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Une année au lycée - Chapitre 9

Floraly
Floraly
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Floraly
Bonjour peuple de TCS !

Non, vous ne rêvez pas, c'est bel et bien un chapitre de "Une année au lycée", la fiction que j'ai commencée il y a maintenant plus d'une année et que je n'ai pas retouchée depuis plus de six mois !

Mais voilà, étant en blocage au niveau écriture depuis plusieurs mois maintenant, mis à part pour un RP fait avec la douce Nayara, j'ai essayé beaucoup de choses pour avoir un nouveau déclic, pour que j'arrive à nouveau à coucher sur papier les petites histoires qu'il y a dans ma tête.

Et je crois que si je bloque, c'est parce que je me mets trop de pression. Alors, dans ma thérapie (ça sonne très médical xD), j'ai essayé d'en revenir aux sources, de me rappeler pourquoi j'aimais écrire et qu'à la base, j'aimais faire ça sans prise de tête, pour le fun et parce que c'était chouette de lire les réactions de mes adorables lecteurs et de les voir faire des hypothèses ou s'énerver contre certains personnages.

Alors je suis repartie lire les anciennes histoires du forum, mes premières histoires (Je peux quand même dire que j'ai progressé depuis ce temps-là xD), celles de Lugi, que je vénère toujours autant, et puis quelques OS qui sont ceux qui m'ont donné envie d'écrire, et de réussir moi aussi à transmettre des émotions aux gens et de les embarquer avec moi le temps d'une lecture.

Et de fil en aiguille, j'en suis revenue à cette histoire, motivée par l'anniversaire de TinaDessine sur Twitter qui apprécie beaucoup cette fanfic. Et je me suis lancée dans l'écriture de ce chapitre, et... Au bout de deux semaines d'acharnement, le voici.

Alors voilà, j'ai essayé de ne pas trop me prendre la tête et de laisser couler un peu. Je pourrais encore modifier des milliers de choses, mais je crois qu'au final, on doit décider le moment où un texte est terminé, parce qu'on trouvera toujours des choses à changer.

Alors, chers lecteurs qui attendiez la suite de cette fanfic, voici pour vous, je vous souhaite beaucoup de plaisir pour votre lecture. Enfin, j'espère qu'il y en a encore qui attendent la suite, depuis le temps !

Un grand merci à ce cher Asmotim qui a corrigé le premier PDV de l'histoire, parce qu'à force de le lire et relire, je voyais flou!
Et bien sûr, merci à Cerise, mon soutien moral, ma princesse, ma Cerichou qui m’a fait la dernière relecture (d’une traite!) et m’a aidé à régler les derniers détails <3

Sur ce, je vous dis à plus dans les commentaires s'il y en a !

Je vous aime fort,

Flo


*********************************************************

D’un mouvement vif, Aypierre se propulsa en avant et réussit à passer la porte d’entrée de l’immeuble avant qu’elle ne se referme. Il s’attira un regard mauvais de la dame qui venait de sortir, mais il n’avait pas le choix. S’il avait tenté d’utiliser l’interphone, sa demande serait certainement restée sans réponse. Sans compter qu’on ne lui aurait ensuite probablement pas ouvert l’accès à l’appartement qu’il cherchait à rejoindre à tout prix...

Le cœur battant, le jeune homme raffermit sa prise sur la petite boîte qu’il tenait dans ses mains et se mit à gravir les marches des escaliers, délaissant de ce fait l’ascenseur et sa cabine tapissée de miroirs dont les portes rouges étaient pourtant ouvertes. Ce n’était pas qu’il avait spécialement envie de faire du sport, mais l’exercice physique lui semblait être un bon moyen de canaliser la montée d’adrénaline puissante qui l’animait à l’idée de ce qu’il allait faire.

Son étage de destination arriva bien trop vite et Aypierre se surprit à inspirer profondément. Il n’avait pas vraiment peur, mais il était nerveux. Suffisamment pour que ce soit inquiétant. C’était rare qu’il ait du mal à contrôler ses émotions, mais celles-ci faisaient un tel yo-yo depuis la veille qu’il ne savait plus vraiment où il en était. Alors, pour se donner contenance, il se concentra sur son but, posa un regard déterminé sur la porte et ne se laissa pas trop de temps pour réfléchir avant de tendre un doigt pour presser la sonnette.

Il entendit le son se propager dans l’appartement devant lui et compta les secondes dans sa tête en laissant son regard parcourir les détails de cette porte devant laquelle il s’était tenu tant de fois durant son enfance. De nombreuses choses avaient changé depuis cette époque, mais pas l’affection qu’Aypierre portait aux habitants de ces murs.

Il prit une inspiration tremblante et ferma les yeux, priant de toutes ses forces pour qu’il ne soit pas trop tard. Pour qu’il n’ait pas tout gâché. Il pria pour qu’un jour la porte s’ouvre et qu’il reçoive un sourire et de gentilles paroles de bienvenue, comme cela avait toujours été le cas mais n’allait pas l’être cette fois-ci. Comme ça n’allait peut-être plus jamais l’être.

Des bruits de pas retentirent de l’autre côté de la porte et Aypierre se prépara mentalement à lutter. S’il parvenait à faire en sorte qu’on le laisse entrer, il aurait déjà à moitié gagné.

L’intérieur se découvrit sous ses yeux, mais Aypierre n’y prêta pas une once d’attention. Son regard se focalisa immédiatement sur Azenet qui avait ouvert la porte avec une sorte de nonchalance qu’il sembla perdre immédiatement en reconnaissant son visiteur. Ses yeux s’écarquillèrent, et puis sa mine se ferma, au même rythme que le cœur d’Aypierre se serrait. Ce dernier voulut ouvrir les lèvres pour dire quelque chose, mais son meilleur ami réagit plus vite que lui et poussa la porte vers l’avant pour la lui refermer au nez.

Sauf qu’Aypierre n’avait pas dit son dernier mot. Il connaissait trop bien son ami pour ne pas se douter qu’il ne le laisserait pas entrer si facilement. Lestement, Aypierre s’était propulsé en avant et avait glissé son pied dans l’interstice encore présent entre la porte et son encadrement. La porte fut coupée dans son élan et Aypierre se remercia intérieurement d’avoir mis ses épaisses bottes d’hiver pour sortir.
« - Va-t-en, Pierre. »
La voix d’Azenet était éteinte, presque un peu trop faible pour être convaincante. Aypierre se demanda s’il devait y lire une intention de ne pas réveiller sa mère ou plutôt une fatigue quelconque, mais qu’importe. Il aurait tout le temps de s’en inquiéter... une fois à l’intérieur.
« - Aze, je suis désolé, je sais que j’ai merdé hier. Je suis venu m’excuser... »
Il poussa doucement sur la porte, mais ses paroles n’avaient pas dû être assez persuasives, parce qu’Azenet opposa une ferme résistance face à sa tentative.
« - Hors de question, Pierre. Je n’ai envie de voir personne, toi encore moins.
- Aze, s’il te plaît, laisse moi une chance...
- Et toi, laisse-moi du temps. »
Aypierre posa sa tête contre le bois de la porte, abattu. Il n’était pas encore prêt à baisser les bras, pas après quelques secondes seulement, mais le rejet d’Azenet lui faisait mal. Probablement parce que cette fois-ci, plus que toutes les autres, il savait que son ami avait de bonnes raisons de le repousser. Il était habitué à consoler Azenet de ses problèmes, à lui redonner le sourire après les coups durs... Mais comment réconforter quelqu’un en étant soi-même la source de son mal-être ? Aypierre n’en avait pas la moindre idée. Pourtant, il ne pouvait pas supporter de laisser la situation telle qu’elle l’était. Azenet lui demandait du temps, mais Aypierre n’était pas certain d’être capable de lui en donner. Il tenait bien trop à son meilleur ami pour supporter d’être la cause de son mal plus longtemps.

