pensées parasites qui pourraient faire grimper la pression plus haut que la limite qu’elle avait déjà atteinte...
Le retour à la réalité rappela à Carl que ses deux jambes avaient bien besoin de repos, et qu’une place assise ne serait vraiment pas de refus...
Bren avait beau être son plus grand rival dans la compétition, il n’en restait pas moins son meilleur ami en toutes circonstances. Se doutant qu’il lui avait probablement gardé une place dans les gradins, le jeune homme se mit à le chercher dans la foule. Il ne fallut que quelques secondes à Carl pour le repérer avant de le rejoindre.
- Salut, fit Bren lorsqu’il fut à portée.
- Hey, le salua Carl en retour. Ton temps était vraiment nice, man.
Le nouveau venu s’affala dans le siège à côté de son meilleur ami, un sourire aux lèvres.
- Merci, t’étais pas mal non plus.
Mais pas assez bien, pensa Carl intérieurement. Son regard dévia bien malgré lui à nouveau sur Zerator, perché dans sa tribune.
Il se rendit à peine compte de son mouvement, mais Bren, lui, n’en rata pas une miette. Il lui poussa affectueusement l’épaule.
- Mais tu le lâches un peu ?
Carl sentir le rouge lui grimper aux joues en se tournant vers un Bren à l’air discrètement espiègle.
- T’es pas croyable, depuis que t’as atterri dans ces tribunes, tu l’as quasiment pas lâché des yeux...
- C’est parce que j’écoute ce qu’il dit ! tenta de se justifier Carl.
En réalité, il n’en avait aucune idée. Il aurait été incapable de dire qui était le joueur qui passait l’épreuve à ce moment-là.
- Mais oui, bien sûr, ironisa son ami. Pas à moi, Carl-Antoni...
L’intéressé croisa les bras, mal-à-l’aise. D’accord, il avait tendance à se laisser distraire par Zerator. Un peu trop même. Beaucoup trop pour sa propre opinion. Mais c’était plus fort que lui, quelque chose chez Zerator l’attirait comme du miel aurait attiré une abeille, et malgré tout ce qu’ils avaient bien pu traverser, il n’arrivait pas à s’en défaire...
- Vous avez parlé ? s’enquit Bren, reportant son attention sur le match en contrebas.
Carl s’appuya contre le dossier de son siège et croisa les bras, lui jetant un regard de biais, confus.
- Parlé ?
- De vous. D’il y a deux ans...
Carl serra ses bras plus fort contre son torse. Il n’avait pas réellement envie de penser à toutes ces choses. Il aurait voulu laisser ces histoires de côté le temps de la compétition, mais visiblement, c’était râpé...
Bren remarqua bien vite son malaise et, comprenant qu’il n’aurait peut-être pas du réveiller ces souvenirs, il s’excusa d’un regard en affichant une moue désolée. Il planait toutefois dans ses prunelles sombres une légère incompréhension qui intrigua Carl.
- Donc Zera est pas venu te voir ? Lâcha finalement Bren, troublant un peu plus son ami.
Ce dernier cligna des yeux, les sourcils froncés. Pourquoi diable Zerator serait-il venu le voir ? Quand ? Bren semblait évoquer un moment précis où Zerator aurait du venir le voir, mais Carl n’arrivait pas à déterminer lequel. Son meilleur ami savait-il quelque chose qui lui échappait ?
Il s’apprêtait à demander des précisions à Bren, mais ce dernier fut sauvé par un long sifflement, annonçant la fin de l’épreuve en cours. Le public se mit à applaudir à tout rompre et, même si les interrogations de Carl traînaient toujours dans sa tête, les deux jeunes hommes laissèrent tomber leur conversation pour s’occuper du tableau des scores.
- Bien joué, Brendou, le félicita Carl en apercevant le nom de son ami toujours en tête de classement.
Ce dernier lui sourit. Il avait l’air ravi. Un peu trop ravi, même...
- Merci.
Il s’interrompit. Son regard était vif, comme s’il réfléchissait rapidement. Il finit par se tourner vers Carl pour lui demander :
- Tu sais ce que ce résultat veut dire ?
- Dis-moi ?
- On est ex-aequo à la première place du classement général.
Carl se figea.
Que...
Oui, c’était bien possible. Si Carl avait enchaîné le premières places, Bren n’était lui non plus jamais sorti du podium. L’écart de parcours de Carl lui avait permis de le rattraper à la tête du classement et ils se retrouvaient à deux sur la première marche, avec une avance confortable sur le troisième joueur... De tous les scénarios possibles, il avait fallu que ce soit celui-là qui tombe...
Carl et Bren, le bien connu duo de l’équipe de Gryffondor. Eux deux à la première place, à ce stade de la compétition. Cela signifiait donc que tout allait se jouer sur la dernière épreuve. Zerator avait voulu du spectacle ? Il allait en avoir. La détermination dans les yeux de Bren n’était pas feinte, et celle qui brillait déjà dans ceux de Carl n’allait pas ternir. Un regard échangé leur suffit. Un sourire craqua sur leurs visages.
Carl tendit la main et, comme leur rituel avant chaque épreuve, ils firent claquer leurs paumes avec force.
- Que le meilleur gagne, fit Bren.
