- Bonjour, ma chère, ou peut-être devrais-je dire... Chelxie... ?
Elle garda les yeux effrontément baissés au sol. Un homme la maintenait les genoux à terre, les mains dans le dos, au milieu de la salle des écrans. Elle sentit une main passer sous son menton et elle la fit lever le visage pour qu’elle le regarde dans les yeux.
- C’est étrange... La vraie Chelxie a des yeux marron, et ses cheveux, bien que ressemblant aux tiens, sont châtain... Alors, dis-moi ma chère, pourquoi ce costume ?
Elle le défia du regard malgré l’angoisse qui lui tordait le ventre. Il connaissait très bien la réponse à cette question. Elle avait changé ses traits caractéristiques pour qu’on la reconnaisse plus difficilement... Elle ferma les yeux lorsqu’elle vit une main arriver contre sa joue et laissa sa tête tourner sur le côté, par réflexe. Le bruit du coup qu’elle venait de se prendre résonna dans la salle.
- Tu es une traître, Chelxie, et tu as trahi les deux camps, malheureusement pour toi...
Sa joue la brûlait et elle essayait de contenir de toutes ses forces ses tremblements. Elle ne voulait pas paraître faible. Elle ne devait pas, paraître faible, mais elle était sous son pouvoir, dans l’incapacité de faire quoi ce que soit pour s’échapper. Avant, elle l’aurait pu...
- Je t’en veux, tu sais. Je t’aimais bien... Et puis, pouf ! Une traître... Mais ne t’en fais pas, je vais te le faire payer...
Elle retint un gémissement. Ne pas être faible, rester calme, ne pas avoir peur... Elle perdait peu à peu le contrôle. Elle continuait de fixer le Maître, ses yeux ne trahissant pas ses émotions intérieures, du moins, elle l’espérait. Il arrêta de parler quelques secondes et se planta devant elle. Il semblait essayer de lire en elle, comme si ce simple contact visuel pouvait lui faire percer la carapace que la jeune fille se formait.
- Je devrais te tuer pour cet affront, mais finalement, ce que tu as fait m’arrange bien...
Elle le regarda sans comprendre. Il reprit :
- Vois-tu, je n’aime pas trop ce qui est irréversible... J’aime bien jouer avec eux et je n’ai pas vraiment envie d’en perdre un à tout jamais. Ce serait moins drôle. Il vaut mieux que je prenne mon temps. En plus, si tu avais laissé Dfg mourir, j’aurais aussi dû tuer Melon, parce qu’il serait devenu un trop gros boulet pour les autres...
Cette fois-ci, elle ne put retenir son frisson de dégoût. Comment pouvait-il parler d’eux de cette manière...
- La même chose pour le bras d’Azenet ! Le voir croire que je lui avais vraiment coupé le bras avait beaucoup plus de valeur que si je le lui avait vraiment enlevé le bras, parce qu’il n’y a eut aucune conséquence physique sur lui... Je n’aime pas abîmer mes jouets, tu comprends ?
Non. Non. Non. Elle ne comprenait pas. Pas du tout. Elle ne comprendrait jamais. Jamais ! Elle avait envie de lui vomir sur les chaussures, mais son bon sens la retint. L’homme devant elle avait fait une pause, mais il aimait parler, et il ne tarda pas à se reprendre et continua :
- Non, tu vois, si Dfg était mort maintenant, ça aurait gâché le jeu suivant... Et puis, à force d’être au bord de la mort, ils vont s’habituer à cette condition. Mais le jour où la mort les frappera pour de vrai, ils ne s’y attendront plus... Et ce jour là...
Ses yeux brillaient d’une lueur folle et un sourire rêveur s’était dessiné sur ses lèvres. Chelxie avait du détourner le regard. C’était tellement... horrible.
- Par contre, je n’ai pas encore décidé de la personne à achever en premier... A la base, je voulais Dfg, pour détruire Melon, et parce que ce serait celui qui toucherait le plus de monde, mais si je fais mourir Zerator, cela achèvera Fukano pour de bon...
Un petit rire sortit de sa gorge. Il secoua un peu la tête pour chasser toutes ses pensées délicieuses. Il reporta son attention sur Chelxie, toujours à genou devant lui.
- Et toi, je vais te garder bien au chaud, en attendant de te trouver un rôle à jouer, qui vous fasse tous souffrir. Relâchez-la. Elle est inoffensive, de toute manière.
