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Myosotis et géraniums 1/3

Floraly
Floraly
Modératrice - La boîte à horreur
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Mer 25 Mar - 14:37
Floraly
Hello peuple de TCS !

Y a-t-il encore des gens qui se souviennent de moi ?
Peut-être que oui, peut-être que non. Honnêtement, ça fait bien longtemps que je n'ai plus partagé mes textes. Mon rythme d'écriture s'est considérablement amoindri ces dernières années, mais ça ne m'a pas empêché de noircir un peu de papier (en l’occurrence, des documents Word), et j'aimerais aujourd'hui partager avec vous un très long One shot que j'ai écrit il y a deux ans.

Vous vous souvenez de cette histoire, ce RP de Sohuna et Nyal qui était passé aux tous derniers coups de cœur qui aient existé sur le forum ?
Mais oui... ce texte-là !
Dahlias rouges et Tournesol...
Ce texte incroyable m'a hanté durant des semaines, jusqu'à ce que je me résolve, défiant Nyal et Sohuna de faire pareil, à écrire une suite !

Mon long one-shot est donc la suite de cette histoire que j'avais tellement aimé, et je suis toute émue de vous le partager enfin aujourd'hui ! Comme c'est un grand texte, je l'ai découpé en trois grandes partie. J'essaierai de les poster les mercredi après-midi ces prochaines semaines ;D

Je ne sais pas s'il y aura encore du monde ici pour lire mes bêtises, mais sachez que je serais ravie de connaître vos avis, remarques et critique sur ce grand travail, alors n'hésitez pas à mes les laisser en commentaire !

Aussi, je tiens à remercier la plus incroyable de tous, Mlle Eposhina, la dessinatrice des différentes images que vous verrez en couverture de chacune de ces trois parties ! Vraiment, elle mérite juste tout l'amour du monde... <3

Sur ce, mes chers, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une agréable lecture.
La partie 1 est trop longue pour que je puisse la poster en un seul message... Attendez-vous donc à ce que je poste la suite en réponse à ce message ;D

Je vous souhaite à tous un bel après-midi ! Prenez soin de vous dans ces temps difficiles !
Floraly

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Myosotis et géranium
Part I
Myosotis et géraniums 1/3 Epo_fa10


Les rayons du soleil caressaient son visage, cajolant sa peau pâle, de son visage détendu à ses pieds nus dont le talon s’enfonçait verticalement dans l’herbe fraîche. Les brins verdoyants de cette dernière lui chatouillaient la nuque, balancés par la faible brise venue du lac. Un bruissement léger, ajouté au paisible son des vagues, formait un agréable bruit de fond. Il était régulièrement couvert par les cris et les discussions vives des nombreuses personnes venues passer ce bel après-midi de début d’été sur la pelouse au bord du lac.

Allongé sur le dos, les mains posées sur le ventre et les yeux clos pour se protéger de la luminosité prononcée du ciel, Carl-Antoni ne faisait pas exception à la règle. Après les examens de fin d’année, l’idée de ne rien faire et de profiter du soleil n’était que trop alléchante. Il était resté enfermé bien trop longtemps à son goût devant des livres et des cahiers. La faute en revenait à ce très cher Brendan, son infatigable meilleur ami, qui ne l’avait pas lâché d’une semelle durant les dernières semaines pour le forcer à réviser. Et même si Carl avait passé beaucoup de temps à râler, il savait bien au fond de lui-même qu’il devait une grande partie de sa réussite scolaire à la persévérance de son meilleur ami...

Un nuage se glissa devant le soleil et les paupières du jeune homme se décrispèrent avec soulagement en réaction à la baisse de luminosité. Il sentit du mouvement près de lui mais ne s’en inquiéta pas, plongé dans une détente et un calme profonds.

Pourtant, lorsqu’une main tiède se posa sur sa joue, accompagnée à peu d’intervalle par une paire de lèvres brûlantes qui se scellèrent aux siennes, Carl-Antoni sentit toute sérénité quitter son corps. Un souffle chatouilla son visage alors que la pression délicieuse de cette bouche contre sa peau s’accentuait tendrement, avec une insistance joueuse qui trahissait l’envie d’une réponse. Le cœur de Carl dut rater quelques battements, alors que sa respiration devenait erratique, tout comme le cours de ses pensées.

Il ne chercha toutefois pas à lutter contre l’avalanche de sensations qui se propageait dans son être entier, amenant délicatement ses lèvres à participer à ce baiser tranquille, d’une intensité bien présente mais paresseuse, familière, confortable. Un confort qui ne fut que de courte durée, trop courte au goût de Carl qui décolla désespérément sa nuque du sol à la poursuite de ces lèvres frivoles s’en allant déjà. Il récolta une caresse sur la joue pour toute excuse, avant que le contact ne disparaisse, le laissant frustré mais heureux.

Il ouvrit les yeux. Ses iris pâles tombèrent sur l’éclatante beauté du ciel, un bleu d’une clarté éblouissante, juste taché de quelques nuages duveteux. Mais bien que le spectacle lui plaise beaucoup, l’objet de ses convoitises, lui, se trouvait bien plus à ras du sol, et bien heureusement. Le regard de Carl glissa sur le côté pour tomber sur une silhouette qu’il ne connaissait que trop bien.

Zerator s’était redressé jusqu’à être assis dans l’herbe, les genoux serrés contre son torse, cerclés de ses bras. Son regard était perdu sur le paysage, observant les eaux scintillantes du lac avec une douce mélancolie.

Carl resta immobile quelques instants, les yeux fixés sur le dos de son précieux petit ami. Il basculait entre l’allégresse et l’intrigue, encore surpris, mais pas moins ravi par ce baiser que venait de lui offrir Adrien alors qu’ils se trouvaient au beau milieu de la moitié des élèves de l’école. Si Zerator, le bien connu commentateur et brailleur de Poufsouffle, était quelqu’un de plutôt extraverti et libéré, il était toutefois bien plus pudique et discret quant à ses relations. Pas qu’il ne cherche à cacher leur liaison, bien évidemment, mais il semblait préférer garder les gestes tendres et autres effusions pour leur intimité, à l’abri des regards. C’était quelque chose que Carl respectait, bien qu’il ait généralement du mal à résister à la tentation, même après quelques heures seulement de séparation, de lui plaquer un long baiser langoureux sur les lèvres et de le tenir contre lui pour être sûr qu’il ne s’échappe pas à nouveau.

Alors, le fait que Zerator trahisse ses principes l’intriguait, tout autant qu’il lui plaisait. Et peut-être que cela l’inquiétait un peu, aussi.

Il prit donc appui sur ses coudes pour se relever et singea la position de son petit ami, sauf que plutôt que de regarder l’eau, il appuya sa tête contre ses genoux pour voir le visage de l’autre, distrait, perdu dans ce paysage qu’il ne semblait même pas voir. Pour lui faire remettre les pieds sur la planète terre, Carl se balança doucement et lui poussa l’épaule, malicieux.
- Alors ? Monsieur Adrien ne peut plus me résister ? le taquina-t-il, appuyant volontairement davantage sur ses intonations canadiennes.
Zerator secoua la tête doucement, un rictus amusé, bien que distant, se dessinant sur son visage.
- Aah, Carl-Antoni... , répondit ce dernier en laissant traîner la dernière voyelle sur sa langue, comme pour créer du suspens.

Mais la suite ne pointa pas le bout de son museau et leur conversation s’arrêta là, décevant légèrement le canadien qui avait l’habitude de voir son petit ami bien plus enjoué et mordant. La fin de l’année, et de sa scolarité par la même occasion, affectait le brun plus qu’il n’aurait aimé le laisser paraître, et Carl se retrouvait un peu démuni devant la nostalgie de son petit ami. Poudlard avait été le foyer de Zerator durant sept longues années. Le quitter devait lui paraître bien étrange.
- Dire que tu seras plus là l’année prochaine, souffla Carl. Il va me falloir une nouvelle motivation pour jouer au Quidditch.
L’autre pouffa doucement, mais le cœur n’y était pas. Le blond sentit son cœur se serrer à l’idée que Zerator n’arpenterait plus les couloirs de l’école l’année suivante, alors que lui y serait encore coincé, embarqué pour deux longues années supplémentaires. Son petit ami allait terriblement lui manquer.
- Carl, à propos de ça...

