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Et si la CHM s'était passée autrement ?

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M.S.
Petit Sadique
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Sam 4 Avr - 14:13
M.S.
Chapitre 9, jour 12, partie 1: L'ombre s'étant

              Zelvac tremblait. Il marchait encore dans le noir et le froid, encore... Il lui semblait que jamais son errance ne prendrait jamais fin. Il ne cherchait même plus à retrouver Croustinette. Il avait abandonné. Maintenant, il ne voulait plus que sortir de cette grotte. Retourner à la base, croiser Siphano, peu lui importait, il voulait juste sortir. Il n'avait plus de courage, la faim et la fatigue l'avaient entièrement rongé. Il n'en pouvait plus. Il fallait que cela cesse, qu'il meurt s'il fallait mourir ! Dans le sommeil de la mort, il pourrait enfin se reposer. Mais qu'on arrête de le garder en vie comme cela, entre la vie et la mort. Le corps déjà raide comme celui d'un cadavre, usé par l'effort comme il l'est par la putréfaction, l'esprit alourdi, pesant de fatigue, entre sommeil et évanouissement, prisonnier de la terre comme d'un cercueil que l'on aurait scellé sur sa vie. Il s'embourbait dans une somnolence dont il pourrait ne pas se réveiller. La fatigue était telle qu'il lui semblait couler dans l'inconscience jusqu'au coma.
              Mais il était encore vivant et son corps continuait de marcher. Faiblement, il avançait. A chaque pas, il s'étonnait que le sol ne se dérobe pas sous son pied et qu'il ne tombe pas pour ne plus jamais se relever. Il était rongé de faim et de fatigue, mais pourtant il continuait à avancer. Il n'avait plus de but autre que de sortir de cet abyme. Qu'est ce qui le faisait tenir encore debout ? Rien, si ce n'était cette petite illusion, qui brillait comme la flamme tremblante d'une bougie dans la nuit. Fine, fragile, basculant au moindre souffle de vent, mais pourtant, bien là, persistante et lumineuse : cette étoile scintillant dans l'ombre, c'était un espoir que Zelvac nourrissait, un espoir qui le faisait marcher contre tout, un espoir qui le menait vers l'avant. Un jour cette galerie sans fin qu'il suivait le mènerait à la surface, alors le jour illuminerait l'obscurité, et il verrait le soleil, le ciel bleu d'azur,  gigantesque au-dessus de sa tête, l'air frais sifflerait à ses oreilles, il réentendrait le vent. Les abîmes de pierre seraient loin derrière lui. Voilà pourquoi Zelvac continuait à avancer, un pas après l'autre, une souffrance après l'autre, combattant l'obscurité. Il avait cet espoir en lui, cette petite lumière, qui le menait vers la grande du jour.
              Mais plus il avançait plus cet espoir s’amenuisait. Il se dissolvait dans l'effort à fournir. Dans son cœur, la flamme brillait, mais les ombres grandissaient tout autour et se tendaient vers elle, prêtes à l'avaler comme les ténèbres et la fatigue avalaient Zelvac. Dans les ténèbres rien ne semblait changer et ses efforts lui paraissaient encore plus vains. Il y croyait de moins en moins et finissait par souhaiter la fin de son supplice. Il n'en pouvait plus. Rester ainsi entre vie et mort… Qu'il vive ou qu'il meurt, mais qu'il ne soit plus dans cet état intermédiaire, incertain, où il attendait sans fin un basculement qui ne venait pas. Il fallait que cela cesse. Il avait faim. Il avait froid. Il était fatigué. Il n'avait pas dormi depuis maintenant trois jours. Son esprit était engourdi, à moitié assommé, à peine conscient. Il avançait pour sortir de ces grottes sans se soucier jusqu'où cela pourrait le mener. Il n'avait plus de conscience pour penser. Il ne cherchait plus Aypierre ou Croustinette, il n'en avait plus la force. Son espoir avait fondu, comme dissous dans cette humidité des grottes qui le glaçait. Intimement il avait perdu la conviction qu'ils étaient encore en vie. Le désespoir, la résignation s'étaient édifiés dans son cœur et il avait renoncé à les combattre. Il n'en avait plus le courage ni la force. Trois jours sans dormir… Il avançait dans la galerie comme un corps sans vie. Ses pieds traînaient dans l'eau. Son épaule cassée lui faisait mal.
              Il sentait peser au-dessus de sa tête les masses de roc dont le poids l’écrasait. Il se sentait étouffer. La vie lui semblait bien lointaine, il était le plongeur qui voit la surface bien loin au-dessus de lui et qui sait qu'il ne lui reste plus assez d'air pour l'atteindre, qui sais qu'il ne reverra plus jamais le monde d'en-haut. Happé par l'eau froide et noire, il ne peut plus remonter, prisonnier de l'océan et de ses ténèbres, Zelvac non plus ne pouvait pas remonter. Il allait mourir là. Il le savait et à vrai dire s'en fichait à présent. Tout lui était égal. Il voulait juste dormir.

