Après m'être inscrite à la Fiction de Blacky, "Séparé par l'océan ", j'ai eu envie de continuer à écrire sur le personnage que j'avais créé, Elio. J'ai donc décidé de rédiger un OS racontant son histoire plus en détail, et ai aussi réalisé une illustration y correspondant.
Bonne lecture!
OS écrit en écoutant ces musiques:
Beyond Two Souls - Jodie's Suite: https://www.youtube.com/watch?v=D25KtIKxcwA
Beyond Two Souls - My Imaginary Friend: https://www.youtube.com/watch?v=CHzgHbN1dX8Une pluie violente se déversait du ciel, s‘écrasant sur les trottoirs gris et frappant ardemment les vitres lisses des gratte-ciels immenses. Les gouttes se glissaient partout, longeaient les façades polies et impeccables des immeubles d’acier noir et s’insinuaient dans les manteaux imperméables sombres des passants pressés. Elles s’abattaient dans un vacarme assourdissant, remplaçant l’habituel lourd silence de la ville de Tetradome, et jouaient une mélodie chaotique et triste dans leur chute incessante. Sous la fureur du ciel tourmenté, les hommes s’enfuyaient, se cachant sous leurs chapeaux ou enfouissant leurs visages dans leurs écharpes. Ils couraient tous, ils le craignaient tous, ce déluge menaçant qui engloutissait les rues de son eau sale. Un monstre grondant, tranchant la voute céleste de ses lames blanches, incontrôlable, imprévisible. Il s’acharnait sur ces bâtisses modernes qui s’étaient construites sur son territoire, tentait d’arracher ces obstacles au règne de la Nature. Pourtant, dans cette cohue désordonnée, dans ce combat entre la terre et les humains, demeurait une silhouette, parfaitement immobile.
Elle observait.
De ses prunelles de chat, entourées d’iris d’or, elle regardait. Ses courts cheveux bordeaux mêlés d’ébène se débattant dans le vent, elle contemplait. Sa veste de cuir aux épaules cloutées s’agitant sur son dos, l’eau collant son débardeur léger et son short rouge à son corps, elle toisait. Seule dans la foule paniquée, elle tenait tête à cette tempête enragée, son visage de porcelaine levé vers le ciel. Elle serrait les poings, sentant les larmes des nuages glisser sur ses jambes nues, faisant briller les tatouages enroulés autour de ses membres. Elle voulait hurler contre ces divinités qui lui avaient tout pris, abattre ces esprits destructeurs qui guidaient, aujourd’hui, cette pluie torrentielle.
Pourquoi ? Pourquoi ces dieux l’avaient-ils choisi ? Pourquoi avoir décidé de cette cible ? Une femme douce, aimante, chérissant les plantes comme ses propres enfants. Une femme sage, forte, qui savait se faire entendre et rétablir la justice. Une femme entourée, adorée, par tant de proches, tant d’amis. Et plus qu’une simple femme, un ange gardien, une étoile unique et si précieuse…
Pourquoi t’ont-ils emportée, Maman ?La jeune fille ne bougeait pas, les yeux fixés sur le décor apocalyptique. Sur son visage roulaient toujours les pleurs du ciel, lentes caresses de la tempête déchainée, suivant la courbe de ses joues rondes, se glissant jusqu’à son menton délicat, puis passant sur son cou, faisant reluire l’image d’œil qui s’y trouvait. La longue chaine d’or sombre pendue à sa gorge résistait elle aussi au vent violent, le cliquetis du pendentif en forme d’horloge se perdant dans les bruits inquiétant de l’orage.
Reviens Maman ! Je t’en supplie !Elle tomba brutalement à genoux, prenant sa tête entre ses mains frêles. Poussant un cri déchirant, elle laissa la colère qui emplissait son cœur enfin sortir, les anciens souvenirs déferlant avec la rage dans son esprit.
Les champs, endroit paisible, doux. Le chant des paysans, joyeux et insouciant. Le soleil, disque d’or éclatant dans l’infinité bleue et magnifique. Il faisait chaud, malgré la brise délicate. Suffisamment chaud pour qu’on ne remarque pas immédiatement la menace. Tout semblait aller bien. Puis, soudain, les flammes. L’orange, le rouge, le jaune, s’attaquant au vert des herbes, au rose des fleurs. Les cris, la peur. La panique, les hommes et les femmes qui courent en tous sens. La cage de feu. La catastrophe sans issue. Le Grand Incendie.
