Je suis roulé en boule dans mon lit, un coussin dans mes bras, serré contre mon torse. Je viens de faire la plus grosse boulette de ma vie. J’ai envie de mourir. J’aimerais tellement m’étouffer avec ce coussin que je tiens dans mes bras... Comment est-ce que j’ai pu être aussi con ? Pourquoi j’ai fait ça ? Pourquoi j’ai dit ça ? Je m’en veux. Je m’en veux tellement...
Mon regard se perd dans le vide. Tout était bien... J’étais en live avec Dfg sur League of Legends, comme d’habitude, on se marrait bien et puis... Ça m’a échappé. Je sens une pointe s’enfoncer dans mon cœur. J’ai mal. On se l’était promis. On se l’était juré. On ne disait rien devant les viewers. On arrêtait de faire des vannes là-dessus parce que c’était un terrain glissant et pourtant... J’ai fait LA gaffe. Celle qu’il ne fallait pas faire. Un seconde d’inattention et puis... Je n’arrive pas à y croire. Je l’ai dit. En live. Devant deux milles personnes. Il ne me le pardonnera jamais.
J’ai envie de pleurer, mais je me réserve pour le moment où il viendra. Je sais qu’il va venir. Après que je me sois rendu compte de ma bourde, je suis parti en courant, laissant Dfg en plan. Je me suis enfuis. J’ai traversé les bureaux en courant jusqu’à la porte, sans même prendre le temps de ramasser mes affaires où d’aller éteindre mon ordinateur. Alderiate a essayé de m’intercepter, mais je suis passé à côté de lui, alors qu’il appelait mon nom avec inquiétude. C’était la dernière fois. Il ne m’appellerait plus jamais de cette manière, il ne s’inquiéterait plus jamais pour moi. Pas après ce que je lui ai fait.
J’entends la porte claquer dans l’entrée. C’est lui. J’ai peur. La porte de ma chambre s’ouvre brusquement.
- Chap. m’appelle-t-il sèchement.
Je ne réponds rien. De un parce que je vais fondre en sanglot, de deux parce que même si je le supplie il ne m’écoutera pas. Il est tombé dans une de ces colères. Celles qu’il déteste tant parce qu’il n’a aucun moyen de s’en sortir et cette colère, elle est dirigé contre moi. Uniquement contre moi. C’est de ma faute.
- Chap putain regarde-moi ! Assume ta connerie !
Je n’ose pas le regarder. Je ne veux pas voir ses yeux. Sûrement pleins de colère et de dégoût, à cause de moi. Juste à cause de moi. Je me dégoûte même moi-même. Je me mords la lèvre pour ne pas pleurer. Je n’ai pas le droit de pleurer. C’est lui qui souffre à cause de moi, ce n’est pas moi qui doit pleurer.
- Chap ! hurle-t-il encore.
Il s’approche de moi et j’ai peur qu’il me frappe pendant quelques secondes, mais non. Il prend mon visage entre ses mains et me force à le regarder dans les yeux. C’est pire que tout. Il en colère, ça oui, mais il n’est pas vraiment dégoûté. Non. Il est déçu. Je l’ai déçu. Il avait confiance en moi et je l’ai trahi. Je m’en veux tellement.
Mon regard doit être triste aussi. J’aimerais tellement pouvoir lui dire comme je suis désolé, d’un simple regard, pour qu’il comprenne à quel point je souffre moi aussi, mais je ne suis pas dans un film. Il ne comprend pas. Il me dévisage, sans sourire. Sans amour. Je l’ai perdu.
J’ai mal.
- Tu te rends compte, Chap ? me demande-t-il.
Si tu savais comme je me rends compte, Alde... Pardonne-moi, je t’en supplie... Ses yeux se remplissent de larmes. Je ne pensais pas le voir pleurer un jour. Encore moins à cause de moi. J’ai envie de lui toucher la joue. De lui dire que je m’en veux. Que je ne veux pas qu’il me laisse. Qu’il a le droit de me détester mais que je ne veux pas qu’il m’abandonne.
- Tu te rends compte, que je ne l’avais même pas encore dit à mes parents ? A mon frère ? Continue-t-il d’une voix affreusement calme, contenue.
Ça m’éclate le cœur. Oui, je le sais. Bien sûr que je le sais. Ses doigts glissent lentement de mes joues. Je perds le contact avec sa peau. Il se recule. Des larmes coulent sur son visage. C’est moi qui ait fait ça ? Pourquoi... ? Je pleure moi aussi. Il sort de la pièce et je fonds en larme. Je n’en peux plus. Il me quitte ? Où est-ce qu’il est parti. Je l’entends claquer une porte et il revient. Il est dans l’encadrement de la porte et je le vois à peine, mes yeux embués par les larmes.
- T’es encore là, hurle-t-il, je ne veux plus te voir, Chap ! Casse-toi de mon appartement, casse-toi de ma vie, t’as fait assez de merde jusqu’à maintenant je crois ! Je pensais que je pouvais te faire confiance ! Je t’ai tout donné ! Et toi ? TOI ?
Il devait y avoir une suite à son long discours, mais sa voix s’est perdue dans un sanglot. Il ne ferme pas la porte de ma chambre, il va dans l’entrée et claque la porte derrière lui.
Je tremble. Je pleure. Je me sens faible. Tellement faible. J’attends de réussir à me calmer et je glisse hors de mon lit. Maladroitement, agrippe un sac et j’y mets quelques affaires. Je ne sais pas quand il va revenir, mais je ne veux pas être là. Il m’a demandé de partir, il m’a... Il m’a... Il m’a quitté... Je m’effondre sur mon lit et je sanglote dans mes draps. Je n’ai pas la force de partir. Je ne veux pas qu’on se sépare. J’ai besoin d’Alderiate près de moi... Je ne me souviens même plus de comment je vivais avant de le rencontrer. Avant d’être avec lui. Avant qu’on ne s’embrasse. Je ne veux pas...
Mais c’est de ma faute. C’est moi qui ai tout gâché. Alderiate a raison. Je dois assumer. Je me relève difficilement et passe mon sac à mon dos. Je me dirige vers la porte en titubant. Je m’appuie sur la poignée et je la franchis. Je n’ai pas le courage de jeter un coup d’œil derrière moi. De revoir le canapé sur lequel on s’est embrassé la première fois. De revoir la porte de sa chambre entrouverte. De revoir ce qui a été notre... chez nous. Je pleure encore. Je peine à glisser la clef dans la serrure de la porte. Une fois la porte verrouillée, je regarde le petit objet en métal. Je le glisse dans ma poche. Je devrais peut-être m’en débarrasser mais ça... Je ne peux pas m’y résoudre. Je m’en vais. Il faut que j’aille trouver quelqu’un. Une personne qui ne sait pas... Ou quelqu’un qui s’en fout assez pour ne pas m’en vouloir. Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche mais je l’ignore.
Je vais là où me guide mes pas. Je m’en fiche de l’endroit où je vais, je n’ai plus ma place nulle part. Ma place se trouvait dans les bras d’Alderiate, mais je n’y retournerai plus jamais.
Parce que j’ai tout gâché.