***


              Siph' était dans la pièce principale, sur le canapé, à l'attendre. La grande horloge d'Aypierre continuait à battre la mesure. Son balancier pendulait de droite à gauche dans un continuel aller-retour. L'aiguille des secondes sautait à chaque voyage et produisait ce son grave de métal qui s’entrechoque. Il attendait. Il n'avait rien d'autre à faire que de regarder le mouvement uniforme de la pendule et de l'écouter battre, une à une, les secondes que le temps volait à la vie. Rien, il n'y avait que ce bruit qui troublait le silence, ce bruit froid, mécanique, dur. Il s'était assit, las de marcher, las de tourner en rond. Plus il regardait la pièce autour de lui, plus il se sentait opprimé. Ces quatre murs le serraient. Le plafond de pierre lui pesait sur la conscience. La masse de la roche qui l'entourait l’écrasait. Il en sentait le silence, figé, gelé et il lui semblait que ses mains gelées entraient en lui et lui serraient le cœur. Il était la seul flamme de vie perceptible dans le calme mort qui l'agressait des ses élans froids. Il frissonnait et serrait son corps transi. Mais il savait que ce n'était pas la pièce qui le pétrifiait, mais l’absence de vie, trou béant qui respirait la mort. Il attendait leur retour, celui de Zelvac avant tout. Mais plus le temps passait plus l'espoir fuyait. La solitude la rongeait et dans ses oreilles ne cessait de sonner les coups de l’horloge. Raide, inhumaine, elle continuait de ronger sa vie, de ronger celles de ses amis, et bien que son constructeur ne soit sûrement plus de ce monde, elle continuait, insensiblement, la tâche pour laquelle il l'avait programmée. Elle continuait éternellement ainsi, bien qu'il n'y ait plus aucune oreille pour entendre ses terribles coups, plus une vie pour subir le temps qu'elle comptait. Les aiguilles feraient le tour du cadran, recommenceraient sans cesse à décrire le cercle des heures et le monde pourrait bien être mort qu'elle ne s’arrêterait pas.
              Tout était immobile, figé, mort. Seule la pendule battait, mais tel le cœur de mécanique de ce monstre de pierre dans lequel il était forcé d'attendre, elle n'inspirait pas à la vie. Elle lui rappelait que chaque instant qui passait le rapprochait un peu plus du terme. Il se prit la tête entre les mains. Il fallait attendre, assis sur ce canapé, que le temps face son œuvre. Il ne pouvait rien faire. Il savait que tout bougeait, quelque part, sous ses pieds. Dans les profondeurs de la terre, se jouait son destin, celui de ses amis. Plutôt que de souffrir la torture qu'était pour lui l'inactivité, il aurait risqué sa vie et ainsi aurait pu construire son destin et non le subir. Là il ne pouvait rien et serait forcé d’accepter les événements qui se passeraient sans avoir pu y participer, sans avoir pu intervenir et en modifier le cours. Il n'était même plus un pion de la CHM. Son rôle passif rabaissait son être  et son intelligence à la condition animale. Comme eux, il ne faisait que subir le sort décidé par autrui. Il ne pouvait prendre aucune initiative.
              Il ferma les yeux. Il ne voulait plus voir cette pièce vide. Il ne voulait plus avoir sous les yeux toute la solitude de son être, parmi les fantômes du passé ; les siens et ceux des anciens habitants du bunker qui semblaient en être sortis pour ne plus y revenir. Tout autour de lui lui rappelait la vie qui avait habité les lieux, les trois êtres qui y avaient vécu, mais cela ne faisait que rendre leur absence encore plus cuisante et sa solitude plus mortelle.
              Il bouillait d'inquiétude. Attendre. Il devait attendre. Le temps lui semblait éternel et chaque seconde prenait des proportions d'immortalité. Tout restait immobile et dans cette négation de mouvement et donc de la vie, c'était le temps qui lui même se niait et s'annulait. Cessant de passer et de couler, il s’arrêtait. L'instant se pétrifiait et Siph' y était prisonnier. L'attente ne prendrait donc jamais fin ? Fallait-t-il qu'il reste ainsi jusqu'à que le temps lui-même vieillisse et disparaisse ? Il n'en pouvait plus. Rester ainsi, passif, à voir chaque seconde se répéter pareille à celle qu'elle suivait, dans un continuel recommencement dont le terme n'arriverait jamais et ne pourrait jamais arriver... C'était insupportable pour lui. Il se sentait sur le point d'exploser. L'attente, incertaine, où l'on sait que tout se passe sans que l'on sache quoi et sans que l'on puisse y changer quelque chose, était à cet instant le pire des démons qui le torturait. Il avait peur pour ceux dont il ne pouvait que prier de les revoir un jour. L'angoisse lui rongeait le sang. Il aurait voulu courir à leur rencontre. Le feu qui palpitait dans ses veines le poussait à se lancer à leur recherche. Il brûlait d'aller les retrouver, d'entrer en action. Mais il ne le pouvait pas. Il ne devait pas sortir du bunker. La porte ne pouvait s’ouvrir que de l’intérieur et s'il sortait, il n'y aurait plus moyen d'y rentrer. Telle était sa tâche : attendre, pour leur ouvrir s'ils revenaient. Il ne pouvait pas partir à leur recherche et bien que le désir qu'il en avait le brûla, il ne pouvait le faire.
              La solitude et l'inaction laissaient un vide immense dans l'esprit de Siph' dans lequel s’engouffrait toutes ses noires idées. Ses pensées inoccupées papillonnaient entre la peur qu'il avait pour ceux descendus dans les mines et les fantômes qui le hantaient. Son cœur qui se serrait sous la pression de l'inquiétude, se brisait sous celle du deuil. Xef. Brioche. Ses amis avalés par l’orage, par la rivière, par ses fautes. Pouvait-il vraiment vivre après cela ? Ils étaient morts et lui vivait. Quand est-ce que la situation avait viré à cette absurdité ? Pourquoi les choses s’étaient-elles agencées ainsi ? Le basculement qui s’était produit ce soir-là, au bord de cette rivière depuis quand couvait il ? Xef lui avait pourtant bien dit de venir au bunker, ensemble et non pas de s’obstiner dans cette voie dont l’issue n’avait été que la mort. Pourtant il s’était obstiné, il avait continué à suivre son chemin sans s’apercevoir que celui-ci ne le menait qu’à la perte. Mais il s’était éloigné de la route principale depuis bien longtemps, et il constatait maintenant où cela l’avait mené. Quand est-ce qu’il avait commencé à s’égarer, à dévier ? Quand est-ce que son premier pas vers la décadence avait été franchit ? Le tournant de sa vie et le drame qui l’avait conclu n’en étaient pas le commencement mais l’aboutissement. La dégénérescence avait mené à cette catastrophe, mais elle trouvait sa source dans le passé. Longtemps elle avait couvé, caché au fond de son être, ne faisant surface que par instants, tels les dangereux courants sous-marins qui ne signalent pas leur présence par des vagues, mais dont les remouds sont perceptibles pour un œil aguerri, qui de temps en temps troublent la surface. Sa vie avait commencé à aller de travers lorsqu’il s’était volontairement défait de ses amis, lorsqu’il avait commencé à les négliger, à se poser en supérieur à eux et non plus comme leur égal. Cela avait commencé bien avant la CHM. Elle n’en était pas le déclencheur, elle n’avait fait qu’accélérer les choses. Le processus était en marche en lui depuis bien longtemps. Il s’était manifesté avec la CHM, mais existait en lui bien avant son commencement.
              Son premiers tord avait été de dissoudre la Coopteam. Il avait de lui-même, délibérément défait le groupe. Il avait été à l’origine de la destruction du groupe. C’était son initiative. Il avait repoussé Frigiel, Léo et Zelvac, Pourquoi ? Par orgueil, parce qu’il voulait être le seul maître, le plus fort, et qu’il refusait la concurrence des autres. Par vanité en abusant du choix qu’il pouvait faire. Il avait eu un pouvoir sur eux, il l’avait utilisé, uniquement pour le montrer. Tout était de sa faute. Ensuite, sûr de sa domination, il avait commencé à grignoter les libertés des ses amis, à leur imposer sa vision des choses. Était-il devenu un tyran ? Était-ce allé jusqu'à ce point ? Il aurait voulu se convaincre que non, qu'il avait su se contrôler. Pourtant il savait que ses actions n’avaient pas été aussi glorieuses qu’il aurait aimé qu’elles soient. Il se souvenait très bien d’avoir frappé Brioche parce que celui-ci refusait de lui obéir. Il refusait de quitter une maison vide pour aller dans la nuit pleine de monstres… Il avait eu raison de s’opposer à Siphano, mais, par fierté, celui-ci avait refusé de l'entendre, et, pour renforcer son pouvoir, il avait maté cette petite révolte en le frappant et en lui imposant son choix absurde. Et puis ce n'était pas tout, ce n'était pas le pire. Plus tard, il avait commis l'irréparable. Xef l'avait pourtant prévenu, Xef avait tenté de la sauver, de les sauver. Il avait contesté sa décision, il l'avait incité à se rendre au bunker. Il avait raison et si Siphano l'avait écouté alors... alors ils seraient encore en vie. Pourquoi s'était-il obstiné contre la volonté de son ami ? Parce qu'il était ignoble. Il avait cru que c'était de la prudence, c'était juste de la cupidité. Il n'avait pas voulu se retrouver face à Aypierre, face à quelqu'un de plus fort que lui et qui prendrait sa place de leader. Il avait voulu garder le petit pouvoir malsain, usurpé qu'il avait sur ses amis plutôt que de les faire survivre. Il n'avait été qu'un petit homme borné, assoiffé de pouvoir. Il avait été si stupide, Aypierre n'était pas le danger. Il avait été grand, lui. Il avait su s'offrir aux autres. Il n'avait pas abusé du pouvoir qu'il avait pourtant dans sa nature même. Il aurait très bien pu utiliser sa supériorité, mais il n'en avait rien fait et s'était placé comme l'égal de tous. Il avait fini par se sacrifier. Il avait été tellement plus noble que lui... Siph' s'en rendait bien compte à présent et ne s’en trouvait que plus insupportable. Il se vomissait lui même. Il était si détestable. Il les avait menés à leur perte. Il était coupable. Il était leur assassin. Contres ses joues dégoulinaient des larmes. Il était trop tard et pleurer ne lui servait à rien. S’excuser, porter leur deuil et tous les remords du monde ne les feraient pas revenir. C’était trop tard. Ses larmes amères étaient brûlantes. Comme il aurait voulu leur parler, juste une fois, maintenant qu’il était revenu de cette folie qui l’avait pris… Mais rien n’y ferait, ils étaient partis pour ne plus revenir.
              Et puis il resongeait à Zelvac qu'il avait abandonné, qu'il avait trahi par simple plaisir de faire sentir la domination qu'il avait eue à cet instant sur lui et les autres membres de la Coopteam. Zelvac qu'il attendait à présent, Zelvac dont la vie était en jeu dans les ténèbres des souterrains. Zelvac qui ne lui pardonnerait jamais et qui avait horriblement raison. Siph' aurait voulu se convaincre du contraire mais il ne pouvait déjà pas se le pardonner à lui-même, comment pouvait-il le demander de quelqu'un qui en avait souffert énormément et seulement par sa faute. Mais maintenant comment pouvait-il vivre sans ce pardon alors qu'il était déjà assailli des remords de ses actions passées ? Il ne valait rien, pourquoi ne pas se tuer ? Plus personne ne l'aimait, plus personne ne l'attendait où que ce soit, ci ce n'est en enfer.
              Le bruit de la pendule continuait et ils ne rentraient toujours pas. Siph' souffrait de leur absence comme un martyr sur sa roue. Il ne pouvait plus la supporter et ne pouvait plus se supporter. Dans sa tête se déchaînaient ses regrets. Il se blâmait de tout son être. Il se détestait. Et aux tourments s'ajoutait un autre maux. Sur le côté de son visage, la blessure semblait flamber. La douleur était forte, continue, comme si la plaie, sans cesse, se faisait dissoudre par un acide piquant. Le feu de l'infection le rongeait sous la peau. Il aurait dû s'en occuper, mais inconsciemment il s'y refusait. C'était le souvenir laissé par le meurtre de Thaek et de Harry. C'était sa punition. Pour toute l'horreur qu'il avait commise et le plaisir malsain qu'il y avait pris parfois, il l'avait mérité. Il l’acceptait et donc ne faisait rien pour atténuer la douleur. Il payait. Cette souffrance était la marque dans sa chair qui venait maintenant à lui comme un rappel de ses crimes passés. Il se doutait, sans réellement le savoir que s'il ne faisait rien, elle pouvait le tuer, mais peut-être, tout au fond de lui, espérait-il cela. Il n'avait plus envie de vivre. Il continuait à endurer l’existence parce que personne n'avait eu la générosité de la lui enlever. Il vivait par omission de mort. Mais se tuer était prendre une initiative dont il n'avait plus la force. Il se laissait donc faire par les événements, devenant ce que ceux-ci voulaient, acceptant le sort qu'ils lui réservaient.
              Mais cette douleur physique s'ajoutait à celles morales qui lui encombraient l'esprit. Ensembles, elles essayaient sa conscience fatiguée et c'était un véritable enfer qui brûlait dans sa tête et son crâne, tel le ventre de pierre d'une fournaise, refermait tout ce feu en lui, feu qui ne demandait qu'à exploser. La nervosité bouillait dans son sang, l'infection lui rongeait les nerfs et les remords lui emplissaient les poumons d'un air étouffant, irrespirable. Il allait craquer. Il allait finir par faire sortir tous ces démons qui se déchiraient lui. Il aurait voulu hurler, déverser sa douleur, ses regrets, ses peurs comme l'on crève un abcès, mais cette souffrance était trop grosse et restait coincée dans sa gorge, lui opprimant la respiration et lui tordant les entrailles.
              Non ! Il fallait se calmer ! Se calmer. Ne plus penser à rien. Attendre. Attendre l'esprit vide car se tracasser était inutile. Faire circuler l'air dans sa tête, laver les tourbillons de ses pensées. L'inquiétude qui jouait sur ses nerfs ne servait à rien, si ce n'est de lui faire souffrir encore plus sa passivité. Se ronger les sangs ne les aiderait en rien et ne rendait que l'attente déjà interminable encore plus longue. Il devait se calmer. Lentement, il prit de longues inspirations. Contemplant l'écran noir de ses paupières, il tentait de ralentir les battements de ce cœur qui bondissait dans sa poitrine, d'adoucir sa respiration qui ressemblait à un halètement, et ne plus écouter la pendule horrible.