Intrigué, le jeune homme se tourna vers son camarade, la joue écrasée sur son genou. L’autre semblait observer l’horizon, esquivant son regard, ce qui eut pour effet de rendre Carl inquiet. Il était rare que Zerator montre des signes de nervosité, mais lorsque c’était le cas, il n’était pas difficile de les débusquer. Ce regard fuyant, ces mains crispées autour de ses jambes, ces épaules remontées, que de mauvais signes qui hurlaient à Carl qu’il n’éprouvait aucun plaisir face à ce qu’il s’apprêtait à lui dire.
- Dans deux jours, je quitte Poudlard définitivement. Dans une semaine, je commence mon nouveau travail et je serai forcé de voyager tout le temps un peu partout. Et toi, après tes vacances, tu vas revenir ici pour deux années de plus, continuer tes études avec tes amis...
Carl sentit un nœud se former dans sa gorge tandis que le ton de Zerator se teintait d’émotion tout en restant terriblement calme. Il ne lui apprenait rien, mais ce qui était un simple rappel des faits pesait lourd dans la gorge de Carl. Parce que c’était difficile à entendre, mais aussi parce que le fait que Zerator se sente obligé de le répéter n’augurait rien de bon...
- Il va être temps d’investir dans un hibou, blagua Carl, tentant maladroitement de détendre l’atmosphère, mais il ne fit au final que tendre une perche à Zerator, qui enchaîna dans un soupir défait :
- Et quoi ? On s’écrira pour se raconter nos journées, on essaiera tant bien que mal de se voir une fois par année ? Carl, toi et moi, c’est physique, c’est vivant. On tiendra jamais sur du papier. On va juste finir par se manquer, et se frustrer, et s’énerver, ça va nous faire du mal...
Le cœur de Carl se déchira dans sa poitrine. Les mots de Zerator trouvaient un sens en lui, mais il ne parvenait pas à les accepter. Il savait que ce serait dur, mais il ne voulait pas laisser tomber la relation qu’il entretenait avec le Poufsouffle. Pas après tant d’années à l’avoir cherché, pas après les six mois enivrants de bonheur intense qu’ils avaient vécus.
- Adri-
- Je dis pas qu’on doit tout arrêter. Mais peut-être que ce serait bien de... laisser tout ça de côté. Jusqu’à ce qu’on trouve de meilleures conditions pour tout reprendre.
Carl retint son souffle, frustré que l’autre ne le laisse pas prendre la parole pour se défendre. Mais alors que son esprit embrouillé cherchait désespérément des façons de convaincre Zerator qu’ils seraient capables d’affronter tout ça, l’évidence le frappa, comme une douche glacée par moins dix degrés.

Ses arguments étaient raisonnés, son ton sans appel. Le brun avait du mûrir cette réflexion durant un long moment, il l’avait pensée, sans doute tournée dans tous les sens. S’il lui en parlait aujourd’hui, c’était que sa décision était prise. Ce n’était pas une suggestion de sa part, il ne faisait qu’exposer ce qu’il avait choisi, sans attendre d’avis en retour. Carl se prit le rejet de plein fouet, sonné, écœuré. Il avait beau être quelqu’un de déterminé, il ne pouvait pas lutter contre la résolution de quelqu’un qui ne voulait plus de lui...
- Tu veux qu’on se sépare...
- Carl, crois-moi, ça me déchire autant que toi... mais c’est la meilleure décision à prendre...
- Tu me quittes, tu me brises le cœur, et c’est la meilleure décision à prendre ?!
- Réfléchis deux secondes avant de m’accuser, Carl. J’ai confiance en toi, je sais qu’on pourrait tenir même à distance, mais on ne peut pas s’infliger ça. S’enfermer là-dedans, ça risquerait de nous détruire. Mets-toi à ma place, je vais vers l’inconnu et je ne vais pas me permettre de te laisser poireauter en attendant que j’aie du temps à te consacrer. Ce serait pas correct de ma part.
La voix de Zerator était désolée, légèrement sur la défensive. Carl pouvait lire le regret dans ses yeux. Le regret et la peine. Mais en lui-même, il laissa la colère surpasser tout le reste, incapable de gérer la situation avec autant de calme que pouvait en avoir son interlocuteur.
- Tu m’niaises ? s’énerva-t-il. J’ai passé cinq ans, cinq ans à te regarder de loin, à attendre que tu me donnes de l’attention, qu’on se rapproche... et quoi, tu nous laisses six mois et tu arrêtes tout sans nous laisser la moindre chance ?
Rageusement, Carl ramassa ses chaussures et se releva, d’un saut brusque, les poings serrés.
- Carl... Sois pas borné, s’il te plaît. On est pas obligé de finir comme ça...

Les mouvements du jeune homme se ralentirent, devinrent hésitants. Il accorda un regard au visage d’Adrien et regretta presque immédiatement de l’avoir fait. Les yeux humides, l’air sincèrement désolé de son visage... Au moins ne le laissait-il pas partir de gaieté de cœur, mais Carl voyait bien dans ses prunelles azurées sa résolution, qui ne lui laissait aucune chance. Entre eux deux, Zerator avait toujours mené la danse, si c’était lui qui décidait d’y mettre un terme, Carl n’avait plus qu’à retourner se ranger sur le banc des solitaires.

Mais ce qui fit le plus mal au blond, c’était que même après qu’il lui ait éclaté le cœur, la seule chose qu’il rêvait de faire en voyant le visage de Zerator, c’était de l’embrasser de tout son soûl, jusqu’à en perdre son souffle.

Il sentit sur ses lèvres renaître la douceur du baiser qu’ils avaient échangé à peine quelques minutes plus tôt, teintée d’une saveur amère. Cela avait été un baiser d’adieu. Il ne l’avait pas compris.
- Carl, souffla Zerator, de sa voix chaude qui lui avait procuré tant de joie, mais lui fit si mal à cet instant.

Pourquoi s’obstinait-il à le rappeler alors qu’il cherchait au contraire à l’éloigner ? Carl n’avait jamais cru aux relations à longues distances. Mais pour Zerator, il aurait fait l’effort. Parce qu’il l’aimait.

Calice, il l’aimait.

Il remonta son bras à ses yeux et appuya fort contre ses paupières closes, avant de prendre ses jambes à son cou, quittant la pelouse d’un pas vif, entre la marche rapide et la course. Il ne salua personne dans les couloirs, traçant son chemin dans la foule sans voir personne, ses pieds l’amenant machinalement à la tour des Gryffondor.

Il allait traverser la salle commune à la même allure, sans s’arrêter, le cœur battant, les yeux beaucoup plus humides que raisonnablement.
- Carl !
L’interpellé ne s’arrêta pas, filant tout droit à côté de la provenance de cette voix si familière qu’il aurait préféré ne pas entendre. Mais une démarche lourde se fit entendre à ses trousses et il jura intérieurement.
- Lâche-moi, Bren.
Évidemment, sa voix tremblante et son attitude alarmante n’étaient pas le genre de chose devant lesquelles son meilleur ami risquait de s’incliner. Au contraire, il entra dans leur dortoir à sa suite, et lui attrapa le poignet avant qu’il n’ait le temps de s’écrouler sur son lit.
- Qu’est-ce qui se passe, Carl ?
- Rien, laisse-moi, maugréa le jeune homme qui avait plus que tout envie de se retrouver seul pour déshydrater son corps à l’aide de ses yeux.
- Me prends pas pour un blé d’inde, Carl. Il s’est passé un truc avec Zerator, sinon tu serais encore revenu avec ta tête d’imbécile heureux, et pas avec cette tête d’imbécile malheureux.

Carl laissa échapper un soupir accablé alors qu’il cherchait une manière de dire les choses sans les dire, histoire de ne pas mouiller sa fierté déjà bien piétinée, tout en donnant une excuse crédible à son meilleur ami. Mais les bras de ce dernier s’enroulèrent trop vite autour de lui, l’entraînant dans une étreinte chaleureuse et rassurante contre laquelle Carl n’avait aucune arme. Alors il plongea son nez contre l’épaule de Bren, abattu, luttant à grand peine contre sa tristesse qui menaçait d’éclater à tout instant. Et dans un élan de courage, il modula une simple phrase, parce qu’il n’était pas capable d’en dire plus.
- Adrien et moi c’est fini.

C’était dit. C’était vrai.

Et Bren le serra plus fort contre lui.

**

Le bleu des beaux jours n’émerveilla plus Carl cet été-là. Les jours de pluie semblaient plus en accord avec ses humeurs teintées de gris, et ce ne fut qu’avec l’arrivée du temps morose de l’automne que sa vie sembla reprendre son cours. Poudlard, ses amis, ses cours, le Quiddich, tant des choses qui lui rappelaient douloureusement Zerator, mais elles occupaient son esprit, assez pour que ses souvenirs entachés deviennent moins déchirants.

L’hiver arriva, et rattrapa le semblant de distance que Carl semblait avoir pris avec l’automne. Les effusions d’amour et d’affection de la période des fêtes ne firent que lui rappeler son manque dérisoire, alors que la date qui aurait dû célébrer leur premier anniversaire approchait à grands pas.

Il apprit alors à afficher une façade, pour arrêter d’inquiéter le pauvre Bren. Ce dernier finit par accepter l’illusion, et le printemps arriva, apportant avec lui de nouvelles résolutions. Carl décida d’arrêter de penser à Zerator. Il se plongea corps et âme dans ses études, s’impliqua maladivement dans l’équipe de Quiddich de sa maison, et tenta de se convaincre qu’il avait tourné la page.
En vain.

Le deuxième été fut moins difficile, tout comme le fut la deuxième rentrée. Sa dernière. La mélancolie de ses dernières fois à Poudlard remplaça celle des dernières fois avec Zerator. Soigneusement rangés dans un tiroir de son esprit, ses souvenirs s’estompèrent et il pensa être guéri.
Ah, si seulement elle avait pu se taire, cette petite voix au fond de lui qui lui hurlait qu’il ne le serait jamais...

Aux quatre coins du monde, les saisons semblèrent filer en un éclair pour Zerator. Constamment occupé, l’esprit en ébullition pour mener à bien ses projets, il ne se laissa pas penser au passé, focalisé sur le présent et le futur qu’il cherchait à atteindre. Un futur dont il commença à apercevoir la possibilité au bout d’un an, et pour lequel il se battit durant les six mois qui suivirent...