Carl hocha la tête, entendu.
Et puis, son regard dévia à nouveau vers la tribune de Zerator, mais il ne s’y trouvait plus. Carl souffla, convaincu.
Il aimait Bren comme un frère.
Mais le meilleur ? Il fallait que ce soit lui.
**
Le public était en délire total. Zerator aussi.
Aurait-il pu s’attendre à meilleur scénario ? Certainement pas ! Enfin, c’était ce que s’imaginait Etoiles, assis avec ses amis dans les gradins. Tout autour d’eux, plus personne ne se faisait d’illusion. On s’arrachait les noms de Carl et Bren, pariant à celui qui remporterait le trophée. Rares étaient devenus ceux qui s’osaient à citer d’autres compétiteurs. Le duel de ces deux-là avait emballé tout le monde !
Le silence se fit au départ de la quatrième et dernière épreuve. Etoiles se sentait tellement impliqué par cette atmosphère de folie qu’il en oubliait presque que toute cette aventure allait bientôt trouver sa fin.
- Hey, Etoiles, t’es pour qui toi ? l’interpella l’un de ses amis, après que le coup d’envoi ait été lancé.
Etoiles sourit.
- Je suis Team-
Mais une exclamation de la foule étouffa ses derniers mots...
**
Bren ferma les yeux. Lentement, il inspira. Lentement, il expira.
Ils en étaient à leurs derniers passages. Dès le premier tour, Carl avait pris la tête. Sans hésitation, il s’était élancé dans le tunnel infernal du « en un seul morceau » et avait pulvérisé son propre record d’entraînement. Un record quasiment imbattable. Quasiment. Parce que Bren l’avait déjà fait. Mais qu’il lui faudrait un miracle pour le réussir à nouveau.
Le jeune homme souffla doucement, cherchant à réunir assez de concentration pour se sentir prêt.
C’était le dernier tour. De l’épreuve, mais également de la compétition. Et même s’il s’efforçait de l’oublier, son tour était celui qui déciderait du classement final. Celui qui pouvait tout changer.
Et Bren avait bien l’intention de se battre jusqu’au bout. En prenant les risques qui s’imposaient.
- Brendan, appela l’un des organisateurs de la compétition.
D’une main ferme, Bren attrapa son balai.
L’air extérieur faisait du bien. La foule salua son arrivée avec un engouement qui le terrifiait autant qu’il lui plaisait. Il devait en faire abstraction. De tout. Se concentrer sur son objectif. Se concentrer sur son chemin.
Bren vint se placer devant l’arrivée.
Ce qu’il s’apprêtait à faire relevait de l’inconscience la plus totale. Un choix absolument déraisonnable, mais Bren était décidé. Il n’avait que trop réfléchi jusqu’à présent, il était temps pour lui de laisser parler son instinct, et de se faire confiance. Il lui suffisait d’un mouvement pour tout mettre en place. Un mouvement et il scellerait sa folie. Un mouvement et ses intentions deviendraient claires pour la majorité des spectateurs. Alors, il rassembla son courage.
Et il le fit.
Lentement, il s’aida de ses mains, souleva le bassin, et posa un pied sur le manche de son balai. Cinq secondes. Ce fut le temps dont il eut besoin pour se redresser et se stabiliser debout sur sa monture.
- Incroyable ! Ohlala, mon brave Bren, tu prends des risques !
La voix impressionnée de Zerator se fraya un chemin jusqu’aux oreilles de Bren, qui ne put s’empêcher d’écouter.
- Mesdames et Messieurs, on dirait bien que Bren tente le tout pour le tout !
Une longue vague d’applaudissements vint saluer l’intervention du commentateur. Il reprit lorsqu’elle se calma :
- Ne pensez pas qu’il tente une nouvelle stratégie ! J’ai déjà vu quelques personnes s’entraîner à prendre ce chemin, et croyez-moi, peu seraient assez FOUS pour l’utiliser en conditions réelles ! S’il veut gagner du temps, Bren va partir debout et devra sauter en plein vol pour esquiver une barre avant d’atterrir assis sur son balai, un tour vraiment très très risqué mais qui peut lui faire gagner de précieuses secondes...
Bren arrêta d’écouter lorsqu’il sentit que Zerator n’arrivait plus vraiment à masquer l’inquiétude dans sa voix. Il préféra souffler longuement. Puis, il pressa sur la pointe de son pied droit. Et son balai s’élança pour franchir la ligne de départ.
- Il le teeeeente ! Hurla Zerator.
La foule se déchaîna.
Mais Bren n’entendait rien. Il était dans sa bulle, fixant son objectif, ce chemin qu’il s’était exercé à emprunter tant de fois durant ses entraînements avec les illusions. Mais les barres virtuelles étaient cette fois-ci bien solides. Dangereusement solides. Bren bloqua sa respiration.
Il se baissa pour passer sous le premier obstacle, se pencha pour esquiver le second. Puis il prit toute la vitesse qu’il put.
Et bondit.
La sensation d’être suspendu dans les airs le frappa de plein fouet. Il baissa les yeux, cherchant son balai qu’il avait quitté et qui devait filer encore comme une flèche sous lui, s’il avait bien dosé son saut. Il le trouva, soulagé. Le timing était bon. Ou presque.