Aypierre inspira pour se ressaisir. Il puisa du courage dans la discussion qu’il avait eue dans la matinée avec Harry, puis dans celle qu’il avait eue avec sa mère dans l’après-midi. Il ne laisserait pas Azenet l’empêcher de s’excuser, pas après avoir autant ressassé, pas après avoir cherché tant de moyens de se faire pardonner. Il savait qu’il était en tort dans cette histoire, mais il avait besoin de regagner la confiance de son meilleur ami...

Il avait essayé de se convaincre qu’il faisait tout ça pour le bien d’Azenet, parce que sans lui, son ami n’aurait plus personne sur qui s’appuyer, parce qu’il était l’une des seules personnes devant lesquelles il osait se laisser aller un peu et qu’il se renfermerait sur lui-même s’il n’avait plus son meilleur ami pour lui donner une ouverture vers le monde extérieur. Mais Aypierre savait que c’était un mensonge. Azenet était fort, il avait de nouveaux amis, il se relèverait sûrement sans lui avec un peu de temps...

Non, si Aypierre était là, devant cette porte, prêt à se mettre à genoux pour qu’Azenet lui pardonne, ce n’était pas pour le bien de son meilleur ami. C’était pour lui-même avant tout. Et Aypierre se sentait horriblement égoïste, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. La scène se rejouait devant ses yeux en boucle depuis la veille et il n’arrivait pas à l’oublier. Elle était comme un poignard enfoncé dans son cœur qui se retournait un peu plus à chaque fois qu’il la revoyait. Les mots blessants, Azenet immobile durant une fraction de secondes, assimilant ce que son meilleur ami venait de dire... Ses yeux pleins de larmes, son regard blessé, sa fuite...
Et puis l’incapacité d’Aypierre à courir derrière lui, à lui demander pardon, à le prendre dans ses bras pour lui dire à quel point il était désolé. Peut-être qu’Azenet se serait laissé faire, à ce moment-là. Peut-être qu’il l’aurait détesté mais qu’il aurait accepté son soutien, parce que les choses avaient toujours été ainsi entre eux. L’un près de l’autre, il était difficile pour eux de rester embrouillés. Aypierre connaissait les moyens de se faire pardonner, Azenet faisait semblant d’être en colère sans parvenir à l’être, et les choses finissaient par se régler. Mais cette fois-ci, le délai qu’avait imposé Aypierre les avait mis sur une corde raide et il avait bien peur qu’à force d’avoir été trop tendue, la corde finisse par lâcher.

Soudain, comme pour se rappeler à lui, la petite boîte qu’il tenait dans ses mains sembla se faire un peu plus lourde, et il soupira avant de reprendre d’une voix calme, basse. C’était son plan B, il avait espéré ne pas avoir à l’utiliser.
« - J’ai amené des éclairs au chocolat. C’est la pâtisserie préférée de ta mère, non ? »
Aypierre détesta la légère supplique qu’il sentit dans sa voix, mais peut-être qu’elle permit à Azenet de sentir à quel point il était désespéré, parce qu’il arrêta de presser la porte et resta silencieux pendant quelques longues secondes. Aypierre pouvait se l’imaginer, les mains posées contre la porte, en plein débat avec lui-même pour se décider s’il devait maintenir ses positions ou céder du terrain. Alors, en espérant faire pencher la balance, le jeune homme reprit, d’une voix dont il ne cherchait plus à cacher la détresse :
« - Juste cinq minutes, Aze. Laisse-moi au moins te les donner... »

De nouvelles secondes s’écoulèrent, et puis un soupir vaincu lui annonça la victoire. Le cœur d’Aypierre fit un bond dans sa poitrine. Azenet avait décidé de lui laisser une chance, il fallait à tout prix qu’il ne la gâche pas. La porte s’ouvrit à nouveau, lentement. Azenet avait les yeux baissés, mais il s’était écarté du chemin, l’air résigné.
« - Entre. »
Aypierre ne se fit pas prier, mais ses pas étaient hésitants, comme s’il avait peur d’en effectuer un de travers. Il resta debout sur le tapis de l’entrée sans trop savoir quoi faire pendant qu’Azenet refermait la porte. L’appartement était drôlement silencieux, c’en était presque angoissant. Lorsque son ami se tourna vers lui, Aypierre prit son courage à deux mains et lui tendit la boîte.
« - Tiens. Écoute, Aze, je sais que tu m’en veux, mais-
- Tu peux enlever tes chaussures. »
Azenet l’avait coupé au milieu de sa phrase. Il n’avait pas été spécialement sec ou froid. Juste las. Et durant une fraction de secondes, Aypierre paniqua en se disant qu’Azenet était devenu indifférent. Qu’il n’allait pas l’écouter et le laisserait partir sans que rien n’ait changé.

Qu’il venait trop tard.

Azenet lui prit la boîte des mains et partit vers la cuisine sans dire un mot de plus. Aypierre en tremblait presque de frustration. Où étaient les cris, les insultes, la crise de larmes qu’il aurait dû avoir ? Qui était cet Azenet à l’indifférence glaciale et à la nonchalance troublante ? Aypierre eut du mal à retirer ses chaussures tant ses mains semblaient maladroites. Mais il serra les poings et s’avança vers le salon.

Il fut presque surpris en voyant la mère d’Azenet, installée tranquillement sur le sofa. Elle n’avait pas l’air en plus grande forme que la dernière fois, toujours aussi pâle et dramatiquement squelettique, mais le livre qu’elle tenait dans les mains semblait avoir toute sa concentration, preuve qu’elle devait tout de même garder une certaine lucidité. Aypierre s’approcha presque timidement pour la saluer, de peur de la faire sursauter. Après tout, il était là autant pour elle que pour son ami. S’il voulait mettre en œuvre ce qu’il avait prévu pour se faire pardonner d’Azenet, c’était à elle qu’il devrait s’adresser en premier. Il lui faudrait juste trouver le bon moment... et les bons mots.

Elle le remarqua à mi-chemin et lui adressa un sourire.
« - Bonjour Aypierre ! Je ne savais pas que tu venais, tu es là depuis longtemps ? »
Le jeune homme cligna des yeux. Elle n’avait pas entendu la sonnerie ? Elle était peut-être trop absorbée par son livre...
« - Bonjour, répondit poliment Aypierre avant de s’avancer et de venir s’asseoir près d’elle. Je viens juste d’arriver, Azenet ne savait pas que j’allais passer. »
La mère de son ami se redressa un peu et posa son livre sur ses cuisses. Curieux, Aypierre en lut le titre et reconnut l’une des œuvres qu’il avait à lire pour ses cours de français. Probablement qu’Azenet le lui avait prêté.
« - Ah, je crois avoir déjà vu ce livre quelque part ! Il vous plaît ? demanda Aypierre, sur un ton poli.
- Oh oui. Azenet m’avait dit qu’il me plairait. Je m’ennuie un peu, ces temps, alors il me prête des livres. Il dit que c’est un bon moyen de voyager. »
Son ton était affectueux et Aypierre ne put empêcher un sourire de se dessiner sur ses lèvres. Il reconnaissait bien son meilleur ami dans ces paroles.

En parlant de lui, Azenet revint de la cuisine avec deux assiettes dans les mains. Aypierre vit les yeux de la femme s’illuminer en voyant le contenu des plats et il fut ravi d’être la source de cette lueur de joie.
« - Pierre nous a amené un dessert, dit sobrement le nouvel arrivant en leur donnant les assiettes. »
Il s’arrangea pour ne pas jeter un regard à leur « invité » et puis il fit demi-tour. Sa mère fronça les sourcils.
« - Tu ne manges pas avec nous ? »
Azenet ne prit pas la peine de s’arrêter et répondit depuis la cuisine.
« - J’arrive, je finis de vider le lave-vaisselle. »
La mère d’Azenet et Aypierre se jetèrent un regard en coin. Apparemment, elle n’avait pas l’air plus convaincue que lui et cela conforta Aypierre. L’absence d’Azenet lui faisait mal au cœur, mais au moins lui laissait-elle une bonne ouverture...

