Ne te brise jamais, ô Espoir

Lorsqu’elle se réveilla et sentit le vent sur sa peau elle comprit qu’il était parti.

Son grand frère avait toujours veillé à ce que sa couverture la recouvre entièrement. Mais ces derniers temps il avait été bizarre. Il avait plusieurs fois fait des indications mystérieuses sur ce qui se trouvait derrière les montagnes qui enveloppaient la vallée dans laquelle ils habitaient et son envie de voir ce qui se trouvait derrière ces grands murs de rocs abruptes qui les séparaient du monde en même temps de les protéger. A vrai dire, la petite fille n’y avait jamais vraiment cru. Elle n’aurait pas pensé que son frère parte et surtout pas aussi vite. Mais le garçon avait changé. Du petit enfant effrayé d’a peine 11 ans lorsqu’il était arrivé il ne restait pas grand chose. A l’époque il n’avait que suivi le grand  homme tout habillé de noir dont sa mère lui avait dit de faire confiance et de partir avec lui. Il s’était agrippé de toutes ses forces à la main de l’homme et avait tenu près de son corps le tas de couvertures desquelles était entouré sa petite sœur d’a peine un an pendant qu’ils courraient dans ce qu’avait autrefois été une grande ville, mais qui n’était plus qu’un enfer de feu et de souffrance.

Mais maintenant, avec ses 19 ans, la peur avait laissé place à une envie furieuse de retrouver son passé. Il avait passé des journées entières à observer les oiseaux, voulant être comme eux, libre d’aller ou bon lui semblait. Il avait envie de savoir ce qui s’était passé, ses souvenirs refusant de lui raconter toute l’histoire et l’homme qui les avait menés jusqu'à cette vallée paisible ne parlait quasiment jamais. Son seul souci était sa petite sœur. Il l’aimait tellement, mais elle ne le comprendrait jamais. Il lui avait demandé si elle se souvenait de sa vie d’avant la paix, mais elle n’avait que secoué la tête. Alors pourquoi l’effrayer et la prendre loin de cet endroit, loin de la tranquillité qui les entourait ?

Il était parti peu avant l’aube, marchant dans l’herbe humide de rosée, entouré par l’air frais qui jouait avec les mèches châtains de ses cheveux. Le soleil commença sa lente montée vers le ciel en même temps qu’il mit sa main sur la première pierre pour grimper.

Elle sortit de la douce chaleur de son lit et sorti, pieds-nus, de la petite cabane dans laquelle ils vivaient. Elle repoussa quelques-uns de ses cheveux clairs derrière son oreille et regarda autour d’elle. La petite rivière qui se jetait dans le lac noir au milieu de la combe laissait entendre, comme à son habitude, le son clair de l’eau ricochant sur les pierres polies et l’herbe semblait s’étendre jusqu’au ciel dans la lumière vive et froide de l’automne. La foret à sa droite étalait toute une palette de couleurs plus vifs et purs les unes que les autres et la teinte jaune des murailles de pierres qui les entourait s’élevait jusqu’à se fendre dans le soleil naissant. Juste une ombre se tenait en haut de la falaise. Elle leva la main et la laissa passer lentement au dessus de sa tête, droite, gauche, droite, gauche. L’ombre l’imita, puis s’éloigna pour disparaitre derrière les rochers.

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Elle se réveilla peu avant le soleil, une habitude qui lui était venue au fil du temps. La jeune fille poussa un soupir lorsqu’elle sentit la partie froide du lit. Cela faisait plus de sept ans que son frère était parti mais elle n’avait pas cessé un jour de croire en son retour.

Elle se leva après un petit moment durant lequel elle essaya de se rappeler précisément le visage de celui qui l’avait abandonné, mais le souvenir semblait disparaître avec le temps, s’effaçant lentement mais surement. Elle sortit finalement et alluma le petit feu qui s’était éteint durant la nuit. Ensuite elle prit un seau et alla le remplir de l’eau fraiche coulant des montagnes. Son souffle faisait de la buée lorsqu’elle expirait et durant le trajet du retour elle s’amusa à laisser s’échapper de petits bouts d’air chaud de sa bouche légèrement entrouverte.

« N’es-tu pas un peu âgée pour faire ça ? »

La question la fit sursauter et elle se retourna vivement. L’homme qui se tenait devant elle lui était inconnu. Ses vêtements étaient déchirés et recousus à plusieurs endroits et ses cheveux lui pendaient emmêlés devant des yeux d’un brun si foncé que l’on aurait presque dit du noir. Il était blessé, du sang coulait de sa jambe gauche et il s’appuyait sur un grand bâton en bois brut. Une épée pendait mollement de sa ceinture en cuir mais son état laissait deviner qu’il ne pourrait pas s’en servir.

« Qui êtes vous ? »

La jeune fille ne put cacher la curiosité dans sa voix. Personne n’était jamais entré dans la vallée depuis qu’elle y vivait et elle voulait savoir qui était cet homme étonnant et d’ou il venait. Mais la question semblait attrister l’étranger.

« Tu ne me reconnais pas ? »

Elle le regarda un moment, comparant intérieurement les deux visages. Puis elle se dépêcha de se jeter dans les bras de son grand frère.

« Tu es revenu ! »

Il sourit, se jurant de ne jamais dévoiler à sa petite sœur l’enfer qui entourait la vallée, de ne jamais briser l’innocence pure qui la remplissait, de ne jamais laisser s’éteindre l’espoir en elle.