**

Le grincement strident d’une porte qui s’ouvre, le claquement sec de ladite porte qui se referme. De quoi déranger le silence nocturne de tout le bâtiment, mais ça, le nouveau venu n’en avait que faire. Une pile de papiers bien rangés serrée précieusement contre le torse, ce fut avec empressement qu’il enfonça le bouton de l’ascenseur et il regarda ce dernier s’allumer avec un brin d’impatience. Mais pour grimper jusqu’au cinquième étage, impensable de prendre les escaliers. Son nouvel appartement se situait dans un immeuble possédant un ascenseur, autant en profiter. Il grimaça, blasé. Cela faisait trois mois qu’il y habitait, mais cet endroit resterait son « nouvel » appartement jusqu’à ce qu’on lui annonce sa prochaine destination. Alors, l’appartement passerait de « nouvel » à « ancien » sans passer par la case « son appartement » …

L’appartement en lui-même n’avait rien d’extraordinaire. Il était fonctionnel et lui appartenait, comme sa petite bulle au centre d’une ville et d’un pays dont il avait tout eu à apprendre. S’il aimait voyager et découvrir de nouveaux endroits, les déménagements, en revanche, avaient vite perdu de leur charme et n’étaient plus qu’un inconvénient majeur, même si à force d’en effectuer, il était devenu un as dans le domaine.

L’homme jeta ses clefs sur la table en arrivant, dédaigneux, mais soigna avec beaucoup plus de précautions le journal qu’il tenait entre ses bras. Il le déposa sur la table de la cuisine et, par pur masochisme, s’avança vers la machine à café pour s’en préparer un avant de jeter un œil à son nouvel objet d’attention. Le liquide brunâtre coula avec une lenteur exagérée dans la tasse, mais cela ne fit qu’augmenter l’excitation et l’impatience de l’homme qui n’attendait plus que de s’asseoir à la table, de laisser sa boisson refroidir sur le coin de celle-ci et de se plonger dans la lecture de l’article qui l’intéressait tant.

Ce journal n’était pas n’importe quel journal. C’était une édition provisoire de La Gazette Du Sorcier. Celle du surlendemain, plus précisément. Elle lui avait été livrée par un hibou quelques heures auparavant, mais il s’était interdit d’y poser les yeux, trop occupé par son travail. Enfin, il était chez lui, au calme, et plus rien de l’empêchait de savourer ce moment comme il en avait envie. Alors il attrapa sa tasse de café brûlante, la posa près de lui, et s’installa à la table avec satisfaction. Il déroula le journal.

C’était là, en première page de la gazette, accompagné de l’image vivante et acrobatique d’un joueur en plein match de Quidditch. Il sourit. C’était parfait. Il dévora les lignes, une à une, savourant chacune d’entre elles. Voilà de longs mois qu’il se battait pour ce projet. De longs mois qu’il était parti de chez lui, laissant derrière lui sa famille, ses amis, son chez-lui. De longs mois qu’il voyageait sur tout le globe pour acquérir de l’expérience, participant à l’élaboration et à la mise en place de nombreux événements. Il s’était ainsi créé un réseau de personnes fiables, amies et compétentes, qui avaient accepté de le rejoindre dans le projet fou qu’il rêvait de réaliser.

L’idée était si audacieuse qu’il se devait de commencer petit. Cela occasionnerait un retour aux sources qui lui ferait du bien, entre quatre murs qui lui avaient toujours paru être son second chez lui, si ce n’était parfois le premier. Il sourit et trépigna sur sa chaise, excité et fier à l’idée que, le surlendemain, ce projet allait être dévoilé au grand jour à tous les sorciers susceptibles de lire La Gazette du Sorcier. Mais tous ne l’intéressaient pas. Ce qui le faisait vibrer, lui, c’était la réaction de ses anciens camarades, à Poudlard. Là où s’organiserait son projet, là où tout commencerait ou finirait. Son cœur fit un bon dans sa poitrine. L’idée motiverait-elle les élèves comme elle le motivait ? Seraient-ils emballés et désireraient-ils participer, ou n’y aurait-il qu’une minorité de volontaires ?

C’était à la fois excitant et effrayant, mais s’il y avait une chose qui lui serrait le cœur, plus que tout le reste, c’était ce visage. S’il s’était battu durant ces longs mois pour en arriver où il était désormais, c’était aussi pour lui. Oh, il savait que de nombreux joueurs seraient intéressés par la compétition qu’il allait présenter. Mais parmi tous les joueurs, il n’y en avait qu’un seul dont l’avis comptait réellement.

Son joueur.

Carl-Antoni Cloutier.

**

Les lueurs dorées du soleil se reflétaient sur le vieux parquet ciré, constellé d’affaires en désordre et de sacs mal rangés. À ces heures-là, le silence n’était couvert que par des frottements aériens de tissus et des murmures soufflés à demi-mot. De temps à autre, un pas plus lourd se faisait entendre, preuve que la pièce aurait cruellement eu besoin d’une petite remise en ordre, mais les quelques occupants de ces lieux n’en avaient pas grand-chose à faire.

C’est dans cette ambiance feutrée du matin que Carl sentit sa conscience revenir à lui pour la seconde fois. Son premier réveil n’avait été que de courte durée, tout juste assez long pour qu’il entende le concert complet des sonneries stridentes de leur alarme avant que l’un de ses camarades de chambre ne se dévoue en grommelant pour aller l’éteindre. Et puis il avait sombré à nouveau. L’entraînement de la veille avait duré tard, bien que Mme Bibine lui ait conseillé d’éviter de s’entraîner la veille d’un match. Mais pour Carl, c’était devenu une habitude.
- Allez la marmotte, remue-toi ou tu vas rater le p’tit déj’. Et pas question que tu te pointes au match avec le ventre vide !

Le corps de Carl tangua sous une poigne qui se voulait douce et il grogna, à la fois de mécontentement et d’approbation, pour signifier que le message était passé. Bren lui frappa gentiment l’épaule avant de s’éloigner d’un pas pressé, certainement pour rejoindre les autres qui l’attendaient déjà dans le couloir. La chambre retrouva bientôt un silence confortable et Carl laissa traîner ses oreilles quelques secondes, à l’affût des différents bruits qui se propageaient déjà dans la tour de Gryffondor. Il aurait adoré rester encore quelques longues minutes à paresser dans ses draps douillets, mais Bren avait bien raison : arriver à un match sans rien dans l’estomac était inconsidéré.

Alors, il se débarrassa de sa couverture et fila se blottir dans des habits plus chauds que son pyjama d’hiver. Le printemps pointait désormais le bout de son nez, et si cette saison était porteuse de renouveau et de joie pour de nombreux étudiants puisqu’elle ramenait le soleil, Carl n’arrivait pas à apprécier sa venue à sa juste valeur cette année-là. D’une part à cause des examens de fin d’année qui s’annonçaient lourds, et d’autre part, car ce serait sa dernière saison complète en tant qu’élève à Poudlard. Et pour être honnête, la perspective de ne plus remettre les pieds dans cette école lui filait la frousse.

Il nageait toujours un peu dans les vapes lorsqu’il déboula dans la Grande Salle pour rejoindre ses camarades. Même si le réfectoire géant était généralement bien plus animé les matins avant les matchs de Quidditch, rien n’avait pu préparer Carl au volume de la pièce en ce simple samedi. Le jeune homme se faufila entre deux tables, esquivant à grand peine les élèves aux conversations surexcitées qui, malgré la brume dans laquelle son esprit semblait encore nager, piquèrent sa curiosité. Le match du jour n’était qu’un bancal Gryffondor-Poufsouffle, pas de quoi créer une émeute pareille…

Il repéra bien vite ses coéquipiers rassemblés sur un segment de table, comme à leur habitude avant un match. Il s’en approcha rapidement, pas beaucoup plus alerte qu’à son entrée dans la pièce malgré l’effervescence qui semblait en avoir saisi les occupants. Bren lui avait laissé une place à côté de lui et Carl ne manqua pas de s’y installer lourdement avant d’attraper mécaniquement une brioche en saluant tout le monde. L’ébullition générale semblait également avoir atteint ses amis, qui s’étaient tous regroupés autour d’un énorme journal dont ils semblaient lire le contenu avec un enthousiasme non modéré.
- Quelqu’un pourrait m’expliquer ce qui se passe ?

En quête d’un peu de lumière sur cette histoire, Carl se tourna machinalement vers Bren, qui ne semblait étrangement pas touché par la même fièvre que les autres. Le regard mi-inquiet mi-désolé qu’il lui adressa lui fit froncer les sourcils, mais il n’eut pas le temps de s’en préoccuper bien longtemps. On lui colla un journal sur le nez et le pauvre Gryffondor ne put que loucher sur l’image bien trop dynamique à son goût d’un joueur de Quidditch en plein match. En sentant une migraine poindre au fond de son cerveau, Carl repoussa gentiment l’image à plus de quatre centimètres de son visage, en espérant y comprendre quelque chose.
- Oui, mais c’est quoi ? finit-il par s’agacer un peu, pas vraiment fait pour être aussi brusqué dès le matin.
- Lis ! Lui répondit l’autre en agitant le papier devant lui.
Carl grogna. Il aimait les joueurs de son équipe. Mais parfois, il aurait aimé que la bande compte un peu moins de surexcités dans son genre.
- Nan bro, lis-le moi s’te plaît.
- Je mange, se plaignit l’autre. Mais tiens, Lulu a fini. Lis-nous l’article !