« - Il s’est passé quelque chose ? fit la mère de son ami à voix basse, avant de prendre un morceau de pâtisserie dans sa cuillère. »
Aypierre remarqua qu’Azenet avait découpé le petit gâteau pour sa mère. Elle ne devait sans doute plus avoir la force de le faire elle-même.... Il ne put s’empêcher de remarquer la difficulté qu’elle eut à porter son met jusqu’à ses lèvres à cause de ses tremblements, et puis il se reprit bien vite lorsqu’elle lui jeta un regard appuyé. Ah, la question. Il n’y avait pas répondu. Il prit un air embarrassé.
« - On s’est disputé, souffla-t-il. »
La mère de son ami ne sembla pas étonnée plus que cela. Elle avait sans doute remarqué durant la journée que quelque chose clochait chez son fils. Elle posa son regard sur son assiette et esquissa un petit sourire.
« - C’est pour ça que tu nous as amené le dessert ? »
Aypierre hocha la tête et afficha une fausse mine coupable, un peu joueuse. L’humeur légère de la mère de son ami le mettait à l’aise et ça lui faisait du bien. Il avait eu peur qu’Azenet ne lui ouvre pas la porte, il était soulagé d’être désormais à l’intérieur et que la mère de son ami lui fasse la conversation avec un naturel réconfortant.
« - Il me fallait un passe-droit pour qu’il me laisse entrer. »
La femme laissa échapper un petit rire amusé et le couva d’un regard bienveillant.
« - Tu le connais bien. »
Le jeune homme laissa un sourire énigmatique se dessiner sur ses lèvres, avant de se perdre dans ses pensées tout en attaquant son propre gâteau.

Il était heureux que la mère de son ami l’apprécie, même s’il se sentait illégitime. Après tout, si Azenet lui en voulait, c’était parce qu’il avait dit des choses regrettables à propos de sa mère. Et même s’il pouvait deviner que son ami n’en avait pas parlé à sa mère et qu’elle ne se doutait de rien, il se sentait un peu mal de faire ami-ami avec cette dernière sans qu’elle ne soit au courant... Enfin, d’un autre côté, il ne servirait à rien de la blesser en lui parlant de la dispute en détail. Aypierre n’aurait pas dû dire ces mots et il les regrettait. Il ne voulait pas faire du mal à quelqu’un d’autre en les prononçant à nouveau...
« - Je suis heureuse qu’Azenet ait un ami comme toi, Pierre. »
Aypierre sursauta presque, sorti brusquement de ses réflexions. Les paroles de la mère de son ami l’interloquèrent, mais il ne dit rien, parce qu’elle n’avait pas l’air d’avoir fini.
« - Je sais qu’il en fait beaucoup entre la maison, l’école et la boulangerie. Je suis contente qu’il ait des amis sur lesquels il puisse compter. »
Elle s’interrompit quelques secondes avant d’ajouter, d’un air amusé.
« - Même si vous vous disputez parfois. »
Aypierre fit une grimace qui provoqua un petit rire de son interlocutrice. Elle laissa un sourire rêveur planer sur ses lèvres, et puis son air devint plus triste et Aypierre se sentit soudain désemparé. Avait-il fait quelque chose de mal ? Dit quelque chose de faux ?
« - Tu sais, la situation n’est pas facile pour nous, en ce moment. Azenet prend beaucoup sur lui, et je vois bien qu’il a de la peine à tout concilier. »
Aypierre hocha la tête, doucement. Il ne savait que trop bien que la situation n’était pas simple pour Azenet, mais l’air coupable qu’affichait sa mère lui prouva que tout ce qui leur arrivait n’était pas simple pour elle non plus. Comme il restait attentif, elle sembla assez à l’aise pour continuer, d’un air calme mais un peu affligé.
« - Mais ma seule solution si je veux aller à l’hôpital serait de l’envoyer chez son père, et je sais que ce serait pire. Il devrait changer d’école, laisser tomber son travail, vivre avec ses demi-sœurs et sa belle-mère... Je pense qu’il serait encore plus malheureux... »

Aypierre déglutit. Voilà, il y était. La perche était tendue, à lui de la saisir. Il avait beaucoup réfléchi à l’idée qu’il allait énoncer. Avec Harry, qui avait finalement été le premier à évoquer cette possibilité, puis il y avait pensé seul et l’idée avait fait son petit bout de chemin jusqu’à ce qu’il aille en parler à sa mère, qui, au terme d’une longue conversation sérieuse mais soulageante, lui avait donné le feu vert avec un sourire affectueux et presque fier. Le jeune homme inspira d’un coup. Il ne savait même pas pourquoi il était aussi nerveux, mais peut-être était-ce parce qu’il avait peur de s’emmêler dans ses mots. Il finit par hocher la tête, doucement. Et puis il se jeta à l’eau.
« - Il pourrait... venir chez moi ? »
La mère d’Azenet se tourna vers lui avec un sourire fatigué, mais pas vraiment surpris. Elle semblait avoir pris dix ans, soudain. Aypierre vit se refléter dans ses yeux toute la facette d’elle-même qu’elle avait réussi à lui masquer jusque-là. La fatigue, la peine, la douleur. Il se sentit soudain terriblement démuni et petit face à cette femme qui semblait au bout du rouleau, mais il resta déterminé pour lui prouver qu’il n’émettait pas cette idée au hasard.
« - Tu es adorable, Aypierre, mais tu sais que je ne peux pas t’imposer ça, ni à toi, ni à ta famille. Ce n’est pas à vous de régler nos problèmes, vous en avez déjà fait beaucoup pour nous... »
Aypierre se mordit la lèvre, contrarié. Il ne s’était pas vraiment attendu à devoir argumenter. Quoiqu’il aurait pu s’en douter, la fierté d’Azenet venait bien de quelque part… Mais Aypierre était aussi du genre tenace et il avait bien l’habitude de composer avec cette dignité délicate. Il rassembla ses esprits et reprit, d’une voix ferme.
« - Je suis vraiment sérieux, Cécile. J’en ai parlé avec ma mère et elle n’y voit pas de problème. On a une chambre d’ami inutilisée et faire à manger pour une personne de plus, ce n’est pas grand chose. Azenet n’est pas du genre à prendre beaucoup de place, je sais qu’il ne nous dérangera pas. Ma mère est prête à signer des papiers pour la tutelle s’il le faut et... Et comme on s’est disputé, si Azenet ne veut pas venir chez moi, il peut aller chez Harry, il en a aussi parlé avec ses parents et ils sont d’accord... »
Il aurait espéré que la certitude que sa mère soit d’accord lui suffise, mais il tiqua en voyant qu’elle secouait la tête, refusant sa proposition.

Alors qu’elle allait contre-argumenter, Aypierre la devança, jouant sa dernière carte, plus sérieux et sincère que jamais.
« - S’il vous plaît, Cécile. Je vous le propose pour vous, mais aussi pour Azenet... Vous avez besoin de prendre soin de vous... tous les deux... »
Il se retint d’ajouter « Et vous avez besoin qu’on prenne soin de vous », même s’il lui brûlait la langue. À la place, il la regarda se pincer les lèvres alors qu’elle réfléchissait. Ses cheveux étaient lâchés, son teint pâle et son corps maigre, mais la lucidité toujours présente dans ses yeux montrait qu’elle avait compris l’importance de cette décision, et aussi sa portée. Ce n’était pas une décision à prendre à la légère et Aypierre resta calme, patient, pendant qu’elle calculait les pour et les contre. Évidemment, pour Aypierre, c’était la bonne solution, mais il y avait certainement des choses qu’il ne pouvait prendre en compte, comme des affaires sentimentales, ou financières. Alors il attendit, patiemment. Et quelques secondes plus tard, la femme posa son regard sur lui et lui demanda, l’air soudain pensif.
« - Est-ce que tu crois que je pourrais appeler ta mère ? Ce n’est pas trop tard ? »
Aypierre sourit et secoua la tête, vivement. D’un mouvement souple, il sortit son téléphone de la poche de son pantalon et chercha le nom de sa mère parmi les contacts, avant de le sélectionner. En se souvenant des mains tremblantes de la mère de son ami, il décida de lancer l’appel lui-même avant de lui donner le téléphone. Elle le remercia d’un petit hochement de tête avant de soulever difficilement l’appareil pour le porter à son oreille.