              Dans ses oreilles, il n’entendait que le bruit de la pendule. Tout était mortellement tranquille. L’air était aussi immobile que la pièce. Il inspirait, expirait, en gardant les yeux clos et la tête entre les mains. Il entendait toujours la pendule d’Aypierre. Non, il ne devait pas y penser. Aypierre ; Croustinette, Zelvac, ils se trouvaient très loin sous terre, en dessous de ses pieds et lui, Siph, ne pouvait rien pour eux, si ce n’était de les attendre passivement. Dans la nuit que ses yeux clos faisaient peser sur lui, il tâchait d’oublier ce bruit mécanique qui lui inquiétait l’esprit comme la mouche tracasse le cheval. Il forçait sa respiration à être lente. Un instant tout oublier. Tout. Et le tic-tac de la pendule continuait ; rien ne bougeait. Il se concentrait. Le vide lui emplit la tête. Dans l’air tranquille, il lui sembla qu’il se troublait et qu'un léger vent frais passait contre sa peau, le faisant frissonner. Comme si une porte avait été ouverte, quelque part. Mais il n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour savoir qu’aucune porte ne s’était ouverte. Il n’y avait personne à part lui. Il était seul et ce frôlement de l’air dans ses cheveux n’était que le produit de son imagination. Le souffle joua dans ses cheveux et ses mèches dansaient en lui touchant la nuque par instant. Siph’ gardait la tête entre les mains et les yeux clos. Sur sa peau, la petite brise passa comme une caresse. Il se contracta un peu sans savoir pourquoi, se repliant sur lui même comme pour se défendre. Contre sa nuque, le souffle semblait se mouvoir en respiration. Il aurait juré sentir la présence de quelqu’un dans son dos. Mais il n’y avait personne ; il ne pouvait en être autrement. Sa solitude était complète. Il commençait à se sentir de plus en plus mal à l'aise, comme sous le regard de quelqu’un. Tous ses sens indistinctement frémissaient et troublaient sa conscience. Il avait l’impression qu’on l’observait. On ? Qui ? Personne. Ce n’était que le silence et l’immobilité du lieu qui ne demandait qu'à être peuplé de fantômes par son esprit fou. Seule son imagination lui jouait des tours. Pour faire face à la solitude de son être, elle lui inventait une présence qui jamais n'existerait ailleurs que dans son esprit. Il était le constructeur de ces sensations. Pauvre fou... Qu'était-il devenu ? A quelle profondeur était-il tombé pour devoir compléter le vide avec des illusions, des spectres de vent et de nuages aussi insaisissables qu'inexistants.