La Gazette du sorcier (Oui parce que le titre était écrit au moins assez grand pour que Carl ait pu le percevoir) traversa la table pour se retrouver entre les mains d’un petit rouquin aux airs enfantins que Carl affectionnait tout particulièrement. Lucas, de son vrai nom, était entré dans l’équipe l’année précédente. Jeune prodige sur un balai, il avait bien rapidement fait ses preuves en tant qu’excellent poursuiveur et Carl lui souhaitait secrètement la place de capitaine d’équipe pour dans quelques années. Il avait beau être timide et réservé au premier abord, ce gosse avait plus d’un tour dans son sac.

Il attrapa le journal, un peu mal à l’aise, et sembla chercher directement dans l’article la partie intéressante. Carl le remercia intérieurement de cette attention en mordant dans sa brioche.
- Cette année, Poudlard sera donc la scène d’une nouvelle compétition inédite du monde des sorciers : les Joutes Aériennes. Ils aiment voltiger sur un balai mais n’ont pas envie de s’intéresser aux stratégies trop complexes du Quidditch ? Ces joutes aériennes sont faites pour eux ! Les inscriptions sont ouvertes à tout élève de Poudlard qui souhaiterait relever le défi que représentent les quatre disciplines présentées : « La chute libre », « Sans les mains », « Les 20 cerceaux ardents » et « En un seul morceau »! Ces disciplines n’ont pas encore été dévoilées au grand jour, mais l’on peut s’attendre un beau spectacle...
- J’aime ça, fit Carl en acquiesçant.
Une annonce qui avait effectivement de quoi le réveiller. Le sourire qu’il afficha alluma des flammes dans ses yeux. Cette compétition avait l’air très intéressante.
- ... comme nous le précise l’organisateur de cet impressionnant tournoi :
Lulu fit mine d’ouvrir des guillemets avec ses doigts.
- « J’ai toujours aimé l’euphorie des matchs de Quidditch, la compétition, le suspens. Mais les joueurs sont rarement livrés à eux-mêmes. Il est difficile de désigner le meilleur joueur dans un jeu d’équipe. Cette compétition sera là pour les départager, mais aussi pour donner une chance à tous les pros du balai qui n’auraient pas eu envie de se ranger dans une équipe ! Et puis, la maîtrise du balai est importante au Quidditch, mais elle se remarque finalement assez peu en match. Ce que je veux, c’est mettre au grand jour l’habileté des joueurs et leurs capacités à manier leur balai dans des circonstances plus périlleuses. Je n’en dirai pas plus, les disciplines seront dévoilées bientôt, mais vous pouvez me croire, cette compétition promet du beau spectacle. » C’est donc dans un retour aux sources des plus touchants que Zerator, commentateur de Quidditch durant ses belles années à Poudlard, vient tester son prototype dans cette école qui...

La brioche de Carl venait de lui échapper des mains. Presque deux ans plus tard, l’entente de ce nom arrêtait toujours son cœur, coupait toujours son souffle. Immobilisé par le choc, il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses mouvements, récupérer sa brioche, déglutir bruyamment.

Faire comme si rien ne l’avait affecté devant les gars de l’équipe.

Zerator, Zerator, Zerator...

- Alors, tu vas participer Carl ? Tu devrais, t’es trop fort à ça !

Zerator, Zerator...

- On verra.

Zerator...

- Carl...
C’était la voix de Bren cette fois-ci, posée, mais trahissant une certaine inquiétude. Le Griffon n’était pas sûr d’être capable d’affronter le regard de son meilleur ami. Aussi, il serra son en-cas dans son poing et sortit de table, sans un mot.
- On se voit tout à l’heure pour le match.
Et puis il partit, sans plus de cérémonie.

Ses pas le menèrent machinalement au terrain de Quidditch et il se débarrassa au passage de son repas entamé. La lecture de Lucas lui avait coupé la faim.

Il fulminait. De quel droit ? De quel droit Zerator osait-il refaire apparition dans sa vie, sans crier gare, après s’être cantonné au silence radio durant de si longs mois ? Oh oui, Carl lui en voulait. Il lui en voulait de ne pas l’avoir prévenu, d’avoir organisé cette compétition à son insu, dans son école, sans même l’avoir consulté avant ! Une compétition de Quidditch, qui plus était. Son domaine de prédilection ! Juste sous son nez !

Il se mit à courir, à trottiner sur le terrain pour essayer de se changer les idées. Mais non, les mêmes images tournaient en boucle dans sa tête. Et elles criaient au mensonge. Sa colère ne tint pas longtemps avant de tourner en résignation. Il n’en voulait pas à Zerator pour cette stupide compétition. Il ne lui en voulait pas non plus de ne rien lui avoir dit. Comment aurait-il pu ? Ils n’étaient plus rattachés l’un à l’autre, désormais. Plus depuis... si longtemps.

Mais Carl avait juste peur. Peur de découvrir que Zerator avait tourné la page, peur qu’il ait trouvé quelqu’un d’autre.
Peur qu’il ait avancé là où lui n’avait fait que se noyer dans le passé.

Il avait peur que Zerator revienne voler les morceaux de son cœur en miette.

Et il était terrifié à l’idée de ne vouloir que ça...

**
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Floraly
Floraly
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Mer 25 Mar - 14:37
Floraly
- Ready les boys ?
Une nuée de hochements de tête lui répondit. Le capitaine des rouge et or, drapé de sa tenue de Quidditch réglementaire, enfourcha son balai et se laissa glisser dans le stade, en tête de son équipe. Il la mena sur le terrain, sous les acclamations d’un public survolté qui ne s’arrêta pas durant toute leur parade d’honneur habituelle.

Carl était soulagé que le match commence enfin. Sa matinée avait été horrible. Après son petit-déjeuner raté, il avait tenté tout un tas de choses pour se distraire, mais rien n’y était vraiment parvenu. Le nom et l’image de Zerator avaient tourné sans cesse dans son esprit, l’empêchant de penser à quoi que ce soit d’autre. Il avait bien besoin de se changer les idées, et quoi de mieux qu’un bon match de Quidditch pour concentrer pleinement son attention sur quelque chose d’autre.

Après avoir adressé quelques mots d’encouragement à ses coéquipiers, Carl finit par venir se mettre en position, en face du poursuiveur centre des adversaires, un colosse qui savait s’imposer sur le terrain. Sa tenue jaune et noir força Carl à faire le rapprochement avec ses tourments intérieurs. Le capitaine des rouge et or fit craquer bruyamment les articulations de ses mains en laissant échapper un petit souffle narquois. Il avait une curieuse envie de mettre une raclée à l’équipe de Poufsouffle.

Tout autour du terrain, les acclamations s’estompèrent avec l’arrivée imminente du début du match. Dans ce calme nouveau, seules les remarques instructives de Ciremyxx, le commentateur, résonnaient dans le stade. Carl écarta ses pensées parasites et se cala confortablement sur son balai en écoutant distraitement les bribes de paroles amplifiées par le mégaphone.

Ciremyxx avait pris la place de Zerator après que ce dernier ait terminé sa septième année. Là où son prédécesseur s’occupait de faire le show, Ciremyxx, lui, avait un œil beaucoup plus technique et critique sur les matchs, ce qui avait tendance à plaire aux amateurs assidus de Quidditch, mais hélas beaucoup moins aux néophytes...

Carl ? Il aimait bien Ciremyxx. En plus d’avoir une personnalité sympathique, le nouveau commentateur avait eu l’intelligence de ne pas tenter de copier Zerator en se créant son propre style, même s’il ne plaisait pas à tout le monde. Et puis, sa manie d’inventer des noms à coucher dehors pour parler de stratégies pourtant simples était devenue une grande source d’amusement pour Bren et lui.

Mais, contrairement à l’époque où c’était Zerator qui tenait le mégaphone, Carl préférait se concentrer à cent pour cent sur son match et oublier les interventions de Ciremyxx.

Mme Bibine siffla en faisait bondir le souafle en l’air. Carl se jeta dessus.
Le match avait commencé.

- Les joueurs sont en forme aujourd’hui ! Serait-ce l’article dans La Gazette du Sorcier de ce matin qui les encourage à se donner à fond ?
...
- Magnifique air break de Lucas pour éviter le cognard envoyé par Kappa !
...
- Excellent jeu de passes de Gryffondor ! Poufsouffle n’arrive pas à les suivre ! Ah, c’est pas eux qui nous sortiraient un Rammstein en Duplex !
...
- Oh là, il va falloir que Bren retravaille son swing, manquer à ce point un joueur à l’arrêt, ça pardonne pas !
...
- Baisse de régime pour Gryffondor, Poufsouffle revient coller au score, on dirait bien que cette partie va se jouer au vif d’or !