Le jeune homme attendit que sa mère décroche à l’autre bout du fil pour être sûr que la connexion se soit faite, et puis il se leva, emportant les deux assiettes désormais vides. Il se sentait soulagé. La mère d’Azenet semblait avoir accepté implicitement sa proposition en lui demandant d’appeler sa propre mère, ce qui voulait dire qu’après tous ces mois d’impuissance totale face au mal-être de son meilleur ami, il lui avait enfin trouvé une solution. Il n’aurait plus à promettre dans le vent que tout allait s’arranger, parce que cette fois-ci, c’était réel. Tout allait s’arranger.

Il arriva dans la cuisine avec un sourire, prêt à annoncer à Azenet la bonne nouvelle, mais il fut surpris en ne le voyant pas près du lave-vaisselle, comme il aurait dû l’être.

« - Alors, c’est ça, ton plan, Pierre ? Me forcer à venir vivre chez toi pour que je sois obligé de te pardonner ? »
Il sursauta. Ce ton dédaigneux et légèrement colérique l’électrisa, comme un rappel douloureux de la tension qui régnait encore entre son meilleur ami et lui. Tout en tentant de rester impassible, il posa les assiettes sur la table avant de se retourner, lentement. Azenet était assis contre le mur défraîchi à côté de la porte, les yeux ancrés au sol. Il y avait l’air tellement attaché que c’était à se demander depuis combien de temps il siégeait-là, dos à ce mur inconfortable. Un léger coup d’œil en direction du lave-vaisselle donna bien vite la réponse à Aypierre et il inspira doucement. Son ami devait avoir écouté toute la conversation.
« - Non Aze, répondit-il calmement. J’essaie simplement de faire en sorte que les mots que j’ai pu dire ne puissent plus te blesser. »
Azenet tourna la tête, signifiant un peu plus son refus de communiquer. Avec ses bras croisés sur son torse, le message semblait très clair. Pourtant, Aypierre n’allait certainement pas abandonner si vite, même si son ami n’avait toujours pas posé son regard sur lui et que cette attitude commençait à l’agacer un peu. Il comprenait que son ami soit blessé, mais il aurait aimé le voir faire preuve d’un peu de bonne foi. Il ne s’attendait pas à ce qu’il lui saute dans les bras pour le remercier, mais peut-être un sourire, un ton plus doux... Il aurait aimé qu’Azenet lui laisse au moins le bénéfice du doute avant de le jeter en masse comme il semblait le faire avec tant d’aisance.
« - Tu aurais pu me demander mon avis. »
Aypierre s’approcha d’Azenet et chercha son regard, mais son ami était obstiné.
« - Tu m’aurais dit non.
- Effectivement. »
Le jeune homme s’accroupit mais il n’arriva toujours pas à avoir le regard d’Azenet.
« - Pourtant, tu en as envie.
- Non. »
Aypierre tendit la main et l’approcha du visage de son ami avec une lenteur presque exagérée. À vrai dire, il n’aurait pas été surpris qu’Azenet essaie de le mordre, tant il semblait sur la défensive, mais il ne le fit pas. Il laissa l’autre glisser ses doigts sous son menton et le relever doucement pour le forcer à plonger ses yeux dans les siens. Les yeux d’Azenet étaient plein de haine, mais elle ne toucha étrangement pas Aypierre. Parce qu’il savait que c’était faux. Azenet s’en servait pour couvrir ses vrais sentiments.

Là, derrière ces deux perles chocolatées à la couverture brillante, derrière les ombres et les éclats dansant, derrière ces pupilles bien trop dilatées pour que la colère puisse être le sentiment dominant. Aypierre la voyait, la fissure. Et il savait qu’elle était bien trop grande pour qu’Azenet soit capable de la combler seul. Alors il glissa un pouce sur la joue de son ami, et le couva d’un regard doux, réconfortant en murmurant d’une voix basse.
« - Tu en as besoin. »

Presque aussitôt, Azenet ouvrit la bouche pour répondre, mais ses yeux s’embuèrent trop vite et ses mots finirent par s’étrangler dans sa gorge serrée. Aypierre s’approcha un peu plus et se mit à genoux près de son ami pour le prendre dans ses bras, attrapant ses épaules en premier avant de l’attirer à lui et de glisser ses bras dans son dos pour le presser dans une étreinte bienfaitrice. Azenet s’accrocha à son pull et se serra contre lui, enfouissant sa tête contre son épaule avec un naturel qui fit du bien à Aypierre. Le plus jeune sanglota silencieusement et son ami lui caressa les cheveux d’un toucher léger en écoutant sa mère parler au téléphone, au loin. Il le berça contre lui et attendit qu’il se calme, inclinant doucement la tête pour que leurs crânes soient appuyés l’un contre l’autre. Cette étreinte était plus familière que la distance froide qu’ils entretenaient depuis le début et Aypierre cru enfin voir la lumière au bout du tunnel. Encore restait-il à l’atteindre.

Il savait qu’il avait touché juste et que c’était ce qui avait fait craquer son ami, mais il avait également conscience que ce n’était pas parce que son ami acceptait son réconfort qu’il était déjà pardonné. Il avait beau l’avoir aidé, soutenu, il n’était pas certain que cela suffise à réparer son erreur de la veille aux yeux d’Azenet... Mais cette question allait devoir attendre, parce qu’il avait juste envie de profiter de cet instant, des minutes durant lesquelles son ami le laissait revenir proche de lui, comme si rien ne s’était passé. Son cœur avait beau se serrer en l’entendant pleurer contre lui, il se sentait aussi soulagé qu’Azenet accepte de partager ce moment avec lui, le laisse rester à ses côtés pour le soutenir malgré leur accroc récent.
« - C’est fini, Aze... murmura-t-il près de son oreille. Tu vas venir vivre chez moi et tout va rentrer dans l’ordre. Tu auras du temps pour toi, pour dormir, pour étudier. Et ta mère aura des gens pour s’occuper d’elle à l’hôpital... »
Azenet renifla et raffermit sa prise sur le pull d’Aypierre. Ses doigts se pressèrent douloureusement sur sa peau, mais cette douleur futile était le dernier des soucis du plus âgé.
« - Je veux... pas l’abandonner... couina faiblement Azenet malgré sa tentative de contrôler sa voix. »
Aypierre lui frotta doucement le dos.
« - Tu ne l’abandonnes pas, Aze. C’est sa décision. Et tu pourras aller la voir aussi souvent que tu le voudras, d’accord ? L’hôpital n’est pas si loin...
- J... Je sais... »
Ils se turent après ça, et gardèrent ce silence durant de longues minutes.