Le calme qui revient. Les cris avaient cessé. Le paysage était devenu noir, délabré. Il ne restait rien. Plus rien. Pas une seule trace de toi, Maman. Seules tes cendres volant au gré du vent de ces Dieux ignobles. Les larmes se mêlent à la pluie. Le ciel sanglote en chœur avec l’adolescente. Malgré la foule, ils sont seuls au monde. Elle et les nuages. Elle et la tempête.
La jeune femme passe une main tremblante dans sa veste. Elle caresse du bout des doigts le manche noir d’un pistolet qui dépasse de sa poche intérieure. Se levant d’un pas hésitant, elle s’engage dans une étroite ruelle. Elle ne réfléchit pas à où elle veut aller, son corps la guide, ses mains s’appuyant sur les murs dégoulinants d’eau. Elle avance dans le dédale de la ville, obscur et inquiétant, l’arme à feu formant un poids rassurant contre sa côte. Petit à petit, les lieux s’assombrirent encore, ne laissant l’œil si faible de l’humain que distinguer les contours indistincts des objets. Pourtant l’adolescente ne s’arrêta pas, ses yeux d’or étincelant dans les ténèbres. Ses pas gracieux continuèrent de claquer contre le sol couvert de flaques, évitant chaque obstacle se trouvant sur son chemin, enjambant les choses qui entravaient sa route, comme si elle connaissait l’emplacement de chacun d’entre eux, mais sans savoir ce qu’ils étaient. Bientôt, elle s’immobilisa, posant sa paume tremblante contre une paroi délabrée qui détonnait avec le reste des gratte-ciels où il n’existait pas la moindre fissure. Ses lèvres vermeilles s’entrouvrirent dans un rauque soupir, alors qu’elle pressait doucement ses paupières, vidant complétement son esprit.
Soudain, la pierre s’illumina d’une aura dorée, émettant un craquement sinistre qui souleva de la poussière, telle une pluie de minuscules étoiles, et se mut lentement sur le côté, comme prise d’une vie propre. La jeune femme entrouvrit les yeux, ses prunelles flamboyant de la même lueur que le halo qui entourait la roche, et s’avança d’un pas lourd à l’intérieur de la bâtisse délabrée. Son regard voilé de désespoir passa sur chaque meuble de la petite pièce qui tombait en morceau, sur chaque mur d’où se détachait le papier-peint moisi, sur chaque portrait dont le verre et le cadre étaient brisés. Elle continua de marcher, se retenant avec peine à la cloison et son souffle formant des nuages de buée dans l’obscurité glaciale des lieux.
Maman…Elle poussa une fine porte de bois, qui s’écroula à ses pieds, lui laissant accès à une salle minime et aux couleurs pastel effacées. Un bureau étroit, sculpté d’images de fées. Un cheval à bascule, dont les traits s’étaient affaissés. Des jouets abimés, entassés les uns sur les autres et jaunis par le temps. Un lit enfantin, trônant au centre de la pièce, découvert de tout drap. Et sur ce matelas usé, un ours en peluche, aux bras grands ouverts, comme s’il ne demandait qu’un câlin pour guérir la mine attristée qu’il arborait.
L’adolescente s’en approcha, chancelante, perdue, levant une main dans sa direction. Elle écarta mollement ses doigts, attrapant l’épaule du nounours et s’y accrochant de toutes ses forces. Ses bras s’enroulèrent autour du jouet moelleux et elle nicha sa tête contre le visage auquel il manquait un œil, petit bouton noir.
J’ai besoin de toi…Une goutte salée se perdit dans la fourrure brune, qui commençait lentement à s’éclairer d’or. Un hoquet plaintif retentit, alors que les pattes rassurantes de l’ours se refermaient sur la jeune fille. Celle-ci releva peu à peu son menton, les larmes y restant accrochées, et murmura d’une voix enrouée, mais où résonnait la force. Ses dernières forces.
« Pour toi, je me relèverais. Pour toi, je me battrais. Pour toi, je me vengerais. »
« Pour toi, Maman, je vaincrais les Dieux. »
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Besoux <3