Elle sentit la pression sur ses épaules et ses poignets disparaître. Hésitante, elle se mit sur ses pieds. Sa tête tourna quelques instants. Elle n’était pas encore remise de sa petite escapade au milieu des flammes... Le Maître s’était assis sur une chaise et se retourna vers elle, lui indiquant le siège à côté de lui du regard. Elle s’y installa avec appréhension et se tourna vers l’écran principal, sur lequel une vidéo avait été mise en pause.
- J’ai pensé que tu aimerais voir la réaction de tes amis en apprenant ton identité... lui dit-il, un sourire mauvais dessiné sur les lèvres.
Il appuya sur la barre espace d’un clavier devant lui, et le film se lança. Sur l’écran, Zerator articula :
« C’est Chelxie. »*****
Effarés, ils virent tous Jiraya, a demi allongé sur Xari, le rouer de coup. Le jeune homme aux cheveux longs entendait les gémissements de son meilleur ami sous lui, incapable de se défendre, mais cela ne lui faisait rien. Il ne se contrôlait plus. Ses poings frappaient impulsivement le corps fragile de Xari qui était bien trop faible pour réagir. Il sentit des mains puissantes le saisir par les épaules et il fut projeté sur le sol à quelques mètres de l’endroit où il se trouvait avant. Après s’être repris légèrement, il s’assit et se prit la tête dans les mains, refusant de croiser les regards accusateurs de ses compagnons. Une partie de lui même s’en voulait horriblement pour ce qu’il venait de faire, et l’autre lui hurlait de recommencer. Il sentit ses mains se mettre à trembler alors qu’Aypierre lui demandait d’une voix sèche ce qu’il lui avait pris. Il ne savait pas. Il était désolé... Non. Il ne l’était pas. Si. Non. Si...
Il replia ses genoux contre son ventre et enfouit son visage sur ses cuisses. Il n’osait plus relever la tête. Il entendit vaguement des bruits de pas s’approcher de lui et il mit ses mains sur sa tête, persuadé qu’on allait le frapper.
La voix de Zerator brisa le silence.
- Viens, Jiji, j’ai vu une guitare dans une des chambres, on devrait aller l’essayer.
Dans un premier temps, Jiraya ne réagit pas. Puis il leva timidement les yeux et son regard tomba sur la main du brun, tendue vers lui. Hésitant, il finit par l’attraper et le jeune homme en face de lui le releva et partit dans le couloir en le traînant avec lui. Jiraya se laissa faire soulagé qu’ils ne l’aient pas laissé là, obligé de supporter le regard plein de haine des autres. Ils arrivèrent dans une chambre vide et Zerator se saisit de l’instrument, appuyé contre le mur, avant d’aller s’asseoir sur le lit. Jiraya resta debout, gêné. Le brun leva les yeux vers lui et demanda :
- Ça va aller ?
- Tu... tu me détestes pas ? demanda le jeune homme dérouté.
- Non. T’as pété les plombs. Ça aurait pu être n’importe lequel d’entre nous. Laisse le temps aux autres d’assimiler ça... Juste... ne recommence pas, d’accord ?
Légèrement soulagé, Jiraya acquiesça et s’assit près de son ami. Au moins un. Un qui ne lui en voulait pas...
Ils furent bientôt rejoints par Fukano et Azenet. Le rouquin se contenta d’aller se rouler en boule sur le lit, près de Zerator, comme tourmenté, alors qu’Azenet s’assit près des deux hommes déjà présents dans la salle. Ils se laissèrent bercer au rythme lent de la chanson que jouait Zerator, essayant d’oublier tant bien que mal tout ce qui venait de leur arriver.
*****
Dans le salon, les autres n’osaient pas parler. Aypierre se mit près de Xari en lui demandant s’il allait bien. Le blessé avait fermé les yeux et dans un soupir, il avait poussé un long gémissement.
- J... J’aurais préféré que ça n’arrive pas... murmura-t-il.
Un moment de silence s’en suivit et Aypierre aida finalement Xari à se lever pour l’amener dans une chambre pour la nuit. Jiraya ne semblait pas l’avoir blessé trop gravement et le plus âgé avait estimé qu’il s’en sortirait avec seulement quelques bleus. Malheureusement, leur petite altercation avait aussi réveillé les douleurs dans le dos de Xari et elles le faisait grimacer à chaque pas.
Mais ce n’était sans doute pas le physique du jeune homme qui avait été le plus affecté...