              Il sentit son sang se glacer dans ses veines, tout son corps se figer et un long frissonnement circuler sous sa peau quand la main le toucha. Il resta un instant comme pétrifié. Il sentait le contact des doigts contre son cou. Le contact, il le sentait, mais ce n’était pas possible, il n’avait laissé personne entrer. La main, d’une façon presque langoureuse, de la racine des cheveux descendit lentement vers le col de son vêtement, lui caressant le cou et l’épaule, et s’arrêtant sur le haut de sa poitrine. Siph rouvrit les yeux et se redressa lentement. Il sentait cette main contre son cou, cette main qui ne devait pas être là, cette main qui n’aurait jamais du exister ! La main glissa et se décolla de sa peau. Le contact direct disparut, mais la peau de Siph’ restait brûlante là où elle était passée. Il la sentait encore bien qu’elle se soit enfuie. La personne se tenait derrière lui. Droite, sa grande ombre s'étendait sous ses yeux. Elle se pencha sur lui sans le toucher, mais il sentait très nettement sa respiration contre sa peau, le poids de son regard, mais aussi l’odeur qui émanait de cet homme, odeur qu’il connaissait. Il savait qui était derrière lui, mais comment cela était-il possible ? Il n'arrivait pas à y croire. Fou, il était devenu réellement fou. L'autre était mort. Il l’avait vu mourir de ses yeux. Ses hurlements sur la plage résonnaient encore à ses oreilles. Siph' le revoyait se faire emporter par le courant. La rivière déchaînée l’avait arraché de son poteau de torture et les eaux folles l’avaient emporté avec elles. Comment se pouvait-il qu'il soit là, maintenant derrière lui ? A moins que... Non… Non… il ne l'avait pas vu… Il avait tenté d’arracher Brioche le premier aux eaux et quand il s’était retourné pour retrouver Xef, celui-ci avait disparu. Il ne l’avait pas vu se faire emporter par les eaux, il l’avait juste conclu. Alors... était il possible que… ?
              La question resta en point de suspension dans sa conscience. Toujours lentement, comme s’il ne voulait pas causer un geste trop brusque qui romprait le charme, Siph’ se leva et se retourna pour faire face à celui qui se tenait derrière lui. Il était là, séparé de lui par le divan qui formait entre eux comme une montagne, une frontière infranchissable qui les séparait. Siph’ le dévorait des yeux. Il lui semblait plus beau, avec des très plus fins, des yeux encore plus clairs. Sa peau semblait lumineuse et sur son corps ne se voyait aucune trace des supplices qu’il avait subis. Siph’ le contemplait, les lèvres légèrement ouvertes de surprise. Il n’osait pas parler.                                          
              « Xef » le nom était sorti en une respiration, comme un soupir.
              « Vis Siphano, vis. Ne te laisse pas tomber lentement dans la mort. Arrête de l’attendre.
              - Xef
              - Ta mort ne nous apportera rien. C’est fini. L’heure a sonné. Il est temps que tu commences quelque chose de neuf et que tu finisses ce que tu as commencé. Zelvac, Frigiel, Léo ont plus besoin de toi que nous qui ne sommes plus. »
              La douleur éclata dans le cœur de Siph’. Il se sentit mal. Sa tête explosait. Le monde chavirait autour de lui et il se sentait proche de perdre pied. Le vertige montait avec la douleur jusqu’à son cerveau.
              « Vis, Siphano, vis ! 
              - Xef ! Attends ! »
              Il voulu l’attraper, lui prendre le bras et l’attirer à lui pour sentir qu’il était bien réel. Mais Xef se recula hors de portée de son bras tendu. Siph' avait pourtant senti sa main contre sa peau. Il se pencha encore plus vers lui. Tout chavirait et s’écroulait. Il perdit l’équilibre, tomba sur le divan. Son crâne explosait. Il ferma les yeux, se prit la tête entre les mains, tandis que ciel et terre se mélangeaient autour de lui et qu'il avait l'impression d'être au centre d'une toupie folle. Il espérait que le calme de ses paupières closes calmerait la douleur. L’impression de présence s’évanouissait. Il ouvrit les yeux et se leva d’un bond pour tenter de la rattraper. Mais le vertige ne cessait pas et il chancela.
              Quand le sol se stabilisa sous ses pieds et la douleur dans son crâne s’atténua, c’était fini. Xef était parti. Alors, telle une pierre, il se laissa tomber sur le canapé. Le bruit de la pendule revenait à ses oreilles. Tout était tranquille à nouveau. Le son mécanique retentissait comme avant dans le silence et avec lui la douleur qui le faisait souffrir à l’oreille. Quelle illusion cela avait été ? Avait-il rêvé ? Devenait-il fou ? Son esprit était-il si blessé qu’il faisait ressusciter les morts ? Où Xef avait-il … Sur sa peau le contact de la main persistait, dans ses cheveux le souffle de sa respiration, dans ses narines l’odeur de l’homme, et contre lui sa présence. Se paroles raisonnaient encore dans ses oreilles dans l’air tranquille avec le bruit de la pendule. Ses douleurs à l’oreille persistaient. Il était temps qu’il aille voir l’état de la plaie. 

***

              Frigiel marchait. Le vent chaud de la fin de l'été jouait dans ses cheveux. L'herbe sèche crissait sous ses pas. Au-dessus de sa tête, le voile bleu du ciel s’étendait d'un horizon à l'autre. Il était plus pur qu'il ne l'avait jamais été. L'orage de l'avant-veille l'avait entièrement lavé et à présent il ne restait pas le moindre nuage, pas la moindre poussière dans l'atmosphère. C'était un beau jour, mais Frigiel ne le voyait même pas. Froid, il avançait, perdu dans ses pensées. On aurait dit qu'une barrière invisible le séparait de la nature avec laquelle il avait toujours été en harmonie. Il était là, noir, au milieu de la chaleur et des couleurs d'automne. Ce cadre qui jusqu'alors avait toujours été en accord avec lui lui était maintenant totalement étranger. C'était d'un œil cynique, maintenant, qu'il le contemplait en se demandant bien comment il avait pu se laisser tromper par ces mensonges. Car oui, tout ceci, cette nature rousse, ce beau mois d'octobre où l'été s'est attardé, tout ceci n'était que mensonges, illusions qui l'avaient ébloui de leurs couleurs vives. Il les regardait maintenant avec dégoût car il savait. Il savait que cette belle nature ne serait jamais qu'un voile de couleur cachant derrière lui le vrai monde, le vrai monde noir.
              Les grillons chantaient dans les herbes sèches. Cette nature l'avait trahi. Elle lui avait menti en lui cachant la véritable nature du monde. Leur dialogue était impossible à présent car Frigiel savait. Il savait que tout n'était qu'illusion et que le vrai monde, celui dans lequel il vivait n'était que corruption. La nature avait tenté de le lui cacher mais cela n'avait rendu le désabusement que plus brutal encore. Il était conscient pour pouvoir la contempler, pour pouvoir rêver.