Il retomba assis sur son balai.
- ET IL LE PASSE ! C’EST FOUUUU ! BREN L’ACCROBATE !
Bren força sur le manche de son balai pour esquiver une barre. Il avait passé le plus dur, mais s’était mal réceptionné. Il se retrouvait assis trop près du bout de son balai, rendant ce dernier trop difficile à diriger dans les manœuvres étroites qu’il aurait du effectuer...
Il tenta de garder son sang-froid mais, dans cet amas d’obstacles, sans ses repères habituels, il perdit le contrôle. Sa tête heurta l’une de ces trop nombreuses barres. Son corps partit à la renverse et s’écrasa lourdement sur le sol du tunnel de l’épreuve.
Un long sifflement accompagna l’étourdissement provoqué par la chute. Ses pensées lui paraissaient toutefois encore étrangement claires. Il ne terminerait jamais sa dernière course. Carl avait gagné, et il lui concédait la victoire de bonne grâce. Il avait donné tout ce dont il était capable.
Bren, malgré une céphalée insupportable, n’avait aucun regret.
- T’es un con, mais t’es un con Brendan !
L’interpellé ne put s’empêcher de sourire un peu en entendant le ton inquiet de son meilleur ami. Évidemment, qui d’autre que lui aurait pu venir le chercher ? Carl débarqua en grande pompe et s’accroupit près de lui en l’observant avec inquiétude. Le voir les yeux ouverts semblait déjà le rassurer.
- J’te déteste mec ! Tu te sens bien ?
Bren essaya de rire, avant que son cerveau ne lui rappelle qu’il ferait mieux de se tenir un peu tranquille.
- Tu vois ce que je subis chaque fois que tu joues les têtes brûlées ? lâcha-t-il simplement, entre l’amusement et l’inconfort.
Avec précautions, Carl l’aida à se relever. Le blessé devait s’être ouvert le front, parce qu’il sentait un liquide chaud couler sur son visage. Rien de très agréable, mais rien de très grave non plus. Il n’empêchait que Carl semblait pressé de l’emmener à l’infirmerie.
Ils s’installèrent tous les deux sur le balai du blond, et Bren s’accrocha à lui alors qu’ils quittaient le tunnel de l’épreuve. Ils furent accueillis par une longue acclamation triomphale qui fila une migraine à Bren. Mais elle lui rappela quelque chose. Quelque chose d’important.
- Bravo pour ta victoire, Carl.
L’autre lui répondit vaguement en grommelant. Bren eut un sourire affectueux.
Oui, il était déçu. Mais sa joie pour Carl était capable de surpasser ce sentiment. Son meilleur ami avait gagné cette fameuse compétition qu’ils préparaient depuis des mois. Compétition organisée par Zerator, qui plus était.
Alors oui, Bren était fier de Carl.
Mais il en profiterait certainement mieux une fois allongé dans un bon lit douillet de l’infirmerie.
Ouille, quelle idée de faire des épreuves aussi dangereuses...
**
- Et devant l’ensemble des élèves de Poudlard, Carl-Antoni soulève son premier titre !
Zerator lui glissa la coupe entre les mains. Le métal qu’il toucha de ses doigts était chaud d’avoir été exposé si longtemps au soleil, mais Carl n’en avait pas grand-chose à faire. Parce que lui aussi, il brûlait.
Avec un cri de joie, il leva son trophée vers le ciel. Voir ces milliers de personnes qui l’acclamaient fit vibrer quelque chose en lui. Il ne s’était jamais senti aussi reconnu, entouré d’autant d’attention et de reconnaissance. C’était grisant... Tellement grisant... A peine eut-il le temps de savourer cet instant que ses amis l’entouraient. Qu’ils soient de sa maison ou non, les autres compétiteurs vinrent le féliciter, l’étreindre pour les plus proches. Il tenta tant bien que mal de les inclure dans son triomphe, de leur faire profiter de l’engouement qui avait saisi le public. L’instant dura quelques secondes, peut-être quelques minutes. Pour Carl, il parut durer une éternité. Une si douce éternité qu’il lui fut difficile de revenir à la réalité.
Zerator le ramena à lui, attirant son attention d’un contact léger sur l’épaule. Il le couva d’un regard fier et il lui tendit le mégaphone, articulant de ses lèvres « Un petit mot ? » qui fit comprendre à Carl ce qu’il attendait de lui. Ce dernier hocha la tête et fit s’effleurer leurs doigts en prenant l’objet des mains de Zerator. Objet qu’il s’empressa de porter à ses lèvres.
- Merci à tous ! s’exclama-t-il, avant de baisser sa voix en se rendant compte que le mégaphone était bien assez efficace sans qu’il n’ait besoin de crier à l’intérieur.
- Merci à tous ceux qui m’ont soutenu durant la compétition, à mes amis avec lesquels je me suis entraîné ! Une pensée pour Bren qui aurait du être là avec moi pour fêter ça !
Les applaudissements redoublèrent et Carl attendit qu’ils se calment avec un sourire aux lèvres. Son cœur dérailla dans sa poitrine. Il inspira.