Azenet se calma rapidement, mais il resta appuyé contre Aypierre, laissant son poids peser sur lui avec une facilité qui fit chaud au cœur du plus âgé. Pourtant, le fait qu’il doive encore s’excuser continuait à flotter dans son esprit, se rapprochant de plus en plus de ses lèvres. Trop de temps s’était déjà écoulé et Aypierre savait qu’il fallait arracher le pansement maintenant, plutôt que de laisser la colle s’ancrer un peu plus sur la peau et rendre son retrait plus difficile. Même si Azenet semblait s’être adouci à son égard, cela n’effaçait pas ce qui s’était passé entre eux et Aypierre refusait que cette dispute reste comme un spectre invisible entre eux. Azenet était l’un de ses plus anciens amis, il respectait bien trop leur relation pour la garder entachée de tensions inutiles. Et prendre soin de cette amitié incluait parler de ses erreurs et s’en excuser si elles avaient pu le blesser.
« - Azenet, je suis vraiment désolé pour ce que j’ai dit hier après-midi... »
L’intéressé renifla doucement avant de s’écarter d’Aypierre avec une lenteur qui convenait bien au calme du moment. Il passa une manche sur ses deux joues pour y essuyer les traces de ses larmes et puis il s’adossa au mur à nouveau, comme il l’était avant qu’Aypierre n’arrive. Ses bras se croisèrent.
« - C’est bon, Pierre. Je vais passer par dessus, c’est juste... Je ne m’attendais pas à ça de toi. »

Aypierre encaissa le coup, même s’il faisait mal. Il avait déçu l’amitié d’Azenet et il savait qu’il allait devoir en assumer les conséquences.
« - Moi non plus, tu sais... Je sais vraiment pas ce qui m’a pris. C’était une sale journée et... Je devais absolument rejoindre Nems et Bboy, ça m’a achevé que tu aies essayé de m’en empêcher... Mes mots ont dépassé ma pensée, je n’aurais pas dû... »
Azenet resta silencieux quelques secondes en fixant la poignée du frigo derrière son meilleur ami. Et puis, un sourire empli de dérision se dessina sur ses lèvres, avant qu’il ne murmure, dans un souffle.
« - Toujours Nems et Bboy... »

Aypierre pinça les lèvres. Amener ces deux-là dans la conversation était risqué, mais s’il voulait avoir une chance qu’Azenet puisse comprendre son comportement de ce jour-là, il fallait qu’il puisse lui expliquer le pourquoi du comment. Il ne pouvait pas tout lui révéler sans mettre Bboy en danger, mais il pouvait au moins lui donner une idée du contexte, même si ce devait être à mi-mots.
« - J’ai eu la chance d’avoir des gens qui m’ont remis dans le droit chemin, Aze. Je suis revenu vers les Patricks, vers Harry et toi. Bboy n’a eu personne pour lui faire réaliser que ce qu’il fait est mal, contrairement à moi. J’aimerais juste pouvoir l’aider... »
Azenet lui jeta un regard rapide, mais il suffit à Aypierre pour y apercevoir l’éclat intéressé qui brillait dans les yeux de son meilleur ami. Azenet était curieux et cela n’étonnait pas l’autre. Depuis le temps qu’Aypierre traînait avec ses deux autres amis, il n’avait jamais vraiment raconté à Azenet ce qu’ils faisaient, pourquoi cette aventure qu’il avait partagée avec les autres avait été si extraordinaire. Peut-être qu’il était venu le temps de le faire.
« - Au départ, c’était drôle, on s’amusait bien. On a construit une cabane dans les bois, on y allait après les cours, le soir en week-end aussi, de temps en temps. Pour moi c’était un jeu comme un autre, des bons moments passés entre potes, mais je crois que pour Bboy et Nems, c’était plus important que ça. Pour eux, on formait un trio contre le monde, enfermé dans une bulle, capable de tout. Et quand leurs idées de rébellion sont allées trop loin, je me suis détaché du groupe. Je crois qu’ils m’en ont voulu et qu’ils m’en veulent probablement toujours. J’aurais pu m’éloigner d’eux complètement, mais... »
Aypierre soupira.
« - Je ne pouvais pas laisser tomber Bboy aux mains de Nems. Nems le mène par le bout du nez dans des trucs tous plus tordus les uns que les autres et j’ai vraiment peur qu’ils finissent par faire une connerie. De ce que j’en sais, ils prévoient de faire une fugue, et de partir loin avec l’intention de ne pas revenir. Hier, ils m’ont fait croire qu’ils allaient s’en aller, que c’était LE jour, et c’est pour ça que je devais les suivre. Il fallait que je convainque Bboy de ne pas se laisser avoir par Nems, mais... tu m’as empêché de les suivre et ça m’a mis hors de moi... Je suis désolé Aze. Je ne voulais vraiment pas te faire de mal... »

Azenet acquiesça vaguement, l’air perdu dans ses pensées. Aypierre attendit quelques secondes, un peu tendu. Il appréhendait la réaction de son ami, en réalité. Il avait décidé de déballer son sac en tentant de bien choisir ses mots, mais il y avait trop de choses qu’il ne pouvait pas dire pour ne trahir personne, et c’était encombrant. Il aurait aimé pouvoir être totalement franc envers Azenet, mais il ne le pouvait pas. Il avait confiance en lui, mais il le connaissait assez pour savoir qu’il voudrait faire marcher la justice et Aypierre n’était pas prêt à plonger ses amis dans ce gouffre... Pas encore.
« - Et ils sont partis ? finit par demander Azenet en levant les yeux vers Aypierre. »
Ce dernier se mordit la lèvre, dégoûté.
« - Non. Ils m’ont dit que je m’étais fait des idées et qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de partir hier soir... »
Azenet hocha la tête, puis réfléchit encore quelques secondes.
« - Il y a... Il y a quand même un truc qui me chiffonne... Si tu as pu t’en sortir, pourquoi Bboy n’a pas réussi ? »
Aypierre s’accroupit sur le sol et se releva, avant de s’étirer, songeur.
« - Bboy et moi on est différent. On n’a pas vécu les même choses et on n’a pas le même caractère. Notre petit groupe, c’était un symbole de liberté pour lui, et je crois qu’il y est resté attaché... Et puis, il s’est disputé avec Xari en début d’année, ça l’a éloigné des Génies, même si je suis certain que Jiraya et Funéral lui ouvriront toujours les bras... »

Azenet resta silencieux, sans doute pour assimiler tout ce que venait de lui dire Aypierre. Ce dernier en profita pour reprendre les assiettes qu’il avait posées sur la table et les rincer avant de les laisser sur le bord de l’évier. Une fois qu’il eut terminé, il tendit l’oreille, mais la voix de la mère d’Azenet n’était plus audible depuis le salon. Il en déduit qu’il était peut-être temps d’aller la voir pour savoir ce qui était ressorti de la conversation.

D’une démarche souple, presque légère, il s’avança jusqu’à son meilleur ami, et lui tendit la main. Azenet le regarda, interrogateur.
« - Je crois que nos mères ont fini de discuter, on devrait aller voir ce qu’il en est. »
Une main se glissa dans la sienne et Aypierre tira dessus délicatement pour relever son ami. Il le relâcha presque aussitôt pour se diriger vers le salon, mais des doigts s’enroulèrent autour de son poignet, le coupant dans son élan. Il s’immobilisa et se retourna, intrigué.

Azenet le regardait droit dans les yeux. Ses prunelles étaient encore brillantes à cause de ses larmes récentes, mais elles avaient un air doux, bien qu’un peu résigné.
« - Merci, Pierre... D’être venu t’excuser, de ce que tu m’as raconté, de ce que tu as proposé à ma mère... Merci... »
Il laissa la fin de la phrase un peu en suspens, mais son regard la termina pour lui. « Merci d’être là ». Aypierre sourit, s’avança vers lui, et ils s’étreignirent avec force, savourant la douceur apaisante du pardon pour l’un et le bonheur rassurant des retrouvailles d’un ami perdu pour l’autre.
« - Je serai toujours là, Aze... »
Azenet sourit et souffla dans son cou.
« - Tu es toujours là pour tout le monde, Pierre... »
Aypierre sentit son cœur se pincer.

