« J'ai le cancer. »
Non, je ne veux pas le croire. Il ne peut pas... Il peut pas putain !
« Je commence la chimio la semaine prochaine. »
Unster... Je supporte pas de le savoir malade. Je baisse la tête, les larmes aux yeux.
« Hey, ne t'en fais pas, je vais guérir. »
Je ne réponds pas. Ses mains viennent se poser dans mon dos et son corps se rapproche du mien. Il me serre dans ses bras. Il reste toute l'après midi chez moi et nous discutons, beaucoup. Plusieurs fois, je lui demande le déroulement du traitement jusqu'à l'opération. Juste pour me rassurer. Le soir approche, il doit rejoindre ses parents pour dîner avec eux. Il me laisse alors seul, avec ma peine. Je pars me coucher, ne sachant quoi faire d'autre, et parviens à m'endormir.
Puis je me mets à rêver...
Je cours... je cours dans une rue avec quelque chose sur le dos. Ou plutôt quelqu'un... C'est lui, c'est Unster. Il semble inquiet. Il regarde souvent derrière. Puis il crie et me demande de serrer à gauche. J'obéis alors qu'un scooter passe à côté de nous. J'entends quelque chose en fond... une musique... douce, comme un chant d'oiseau, avec quelques notes basses faisant penser à des gens qui parlent. Je me laisse entraîner par cette musique qui guide mes pas. Nous récupérons une orbe de lumière, comme une étoile. J'évite tout ce qui passe à côté de nous, nous frôlant, avant de troquer les pavés, les maisons et les arbres pour un tunnel. De chaque côté, des lumières permettent de distinguer où l'on va. Je continue de courir. Mon ami regarde une nouvelle fois derrière et m'indique l'arrivée d'une moto. Je l'évite de peu, le jean du brun est troué et son genou écorché.
« Attention ! »
Une nouvelle moto arrive derrière moi. Je serre à droite et accélère. Je vois des plantes bleus fleurir autour de moi, lumineuse et magnifique. Peu à peu, elles se parent d'une teinte dorée scintillante. D'un coup, le tunnel disparaît pour laisser place à un pont au dessus de hauts immeubles futuristes. Les fleurs d'or reviennent mais disparaissent bien vite lorsque des motards conduisant des motos et des voitures volantes arrivèrent. Nous attrapons une nouvelle étoile. La course infernale continue. Longtemps encore. Une troisième étoile est en approche. J'attends que la voiture soit passée et fonce dessus. Puis des files entières de motos défilèrent à côté de moi. Elles se resserrèrent jusqu'à laisser un mince passage où je le trouve. Une voiture passe. J'ai du mal à l'empêcher de nous toucher. Elle tape dans le dos de mon cadet qui gémis de douleur. J'accélère comme je peux et, enfin, les véhicules disparaissent. Nous soupirons à l'unisson de soulagement et arrivons sur le toit d'un des immeubles. Mon ami descends de mon dos et se blottis contre moi, frêle. Je passe mon bras autour de ses épaules et...
Je me réveille presque en sursaut. Ce rêve était... étrange... Je regarde distraitement l'heure sur mon réveil... DIX HEURES ?! Je me lève brusquement et prends une douche rapidement avant de m'habiller et de prendre très rapidement mon petit déjeuner. Je devrais déjà être chez Unster... J'avais promis de venir chez lui rapidement ! Je sors en trombe de chez moi et cours jusqu'à l'arrêt de bus. Tiens, il arrive. Je rentre dedans et m'assois, attendant patiemment. Enfin, il arrive non loin de la rue d'Unster. Je descends et cours encore jusqu'à sa maison. La dernière ligne droite. Je frappe à sa porte, essoufflé, et lui souris lorsqu'il m'ouvre. Il me sourit également et me fait rentrer. Nous discutons et rions toute la journée et, au soir, je ne veux pas rentrer chez moi. Alors il me propose gentiment de rester. Nous nous allongeons dans son grand lit et nous endormons, un large sourire aux lèvres. Et je replonge dans le pays des rêves...