Carl hocha la tête de frustration, resté en retrait près des goals pour anticiper une éventuelle contre-attaque alors que ses deux camarades poursuiveurs tentaient une action dans le camp opposé. Les batteurs adverses jouaient comme des acharnés, tellement qu’il était devenu quasi-impossible pour Gryffondor de concrétiser la moindre action, tandis que leurs propres batteurs étaient trop occupés à tenter de reprendre le contrôle des cognards pour faire correctement leur job. Le sang de Carl était en ébullition dans son cerveau. S’ils voulaient prendre à nouveau l’avantage sur leurs adversaires, il allait falloir sortir des sentiers battus et les surprendre.

À l’autre bout du terrain, Lulu venait enfin de marquer, sur une passe audacieuse de Scrapie. Le gardien de Poufsouffle avait repris la balle, prêt à la redistribuer à un joueur de son équipe. Une rapide analyse des positionnements adverses suffit à Carl pour comprendre leur prochaine tactique : de longues passes, protégées des interceptions par des cognards bien placés. Il ne lui fallut qu’une fraction de secondes pour élaborer sa prochaine stratégie.

S’il avait fallu citer les atouts principaux de Carl, l’instinct se serait sûrement retrouvé en tête de liste. Ce fut son corps en réalité, plus que son cerveau, qui lui dicta la chose à faire. En une impulsion fulgurante, son balai venait d’atteindre une vitesse absolument hallucinante.
- Et Carl qui se décide enfin à- mais qu’est-ce qu’il fait ce fou !?
Carl sourit sans dévier sa trajectoire. Son équipe n’avait pas la possession des cognards ? Tant pis. Il y avait d’autres moyens d’interrompre le jeu adverse.

Le capitaine des rouge et or filait droit vers le joueur à qui était destinée la passe suivante. Oh, il n’allait pas chercher à attraper la balle avant qu’elle n’atteigne sa cible, comme pour une interception classique. Non, il récupérerait le souafle après. Parce que la cible, elle allait disparaître.

Carl fonçait vers le Poufsouffle, des flammes de détermination brûlant l’acier féroce de ses yeux. Son regard, desséché par la vitesse, croisa celui franchement inquiet de son adversaire qui ne savait plus s’il devait se concentrer sur la balle ou sur le boulet de canon qui lui arrivait dessus. La franche inquiétude se mua vite en une panique tout autant franche lorsqu’il vit que Carl ne déviait pas. Le pauvre jaune et noir raffermit sa prise autour de son balai, mais Carl le sentait. C’était l’autre qui craquerait le premier.

Oh, le Poufsouffle aurait pu simplement s’avancer vers la balle pour l’attraper en échappant à Carl. Mais la fraction de seconde qu’il eut pour réfléchir ne lui suffit pas à prendre la décision raisonnable. Il esquiva avec empressement, à la fois Carl et la balle. Le vent du passage de l’autre joueur le déséquilibra momentanément alors qu’il écarquillait les yeux, incrédule. C’était quoi cette nouvelle stratégie ?

Carl, de son côté, tira de toutes ses forces sur le manche de son balai pour modifier sa trajectoire. Il sembla déraper dans les airs quelques secondes avant de repartir à la poursuite de la balle comme une flèche, sous les acclamations déchaînées du public.
- Mais quel alien ! Jamais vu un truc pareil !
Le capitaine rouge et or, rattrapa enfin la balle, galvanisé par l’action qu’il venait de faire, et les cris des spectateurs qui se trouvaient vraiment proches de lui. Un peu plus et le souafle terminait sa course dans les gradins.

Amusé, le joueur s’autorisa à lancer un pouce levé à la foule avant de retourner au cœur du terrain. Ses yeux balayèrent rapidement les gradins, constatant avec une certaine fierté l’agitation qu’il y avait créée. Mais alors qu’il savourait ces quelques instants de gloire, un éclat d’azur accrocha son regard.
Il se figea.

Deux yeux, bleus comme le ciel, l’observaient avec une insistance qui lui crispa le cœur. Presque deux ans. Deux ans qu’il ne l’avait pas revu, qu’il n’entendait parler de lui que vaguement. Et en une seule journée, c’était la seconde fois qu’il lui revenait de plein fouet... Deux ans, et il était là, à le regarder jouer au Quidditch comme si c’était normal. Comme s’il n’était jamais parti.

Carl ne se rappelait même plus de son propre nom. Ce fut un changement d’expression sur le visage familier de Zerator qui le tira de sa transe. De la panique. Son regard avait dévié par-dessus l’épaule de Carl, qui se retourna vivement, soudain alerte.

Un cognard. Qui fonçait droit vers lui. Tabernak.

Carl ne s’écarta pas.

Le cognard l’atteignit au ventre. Il lâcha son balai et le souafle, projeté vers l’arrière par le choc. Quelques pauvres spectateurs dans les gradins amortirent sa chute, un peu malgré eux. Il tenta de s’excuser, mais seul un son plaintif s’échappa de ses lèvres. Ses organes malmenés pulsaient douloureusement dans son ventre. Il ferma les yeux de toutes ses forces, amena une main à sa blessure, mais rien ne le soulagea. Au contraire...
- Carl ! Carl !

Carl n’avait pas le courage d’ouvrir les yeux, mais il avait reconnu la voix. Et ça lui suffit.

Impulsivement, Zerator avait joué des coudes pour rejoindre le joueur échoué. Parvenu à sa hauteur, il écarta les curieux pour aviser son air souffrant, son souffle court et son immobilité nouvelle. Évidemment, il avait toujours fallu que ce casse-cou de Carl-Antoni lui sorte le grand jeu. L’ancien commentateur tartina ses préoccupations de sang-froid. Il lui secoua fermement le bras.
- Carl, tu m’entends ?
Rien ne lui répondit. Ce bon vieux Carl venait de passer dans les vapes.
Prononcer ce nom à nouveau lui avait fait bizarre, mais il préféra laisser ses émotions de côté pour l’instant. Il y avait plus urgent que ses états d’âme.
- Quelqu’un a récupéré son balai ? lança-t-il à la cantonade, d’une voix assurée.
Doucement, il posa une main sur le visage anormalement pâle du joueur et sentit son cœur se pincer. Difficile de rester calme et mesuré dans des circonstances pareilles...

On lui tendit le balai de Carl, tombé quelque part dans les gradins, pas si loin de son propriétaire. Zerator l’enfourcha et attrapa tant bien que mal le blessé pour le faire tenir avec lui. Pas la meilleure idée qu’il ait sous la main pour épargner Carl, mais le chemin le plus court jusqu’à l’infirmerie, c’était encore les airs. Il s’élança sur le terrain, prêt à aller rendre une petite visite à Mme Pomfresh, mais un coup de sifflet retentissant le stoppa dans sa course. Mme Bibine, au sol, lui faisait signe de venir se poser dans le gazon près d’elle. Il roula des yeux. Carl était probablement en pleine hémorragie interne, ce n’était pas vraiment le moment d’aller faire du social.

Refoulant son instinct, Zerator changea sa trajectoire. Ça ne l’enchantait pas, mais il ne pouvait pas vraiment se permettre de contrer les ordres de Mme Bibine sur le terrain alors que sa compétition venait d’être annoncée. Il n’avait pas besoin d’un scandale sur les bras, dans l’immédiat...

Les joueurs avaient également rejoint le plancher des vaches. Ils le regardèrent allonger doucement Carl sur le sol avec inquiétude. L’ancien commentateur ignora difficilement le regard brûlant que Bren faisait peser sur sa nuque alors qu’il s’écartait pour laisser Mme Bibine venir constater l’état de Carl.
- Putain Carlos, tu méritais pas ça !
Zerator leva les yeux vers un joueur à la cape verte, dont le sifflet montrait qu’il devait être un assistant de Mme Bibine. Dans ses souvenirs, il se faisait appeler Sardoche.
- Bien sûr, qu’il le méritait ! Son action était pas fair-play ! commenta un joueur de chez Poufsouffle, visiblement frustré.
- En attendant, s’il s’est pris ce cognard, c’était pour protéger le public que TON batteur a mis en danger !
Les esprits qui s’échauffaient se calmèrent aussitôt sous la menace de ce ton implacable. Bren, qui venait de parler, s’avança d’un pas vers son meilleur ami, les yeux pleins d’éclairs. S’il y avait une chose que toute personne plus ou moins proche de lui à Poudlard savait, c’était que Bren ne s’énervait jamais. Ou presque. Son attachement pour Carl était l’une des seules choses capable de le faire sortir de ses gonds. Le batteur s’agenouilla près de son meilleur ami, tâta son poignet, et en vint bien rapidement à la même conclusion que Zerator.
- Je l’emmène à l’infirmerie.
- Brendan, ce match n’est pas terminé, intervint Mme Bibine. En l’absence de Monsieur Carl-Antoni, vous devenez le capitaine de l’équipe. Laissez un remplaçant l’emmener à l’infirmerie et faites entrer un nouveau poursuiveur sur le terrain.

Zerator n’avait jamais vu de la frustration transparaître aussi bien que sur le visage de Bren. Il connaissait son devoir tout en rechignant à laisser son meilleur ami aux mains de quelqu’un d’autre. C’était bien le Bren qu’il connaissait. Zerator leva la main, innocemment.
- Je peux y aller, si vous voulez, se proposa-t-il.
C’est pas comme si j’avais l’intention de le faire de toute manière, ajouta-t-il en pensées. Tous les regards se braquèrent sur lui d’un coup. Certains le dévisageaient, curieux, d’autres semblaient plutôt hostiles. Mais il n’y avait qu’un seul visage qui intéressait Zerator.