- Et merci à Zerator, fit-il en se tournant vers celui qu’il venait de nommer. Merci pour cette expérience incroyable, j’espère qu’il y en aura d’autres.
Leurs regards se croisèrent. Dévoré par l’allégresse, cette sensation que de la joie liquide coulait dans ses veines, Carl sentit une impulsion monter dans tout son être. Cet instant fou lui donnait envie d’oublier. Oublier tout ce qui avait pu le contrarier, oublier ses barrières, ses limites. Arrêter d’écouter sa raison et faire ce qu’il avait réellement envie de faire.
L’adrénaline le libérait complètement.
Zerator hocha doucement la tête pour le remercier et Carl eut toutes les peines du monde à se contenir, prenant soudain conscience qu’ils n’étaient pas seuls, qu’il tenait toujours le mégaphone en main.
Que se jeter sur Zerator à cet instant-là n’était peut-être pas la plus brillante des décisions à prendre.
Alors, malgré son être tout entier qui le démangeait, il se força à se tourner à nouveau vers la foule, et conclut son discours.
- Merci à tous ! Je vous aime !
Il leva une nouvelle fois sa coupe en signe de joie et savoura encore quelques secondes cette gloire éphémère qui, il en était sûr, resterait à jamais gravée dans ses souvenirs.
Et puis, il se tourna vers Zerator pour lui rendre son mégaphone. Ce dernier allait le lui reprendre, mais, sans pouvoir s’en empêcher, Carl le retira à la dernière seconde. L’autre lui jeta un regard perplexe. Avec une timidité qui s’accordait mal à son triomphe, le jeune homme ouvrit ses bras et, hésitant, inclina la tête.
Zerator ne fit pas de cérémonie. Il aurait été bien cruel de lui refuser une étreinte devant autant de monde et, de toute manière, Carl savait au fond de lui qu’il ne l’aurait pas fait. Il dut tout de même s’avouer soulagé de le sentir dans ses bras et le serra contre lui franchement. Cette victoire, elle devait aussi être à lui. Parce que s’il avait pu en arriver à là, c’était surtout grâce à Zerator.
Ils étaient fatigués, tous les deux, complètement défraîchis par cette longue journée qu’ils venaient de traverser, mais au fond, ils n’en avaient pas grand-chose à faire. Zerator lui caressa le dos affectueusement, et lui glissa à l’oreille un « bien joué » qui électrisa les membres de Carl. Oui, Zerator l’avait déjà félicité tout à l’heure, après la fin des épreuves, en criant dans son mégaphone. Mais cette célébration-là avait quelque chose de plus intime qui donna le sentiment à Carl qu’il n’avait pas fait tout ça pour rien. Les entraînements, la pression, les coups durs. Tout trouvait un sens, parce qu’il était dans les bras de Zerator, et que même si ce dernier tentait de rester professionnel face à la foule, il sentait dans son attitude qu’il était fier de lui. Et ça n’avait absolument pas de prix.
Ce fut Zerator qui amorça le mouvement pour qu’ils se détachent l’un de l’autre. Il fit glisser sa main le long du poignet de Carl pour lui reprendre délicatement le mégaphone, et puis lui jeta un dernier regard.
Carl sentit son sang se glacer dans ses veines. Un frisson lui remonta les côtes alors que Zerator détournait les yeux, reprenait contenance, et s’écarta finalement pour se mettre à remercier les sponsors de la compétition.
Carl resta figé sur place. Il était le seul à l’avoir vu, il en était certain. L’azur si pur des yeux de Zerator s’était troublé. Juste une fraction de seconde, où les deux bulles océan avaient semblé sur le point de se percer et de laisser échapper un filet de leur eau si précieuse. Un écart dont Carl n’aurait sans doute pas du être le témoin et qui lui compressa le cœur, en même temps qu’il l’inquiéta.
Quelque chose avait changé chez Zerator.
Il n’arrivait pas à déterminer quoi. Zerator avait beau avoir joué son rôle de présentateur motivé toute la journée, la fragilité qu’il venait de le laisser apercevoir ne lui ressemblait pas. Carl aurait bien mis cette vulnérabilité sur le compte de la fatigue, mais à bien y réfléchir, l’autre lui avait déjà semblé étrange lorsqu’ils s’étaient vus avant la compétition.
Il se sentait affreusement démuni. S’était-il passé quelque chose dans la vie de Zerator qui l’affecte assez pour qu’il manque de craquer devant lui ? Carl y était-il pour quelque chose ? Cette pensée l’ébranlait.
Alors qu’il observait Zerator clôturer la cérémonie de remise des prix, il ne pouvait s’empêcher de chercher en lui chaque signe qui aurait pu être un indice, qui pourrait lui donner une réponse. Mais Zerator avait toujours été un excellent comédien...
Carl allait donc devoir être un excellent enquêteur.
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La clameur du stade finit par s’essouffler.
Sur les gradins, les spectateurs s’étaient mis à quitter les rangs, fatigués par cette longue journée aux émotions vives. Ils garderaient sans doute les paumes brûlantes pour quelques heures, mais ce désagrément n’était qu’un maigre prix à payer pour les étoiles qui luisaient encore dans leurs yeux et les milliers de souvenirs que leur avait laissé cette compétition inédite.