Fukano et Azenet étaient partis à leur suite, saluant Chap et Alderiate, restés seuls dans le grand salon.
- Tu t’y attendais, toi ?
Chap sursauta en entendant soudainement son ami prendre la parole. Il n’avais pas comprit sa question et inclina la tête sur le côté, interrogateur.
- Pour Melon et Dfg...
- Oh... répondit immédiatement Chap, pas du tout, et toi ?
- Non plus... Imagine... Si Dfg était vraiment...
- Tais-toi. Juste, tais-toi. Je ne veux pas y penser. Personne n’est mort, tout le monde va... bien, et...
- Chap... soupira Alderiate.
Le châtain sentit le regard insistant de son ami sur lui. Quoi ? Il le pensait réellement... Mis à part Jiraya et Xari qui venaient de sérieusement se disputer mais se réconcilieraient à la première occasion, parce que le danger qui planait sur eux tous les rapprochaient et les empêchaient d’être en conflit.
- Tu sais, j’ai des doutes depuis un moment, mais ce qu’a dit Xari tout à l’heure m’a conforté dans mon idée.
Le ton sérieux du jeune homme près de lui inquiéta Chap. Où voulait-il en venir ?
- Chap, je ne suis pas un imbécile. C’est impossible que Fukano te fuie seulement parce que vous avez été séparés. Alors dis-moi, qu’est-ce qu’il s’est passé entre vous deux, la nuit où tu t’es fait enlever ?
Cette question fit l’effet d’une douche froide à Chap qui évita le regard insistant d’Alderiate en baissant les yeux. Il ne pouvait pas y répondre. Il ne voulait pas y répondre. Il se refusait de trahir Fukano et c’était bien trop difficile d’en parler. Il avait surtout peur qu’Alderiate ne comprenne pas son point de vue et se retourne contre le rouquin, qui était tout autant une victime que lui dans cette histoire... Le châtain croisa ses bras sur son torse et se leva, sans répondre à son ami. Mais Alderiate n’était pas de cet avis-là. Alors que Chap se dirigeait vers le couloir où se trouvaient les chambres, son ami le rattrapa et l’empêcha de partir comme il l’avait fait avec Melon quelques temps plus tôt.
- Alde, lâche-moi, dit Chap sèchement, immobile.
- Non. Dis-moi ce qu’il s’est passé.
- Alde... gronda doucement le châtain.
Son cœur s’était mis à battre plus vite. Il avait confiance en Alderiate, mais là, il lui faisait peur. Il savait que son ami était capable de le maîtriser largement et qu’il pouvait en faire ce qu’il voulait.
- Allez, Chap. J’y passerai toute la nuit s’il le faut... J’ai besoin de savoir... S’il t’a fait du mal...
- Il ne m’a pas fait de mal, laisse-moi partir !
Le châtain avait haussé le ton, la panique gagnait petit à petit son esprit alors que la pression qu’exerçait Alderiate sur son corps faible s’accentuait.
- S’il ne t’a rien fait, tu peux me le dire alors...
- Alde lâche-moi ! Lâche-moi sinon j’appelle les autres.
Chap avait essayé de se dégager. Mais Alderiate avait remonté une main pour la plaquer sur la bouche du jeune homme.
Des larmes se mirent à rouler le long des joues du châtain. Il avait peur. Une petite voix au fond de lui lui criait qu’Alderiate était son ami et n’allait jamais lui faire de mal, mais il avait l’impression de se retrouver à nouveau allongé sur le sol, dans les bras de Fukano. Il n’arrivait plus à se contrôler et il se laissa tomber dans les bras d’Alderiate qui l’empêcha de tomber à terre, surpris. Chap était pris de violents tremblements et il pleurait sans réussir à s’arrêter. Ses oreilles se mirent à bourdonner à tel point qu’il ne parvenait plus à entendre ce que tentait de lui dire Alderiate. Les images lui revinrent...
La torture, la trahison de Fukano, le chien... C’était trop... Beaucoup trop... les informations affluaient à son cerveau et il ne parvenait pas à les gérer. Il finit par perdre totalement la notion de ce qui l’entourait et perdit prise.
**
Alderiate se retrouva avec Chap totalement déboussolé et moitié conscient dans les bras. Il le regarda sans trop savoir quoi faire. Il ne s’était pas rendu compte qu’il allait trop loin. Le châtain avait moins laissé paraître ses émotions et Alderiate en était venu à penser qu’il allait bien, mais la réalité semblait finalement être toute autre...