              Frigiel continuait de marcher. L'amertume lui emplissait l’esprit. Loin au dessus de sa tête passa un vol d'oies sauvages. Elles transperçaient de leurs grands corps le puits de lumière qu'était le ciel. Elles volaient bien haut dans l'azur, commençant leur migration. Elles allaient vers les terres chaudes. Le vent les portait vers l'avant, vers cet horizon qu'aucune brume ne troublait. Il n'y avait pas le moindre nuage et le ciel illuminait la terre. Pourtant dans ce monde éclatant vivait un tache noir qui levait les yeux sur lui, en voyait la beauté mais ne pouvait faire un avec elle comme il le faisait autrefois. Il était distant. Il n'appartenait pas à ce monde. Il le contemplait mais rien ne pouvait l'en rapprocher. Il en était exclu. Le mur invisible qui l'en avait séparé physiquement était devenu psychique. Il avait dormi près de cette falaise, hier, après avoir contemplé le coucher de soleil et la nuit tombant sur la mer, et puis le lendemain, à l'aube, il était parti. Il marchait ainsi depuis lors mais n'arrivait pas à s'extraire de cette vision de l'oiseau fendant le ciel rayonnant/doré et se heurtant au mur qui le retenait prisonnier. Le mur, il ne le voyait plus, il ne pouvait pas le voir, mais il le sentait tout autour de lui, l’enfermement de toute part, le serrant, lui collant à la peau, l'entourant sur chaque centimètre de son corps. Il était là tous autour de lui, lisse et sans faille, surnaturel et pourtant si concret. Ce mur se trouvait entre lui et la nature. Aucune communion n'était plus possible car il faisait barrière. Frigiel se trouvait isolé dans sa boule de glace, seul dans sa prison.
              Le mur pesait sur la conscience de Frigiel et l’écrasait de tout son poids symbolique. Ce n'était pas le fait de ne pas pouvoir aller où il voulait qui rendait toute chose si amère mais le simple fait de sentir ses libertés réduites, tronquées par autrui. C'était comme si on lui arrachait une partie de lui-même. Peu lui importait de ne plus avoir la possibilité ne marcher jusqu'à l'infini, car de toute manière, il n'aurait pas voulu le faire ; ce qui rendait ce mur horrible, c'est qu’on lui interdise. Il se fichait éperdument d'aller au-delà de l’horizon que ce mur lui interdisait ; il n'en avait pas envie de toute manière. Mais le fait que quelqu'un d’extérieur à lui-même le lui interdise rendait la chose intolérable. Ce n'était pas la fonction du mur qui le gênait, mais la part qu'il rognait sur ses libertés, sur lui-même. Plus que le fait de ne plus pouvoir faire quelque chose, s'était sentir le pouvoir de quelqu'un d'autre sur lui qui lui rendait tout ignoble. Ce maître du jeu le forçait, par le biais du mur, à retourner à son monde de meurtre et d'inter-destruction, lui faisant accomplir ce retour contre sa volonté, il faisait sentir le pouvoir complet qu'il avait sur lui et qui était une torture pour lui. Il ne pouvait pas s'abstraire à cette force qui le dominait. Il ne pouvait plus rien voir qui lui semble beau car cette présence le séparait de tout, l'encrant dans sa condition soumise où il ne pouvait qu'obéir. En lui volant sa liberté, on lui volait tout. L'homme est défini par le fait d'être libre et de pouvoir entreprendre des actes qui le construiront lui-même en même temps que son avenir. Mais si ces actes lui sont imposés, il ne devient que le bœuf tirant la charrette, la bête qui fait sans pensée, sans intelligence, sans liberté. Comme elle, sa vie en devient mécanique, dirigée, sans volonté propre car obéissant bêtement à une volonté extérieure et imposée. Ce mur lui faisait perdre tout ce qu'il avait d'humain, car il le forçait à suivre la volonté d'autrui, et c'est bien à contrecœur qu'il remontait la rivière le dirigeant vers le centre de la CHM. Il sentait ce rabaissement et l'humiliation que cela représentait.
              Trop noir, trop déprimé, il regardait tout d'un œil distant et cynique. Il avançait pourtant. Il fallait bien aller quelque-part. Mais pourquoi faire ? Il n'avait aucune envie de retrouver les autres qui s'entre-dévoraient comme des chacals. Ils étaient devenus des bêtes, tous et lui y comprit. Que faire maintenant ? Où aller ? Il n'avait pas pu rester sur les bords de la falaise, si près du mur. Il lui avait fallu bouger mais cela ne changeait pas grand chose à sa situation, le mur était toujours là, dans son dos. A présent, il en avait assez. Il voulait s’arrêter. Il descendrait jusqu'à la rivière qu'il longeait et là il s’installerait n’en bougerait plus.