Zerator remercia pour la énième fois les participants des Joutes Aériennes. Il n’avait pas de discours à leur faire, la gorge encore obstruée par les émotions de la fin du match. De sa voix éraillée d’avoir été sollicitée toute la journée, il les invita simplement à l’apéritif festif qui se déroulerait dans la Grande Salle avant le dîner. Les sponsors et autres invités de marque s’y rendraient directement, mais Zerator et son ami Dach, après concertation à ce sujet durant la préparation de l’événement, étaient tombés d’accord pour dire que les joueurs auraient peut-être bien besoin de se rafraîchir avant de les rejoindre. Ce fut avec un sentiment de fierté mêlé de fatigue que Zerator regarda le troupeau de joueurs passer la porte des coulisses pour aller rejoindre leurs dortoirs respectifs.
Malgré ses efforts pour rester impassible, la silhouette de Carl, même de dos, se détachait pour lui de toutes les autres, aussi immanquable que le rouge flamboyant d’un coquelicot dans des herbes hautes de début d’été. Il la vit disparaître avec les autres au tournant d’un couloir et soupira un grand coup, le cœur gros. L’épuisement qu’il avait accumulé au cours de la journée tenta de tirer profit de cet instant de relâchement, mais le réputé infatigable commentateur de Poufsouffle se reprit avant de se laisser envahir.
Il n’aurait pas le temps de prendre une douche, se sachant attendu à l’apéritif. Il se contenta de se changer dans la loge qu’on lui avait attribuée et de passer son visage sous l’eau pour donner une illusion de fraîcheur. Une coquetterie un peu sale, mais qui porta ses fruits. Il partagea ce bref moment de toilette en compagnie de Dach, ce qui eut pour don de le distraire un peu, mais le rendit également mélancolique.
Il aurait tant aimé que son cher Thomas puisse être là… Son ami d’étude lui manquait terriblement depuis quelques semaines. Après tout, il n’était jamais resté à Poudlard aussi longtemps sans lui... Partager ces instants de réussite avec ce bon vieux Thomas aurait été un réel bonheur, même si... Zerator savait au fond de lui qu’il n’y avait pas que pour cette raison qu’il regrettait tant son ami. Bien qu’il ait créé des liens forts avec les collègues et amis qui avaient travaillé avec lui sur le projet des Joutes Aériennes, aucun d’eux n’aurait pu comprendre ce qui le tourmentait, lui déchirait la poitrine. Thomas aurait compris. Mais Thomas n’était pas là.
Show must go on. Ce fut ce que se dit Zerator pour s’encourager, en route vers la Grande Salle. Il se sentait vide et à la fois plein d’émotions contradictoires. Faire la part des choses dans tout ce capharnaüm intérieur en devenait mission impossible, mais le jeune homme serra les dents. Cet apéritif était sa dernière épreuve à traverser. Ensuite, il aurait tout le loisir de se laisser réfléchir, d’envisager la suite et, bon sang, de se reposer.
Mais lorsqu’il poussa la lourde porte de la Grande Salle en compagnie de Dach, il sentit son cœur se serrer. Tant de gens à aborder, tant de faux pas à ne pas faire… Zerator était habitué à ce genre de conventions, mais ce soir-là, l’idée d’échanger des sourires et des politesses lui semblait insoutenable.
Show must go on, se répéta Zerator comme une entêtante mélodie.
Il afficha un sourire et se laissa entraîner par Dach vers un premier groupe de personnes.
La salle avait été réaménagée pour l’occasion, sans toutefois qu’aucun changement majeur ne soit à signaler. Après tout, les élèves de l’école devraient venir prendre leur dîner un peu moins de deux heures plus tard. Les longues tables avaient simplement été écartées le long des murs et garnies de mets en tous genre que les elfes de maison de l’école avaient concoctés avec soin. Zerator n’arrivait pas à trouver le goût d’en avaler un seul. Il employa ses vingt premières minutes à flâner entre les différents groupes, se laissant féliciter avec une légère gêne. Il vantait le travail de son équipe plutôt que d’accepter les compliments et louait le talent des participants lorsqu’on le félicitait pour le divertissement. Les invités étaient conquis, les sponsors satisfaits, de quoi laisser une délicieuse sensation de victoire sur sa langue, mais il ne la sentait pas. Tout comme les saveurs sont atténuées lorsqu’on se pince le nez, celles de Zerator l’étaient par son cœur serré...
Il s’ennuyait dans une conversation d’usage avec ses anciens professeurs lorsque les grandes portes à battants s’ouvrirent sur une troupe d’élèves en tenues civiles. Les participants de Gryffondor s’étaient certainement attendus pour descendre et Zerator, à sa propre surprise, vit leur arrivée comme une bénédiction.
- Toutes mes excuses, je dois vous laisser, se déroba-t-il poliment.
Il laissa son regard glisser sur Mme Chourave, qui lui adressa un clin d’œil entendu, confirmant un accord qu’ils avaient passé tantôt.
- N’oubliez pas de goûter les croissants au jambon, il parait qu’ils sont délicieux, ajouta-t-il avant de s’éclipser.
Il eut le droit à des sourires aimables et compréhensifs en retour, alors qu’il quittait ce groupe-ci pour se diriger vers celui qui stagnait à la porte d’entrée.