Il ne voulait pas se disputer avec Azenet en essayant de démentir, bien que les paroles de son ami ne soient pas véridiques. Mais comment lui expliquer qu’avec lui, c’était différent ? Que pour lui, il laisserait tomber n’importe quel Bboy, n’importe quel Nems, juste par crainte de revoir cette lueur blessée dans ses yeux. Comment lui dire qu’il ne voulait pas l’aider à régler juste un problème et puis le regarder de loin s’épanouir dans un bonheur retrouvé comme il l’avait fait avec d’autres ? Comment lui dire qu’il avait ce besoin d’être toujours là, ce désir de le voir sourire, parler à d’autre gens en riant, faire la fête avec les Patricks le vendredi soir, et le samedi aussi s’ils étaient vraiment chauds ? Comment lui faire comprendre qu’avec lui c’était beaucoup plus profond, plus viscéral que juste... Être de passage ? Qu’il voulait être celui capable d’effacer la lueur blessée de ses yeux, d’essuyer les larmes de ses joues avant même qu’elles ne se mettent à couler. Qu’il voulait pouvoir lui promettre d’être toujours à ses côtés et qu’ils pourraient toujours compter l’un sur l’autre, quoiqu’il arrive, où qu’ils soient. Il ne savait pas quand les choses avaient changées exactement, mais cette dispute lui avait fait réaliser une chose, à la fois rassurante et effrayante.

Azenet était spécial pour lui. Et la journée durant laquelle il avait cru le perdre avait été éprouvante. Leur amitié était précieuse et Aypierre était incapable de s’imaginer un monde dans lequel il l’aurait perdue. Mais expliquer ça à Azenet, mettre des mots sur ce qu’il pouvait bien ressentir, sur le monde complètement surréaliste dans lequel il avait vécu durant une journée entière... C’était un exercice bien trop compliqué pour lui, il avait peur de s’exprimer maladroitement, de ne pas être capable de trouver les bons mots.

Alors, pour ne pas avoir à affronter la vérité, Aypierre se sépara de son ami, coupant leur étreinte, et puis il arbora une moue hautaine, laissant la dérision l’emporter sur un sérieux qu’il ne savait pas comment assumer.
« - Eh oui, je sais, je suis génial, toujours présent pour tout le monde. Que veux-tu, tout le monde ne maîtrise pas le multi-clonage... »
Azenet leva les yeux au ciel avec une mine amusée.
« - Du calme Naruto... »
Aypierre laissa échapper un petit rire et fit signe à Azenet de le suivre.
« - Allez viens, ta mère doit nous attendre. »
Azenet hocha la tête, prêt à le suivre.

Aypierre arriva au salon le premier et aperçut le visage radieux de la mère de son meilleur ami. Il ne put que sourire en retour. Harry allait être heureux.

Cette soirée avait marqué le début d’une nouvelle ère.

Et Aypierre décida que cette ère allait lui permettre de se retrouver, de retrouver ses amis et d’aider ceux qui s’étaient perdus à se retrouver...

**

Le moteur du véhicule vrombissait doucement, comme une mélodie tranquille. Ce son était d’une répétitivité reposante et Bboy se laissait bercer, l’esprit dans une semi-conscience confortable qu’il n’avait envie pour rien au monde de quitter. Son corps se balançait de droite en gauche au gré des virages, abordés de manière plus ou moins brusque par le conducteur de l’appareil.

Pour être honnête, si on lui avait dit moins de quatre heures plus tôt qu’il se retrouverait à l’avant d’une Peugeot grise avec Nems comme chauffeur, il aurait froncé les sourcils et aurait certainement traité son interlocuteur de mythomane. Pourtant, il s’était plutôt bien accommodé à la situation. L’air chaud expédié par les fentes du chauffage formait autour de lui comme une bulle douillette et protectrice et Bboy s’y laissait gentiment couler. Il avait l’impression de ne jamais s’être senti aussi bien, du moins, il n’avait pas ressenti une sensation de ce genre aussi forte depuis longtemps.

Pourtant, il aurait dû avoir bon nombre d’inquiétudes, à commencer par la conduite maladroite de Nems et l’idée qu’ils voyageaient avec de nombreux objets volés étalés dans le coffre et sur les sièges arrières. Et puis, il y avait aussi le fait qu’il n’ait aucune idée de l’endroit où ils se rendaient. Tout ce qu’il avait eu comme indications avaient été un message de Nems qui lui donnait une heure et un lieu de rendez-vous, et quelques instructions quant aux affaires à prendre et celles à ne pas prendre. Il avait abandonné son téléphone portable à la planque, par exemple, pour éviter de se faire tracer. Le peu de choses qu’il avait emporté se répartissait entre des vêtements de rechange, les maigres économies qu’il possédait, un peu de nourriture et d’eau. La plupart de ces objets, il les avait pris de chez-lui le matin même, en pensant s’installer à la planque pour quelques temps, jusqu’à ce qu’ils s’en aillent définitivement. Alors lorsqu’il avait reçu le message de Nems, il n’avait eu qu’à prendre son sac et faire en sorte d’être au bon lieu à la bonne heure.

Bboy glissa sur son siège dans un virage plus brusque et il entendit Nems pester contre les phares de la voiture qu’ils avaient dû croiser. Ce n’était pas la première fois qu’il le faisait, Bboy commençait à s’habituer à ces à-coups. Son dos, par contre, avait plus de mal à s’y faire. Les coups qu’il s’était pris la veille avaient laissé des traces dans sa chair et une douleur vive lui rappelait leur emplacement à chaque fois qu’il s’appuyait trop fort ou frottait contre le dossier du siège. Il avait beau essayer, le jeune homme n’était pas capable de faire abstraction de sa souffrance, même si elle semblait s’atténuer avec le temps et la plongée de la conscience du jeune homme dans un état comateux.

« - Bib, fais un truc, je m’ennuie. »
Bboy soupira. Le ton de Nems était traînant, mais il n’en restait pas moins un peu sec. Cela signifiait clairement que l’autre avait intérêt à aller dans son sens s’il ne voulait pas qu’une ambiance tendue ne s’instaure dans l’habitacle pourtant si paisible de la voiture.

Bboy en avait conscience, mais il était trop indolent pour réagir au quart de tour à la demande de son ami. Il se contenta de sourire et d’agripper la lanière de sa ceinture avec l’une de ses mains pour jouer avec négligemment.
« - Arrête, fréro, c’est plutôt moi qui devrais m’ennuyer. Toi, tu conduis, c’est plus palpitant.
- Tu parles. Il faut rester concentré sur cette putain de route, c’est ultra chiant. »
Le jeune homme aux cheveux corbeau ouvrit les yeux paresseusement. Il regarda la route devant lui, savoura à quelle vitesse la voiture semblait dévorer les kilomètres de route pour les recracher derrière elle comme s’ils n’avaient jamais existé.
« - Tu m’apprendras à conduire ?
- On verra. »
Nems se tut quelques secondes, ralentissant dans un virage dont on ne voyait pas le bout. Il semblait se repérer facilement, suivant un chemin imaginaire que Bboy ne saisissait pas, mais ça lui importait peu. Pour lui, savoir ce qu’il avait enfin pu laisser en arrière était plus important que de connaître ce qui l’attendait au devant.
« - Par contre, mec, si tu ne fais rien, je te jure que je vais péter un plomb. »

Nems avait clairement l’air tendu et cette idée ne plaisait pas trop à Bboy. Il se redressa dans un effort, retenant un glapissement de douleur lorsqu’il força sur le bas de son dos pour s’écarter du dossier de son siège. La voiture dans laquelle ils se trouvaient était plutôt confortable, bien qu’un peu en bazar. Nems avait refusé de lui dire d’où il la tenait, mais Bboy n’avait pas eu besoin de trop réfléchir pour faire une hypothèse convaincante. Celle du vol. Sinon, pourquoi Nems porterait-il des gants pour la conduire ? Et pourquoi se serait-il assuré que Bboy ne retire pas les siens après être entré dans la voiture ? C’était plus qu’évident.