***

              Ectalite s’arrêta dans sa tâche. Il entendait, dans le silence des grottes, de petits cris aigus, comme des lamentations. Quelque chose gémissait non loin de lui. Il était seul dans ces couloirs humides depuis si longtemps que les appels de cette créature en détresse lui semblaient surnaturels. Alors, lentement, il remonta jusqu’à leur source et finit par trouver, à même le sol de pierre de la grotte, un petit paquet de tissus qui gigotait. Il le ramassa précautionneusement, piqué de curiosité sur ce qu’il pouvait bien contenir, et il commença à défaire les nœuds dans lesquels la petite créature s’était emmêlée en se débattant. Tandis qu’Ectalite sentait sous ses doigts les efforts désespérés de la chose vivante qu’il tenait dans ses mains, il reconnu la nature de l’étoffe qui l’enveloppait. C’était du gros feutre gris : la capuche du sweat gris de Bboy. Ectalite sentit son cœur se serrer.  Ses mains tremblaient légèrement maintenant et après mille précautions, il défit le baluchon. Il y trouva d'abord une petite tige de canne à sucre taillée en pointe, contenant encore un peu de lait, et, tout au fond de la capuche, dans une espèce de petit nid de tissus, une chauve-souris. Elle couina quand Ectalite la prit entre ses mains. Son corps était recouvert d'un fin pelage brun, doux sous les doigts du jeune homme qui la regardait comme s'il avait trouvé un trésor. Cette petite chose avait été la protégée de Bboy. Son aile était cassée. Le garçon l'avait ramassée et aidée. Il l'avait nourrie comme le prouvait la canne à sucre et le lait qu'elle contenait. Il s'était soigneusement occupé d'elle, la logeant bien au chaud, et puis avant de mourir, il avait dû l’abandonner pour ne pas l'emporter avec lui dans la mort. Toute cette œuvre de gentillesse pure, d'amour sans attente de retour, Ectalite le sentait entre ses doigts et il en était ému. Bboy lui manquait à cet instant atrocement et le retrouver soudainement dans un acte d'amour qui lui ressemblait tant faisait remonter jusqu'à lui tristesse et regrets. Il sentit les larmes gonfler dans ses yeux. Dans ses mains, sous la forme d’un petit corps au doux pelage brun et chaud de vie, se trouvait son dernier acte, sa dernière volonté : cette petite créature aussi innocente que lui, aussi fragile, devait vivre. Bboy avait été enlevé par la violence du monde, sa protégée ne devait pas subir ce sort elle aussi.
                          Il devait la soigner. Il devait finir ce que la mort avait empêché Bboy d’achever. Il lui mit le bec de la canne à sucre dans la bouche, et, déjà, elle commença à téter. Alors il fouilla dans son sac et en sortit une potion de soins dont il fit couler lentement le contenu dans la gorge du petit animal. Celui-ci buvait goulûment le contenu et Ectalite était satisfait de voir l'aile blessée se reformer. « Tu vas voler petite chose. Tu vas voir : tu vas voler. Tu voleras pour lui, pour celui qui t'a recueillie. Il a bien besoin que quelqu'un vole pour lui, tu sais. Il n'a pas eu de chance. Il était si gentil pourtant, et on a été si méchant avec lui. J'ai été méchant avec lui et je le regrette. Maintenant je m'en vais chercher l'autre qui à été méchant avec lui et lui faire subir le sort qu’il mérite, car il faut qu'il soit vengé pour qu'il puisse à nouveau voler. Il va mourir, le tigre, et toi, petite chauve-souris, petit être de rien-du-tout, voleras à nouveau, tu voleras pour lui, et peut-être, une fois que j'aurais fait cela, tu voleras aussi un peu pour moi ? »
              L'os se ressoudait et Ectalite sourit de satisfaction. La chauve-souris s'accrocha à son doigt. Elle resta un instant suspendue puis prit son envol. Elle battait de l'aile, elle volait avec de petits cris heureux avant de disparaître dans l'obscurité. Ectalite la contempla ; il pleurait doucement de tristesse pour Bboy, de joie pour l'animal qui venait de retrouver liberté et avenir.
              La voir ainsi disparaître dans l’obscurité le ramena brutalement à sa solitude. Il aurait bien aimé qu’elle resta un petit peu. Son départ mettait brutalement fin à cet instant de proximité qu’il avait eu par son biais avec le défunt. C’était comme si cette parenthèse où Bboy avait resurgit dans toute sa générosité s’était refermée et qu’Ectalite revenait alors à l’histoire de sa vie de ténèbres et de crimes. Après l’éclat de lumière qu’avait été Bboy resurgi via le petit animal, la noirceur de son être et sa souillure n'en étaient que plus visibles et leur réalité plus horrible. Son départ le ramenait à sa solitude, à sa vie, si noire, si terrible à coté de la candeur de Bboy, et  son avenir lui semblait être une masse gluante où remuaient tous les vices que l'homme avait inventés dans sa folie, masse gluante qu'il devait pénétrer car sa tâche exigeait le meurtre, il avait une vengeance à accomplir. Il était celui qui devait la faire car il était à l'origine des malheurs de Bboy et car il était déjà si sale qu'ajouter un méfait à sa longue liste était insignifiant. Il était déjà corrompu. Il était déjà maculé de sang alors celui d'un crime de plus ne changerait pas la donne pour lui. Il était trop tard pour le rattraper. Il était devenu les ténèbres des folies humaines. Il faisait depuis trop longtemps corps avec le crime.
              Mais, bien que sachant la laideur de ses actes, il ne regrettait aucune de ses actions. Il avait toujours suivit une seule règle, celle de la logique. Il l'avait suivie avec une constance remarquable, jamais il ne s'en était détourné. Son seul but avait été son intérêt personnel et il l'avait suivi dans les moindres petites exigences. Lorsque celui-ci avait exigé que celui d'un autre soit éborgné, il n'avait pas hésité, se faisant passer en prioritaire sur quiconque, sacrifiant tout du moment que cela lui était profitable. Certains auraient traité cette conduite d'égoïste, il le savait, mais ce mot était bien injuste. L'altruisme, la politesse n'était que de l'hypocrisie. Chacun ne s'occupait que de son propre intérêt et une action soit disant généreuse cachait toujours un but égoïste. C'était un investissement, l'on aidait quand cela ne coûtait pas trop cher, mais en espérant, et dans ce seul objectif, que cette personne s'en souviendrait et rendrait la pareille lorsque le besoin s'en ferait ressentir. Tout n'était qu'individualisme car on fond de soi, tout homme est seul avec ses désirs et ses besoins. Certains cachent cela par des arabesques de courtoisie qui ne sont que mensonge, et appellent ingrats ceux qui ne se cachent pas comme eux. Mais il n'y a  pas d'ingratitude, juste de la logique au service d'un intérêt unique. C'était la voix de la nature. La survie du plus fort, du plus habile, qui mange les autres, était le fondement de tout, de l'humain dans son essence même y comprit. Il ne servait à rien d'essayer par fausseté et politesse d'aller en sens inverse. Qui veillerait à son intérêt s'il ne le faisait pas lui-même ? Cela faisait partie de sa liberté. Il était libre de tout faire, qu'importe le mal encouru par autrui, car autrui avait aussi cette liberté de lui faire du mal quand cela lui était profitable. C'était simple. La seule règle était que le plus fort gagne. Il avait droit à toutes les méthodes pour le faire, c'était le fondement de sa liberté. Il n'y avait aucun péché là-dessous, aucun mal à vouloir sa réussite. De toute manière le mal est ce que l'homme défini comme tel et il change selon les cultures. En soi-même, il n'existe pas. C'était une invention pure, il est donc absurde de se conformer à une quelconque idée de bien car lui non plus n’existe pas.
              Cela étant, il ne regrettait aucune de ses actions. Il avait tué Léo car cela lui permettait d'éliminer un concurrent potentiel. Il avait chassé Frigiel de la team pour qu'il se fasse tuer par un autre groupe et finalement, voyant que rien ne se faisait, il avait tenté de le faire lui-même. Non, tout cela était logique. Il n'y avait aucune raison de s'en vouloir. Seulement deux petits faits troublaient sa conscience si tranquille pourtant. Il aurait bien aimé que Bboy ait vécu plus longtemps et surtout plus heureux qu'il avait du l'être. Il savait qu'il avait souffert à ses cotés et par sa faute et il aurait aimé revenir dans le temps pour changer son comportement et faire en sorte que les derniers jours de son … de son... ami ? Camarade ? - il ne savait pas que penser et quels mots étaient appropriés – soient les plus paisibles possibles. Était-ce cela, les remords ? Il reconnaissait avoir était ignoble avec Bboy qui lui avait pourtant laissé tant de chances de se racheter avant de mourir et oui, il le regrettait. C'était un sentiment nouveau qu'il ne s'expliquait pas. Un sentiment qui dépassait sa logique et qui en était incompréhensible pour lui. Il trouvait cela absurde. Ce qui était fait était fait et il ne servait à rien d'y repenser ou de s'émouvoir. Seulement il ne pouvait nier la véracité de ce qui lui serrait le cœur et de la force que cela avait sur lui. Qu'est-ce qui l'avait changé ainsi, de manière si inattendue que lui-même n'avait pas remarqué que son raisonnement habituel s'effritait pour être remplacé par un autre qui lui était étranger.
              Il savait ce qui était la cause de se retournement. Frigiel, qu'il avait poursuivi et traqué pour le tuer, l'avait épargné et soigné contre les principes fondamentaux de la logique d'Ectalite. Ce geste lui avait interdit de continuer à agir comme il l'avait toujours fait ; plus qu'avoir provoquer le changement, cela l'avait forcé à changer, contre sa volonté même. Mais pourtant Ectalite ne regrettait pas sa méchanceté à l'égard de Frigiel qui malgré tout restait source de mépris pour lui. Il n'avait pas abandonné sa manière de réfléchir, mais la combinait avec quelque chose d'autre, quelque chose qui ne venait pas de lui-même mais qui s'était intégré à lui, et sans lequel il ne pouvait plus penser.
              De toute manière, il allait mourir, il ne pouvait même pas se faire l'ombre d'une illusion tant son sort était scellé. La fin de ces deux semaines serait aussi la sienne. C’était étrange de savoir, si précisément à l'avance le terme de sa vie. La mort est le dernier événement d'un long court. Dès la naissance, l'on se rapproche d'elle sans jamais réellement savoir lorsqu'elle va surgir. Lui pourtant le savait. Il n'éprouvait ni peur, ni angoisse à cette idée. Cela ne servait à rien. Se torturer l'esprit ne changerait en rien le cours des choses et lui gâcherait ses dernières heures. Il s'étonnait lui-même de la distance qu'il prenait par rapport à cela. Il se serait cru tourmenté. Malgré l'impossible changement, il se serait quand même épuisé dans une révolte inutile. Mais la réalité était bien loin de cela, il n'éprouvait ni colère, ni sentiment d'injustice ou de frustration, ni quoi que se soit. Il était, c'était tout. Il se sentait vivant et l'esprit vif dans un corps sain, l'un collant à l'autre au point de se confondre en une seule et même entité indissociable : lui. Et maintenant que sa vie allait prendre fin, il pouvait par la force de sa conscience revenir sur elle sans peur de tirer de conséquence hâtive que le futur dénierait, car il n'y avait plus de futur. Il ne restait que deux jours, le temps d'un week-end.