Nous sommes sur un quai. Je cours toujours, Unster sur mon dos. Il y a toujours une musique de fond, un peu triste. Il me faut cette fois-ci sauter au dessus de barils, coffres et autres cargaisons et éviter celles qui sont en train d'être déposées ou récupérées par les bateaux de part et d'autre du quai. Puis, d'un coup, tous les bateaux disparaissent. Une immense vague se forme derrière nous. Je ne la vois pas mais je la sens. J'accélère. Des vagues s'abattent sur le pont de bois. Je ne sais pas comment il fait pour ne pas lâcher. Unster se retourne avant de me hurler :
« Attention ! »
Des débris propulsés par l'eau filent à côté de nous et l'un de se plante dans mon épaule. La mélodie s'affole. Je me déplace avec peine de gauche à droite pour ne pas me reprendre de morceau de bois ou pire, que mon ami soit blessé. Je m'en voudrais trop... Des caisses et des filets tendus me bloquent le passage et il me faut bien sauter au dessus. Enfin, la musique s'adoucit et le temps également. De nouvelles fleures argentées et dorées éclosent aux bords du ponton. Unster fourre sa tête dans mes cheveux. Je vois finalement le bout du pont de bois et fais descendre mon ami de mon dos. Nous regardons la mer scintillante et, avant même que je ne le prenne dans mes bras, je pars du pays des rêves.
J'ouvre les yeux et me redresse. Mon ami est toujours à côté de moi. Je le regarde dormir en souriant, il est si mignon et semble si innocent comme ça... Je ris en pensant que c'est totalement faux, il est loin d'être innocent... Je vois ses paupières papillonner et deux orbes d'un bleu profond me fixer. Il se redresse sur ses coudes et, sans prévenir, m'embrasse. Sa main glisse dans mes cheveux et ses doigts s'emmêlent dans mes mèches. Il s'écarte au bout de quelques secondes et me sourit. Je reste bloqué un moment sans rien faire à part le regarder, ahuri. Il rit. Un rire qui me fait fondre. Je plaque tendrement, doucement mes lèvres aux siennes une fois que je me suis repris. Il répond au baiser. Finalement, nous passons la journée ensemble. Et toutes les suivantes. Je ne suis retourné chez moi que pour aller chercher quelques affaires. Nous restons tout le temps ensemble. Et je m'endors près de lui. Mais, évidemment, vient le jour fatidique, celui de son opération. Je dors mal, sur le fauteuil à côté de lui. Il va se faire opérer le lendemain. Et puis, je me mets encore à rêver...
Cette fois-ci, je ne cours pas. Je suis simplement à côté de lui, sur une plage. Nous regardons derrière nous : il y a une végétation luxuriante. Unster me serre contre lui. Nous reportons nos regards sur le bleu scintillant de la mer. Je me sens si bien, là, contre lui, devant ce paysage idyllique. Je ferme les yeux avant de ne sentir que le vide autour de moi. J'essaye de les rouvrir mais je ne peux pas, comme si mes paupières sont fixées. Enfin, j'y parviens. Mais je ne tombe que sur du vide. Du noir. Rien. Et je me sens seul, si seul. Désespéré, je crie, je hurle. Je l'appelle. Il n'est plus là. Mais où est-il bon sang ?! Je m'agite. Je sombre dans une folie solitaire. Et puis...
Je me réveille, en sueur, le souffle saccadé et le cœur battant la chamade. Il n'est plus là, dans le lit. Je regarde l'heure : neuf heures. Il est sûrement dans le bloc opératoire à cette heure-ci. Je soupire de soulagement mais reste malgré tout inquiet. Et s'il ne s'en sort pas ? Un frisson me parcourt, je ne préfère pas y penser. J'attends. J'attends longuement. Enfin, il revient. Il me revient, endormi. Je veille sur son sommeil alors jusqu'à ce que ses yeux s'ouvrent. Je lui souris. Il me sourit.
« C'est fini ?
-Oui. »
Nous nous embrassons, soulagé et heureux.
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Sam 26 Mar - 22:07