En détaillant un peu le contenu de la boite à gants, puis la partie du tableau de bord qui lui était accessible, il remarqua rapidement le lecteur CD incrusté dans la voiture. Ni une, ni deux, il appuya sur le bouton play, sans regarder quel était le disque placé à l’intérieur de l’appareil.
« Tout ce qu’il me reste c’est juste une photo de toi, juste une photo de toi, juste une photo de toiii... »
Bboy éclata de rire et baissa le son.
« - Woaw, c’est qui la gonzesse à qui t’a volé cette bagnole ? »
Il augmenta le volume pour rire et prit un air dramatique en faisant du yaourt sur les paroles. En réalité, il en connaissait quelques unes, mais il n’était pas franchement motivé à expliquer à Nems les raisons de sa connaissance des tubes de M.Pokora.
« - Éteins ça, maugréa Nems en roulant des yeux. »
Bboy s’exécuta et en profita pour regarder les quelques autres boites de CD de la voiture. Ils étaient du même style : un CD de Louane, un autre d’Amir et un dernier Kid United. Tous les jolis petits minois de la chanson française. L’hypothèse semblait se confirmer : le propriétaire de la voiture était en réalité une propriétaire.

Bboy continua à fouiller un peu, trouvant quelques vieux tickets de caisse et d’autres papiers un peu plus intéressants, mais pas moins inutiles.
« - Qu’est-ce que tu fiches ? s’inquiéta Nems, suspicieux. »
Bboy continua à s’occuper en haussant les épaules.
« - J’enquête. T’as pas voulu me dire à qui était la voiture, je cherche à qui elle pourrait être. Enfin, peut-être que tu ne sais pas non plus.
- Arrête ça, Bib. Moins t’en sais, mieux c’est. »
Bboy fit la moue. Ça, il l’avait bien compris, mais Nems poussait la chose un peu loin.
« - Ça va, c’est pas comme si connaître les petits secrets de la personne à qui appartient cette caisse allait nous mettre en danger...
- Non, mais c’est stupide de trifouiller dans ses affaires. Laisse les choses comme elles sont, ça a moins de chance de nous attirer des emmerdes. »
Bboy se tourna vers son ami et scruta son visage avec attention. La réaction de Nems cachait quelque chose. Une ampoule sembla s’éclairer dans le crâne du jeune homme, au même moment où Nems prononçait un « Quoi ? » retentissant en réponse au regard un peu trop insistant de son compagnon.
« - Tu connais la personne à qui appartient cette voiture.
- Ta gueule.
- Frérot, t’es sérieux ? C’est bien une gonzesse alors ? »
Nems serra les dents.

Bboy se réenfonça dans son siège brusquement, les bras croisés. Il ignora la protestation de son dos et préféra déverser la douleur dans des paroles frustrées.
« - Je te demande pas la lune, merde. Je te suis sans savoir où on va, ce qu’on va y faire, sans avoir de téléphone portable et avec des objets qu’on a tous les deux volés. C’était ok pour moi, mais là j’ai juste l’impression que tu ne me fais pas confiance et ça me gave. »
Nems appuya sur l’accélérateur d’un coup et la voiture fit un bond en avant. Bboy jeta un coup d’œil au compteur de vitesse. Ils ne faisaient que du soixante à l’heure.
« - Tu dis ça comme si c’était évident que je devrais avoir confiance en toi. »
Bboy fronça les sourcils. Comment ça ce n’était pas une évidence ? Comment son ami osait-il dire une chose pareille après toutes les choses qu’ils avaient faites ensemble ?
« - T’es sérieux ? Nems, on est allé voler des trucs chez Xari ensemble, c’est moi qui ai fait en sorte qu’on y soit à un moment sûr et qu’on puisse prendre des trucs importants ! »
Nems ricana en restant concentré sur la route.
« - Félicitation Bib, mais dans l’histoire, t’as enfoncé un putain de poignard dans le dos de Xari. Et tu sais ce qu’on dit des traîtres, ils finissent toujours par recommencer. »

Les yeux de Bboy s’écarquillèrent. Quoi ? Nems retournait ça contre lui ? Il avait sacrifié son amitié avec les génies pour faire avancer leurs recherches, pour soutenir le groupe, pour rendre les choses plus faciles à Nems ! Et son ami osait tenir ça contre lui comme raison de son manque de confiance envers lui ? Bboy se sentait blessé.
« - Et t’oublies que je suis resté quand Aypierre est parti, moi. J’ai pas détruit ce qu’on avait construit parce que j’avais pas les couilles de l’assumer, ajouta le jeune homme, acerbe. »
Nems serra ses mains sur le volant, un sourire aux lèvres.
« - Ouais, Aypierre, hein. Il avait peut-être pas les couilles de nous suivre là-dedans, mais au moins, il a eu celles de choisir son camp à un moment donné. Toi tu fais la navette. Un jour t’es à fond avec moi, l’autre jour tu protèges Funéral parce qu’il se fait frapper par Skyyart à cause d’un coup que tu as toi-même monté contre Xari. T’es trop volatile, comment tu veux me demander d’être sûr de toi, après ? J’ai trop l’impression que tu finiras par me trahir si on a des emmerdes et franchement, j’ai pas envie de risquer ça. »

Bboy accusa le coup. Difficilement. Les mots de Nems semblaient bien plus tranchants encore que les bords de la ceinture de son père lorsqu’elle s’abattait sur lui, plus brûlants que la douleur qui persistait sur son dos, comme une marque de rappel. Sauf que les blessures dans son dos allaient cicatriser, mais il n’était pas sûr qu’il serait capable un jour de défaire ce nœud qui s’était installé dans son estomac à l’entente des mots de son... ami.

Et peut-être que s’ils faisaient aussi mal, c’était parce que Bboy arrivait à y voir du vrai. Et qu’il ne s’y reconnaissait plus. Il avait toujours voulu être quelqu’un de loyal, quelqu’un sur qui les autres pouvaient compter. Il avait toujours été reconnaissant envers ses amis d’être là pour lui, de lui remonter le moral quand les temps étaient difficiles, de partager des moments avec lui même s’il n’avait pas grand chose à leur offrir en retour. Alors pour les remercier de leur amitié, il leur offrait une loyauté sans faille, une aide quand il en était capable, une voix pour défendre les intérêts de tous les membres du groupe et être sûr qu’ils soient respectés. Il leur donnait sans compter, parce qu’il savait qu’il recevrait toujours plus que ce qu’il serait capable de donner.

Mais depuis quand était-il devenu aussi égoïste ? Depuis quand avait-il cessé de remplir sa part du marché, ne profitant de Jiraya que pour le confort de sa maison, de Xari que pour la richesse de sa famille ? Depuis quand Bboy était-il devenu ce qu’il avait toujours haï, une personne qui ne pensait qu’à elle, au détriment des autres, une personne trop centrée sur elle-même pour que qui que ce soit d’extérieur puisse à nouveau lui faire confiance.

Bboy ne le savait pas, et ça l’effrayait. Ça l’effrayait tellement que sa gorge se noua sous le coup de la réalisation. La réalisation qu’il n’avait jamais rien gagné, et qu’il avait tout perdu. Son air se fit amer.
« - Alors tu veux quoi, Nems. Tu veux que je me roule à tes pieds comme un toutou bien dressé et que j’attende que tu me juges assez sage pour me filer une friandise ? »
Sa voix était tremblante et il se pinça les lèvres pour retenir ses émotions. Merde, pourquoi l’image de Nems se superposait-elle à celle de son père, maintenant ? Pourquoi avait-il l’impression qu’au final, quoiqu’il cherche, où qu’il aille, il finirait en victime, jamais jugé assez bon pour que quelqu’un décide de le prendre comme son égal ? Il avait cru qu’avec Nems, c’était différent. Qu’il serait libre, qu’il pourrait enfin être quelqu’un à part entière.