Bren le passait au crible d’un air soupçonneux. Zerator hocha la tête pour le presser un peu, désignant Carl, blessé, d’un regard parlant. Bren jeta un coup d’œil à Carl, puis à Zerator.
- Ok mais grouille, finit-il par lâcher d’une voix sèche en se relevant.

Zerator ne se le fit pas dire deux fois. Soulagé, il sortit sa baguette et incanta un bien connu sort de lévitation pour faire décoller Carl du sol. Le balai aurait été plus rapide, mais cette méthode rendrait le trajet plus agréable. Sans un mot, Zerator s’élança dans les couloirs.

Il n’était pas venu retrouver Carl pour qu’il lui lâche entre les doigts.

**

Les esprits de Carl refirent surface plus tard, alors qu’on l’avait allongé dans l’un des nombreux lits alignés dans la paisible infirmerie de Mme Pomfresh. Il se sentait flotter un peu, probablement le contrecoup de son inconscience forcée. Instinctivement, Carl porta une main à son ventre. Les souvenirs se rejouèrent dans sa tête, limpides, et le capitaine en lui ne put s’empêcher de gémir de honte. Il avait été con de s’attarder autant près des spectateurs. Et il s’en voulait d’avoir perdu sa concentration en plein match, surtout pour...
- Carl ?
La voix hésitante et inquiète qu’il entendit le surprit. Il ouvrit ses paupières, un peu trop vite pour ses pupilles qui n’étaient pas prêtes à un tel afflux de lumière. Le court aperçu qu’il avait eu de la silhouette penchée à son chevet lui avait toutefois suffi à confirmer son identité.
- Salut Ray...

Ray, Rayane ou Etoiles était l’un de ses rares véritables amis à Poudlard qui ne touchait pas de près ou de loin au Quidditch. Ils avaient appris à se connaître mieux au détour d’un cours de divination, la seule de ses options que Carl ne partageait pas avec Bren. Forcés de se mettre par paires pour certains travaux, Ray et lui, qui ne se connaissaient que de loin car ils n’étaient pas de la même maison, s’étaient retrouvés en duo. Leur alchimie fulgurante avait fait beaucoup de bien à Carl, à un moment où il en avait bien besoin. Il avait tu certains épisodes de son passé à Etoiles, et cela lui faisait un bien fou de côtoyer quelqu’un qui l’avait adopté pour ce qu’il était à cette période-là, sans poser de questions.
- Mec, tu nous as fait une de ces peurs ! Sacré choc, quand même ! Mais ton action d’avant, mon gars, elle était incroyable !
Carl grimaça en ouvrant lentement les yeux cette fois-ci, pour les habituer à la luminosité ambiante. Il n’avait pas réellement envie de se souvenir de cette scène gênante encore trop vive dans son esprit.
- Et le match ? demanda-t-il avec l’impression de marcher sur des œufs.
Il sentait que la réponse n’allait pas lui plaire... D’ailleurs, pourquoi Bren n’était pas là ? Lui en voulait-il ? Carl sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Bren ne pouvait pas le lâcher, pas maintenant... pas maintenant que l’autre était dans les parages...
- Le match ? fit Etoiles. J’en sais rien mec, Bren a fait entrer un gars à ta place, mais j’ai aucune idée de comment ils s’en sortent...
- Le match est pas fini ? s’égosilla Carl.
- Bah non, tu-
Etoiles s’interrompit d’un coup, surpris par le mouvement vif de Carl qui venait de se redresser d’un bond.
- Mais il faut que j’y retourne bro !

Son équipe avait sûrement besoin de lui ! Carl se sentait étrangement en forme pour quelqu’un qui était passé dans les choux quelques minutes plus tôt, autant qu’il en profite. Sauf qu’Etoiles ne semblait pas de cet avis-là. Il lui barra le torse d’un bras pour l’empêcher de se redresser plus haut qu’assis et lui fit signe de se recoucher.
- Mais t’es un ouf mec, tu vas pas retourner jouer avec la rate explosée. Mme Pomfresh t’a filé un truc pour que ce soit pas trop douloureux, mais pas question que tu bouges de là !
Mécontent, Carl plongea son regard dans celui d’Etoiles, prêt à défendre ses droits, mais...

Un ricanement dans son dos le fit sursauter. Ils n’étaient pas seuls, avec Ray ? Depuis quand... ?
- Toujours aussi impatient, M’sieur Cloutier...
La scène prit des allures de film sur « pause ». Seul le mouvement affolé des yeux de Carl trahissait l’immobilité du moment. Cette voix, cette expression...
- T... Toujours aussi chiant, Adrien.
C’étaient les premiers mots qu’il lui adressait depuis presque deux ans et il n’avait pas trouvé mieux. Carl aurait eu envie de s’enfoncer dans un mur.

L’autre ne sembla toutefois pas s’en offusquer, pris d’un léger rire.
- Probablement plus que tu ne le crois.
Un peu étourdi, Carl accrocha une main au bras d’Etoiles qui lui donnait toujours le conseil implicite de se laisser partir en arrière, sans oser le forcer. Le Gryffondor tourna lentement la tête jusqu’à apercevoir Zerator, sagement assis sur le lit voisin à l’opposé d’Etoiles. Voilà pourquoi il ne l’avait pas vu. Ses cheveux étaient ébouriffés vers l’arrière, le bas de son visage était orné d’une petite barbe de quelques jours qui encadrait à merveille son sourire amusé. La gorge de Carl se dessécha alors qu’il crispait sa main sur le bras d’Etoiles. Pourquoi fallait-il que Zerator soit toujours aussi charismatique, peu importe les circonstances ?

Les yeux pétillants de malice et d’une joie que Carl se refusait d’assimiler à leurs retrouvailles, Zerator se leva de son siège pour s’approcher.
- Je suis étonné de te retrouver en vie après tes aventures avec les cognards. T’as le don de te les prendre de plein fouet.
Carl souffla, vexé. La remarque de Zerator l’atteignit comme une attaque.
- Ça fait deux ans que je me suis pas pris de cognards, maugréa-t-il.
L’expression de Zerator passa de l’espièglerie à la douceur en quelques secondes, alors qu’il dévisageait toujours Carl. Ce dernier s’agaça en remarquant qu’il peinait à soutenir son regard.
- Je sais.

Troublé, Carl détourna les yeux et maudit son cœur qui s’était mis à battre ridiculement fort dans sa poitrine. Le ton affectueux que Zerator avait pris pour prononcer ces quelques mots aux grandes significations l’enfoncèrent un peu plus. Sa tête se mit à tourner brusquement et Etoiles, spectateur silencieux de cet étrange échange, fut la malheureuse victime de cette faiblesse. Nul doute que son bras garderait sur lui la trace imprimée par les doigts crispés de Carl.
- Tu devrais peut-être t’allonger, suggéra Zerator avec une pointe d’inquiétude.
Carl jura intérieurement. Forcément, rien n’avait du lui échapper. Mais, par fierté, le Gryffondor secoua la tête. Pas question qu’il se couche devant Zerator. C’était déjà bien assez humiliant qu’ils sachent très bien tous les deux pourquoi Carl avait atterri à l’infirmerie.
- Carl, il a raison, intervint soudain Etoiles dont la main et le poignet commençaient à devenir dangereusement livides.
- Ouais, écoute le malade imaginaire, renchérit sarcastiquement Zerator.
La main qu’il posa doucement sur son épaule pour le forcer à se coucher, elle, préféra la gentillesse au sarcasme. Carl n’avait plus vraiment la force de résister. Il ploya trop rapidement sous la légère insistance de Zerator et s’en voulut aussitôt d’avoir cédé. Bien heureusement, Etoiles l’empêcha de se concentrer là-dessus en s’indignant contre Zerator.
- Mais le diabète c’est vraiment une maladie, bordel !
- Tu l’as peut-être fait gober à mon Toto, mais tu m’auras pas.
- Putain, mais Carl, mais explique-lui ! couina Etoiles avec un air désespéré.

Carl passa son regard de l’un à l’autre, intrigué. Il se sentait petit, allongé entre eux deux.
- Vous vous connaissez ? finit-il par demander d’une petite voix.
Sa faiblesse se manifestait moins dans cette position, mais il avait du mal à tout suivre.
- Bien sûr qu’on se connaît, affirma Zerator. Il est à Poufsouffle.
Carl hocha la tête. Il n’était pas certain que ce soit une réponse valide, parce que lui-même ne connaissait certainement pas tous les Gryffondor, mais il n’avait pas le courage de réfléchir davantage.