Il observa avec satisfaction que les serveurs qui distribuaient les verres avaient suivi ses consignes à la lettre, ne proposant aux nouveaux arrivants que du jus de citrouille. Lui-même aurait été d’avis de les laisser fêter leur victoire dignement, mais la direction de l’école avait émis des consignes claires à propos des élèves et il ne se trouvait pas en position de les réfuter.
- Bonsoir bonsoir, fit-il en arrivant à leur hauteur.
Les regards se tournèrent immédiatement vers lui alors qu’il sondait de son côté la petite troupe. Bren manquait à l’appel, mais mis à part lui, les joueurs de Gryffondor semblaient au complet. Zerator eut toutes les peines du monde à ne pas laisser son regard s’attarder sur la silhouette de Carl. Il s’arma d’un peu de concentration pour lancer d’un ton bienveillant :
- Le rafraîchissement a fait du bien ?
Il obtint des réponses vigoureuses de la part de ses interlocuteurs et sourit.
- Alors profitez bien de cet apéritif et de votre fête ! Je vous conseille les croissants au jambon, on m’a dit qu’ils étaient excellents, conclut-il avec un petit ton un peu paternaliste.
Il s’écarta pour leur laisser libre passage. Les joueurs le remercièrent en observant la soirée avec une certaine timidité que Zerator trouva attachante.
Un seul participant ne bougea pas.
Zerator prit son temps pour se tourner vers lui.
Carl était d’une simplicité époustouflante. Une paire de jeans ajustée serrait ses hanches sous un T-shirt où s’alternaient de larges bandes blanches et gris clair, des couleurs douces à la vue qui lui allaient à ravir. Raidi par les efforts de la journée, il se tenait un peu plus tendu qu’à son habitude, rendant sa grande taille plus impressionnante encore et sa carrure, toujours aussi élégante, en devenait presque imposante. Ses cheveux étaient plus sombres, aussi, encore un peu humides de la douche qu’il avait prise, et son visage laissait transparaître une inquiétude gênée que Zerator prévit bien vite de balayer. S’armant d’un sourire confiant pour masquer toute autre expression malvenue, il s’approcha de son protégé.
- Carl, c’est bien que tu sois resté. Il y a tout un tas de monde qui veut te féliciter !
- Ah… fit Carl, pris au dépourvu par cette approche franche alors qu’il avait vraisemblablement prévu d’aborder un autre sujet.
Il parut un peu mal-à-l’aise à la perspective de devoir rencontrer tous ces gens, mais Zerator ne lui laissa pas le temps de s’en faire.
- Viens, je vais te présenter, dit-il en lui faisant signe de lui emboîter le pas.
Carl ne rechigna pas à le suivre, mais Zerator sentait qu’il ne le faisait pas de bon cœur. Tout allait bien se passer, pourtant. Qui ne tomberait pas sous le charme de son naturel déboussolant et de son exotique accent canadien ? Mais cette appréhension que Carl dégageait, Zerator pouvait la comprendre. Aussi, il aborda un autre sujet pour chasser sa nervosité.
- Comment va Bren ?
- Bien ! Bien. Mme Pomfresh veut le garder un moment, le temps que sa blessure cicatrise, mais il viendra nous rejoindre après s’il peut.
Zerator hocha la tête. Cette réponse lui plaisait. Bren lui avait fait une sacrée frayeur en se blessant durant la dernière épreuve, il était heureux d’apprendre que ce n’était vraiment rien de grave et qu’il aurait tout de même le loisir de venir fêter sa deuxième place avec ses amis.
Ils arrivèrent près d’un attroupement d’hommes et de femmes en tenues chic dont les flûtes de champagne commençaient à devenir furieusement vides. Zerator, dont l’attitude professionnelle avait été entraînée par l’habitude, leur présenta Carl. Et ce fut le début d’une longue tournée de convenances dont Zerator se serait bien passé, si ça n’avait été pour l’attrait qu’il se découvrit à regarder Carl évoluer dans ce monde dont il ne connaissait pas les codes.
Si l’ex-commentateur de Poufsouffle s’employait à lui sauver la mise lorsqu’il commençait à se noyer sous les compliments ou ne savait que répondre à une question trop personnelle, le jeune homme fut fasciné de voir à quel point Carl semblait s’adapter à la situation comme une anguille. Sa maladresse était attachante, son naturel déconcertant et son sourire avait une capacité inouïe à charmer chacun de ses interlocuteurs, Zerator compris. Cette facette « grand public » que Carl avait adoptée, Zerator n’avait encore jamais eu l’occasion de la découvrir. Elle ne fit que renforcer l’affection sans limites qu’il portait à l’autre. Alors qu’il le laissait mener les conversations pour lesquelles il ne semblait plus avoir besoin de son intervention, Zerator se demanda quelle injustice de la vie lui avait fait découvrir une personne qu’il admire autant pour finir par la lui retirer en fin de compte. Un vif coup d’émotion lui grimpa à la gorge mais il ne lui laissa pas la place de s’étendre. Ce n’était ni le moment, ni le lieu, pour se laisser aller à penser à ce genre de chose.
