Il était une fois une petite fille qui rêvait de pouvoir être normale. Elle rêvait de pouvoir voir la couleur du ciel ou celle de l'herbe. Elle rêvait de connaître le contours des choses. De savoir à quoi ressemblait un arbre. On lui avait toujours décris les choses, jamais on n'avait montré à la petite fille de quelle couleur ça était vraiment. Si je vous demandais de décrire le vert, vous diriez que c'est comme l'herbe ou les arbres, n'est-ce pas ? Mais la petite fille qui n'avait jamais vu de quelle couleur étaient ces éléments, comment pouvais-t-elle savoir ce qu'était du vert ? Elle ne cessait de demander comment c'était le vert. Jamais personne ne lui a répondu ce qu'elle attendait. Un soir qu'elle s'était assise sur une pierre pour penser à quoi pouvait bien ressembler le vert, une voix masculine lui donna enfin une réponse. C'était un petit garçon avec un vélo rouge. La petite fille tourna la tête vers la voix. Ses mots résonnaient dans sa tête. Sa réponse.
« Le vert c'est l'odeur de l'herbe parsemée de rosée, c'est la sensation de milliers de caresses sur tes jambes comme si des brins d'herbes te chatouillaient, c'est le goût de la glace à la pistache, c'est le bruit du vent dans les feuilles des arbres. Et c'est la couleur de l'espoir. »
Alors la petite fille, les larmes pleins les yeux de sa découverte questionna le garçon sur les couleurs du monde.
- Et le rouge ?
- C'est le goût épicé des tacos, c'est la sensation de chaleur sur le corps, c'est le bruit de mon vélo dans les graviers de l'allée vers l'école, c'est l'odeur des roses à la Saint-Valentin. Et c'est la couleur des héros.
- Si ton vélo est rouge, ça veut dire que t'es un n'héros ?
- Exactement !
- Et le bleu ? C'est comment le bleu ?
- Le bleu c'est la sensation de l'eau qui coule entre tes doigts de pieds à la plage, c'est le bruit des nuages qui parcourent le ciel, c'est l'odeur de l'encre qu'il y a à l'école, c'est le goût des bonbons à l'épicerie de la place. C'est la couleur de tes yeux.
- Mes yeux sont bleus ?
- Plus bleu que nature !
La petite fille ne cessait de pousser des exclamations de surprise et de bonheur. Pouvoir enfin mettre des sentiments sur les couleurs ne cessait de la ravir !
- Et le jaune ?
- C'est le bruit de la pluie qui tombe et qui ricoche sur un imperméable jaune vif, c'est l'odeur réconfortante du feu de cheminée, c'est le goût du citron de la tarte meringuée, c'est la sensation d'un rire dans l'oreille. C'est la couleur du soleil.
- De quelle couleur je suis habillée ?
- Euh... Tu porte une robe verte et tu as un nœud dans le cheveux.
- Et toi, tu es habillé de quelle couleur ?
- J'ai un t-shirt noir et un pantalon blanc.
- Et ça ressemble à quoi le noir et le blanc ?
- Le noir c'est sombre comme la nuit qui tombe. C'est quand toutes les couleurs du monde sont en même temps au même endroit. Le noir c'est le goût de la réglisse, c'est la sensation d'être oppressé, c'est le bruit du manteau que l'on met pour voyager et c'est l'odeur de la voiture qu'on vient de réparer. Le blanc c'est clair comme le jour qui se lève. C'est quand toutes les couleurs ne sont pas là, aucunes d'elles. Le blanc c'est l'odeur de l’antiseptique de l'hôpital, c'est la sensation du froid de la neige lors d'une bataille de boules de neige, c'est le goût des gâteaux à la noix de coco, c'est le bruit des draps qu'on accroche sur une corde pour les faire sécher.
- Mon nœud dans les cheveux, il est de quelle couleur ?
- Il est rose. Le rose c'est la sensation de douceur d'une maman, c'est le goût de la fraise des bois, c'est l'odeur du matin qui passe par la fenêtre ouverte, c'est le bruit d'un cœur qui bat fort. C'est la couleur de l'amour.
- Et c'est comment l'amour ?
- C'est comme ça...
Le garçon se pencha vers la fille et embrassa délicatement ses lèvres, à peine plus présent que la brise. Une brise qui apporterait des sentiments aux couleurs et des couleurs aux sentiments. Le garçon des couleurs et la fille qui ne pouvait pas voir le monde, assis tout les deux sur le rocher, à décrire le coucher de soleil qui les enveloppait d'une couleur semblable à la sensation d'un câlin gigantesque d'une maman qui était partout à la fois.