Et bien il s’était trompé. Et ça faisait mal. Mal de découvrir qu’il avait espéré en vain, qu’il était et resterait un moins que rien. Mal de savoir que tout ce qu’il avait fait avait été vain. Mal de savoir que rien ne pourrait changer, qu’il décide d’avancer ou de reculer.

Mais puisqu’il était là, autant continuer à foncer dans le mur. L’impact seul serait moins douloureux que tout ce qu’il aurait à affronter s’il devait revenir en arrière.
« - J’veux pas d’un clébard collant et en manque d’amour, Bboy. Tes petites crises existentielles, ça me gave. J’aurais franchement préféré que ce soit Aypierre qui reste. »
Bboy baissa la tête. Aypierre, hein. Avec sa horde d’ami, sa belle maison dans les quartiers riches, ses airs sûrs de lui et son charisme à toute épreuve. Ouais, quoiqu’il fasse, Aypierre serait toujours mieux que lui. Il avait cru que Nems se mettrait à le préférer parce qu’il avait fait le choix de rester avec lui, mais il avait eu tort. Aypierre avait toujours été le préféré de Nems, depuis le début.

Il était ridicule. A quel moment Bboy avait-il eu de l’importance pour qui que ce soit, mmh ? Il n’était pas passé à l’élection des délégués de classe en début d’année, les génies n’avaient pas essayé une seconde de revenir le chercher lorsqu’il avait décidé de suivre Nems, alors que les Patricks s’étaient battus pour qu’Aypierre revienne vers eux. Et puis, pour aller plus loin, on pouvait parler de ses parents, aussi. Et peut-être du facteur, qui était apparemment son vrai père. Encore une personne qui l’avait abandonné avant de chercher à le connaître. Quoique, visiblement, le fait de s’intéresser à lui ne semblait pas le rendre moins pathétique.

Nems ralentit la voiture et l’immobilisa sur le bord de la route. Bboy garda les yeux fixés sur ses genoux, perdu dans ses réflexions terrifiantes qui lui rappelaient à quel point il avait échoué. A quel point il était un échec.
« - Tu vas pas te mettre à chialer non plus ? »
Le garçon n’osa pas lever les yeux vers l’autre. Pas en sentant les larmes si proches de la surface. Il n’était pas prêt à lui donner la satisfaction de voir à quel point il l’avait touché, à quel point quelques vérités l’avaient plongées dans un gouffre sans fond.
« - Tu sais quoi ? Sors de cette voiture.
- Quoi ? »
Bboy avait tourné son regard vers l’autre, trop surpris par ce qu’il lui demandait pour penser encore à se cacher.
« - Tu m’as compris. Casse-toi. Je pensais vraiment que les choses allaient aller en s’améliorant, mais là t’es vraiment trop chiant. Alors barre-toi et va pleurer dans les jupes de tes chers génies. »
Nems fit une pause. Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres.
« - Enfin, s’ils veulent encore de toi... »
Ce sourire avec lequel Nems venait de prononcer ces mots était cruel et il mit Bboy hors de lui. Il serra les poings et l’autre le remarqua.
« - Oh, allez, tu vas me sauter dessus comme tu as sauté sur Aypierre avant les vacances de Noël ? Tiens, regarde, encore une preuve qu’on ne peut pas te faire confiance.
- Ta gueule !
- Sors de cette voiture, Bboy. Ou je le fais moi-même et on va moins rire. »

Bboy détourna le regard et comme il était en colère, sa décision fut prise aussi rapidement qu’impulsivement. Il n’était pas question de laisser à Nems la satisfaction de l’avoir foutu dehors par la force. Et puis, il se voyait mal rester alors qu’il n’avait plus rien à faire là. Nems le foutait à la porte comme on balance des déchets au bord d’une route et Bboy l’avait bien compris.

Il ne jeta pas un regard à l’autre, ouvrit la portière, s’engouffra dans la nuit et claqua la porte derrière lui. Il commença à marcher avant que la voiture ne redémarre. Entendre le bruit du moteur s’éloigner fut une délivrance.

Bboy avança, dans la nuit, incapable de voir quoi que ce soit. Il avait l’impression d’être ivre. Son sac était resté avec Nems, dans la voiture. Mais quelle pouvait être l’importance des ses affaires quand la seule chose qu’il avait envie de faire, c’était se foutre en l’air ?

Il marcha sans but, hésitant à chaque fois qu’il voyait des phares approcher au loin à se jeter au milieu de la route. Tout se bousculait dans sa tête, rien n’arrivait vraiment à avoir de sens. Que lui restait-il, maintenant ? Il allait devoir rentrer la queue entre les jambes chez ses parent ? Non, hors de question. Il ne voulait plus jamais remettre un pied là-bas. Peut-être ferait-il mieux de s’installer à la planque et finir par mourir de froid durant une nuit glaciale. Cette fin paraissait douce à ces yeux, bien plus tranquille que le tourbillon douloureux de pensées qui l’occupait, tellement puissant qu’il semblait annihiler ses sens, les rendant confus.

Il perdit la notion du temps, et puis celle de l’espace, lorsqu’il s’achoppa à une pierre sur le bord de la route. Étalé de tout son long, le dos brûlant, il regretta de ne pas avoir choisi de se mettre sous une voiture, un peu plus tôt. Il aurait encore pu rouler jusque sur le bitume, mais ses membres étaient trop engourdis et sa tête trop lourde. Perdu, il aurait encore été capable de rouler dans le mauvais sens.

Il faisait froid, aussi. L’habitacle de la voiture avait rendu le port de sa veste presque superflu, mais dans la froideur de la nuit, elle semblait désormais bien trop inefficace. Il glissa sa main sous sa tête pour ne pas avoir à la poser sur le sol, puis il ferma les yeux. Ses paupières se crispèrent.

Et là, vulnérable, seul, perdu au milieu de nulle part, il se laissa éclater en sanglot. Les larmes qu’il retenait depuis bien trop longtemps coulaient comme une cascade, glaçant ses joues et ses doigts. Il pleura sur l’enfance heureuse qu’il n’avait jamais eue, sur les amis qu’il avait trahi, sur l’ami qui l’avait trahi. Il pleura sur lui-même, sur le fait qu’il ne serait jamais mieux que ce qu’il était à ce moment-là, un indésirable encombrant que l’on abandonne, livré à lui-même parce que, eh, qui voudrait s’en occuper, franchement ?

Il ne sut pas à quel moment ses muscles lâchèrent prise, à quel moment son cerveau éprouvé décida de le faire basculer dans l’inconscience pour lui donner un peu de répit. Mais même sans que son esprit n’ait d’emprise sur son corps, les larmes continuèrent de couler, comme si ce n’était pas tant le fait de pleurer, mais plutôt celui de déverser cette eau contenue depuis trop longtemps qui était important.

Tu pourras me dire « je te l’avais dit », Pierre. Et je te répondrai « Je voulais juste m’en sortir ».
Et si tu me demandes de quoi, je te dirai « de ma vie »...
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Hache
Pauvre Bboy !
Faut que j'arrête de procrastiner et lise les chapitres précédents. Mais même sans eux, j'ai réussis à comprendre les personnages tant leurs pensées et émotions sont bien exprimées, retranscrites !

Puis, tu as beau dire que c'est un chapitre sans prise de tête, il n'y a rien à dire sur ta plume qui est très bien !!
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Floraly
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Lun 27 Nov - 17:48
Floraly
Cerise :

<3

Hache :

Hellow !

Ne t'en fais pas, je comprends ta procrastination, je suis entrain de faire pareil pour à peu près tous les nouveaux textes qui sont postés sur le forum >.<

C'est une très bonne chose que tu me dises que tu as compris même sans avoir lu le reste, en réalité ! Comme je n'avais pas posté depuis longtemps, j'avais peur que mes lecteurs aient oublié ce qui s'était passé et les enjeux de certaines choses, mais ce que tu dis me réconforte un peu. =)

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire et de me laisser un commentaire, ça me fait vraiment plaisir ! =D
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