Leur tournée commença doucement à s’éterniser. À force de se glisser d’un groupe à l’autre et de revivre sans cesse le même scénario de présentations et de félicitations, le temps semblait passer long. Zerator sentait la fatigue l’étreindre lentement, conscient qu’il puisait déjà dans ses réserves depuis quelques heures. Toutefois, il tint bon jusqu’au bout. Même si ça n’avait pas été le choix de facilité, il lui tenait à cœur de présenter Carl à toutes les personnes importantes de cette convention. Si ses amis organisateurs étaient moins impressionnants, d’une conversation plus légère et agréable, la plupart des autres membres présents faisaient partie des grands noms du Quidditch et, pour Carl, avoir l’occasion d’échanger avec eux serait un atout non-négligeable pour le futur.
Mais bientôt, la longue liste de convives à aller trouver s’épuisa. Il ne resta que deux noms sur cette liste mentale que Zerator s’était créée, noms qu’il avait pris garde de conserver jusqu’à la fin.
- Passez une belle fin de soirée, n’oubliez pas d’aller goûter les croissants au jambon tant qu’il en reste !
Carl salua également et lui emboîta le pas une nouvelle fois. Zerator ne put s’empêcher de remarquer son air hilare et, parce que même dans son état la bonne humeur de Carl lui était contagieuse, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors qu’il demandait :
- Quoi ?
- Tu les as goûtés au moins ces croissants au jambon, avant de les conseiller à tout le monde ?
- … Tu sais garder un secret… ?
Carl pouffa. Zerator avait toujours été fier d’être capable de faire rire quelqu’un avec ses mots ou son attitude. Mais le rire de Carl, plus qu’être une victoire, lui semblait être un cadeau. Un présent dont il savoura chaque seconde, parce qu’il savait que son temps était compté.
- C’est ma phrase de fuite, ça attire la sympathie. Et puis, personne ne m’en tiendra rigueur si les croissants au jambon sont dégueulasses.
Pas de rire cette fois-ci, mais un sourire désabusé. Zerator se nourrissait de chacune des réactions de Carl comme si elles avaient été de minuscules mais merveilleuses pierres précieuses. En se rendant compte que le temps qu’il lui restait à passer avec Carl s’amenuisait, une boule se forma dans la gorge de Zerator. Boule qu’il s’efforça de ravaler lorsqu’ils arrivèrent devant le dernier duo qu’ils avaient à rencontrer.
- Et le meilleur pour la fin ! Carl, je te présente Domingo et NBK, respectivement coach et sélecteur pour l’équipe des Carirouge. J’imagine que tu connais leurs noms ?
Si Zerator avait pu être heureux de décrocher un rire et un sourire à Carl un peu plus tôt, il n’y avait aucun mot pour décrire le sentiment qui s’empara de lui lorsqu’il vit les deux yeux de son protégé se remplir d’étoiles. Carl prit la main du premier des deux hommes qui se tenaient devant lui après lui avoir jeté un regard ahuri plein de reconnaissance.
Zerator eut à peine besoin de parler davantage. Épris d’admiration, Carl s’était lancé dans une conversation passionnée avec les deux membres éminents de son équipe de Quidditch favorite, équipe qu’il allait intégrer dans quelques semaines à peine. Une pensée qui heurta Zerator de plein fouet. Ces deux hommes qui se tenaient devant eux étaient le futur de Carl. Lui, pourtant à ses côtés, ferait bientôt partie de son passé. Il ne suivrait pas Carl lorsque celui-ci ferait un nouveau pas en avant. Il le regarderait avancer sans combler le vide, le laisserait s’éloigner. Cette idée l’étouffa, tellement qu’il se sentit sur le point de remettre en cause sa décision. Il regarda l’échange qui se passait près de lui sans en saisir le moindre mot. Carl s’en sortait bien. Il s’en sortirait bien. Il n’avait plus besoin de lui.
Il posa une main dans le dos de Carl pour attirer son attention de se remettre dans la conversation, quelques instants, le temps de s’excuser.
- Je pense que vous avez un tas de choses à vous dire, et je vais devoir vous laisser.
Il croisa la légère surprise et la déception dans le regard de Carl, mais n’en fit pas cas. Les deux autres le saluèrent avec politesse, et pour adoucir sa fuite, Zerator jeta un regard à Carl en disant :
- Et pensez à aller vous prendre un croissant au jambon à l’occasion, il parait qu’ils valent le détour !
Cette phrase avait une drôle de saveur amère que même le regard complice que Carl lui renvoya ne parvint pas à faire passer. Sa main glissa doucement le long du dos de son champion et il se retourna avec une lenteur folle, laissant ses doigts traîner sur le T-shirt rêche de l’autre. Il s’attarda un peu, probablement trop. Mais c’était plus fort que lui. Il n’avait pas envie de lâcher Carl.