              Alors il se redressa. Dans sa main, il lui restait le flacon presque vide. Il le regarda pendant un moment. Quelque chose le dérangeait sans qu'il ne comprenne quoi. Et puis il comprit. D'horreur, il laissa tomber le récipient de verre qui se brisa au sol. Qu'avait-il fait ?! Épouvanté, il regarda le liquide couler doucement sur la pente naturelle de la grotte. La chauve-souris... Il lui avait fait boire une potion de soin, oui, mais pas que. Le liquide qui s'infiltrait à présent dans le sol, Ectalite le reconnaissait, c'était le mélange de poison et de soin qu'il avait fait pour empoisonner les poulets à la CHM ! Il avait sauvé la chauve-souris de Bboy certes, mais il l'avait avant tout souillée ! Elle portait maintenant en elle le poison et le porterait à jamais. Elle, autrefois petite bête inoffensive, était devenue dangereuse. Une seule morsure, qu'elle soit profonde où juste superficielle, dès que sa salive entrerait en contact avec le sang, le poison se propagerait et autant il était inoffensif pour les animaux, autant il était pathogène pour l'homme. Il venait d’en faire une arme, un danger qui potentiellement pourrait causer la mort. Alors que Bboy avait voulu la mener à la vie, lui en avait fait un objet de tuerie !
              Un goût d'encre se répandait dans sa bouche. Il se dégoûtait lui même. Il avait réussit à salir la dernier trace laissée par Bboy. Il n'était bon qu'à tuer, rien d'autre. Le monde de Bboy était trop pur, voilà pourquoi il n'avait pas pu survivre. Il avait été tué par la noirceur du monde. Quant à lui, Ectalite, il faisait corps avec cette noirceur. Il faisait partie d'elle, il ne pouvait pas atteindre ce monde où était parti, celui qu'il espérait pouvoir appeler son ami. Il devait rester avec l'ombre, dans son milieu. Il était les ténèbres qui l’entouraient au point de ne même plus pouvoir faire le bien. Trop sale pour cela, trop noir... Il retourna, consterné, à sa tâche. Tuer, puisque c'était la seule chose qu'il savait faire, tuer celui qui lui avait arraché le reste de pureté qu'il avait, tuer celui qui lui avait arraché Bboy.

***
              Frigiel se figea. Il sentit une longue sueur froide lui dégouliner dans le dos. Il le voyait flotter en bas, soumis aux aléas de la rivière comme les troncs d'arbre qui l'entouraient. Il avait été, comme eux, emporté dans la tempête d'il y à deux jours. De loin, il ne reconnaissait pas qui cela avait été, le cadavre était sur le dos. Sa tête trempait dans les eaux brunes, seuls ses cheveux étaient visibles à la surface et ceux-ci s'étaient chargés de plantes et d'algues lors de la longue descente du corps dans la rivière.
              Sans hésiter, Frigiel courut au bas de la berge et se précipita dans l'eau. Il était hors de question qu'il laisse ce mort, qu’il avait forcément dû connaître de son vivant, partir ainsi vers la mer et servir de pâture pour toutes les monstruosités aquatiques.
              Il n'y avait pas de plage à cet endroit-là, le terre côtoyait directement l'eau et sur la rive s'était accumulé tout ce que la tempête avait emporté avec elle et que le courant avait charrié jusqu'ici. Frigiel se fraya un passage parmi les branchages cassés et les feuilles qui commençaient à croupir. La rivière en elle-même n'était pas plus accueillante. Elle était gonflée d'eau au point de sortir de son lit. Elle avait repris son cour pacifique mais dans ses eaux continuaient de flotter des branches dont les ramures émergeaient tels le squelette d'une main et au bout desquelles pendaient misérablement trois feuilles pourries aussi brunes que l'eau qui les portait.
              Frigiel pénétra dans l'eau. Son pied s’enfonça de quinze centimètres dans la vase. Quand il l'arracha, le limon lui donna l'horrible impression d'être une sangsue gluante et informe qui l’aspirait par les pieds. A chaque pas qu'il faisait, ses pieds soulevaient un nuage boue qui remontait à la surface en formant de grandes taches brunes et verdâtres très représentatives de la couche visqueuse qui s'était déposée sous l'eau.
              Frigiel pataugea jusqu'à ce qu'il y ait assez d'eau pour nager. Après un crawl rapide, il attrapa le corps et commença à le tirer hors de l’eau. Leurs vêtements à tous les deux collaient à leurs corps et étaient imprégnés de vase et de boue. Des brindilles s'étaient insérées entre les mailles du tissu et des feuilles restaient plaquées sur eux. C'est après l'avoir hissé sur la berge qu'il le regarda réellement. La première chose que remarqua Frigiel fut les liens qui entravaient les poignets du corps. La personne était morte attachée. Frigiel les coupa avec dégoût. Il ne savait pas qui était l'assassin et ne le jugeait pas, mais il éprouvait une profonde révulsion en pensant à la manière dont l'acte avait été commis. La victime n'avait même pas pu lutter. Elle avait regardé sa mort s’approcher sans pouvoir rien faire et son corps avait été abandonné ou jeté dans la rivière. Ce meurtre n'avait pas été commis par légitime défense, c'était clairement un assassinat visé et prémédité. Après l'avoir accompli, l'auteur du crime n'avait même pas rangé ce qui restait de son œuvre et était parti sans même défaire les liens, sans offrir une sépulture à sa victime alors qu'il avait dû la connaître avant la CHM. Il l'avait laissé pourrir au soleil et elle avait fini emportée par la tempête de l'avant-veille.
              Frigiel retourna le cadavre pour voir qui cela avait été et ne pu retenir le frémissement qui le parcourut de la tête au pied. Involontairement, il eut un mouvement de recul. Non, il ne pouvait pas savoir qui cela avait été. Ce n'était plus un cadavre qu'il avait entre les mains, mais une véritable charogne humaine ! Toute la peau des bras avait été arrachée. Il ne restait du muscle que des fibres tenues sur un os. Les tendons de la main pliaient les doigts faméliques dont les derniers morceaux de chair pendaient. Un os avait été ouvert et l'on pouvait voir son intérieur creux que la moelle, en fondant, avait laissé vide et dans lequel l'eau de la rivière avait accumulé la boue qu'elle tractait. Les os des épaules étaient blancs, comme s'ils avaient été polis après que l'on eut arraché la chair. Dans leurs renfoncements restaient à peine quelques filaments de muscles qui reliaient encore le squelette. Le cou décharné était tendu comme celui d'un vieillard. Les ligaments avaient été nettoyés de toute chair, ce qui lui donnait un air famélique. On devinait les côtes sous la maigre épaisseur de peau qui y restait. Mais elles semblaient flotter dans le vide. Les organes qu'elles étaient censé protéger avaient dû pourrir, fermenter dans l'eau et se rétracter. En diminuant de volume sous l'effet de la putréfaction, il avait laissé vide l'espace qu'ils étaient censé occuper, si bien que les côtes flottaient au-dessus d'un creux en putréfaction. Le ventre lui-même était incroyablement creusé. Il s'était aplati lorsque les organes qu’il contenait s’étaient également mis à pourrir. Un entaille lui cillait le flan sur le côté et c'était comme si la poche formée par la peau autour des côtes et du ventre avait été crevée. Par cette ouverture dégoulinait les entrailles en un flot nauséabond et visqueux. Elles s'entortillaient comme de gros serpents lovés les uns contre les autres. L'un d'entre eux était percé et l'on voyait dedans grouiller les formes gluantes de vers qui avait commencé à attaquer la charogne. Le visage était dans le même état que le corps : émacié, transi. Toute la joue avait disparue, laissant voir les dents et les pommettes osseuses du crâne. Les yeux semblaient s'être enfoncés dans la tête faisant ressortir le contour de leurs orbites. Des cheveux, il ne restait plus que quelques mèches éparses. De nombreuses coupures ou fractures étaient visibles sur tout le corps. Il avait été torturé. Ces blessures étaient clairement le résultat de gestes humains et non le désagrégement naturel du corps. Elles étaient précises. Elles étaient visées et avaient été faites pour faire souffrir sans tuer. Le coup au ventre avait clairement été fait par une arme tranchante.
              Un tel cadavre, Frigiel n'en n'avait encore jamais vu. En un instant, il avait le résumé de tout ce qui s'était passé depuis le début de la CHM. Cette personne, il la connaissait, peut-être même que cela avait été l'un de ses amis ; elle avait été tuée d’une manière on ne peut plus sauvage par quelqu'un qui la connaissait, peut-être qui avait été l'un de ses amis. C'était un rappel brutal à la réalité, à sa réalité, car ce monde qu’il avait tenté de quitter était le sien et quoi qu'il fasse, cela le resterait. Ce cadavre était l'incarnation de ce qu'il avait tenté de fuir : un bain de souffrance, un bain de sang. Maintenant qu'il était trop tard, que tout était fini, que l'action avait été consumée, il revenait et constatait les dégâts. Tout cela s'était passé sans lui. Il n'y avait pas pris part. Il n'était en cela coupable d'aucun meurtre. Il n'avait fait souffrir personne, mais était-il pourtant pur ? Il n'avait rien fait de mal, mais il n'avait rien fait de bien non plus. En laissant les vengeances se consumer, il en devenait complice et le sang qui tachait les mains du meurtrier l'avait aussi éclaboussé car il n'avait rien fait contre. Laisser quelqu'un se noyer revient à le tuer. Il avait laissé ses amis se noyer dans le folie de la CHM.
              Qui cela avait été, Frigiel ne pouvait pas le savoir et il s'en moquait. Il devait faire ce qui aurait dû être fait.