Il souleva le corps de Chap comme s’il était fait de cristal et l’allongea sur le canapé. Sa respiration était devenue haletante et son regard s’était perdu dans le vide. Alderiate posa une main sur son front et essaya de le calmer en lui parlant, mais ça ne marchait pas. Son ami était comme fermé au monde extérieur, tremblant de peur... Ses pupilles étaient dilatées et le jeune homme aux yeux verts se mettait à paniquer lui aussi. Comment faire retrouver ses esprits au châtain ? Le surprendre ? Oui, mais comment ? Il eût une idée. Il se mordit la lèvre. Non, très mauvais plan... Mais l’état de Chap l’inquiétait. Il ne se laissa pas le temps de trop y penser et prit le visage de son ami à deux mains pour venir l’embrasser brièvement. Il sentit Chap se raidir sous ses lèvres et se retira rapidement. Le châtain le regarda dans les yeux, sans comprendre. Alderiate soupira de soulagement et le prit dans ses bras.
- Je suis désolé... murmura-t-il doucement, en se mordant la lèvre.
- P... Pourquoi tu... demanda le châtain, hésitant.
- Chht... Rien de tendancieux. Mais il fallait que je te sorte de cet état et...
Alderiate finit par relâcher Chap et le regarda avec tendresse.
- Je sais que c’est difficile, mais... Chap, il faut que tu me le dises.
- Promets-moi que ça ne changera rien...
- Je te le promets...
Le châtain détourna les yeux et inspira profondément.
- Le... le soir où ils m’ont pris pour... Enfin... Tu le sais très bien... Ils auraient pu simplement venir me chercher, comme ils l’ont fait pour Dfg, mais... Ils ont forcé Fuka à m’attacher lui-même et à m’envoyer dans l’un des tunnels... Je ne lui en veux pas parce que... Il a fait ça pour protéger Dfg, mais... On était devenus amis et... Je crois que quelque chose s’est brisé entre nous, ce jour là...
Des larmes s’était à nouveau mises à couler le long des joues du châtain. Alderiate le dévisagea quelques secondes. Pourquoi leur avoir caché cela ? Il prit Chap dans ses bras et le souleva délicatement. Le châtain se cacha le visage dans les mains et le jeune homme aux yeux verts l’emmena jusqu’à une chambre où il le déposa sur un lit. Chap se roula en boule sur la couverture alors qu’Alderiate retirait son T-shirt en se frottant les yeux. Il se glissa dans le lit double et se recouvrit de la couverture. La respiration du châtain était devenue plus calme derrière lui et il se laissa bercer par la voix de Zerator, qui chantait dans une chambre non loin.
*****
Zerator ouvrit difficilement les yeux. Il était toujours dans son lit, mais quelque chose semblait avoir changé. Il se redresse brusquement. Où étaient Jiraya, Azenet... Fukano ? La guitare était toujours posée dans un coin de la salle, mais aucune trace de ses amis. Ils s’étaient endormis tous entassés sur le lit double, mais soit ils avaient bougé durant la nuit, soit ils... Merde ! Zerator se leva d’un coup et se précipita vers la porte. Sa vue se brouilla quelques secondes à cause de la fatigue. Le couloir n’était plus le même... Mais...
Il se promena quelques instants dans cet endroit inconnu, à la fois curieux et effrayé. Il avait la désagréable sensation que le sol n’était pas stable... Devant lui, une échelle se dessina. Il s’en approcha et la tira un peu pour voir si elle tenait bien. Il se mit à l’escalader et ouvrit la trappe au plafond. Lorsqu’il en sortit, l’air frais lui fouetta le visage. Il ouvrit les yeux en grand. Un mât se dressait devant lui, surplombé d’un voile blanc. Il était... Sur un bateau ?
Autour de lui, une grande étendue d’eau entourait le grand bâtiment sur lequel il se trouvait. Il fit quelques pas sur le pont. C’était la troisième « épreuve » ? Quel en était le but ? Qu’est-ce qu’il faisait là, tout seul ?
Le vent s’engouffra dans ses cheveux et il frissonna. Il espérait que les autres allaient bien...
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Edit :
Yo !
J'ai oublié mon propre commentaire !
C'est un fameux trois mâts, fin comme un oiseau HISSE ET OOOOHH !
J'aurais pu m'étaler sur la souffrance de Xari.
Mais ce sera pour le prochain chapitre !