Pourtant il le fit. Soupirant un coup, il finit par rebrousser chemin. Et comme parfois en se disant qu’il vaut mieux arracher le sparadrap d’un coup pour moins souffrir on en oublie la douleur forte qui en résulte, Zerator ne s’était pas préparé à un tel afflux de souffrance d’un coup. Carl avait servi de tampon jusque-là, l’empêchant de penser à la suite en occupant son esprit, le satisfaisant de sa présence. Mais il venait de le laisser entre d’autres mains, plus importantes que les siennes désormais, et la sensation d’étouffement le reprit à nouveau, comme une bouffée de chaleur immense qui le consumait de l’intérieur. Le bruit, la masse épaisse de personnes, les odeurs prononcées de la nourriture et des corps, tant d’informations que Zerator ne parvenait plus à gérer. Et plutôt que de s’effondrer sur le sol au beau milieu de la Grande Salle, il se dirigea vers la sortie pour prendre l’air, s’éloigner ou au moins se retrouver seul avec lui-même le temps de se recomposer un peu.
S’il existait un dieu dans le monde des sorciers, celui-ci devait avoir une dent contre lui.
Alors qu’il atteignait la porte libératrice, une silhouette bien connue s’encra dans son champ de vision. Une silhouette que Zerator aurait sûrement été ravi de croiser dans d’autres circonstances, mais à cet instant-là, elle ne fut qu’un douloureux rappel de sa lâcheté…
Bren, forcément. Il arrivait en retard à cause de sa blessure et, comme il était dans l’encadrement de la porte, Zerator n’eut aucun moyen de l’esquiver. Il inspira, prit un faux air jovial, et glissa ses mains tremblantes dans ses poches. Il ne fallait pas que Bren comprenne. Zerator était déjà sur le fil, si l’autre tentait de se joindre à son cœur meurtri pour lutter contre sa raison, ce serait un combat perdu d’avance. Et Zerator ne pouvait pas se permettre de perdre ce combat. Pas si près du but, pas après tant d’efforts. Pas en ayant la certitude qu’il faisait ce qui était le mieux pour Carl.
- Hey Bren. Comment tu vas ? fit-il d’un ton léger. Carl m’a dit que Mme Pomfresh te remettait sur pieds !
Bren avait toujours un air irrémédiablement gentil. Un trait qui avait toujours apaisé Zerator mais qui ne lui fut d’aucun secours dans les circonstances immédiates, renforçant au contraire la culpabilité qui l’avait saisi à l’idée de devoir le tromper.
- Ça va, merci. Je suis encore un peu sonné, mais d’ici demain tout sera rentré dans l’ordre.
- Parfait. Je suis vraiment content que tu ailles bien. Le fait que tu tentes ce chemin était fou, dommage que ce soit pas passé…
- Une prochaine fois ! lança Bren avec un ton joyeusement optimiste.
Zerator lui sourit et tenta un pas vers la porte. Il n’avait jamais été claustrophobe, mais il se sentait oppressé par l’idée d’être coincée à l’intérieur. Il fallait qu’il sorte, et vite.
- Allez, je te laisse fêter tout ça. Carl est un peu plus loin si tu le cherches.
Bren acquiesça aimablement, et Zerator crut qu’il avait gagné. Il allait pouvoir s’engouffrer par la porte et s’échapper de cette salle dont l’atmosphère commençait à le rendre malade…
Il rêva trop vite. Les sourcils de Bren se froncèrent et l’autre sentit les ennuis arriver au galop.
- Zera, à propos de Carl…
Zerator crispa les paupières. Non… Bren, pourquoi… Plutôt que de le laisser poursuivre, le jeune homme fit un pas en arrière. Rassemblant toute sa détermination dans ses yeux, il posa une main ferme sur l’épaule de son vis-à-vis et plongea son regard dans le sien, assombri par la luminosité de la pièce.
- Bren, c’est aussi ta deuxième place qu’on fête maintenant. Alors profite, d’accord ?
Son interlocuteur sembla troublé, surpris par l’herbe que Zerator lui coupait sous les pieds. Il ouvrit les lèvres pour répliquer, et Zerator n’y tint plus. Il ne pouvait pas jouer l’insensible plus longtemps, pas sous le regard si attentionné de Bren. Le peu de volonté qui lui restait n’était plus suffisant pour lui permettre de s’enliser encore dans sa comédie harassante.
Pour la deuxième fois de la journée, il se sentit à deux doigts de craquer. Ses yeux se voilèrent sous le regard surpris de Bren, alors qu’il usait de ses dernières forces pour l’empêcher de poser une question à laquelle il serait incapable de répondre.
- Profite, Bren. Fais-moi plaisir, tu peux ?
Sa gorge se serra, alors que Bren essayait encore de parler, mais il ne pouvait pas le laisser faire. Il avait tellement honte de ne pas être capable de rester mesuré. C’était stupide, au fond. Laisser sa liberté à Carl, ç’avait été sa décision. Alors pourquoi était-ce si dur de l’appliquer ?
Pourquoi n’arrivait-il pas à renoncer à lui ?
Zerator devait être extrêmement pâle. Il vit Bren, inquiet, faire un mouvement pour le soutenir, mais il s’écarta, laissant sa main sur son épaule, bras tendu.
- Goûte un croissant au jambon, articula-t-il d’une voix blanche. Il paraît… Il paraît qu’ils sont excellents… finit-il dans un soupir.
C’était sa phrase de fuite. Alors il enchaîna par la seule chose qui lui restait à faire.
Il fuit, laissant derrière lui un Bren abasourdi.
Surpris.
Inquiet.
… But
the show must go on.
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