Au loin, dans les couloirs, des éclats de voix commencèrent à se faire entendre. Le match devait être terminé ; Carl s’interrogeait sur son issue. Il soupira. La seule certitude qu’il avait, c’était qu’il aurait mieux valu pour lui d’être endormi à l’arrivée de Bren, parce qu’il allait prendre sa part de remontrances. Il espérait juste que son ami attendrait le départ de Zerator...
- Eh, Carl...
Son regard se posa sur ledit Zerator qui l’observait avec un petit air coupable. Sa présence déstabilisait moins Carl, même s’il avait encore du mal à faire la part des choses. Il aurait du lui en vouloir, se montrer hostile envers lui, mais il n’y arrivait pas. Il se sentait trop fatigué, trop pris au dépourvu et encore bien trop am... attaché pour réussir à se mettre en colère.
- Écoute, si je suis venu, c’est parce que je voulais voir un peu où en était le niveau de Quidditch, rapport à l’événement que j’organise, j’imagine que t’en as entendu parler...
Carl acquiesça, intrigué par le sérieux soudain de son vis-à-vis.
- Je voulais venir te voir avant le match, mais j’avais peur de te déconcentrer, alors je l’ai pas fait... j’aurais peut-être du. Ça t’aurait évité de te manger un cognard.
Il ponctua sa phrase d’un petit rire nerveux.
- C’est rien, l’excusa Carl. Tu pouvais pas savoir. Et j’ai réagi comme un con.
Il avait pris sur lui pour les derniers mots. Zerator lui adressa un de ces petits sourires, à la fois affectueux et approbateur, alors que son regard le couvait comme pour lui signifier qu’il était trop dur avec lui-même.
- N’empêche que je suis désolé, reprit Zerator avec calme. Et j’aimerais bien que tu me laisses t’inviter à dîner pour me faire pardonner.

Les yeux de Carl s’écarquillèrent alors que son cerveau implosait sous la panique. Zerator l’invitait à dîner ? Deux ans d’absence et il déboulait un beau jour et l’invitait à dîner ? C’était au-delà de l’entendement. Que répondre ? Non ! Oui... ? Complètement désarmé, Carl opta pour la défensive.
- Je suis élève à Poudlard. J’ai beau être majeur, je dois toujours respecter le couvre-feu.
Cette réponse tout à fait raisonnable le soulagea. Provisoirement.
- Carl, Carl, Carl, s’amusa Zerator. Bientôt sept ans dans cette école et tu ne connaîtrais toujours pas le passage secret qui mène à Pré-au-lard ?
Carl détourna les yeux, contrarié.
- Wow, tu me demandes de découcher ?
Les bruits de l’extérieur se rapprochaient toujours plus. Zerator jeta un regard discret à la porte, avant de reporter toute son attention sur Carl.
- Samedi dans deux semaines. A vingt heures. Je t’attendrai.
Zerator recula d’un pas et lui adressa un clin d’œil charmeur. Carl ne savait plus où se mettre. Heureusement qu’il se sentait encore trop mal pour rougir.
- Il faut que je file. Prends soin de toi, Carl. Ça m’a fait plaisir de te revoir.
Il le caressa d’un dernier regard et salua brièvement Etoiles, avant de filer vers la sortie.

- Eh bah, souffla Etoiles. C’est quoi exactement votre relation ?

Carl fut presque heureux de voir Bren débarquer dans l’infirmerie.

**

- Bren... Qu’est-ce que je dois faire...
- Qu’est-ce que tu as envie de faire ?
- ...
- Carl, ça se voit que tu veux le revoir. Alors vas-y. C’est aussi simple que ça.
- C’est pas un peu trop facile though ? On oublie tout et on recommence ? J’suis pas capable d’oublier... tout ça, bro.
- Il y a rien à oublier. Tu peux juste aller voir ce qu’il te veut. Et en profiter pour passer un bon moment.
Ils échangèrent un regard. Il n’y avait qu’eux dans la petite chambre aux lits rouge et or.
- J’suis pas sûr d’avoir envie de savoir ce qu’il me veut...
- C’est ta décision, Carl.
Un long soupir dérouté traversa sa gorge serré.

**

Zerator attendait, assis sur un banc en métal sombre, en face de chez Honeydukes. La boutique était fermée à une heure aussi tardive, mais cela ne l’empêchait pas de scruter attentivement les fenêtres, mordu par le désir d’y apercevoir un mouvement, aussi léger puisse-t-il être. Cela faisait une quinzaine de minutes qu’il s’était posté là, d’apparence calme et mesurée, alors qu’il bouillait en réalité de l’intérieur.

Il avait conscience que d’avoir invité Carl à dîner était gonflé. Deux ans plus tôt, il avait maladroitement éloigné Carl de sa vie, transformant le recul qu’il avait voulu en une nette distance qui les avait blessés tous les deux. Depuis, il s’était noyé dans le travail, comblant ses besoins affectifs en surchargeant son esprit d’informations, de mouvements, de découvertes. Mais au fond de lui, il savait que ce qui l’avait fait tenir, c’était l’idée de revenir un jour à Poudlard pour sa compétition et de se donner la chance de réparer ce qui avait été détruit entre Carl et lui, à l’époque.

Mais en attendant, il avait l’air d’un bel imbécile, seul sur son banc, à se demander si oui ou non Carl accepterait de faire un premier pas vers une vraie réconciliation, en renonçant à lui poser un évident lapin.

Enfin, après l’avoir laissé mariner une dizaine de minutes dans ses pensées sombres, la porte aux multiples carreaux vitrés de la boutique d’en face s’ouvrit lentement, dévoilant une silhouette haute et étroite, dont la simple vision décrocha un sourire immédiat à Zerator. Il se leva d’un bond et s’approcha de la boutique dont l’autre refermait la porte avec précaution.
- Carl ! s’exclama-t-il avec bonne humeur, cachant son soulagement sous une bonne dose de jovialité.
L’interpellé sursauta et se retourna vivement, l’air paniqué. Le pauvre sembla s’apaiser en le reconnaissant, et s’écarta de la porte d’un grand pas. Zerator ne put empêcher un sourire moqueur d’éclater sur son visage. Le naturel lui revenait au grand galop avec une facilité déconcertante.
- Alors, on fait le filou mais on a peur de se faire attraper ?
- Arrête, j’ai failli mourir huit fois d’une crise cardiaque pendant la dernière demi-heure, t’imagines même pas !
Carl avait beau tourner la chose à la rigolade, Zerator décela sous son ton la part de vérité que l’autre tentait de dissimuler. Mine de rien, il se sentait un peu coupable de l’avoir contraint à jouer aux délinquants pour venir le retrouver... Sauf qu’il n’arrivait pas à regretter. Pas alors qu’il se tenait devant lui, ses cheveux blonds comme les blés relevés vers l’avant, ses yeux pâles un peu fuyants et son grand corps caché dans un long manteau gris souris qui lui tombait sur le haut des cuisses. Il n’y avait pas à dire, même après deux ans, Zerator était toujours aussi charmé par sa présence.
- Allez, viens. Ce serait bête que t’aies traversé tout ça pour rien.
L’autre ne se fit pas prier, et ils se mirent à déambuler dans les rues calmes de Pré-au-lard.

Zerator leur avait réservé une table aux Trois Balais. Certainement pas le meilleur endroit qu’il existe pour un dîner à deux, mais c’était l’auberge la moins étrange de Pré-au-lard, et la nourriture y était excellente. Sans compter les délicieuses bièreaubeurres pour accompagner le repas. Les deux jeunes hommes se fondirent facilement dans la masse, que ce soit par leur apparence à première vue négligée ou par leurs conversations incessantes.
- Et donc tu vas vivre par ici ? demanda Carl alors qu’ils venaient de commander leurs plats.
- J’ai un appartement à Pré-au-lard, pas trop loin de là. J’ai emménagé hier.
Carl hocha la tête.
- Tu t’installes pas au château ?
Zerator fit une moue mi consternée, mi amusée.
- Et devoir manger à la table des professeurs tous les jours comme invité d’honneur ? On me l’a proposé mais non merci. Ce serait trop bizarre.
Ils rirent tous les deux de bon cœur. Vivre à Poudlard aurait été un plaisir pour Zerator, mais cela entraînerait trop de désagréments qu’il n’avait pas réellement envie de subir. Peut-être accepterait-il une chambre lorsque la compétition deviendrait plus imminente, mais pour l’heure, il aimait bien son petit appartement de fonction.

S’enchaînèrent alors d’autres discussions ; Zerator prit des nouvelles de la blessure de Carl, ils parlèrent aussi beaucoup de Quidditch. L’ancien commentateur dévoila au capitaine rouge et or tout ce qu’il avait le droit de dire sur la compétition, dont la première épreuve serait expliquée le lundi suivant. « La chute libre ». Zerator mourrait d’envie de laisser quelques indices à Carl, mais il parvint à se refréner. Il réussit toutefois sans soucis à contaminer Carl avec son enthousiasme et découvrit avec beaucoup de plaisir que son joueur favori avait bien l’intention de s’entraîner avec acharnement pour sa compétition, malgré les examens de fin d’année qui promettaient de ne pas lui laisser beaucoup de répit.

Ce ne fut qu’arrivés au dessert que Zerator osa poser l’une des questions qui le titillaient depuis quelques semaines. Après un léger silence, entre deux cuillerées de tiramisu, il hocha la tête innocemment, avant de demander :
- Et Etoiles, tu l’as rencontré comment ?
Carl s’empressa de finir sa bouchée pour répondre.
- En cours de divination. Bren a préféré la botanique et du coup je connaissais personne, alors je me suis assis avec Etoiles. Il est bon dans c’te shit. Et on philosophe sur la vie pendant les cours, c’est cool.
Et ils s’engagèrent dans un chemin épineux, tous les deux. Zerator parla de ses rencontres, de Dach, un nouvel ami qui l’aidait pour l’organisation de ses « Joutes Aériennes », de Thomas, son ami de Poudlard qu’il n’avait pas beaucoup revu depuis qu’il était entré dans le département des créatures magiques au ministère, de Mister MV, un homme plus âgé que lui qu’il avait rencontré en aidant à l’organisation de quelques événements musicaux...

De son côté, Carl lui parla d’Etoiles, de ses nouveaux camarades de l’équipe de Quidditch, des premières années qui n’arrêtaient pas de faire bêtement perdre des points aux maisons. Ils finirent par s’écarter des ronces et prirent une voie plus légère alors qu’ils abordaient le sujet des cours et des examens qui arrivaient bientôt pour Carl.

A la fin du repas, Zerator insista pour payer l’addition et Carl, sous ses arguments implacables (« Pas question que tu paies, j’ai dit que je t’invitais. » « J’ai un salaire, pas toi »), ne put que capituler, légèrement mal-à-l’aise de laisser l’autre débourser de l’argent pour lui. Mais Zerator se chargea bien vite de lui faire oublier la chose en relançant un nouveau sujet.

Ce fut un peu avant minuit qu’ils reprirent la route en direction de chez Honeydukes. La porte de la boutique n’était jamais fermée la nuit depuis que le fils du propriétaire de la boutique, élève à Poudlard depuis quelques années, l’avait convaincu que c’était indispensable. Chose qui arrangeait bien les affaires de Carl...

- Et donc un air break c’est juste le fait de stabiliser son balai en l’air ? demanda Zerator, amusé.
- Ouais ! Mais Cire adore faire des mots compliqués pour parler de trucs tout con. En ce moment, il est à fond sur les « gear »... Je te le présenterai et il t’expliquera, s’empressa d’ajouter Carl sous le regard intrigué de Zerator.
Ils étaient arrivés à leur terminus, entre le banc sombre de Zerator et la porte verdâtre par laquelle Carl avait fait son entrée dans le village.

Ils se turent quelques instants. Zerator savoura le calme de la nuit dans cette petite ruelle éclairée par quelques lampadaires aux lueurs chatoyantes. Le temps des adieux était déjà arrivé et le jeune homme regrettait que les secondes ne puissent pas durer un peu plus long. Cette soirée en compagnie de Carl lui avait rappelé d’anciens et doux souvenirs qu’il avait enfouis au fond de son esprit durant bien longtemps pour échapper à une nostalgie malvenue. Il posa son regard sur Carl qui avait les yeux tournés ailleurs, l’air un peu nerveux. Zerator pouvait le comprendre. Ses deux prunelles assombries par la faible clarté ambiante passèrent furtivement sur les lèvres de Carl, mais il se résigna bien vite. Oh oui, il en avait envie. Mais il ne voulait pas brusquer son cadet.
- Bon, soupira-t-il simplement.
Il harponna le regard de Carl qui lui adressa un léger sourire malgré son air toujours un peu tendu.

Zerator lui ouvrit ses bras et fit un pas vers l’avant pour l’enlacer. S’il fut surpris, Carl ne le montra que très peu. Il l’étreignit en retour avec un naturel que Zerator trouva délicieusement familier. Son corps chaud qui s’appuyait contre le sien, cette odeur boisée qui se dégageait de son manteau et ces bras lourds et légers à la fois, serrés autour de lui... Zerator se revit embrasser les lèvres de Carl pour la toute première fois, l’enlacer, le toucher. Des souvenirs qui lui paraissaient si lointains et si proches à la fois, comme s’il ne pouvait que les voir sans les effleurer.

Blotti contre Carl, il se laissa aller à un soupir de contentement, avant d’incliner la tête et de murmurer d’une voix tendre.
- Tu m’as manqué, Carl...

Et alors qu’il s’attendait à une réponse, un rire, ou peut-être un sourire qu’il n’aurait pas pu percevoir, il sentit juste Carl se crisper contre lui, une tension qui troubla Zerator, parce qu’il n’en comprenait pas la cause. Il sentit Carl se dégager avec une fermeté lente qui lui compressa un peu la poitrine, alors que l’autre lui attrapait les avant-bras, comme pour le tenir à distance. Confus, Zerator chercha son regard, mais Carl semblait préférer fixer un point vide, au-delà de son épaule.
- Tu m’as laissé tomber, Adrien.

Et il s’écarta, sans lui jeter le moindre coup d’œil, pour repartir vers la porte d’Honeydukes. Il sembla hésiter quelques secondes devant la poignée, puis l’actionna sans délicatesse, et s’engouffra à l’intérieur, laissant derrière lui un Zerator figé. Blessé. C’était la première fois qu’il entendait Carl prononcer son prénom avec autant de froideur. Ce qui avait été autrefois leur petit jeu innocent venait de se retourner contre lui comme une arme affûtée, plongée dans son cœur.

Au fond de lui, Zerator ne savait pas ce qu’il avait espéré. Que Carl lui retombe dans les bras sans faire d’histoire ? Ouais, il aurait aimé ça. Mais c’était aussi une belle illusion de s’être imaginé que ce puisse être le cas. La blessure qui s’était ouverte en Carl le jour où ils s’étaient séparés était bien plus profonde qu’il ne l’avait laissé percevoir. Toutefois, l’attitude de son ancien petit ami durant la soirée l’avait laissé à penser que la fracture n’était pas irréversible. Tellement qu’il avait peut-être un peu trop grillé les étapes... ?

Il était clair qu’ils avaient besoin de temps. Le temps de s’apprivoiser à nouveau, de se retrouver. Le temps pour Carl d’apprendre à lui refaire confiance. Parce que cette fois-ci, Zerator était prêt.

Il voulait retrouver Carl.

Et à tout jamais.
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Nayara
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Mer 25 Mar - 14:55
Nayara
(en vrai je vais pas avoir le temps de le relire mais les gens qui passent par là lisez cet OS c'est une pépite et Floraly mérite tout l'amour du monde <3)
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Hache
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Mer 25 Mar - 15:50
Hache
Une histoire d'amour à la fois simple et compliquée.
Cette histoire est parfaitement dans ton style. On reconnait bien un certain style d'écriture (que je ne saurais te décrire, désolé.) mais aussi une façon particulière de construire et raconter l'histoire sans oublier le choix d'histoire. Je ne sais pas comment expliquer du tout xD Pardon.
Mais disons que les relations sont centrales dans tes histoires mais aussi la psychologie relationnelle des personnages et comment ça évolue ? En tout cas, c'est comme ça que je vois "Un étincelles etc..." et "Une année au lycée".

Comme d'habitude, je trouve que tu gère toujours aussi bien la description psychologique des personnages. Leurs réactions, ressentis, émotions et sentiments sont très bien retranscrites et cohérentes, donnant un effet de "réalisme" à ton histoire. Non mais c'est vrai. Les choses pourraient être simples et elles ne le sont pas à cause des personnages plus que des événements. (J'ai l'impression d'avoir mes potes qui me parlent de leurs histoires de cœur pffff. Pardon.)
On a vraiment une attache avec les personnages, surtout Carl je trouve.

Oh et syntaxiquement, il n'y a que la première phrase que je trouve étrange : "Les rayons du soleil caressaient son visage, cajolant sa peau pâle, de son visage détendu à ses pieds nus dont le talon s’enfonçait verticalement dans l’herbe fraîche.".
Puisque tu parles du visage, puis de la peau ça me paraît étrange de parler ensuite de tout le corps ? Je ne sais pas, c'est peut-être moi qui ne comprend pas.
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Floraly
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Jeu 26 Mar - 20:23
Floraly
Naya :

Merci, t'es un sucre <3

Hache :

Hey !

Je vois que tu es au taquet, merci beaucoup pour ce commentaire plus rapide que l'éclair et le coup de pub sur le Twitter du forum ;D

J'aime bien que tu me fasses part de ton ressenti par rapport à ma manière d'écrire les histoires, c'est vrai que j'y réfléchis pas moi-même, mais j'ai tendance à mettre le paquet dans la psychologie de mes personnages ! C'est cool que tu le relèves, peut-être que ça pourra m'aider à expérimenter un peu d'autres façons de faire ou, au contraire, à rester dans un élément dans lequel je suis plus à l'aise.

Ça me fait vraiment plaisir que tu relèves mon travail sur les émotions des personnages au niveau du déroulement des actions ! J'ai toujours peurs des incohérences dans mes histoires et savoir que j'arrive à rendre les choses un semblant naturelles c'est vraiment un grand soulagement.
Pardon pour le rappel des plaintes de tes amis, j'espère que les aventures de Carl t'ennuieront moins qu'elles ;D

Concernant la phrase que tu as relevée, c'est vrai qu'elle semble un peu lourde, surtout comme c'est la première phrase du texte, c'est pas très engageant. J'avoue que je l'ai gardée parce que j'y étais attachée. L'idée c'est vraiment de donner l'idée de balayer le corps de Carl, on part de son visage et on va jusqu'à ses talons, comme la brise sur sa peau. Si elle a coincé pour toi, c'est peut-être qu'elle était pas terrible finalement, merci de me l'avoir signalé !

Vraiment merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire et de me laisser un commentaire, ça compte beaucoup pour moi.
Je ne sais pas si tu as prévu de lire la suite, mais si oui, j'espère qu'elle te plaira!
Je te souhaite une belle soirée et à bientôt!
Flo'
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