***

              Ses moustaches frémissaient dans la tranquillité de l'air. Il en percevait chaque mouvement. La moindre petit agitation, la moindre petite respiration et il en sentirait le souffle d’air. Rien ne pouvait lui échapper. Il suivait la piste qui le mènerait à sa nouvelle proie. Plus elle tentait de fuir, plus elle lui envoyait des signes révélant sa position, car chacun de ses mouvements était des vibrations dans l'air qui la trahissait. Mais pour l'instant, elle ne se doutait de rien. Elle ne devait pas encore savoir qu'il était sur ses traces. Il huma l'air de sa langue. Il n'y avait pas cette impression de peur révélant la panique naissant chez la proie qui découvre qu'elle est traqué. Elle finissait toujours, malgré la médiocrité de ses sens, par le savoir, par sentir cette présence qui s'approchait. Mais le plus souvent, il était trop tard. Elle tentait de lui échappait, mais elle savait elle même que ses efforts étaient vains, qu'il l'attraperait et que se serait fini. Mais avant elle s’affolait. Elle se mettait suer son angoisse par tous les pores de sa peau et l'air s’emplissait d'effluves de crainte et de panique qui remontaient à lui. Bboy, quand il s'était rendu compte qu'il était suivi, avait empoisonné  l'air des grottes de sa peur. Son angoisse avait tout contaminé. C'était devenu insupportable. Il avait tenté de fuir, mais courir n'avait fait que rapprocher le danger et l'achever avait été d'un horrible facilité. Son coup avait craqué entre ses dents comme celui d'un poulet que l'on tord et qui produit un son sec avant que le corps tombe comme une masse inerte. Les os avaient cédé aussi facilement qu'une branche sèche. L'homme était tombé et il l'avait traîné au sol, les crocs plantés dans la gorge, jusqu'au centre de son territoires. Avec la goût du sang chaud contre la langue, il avait tiré le corps contre la rocaille des grottes où il avait laissé une longue trace rouge. Maintenant, il s'était lassé de son ancienne proie. Le chair était trop vielle. Elle était morte il y avait trop longtemps. Il avait besoin de qu'elle que chose de plus vivant, qu'elle que chose qu'il aurait tuer sur le moment. Une nouvelle chair fraîche où planter ses canines.
              Il s'approchait à présent de sa proie. Tous ses sens s'existaient et ses instincts de prédateur se réveillaient dans son ventre. Tapis dans l'obscurité, faisant presque corps avec elle, il chassait. Il sentait ses muscles puissant sous son pelages. Il sentait sa force. Ses griffes étaient sorties et ses pattes prêtes à bondir sur sa proie et lui déchiqueter la nuque. Ses épaules roulaient. Il était le maître unique et incontesté de ce territoire. Il avançait à pas tranquille. Il suivait l'odeur humaine. L'homme avait dérapé ici, s'était rattraper là, s'écorchant légèrement la main contre la roche. Son odeur s'était imprégnée sur chaque pierre qu'il avait touché, y laissant une marque indélébile. Elle flottait même dons l'air. Cette ignoble parfum entrait dans les narines du tigre, le menant à sa proie. C'était un fils rouge qu'il suffisait de remontait, une trace que l'homme laissait par tous après lui. Il ne pouvait pas lui échappait. Ses sens ne trompaient pas et l'homme ne lui échapperait pas, où qu'il allait, il laisserait cette trace après lui.
               Marchant à pas de velours sur les coussins qui sont sous ses pâtes, il se rapprochait sans bruit. Ses muscles roulaient sous son pelage. Ses moustaches frémissait dans l'air et son museaux humide palpitait tandis que la trace devenait de plus en plus forte. Ses yeux pressait l'obscurité. Il le sentait, désespéré, tous près. Dans un instant, il serait sur lui. Il sentait la vie battre et ses moustaches frémissaient, son poiles se gonflait, son museau palpitait et sa langue happait l'air. Il percevait tous. La fatigue qui rongée sa proie, la tension qui l'épuisait et surtout le désespoir qui allait le servir au prédateur sur un plateau d'argent. Il était trop faible. Il n’opposerait aucune résistance.
              Bientôt plus que de le sentir, il l'entendait. Il marchait à pas lourd comme s'il n'avait même plus la force de se porter lui même. Pour ses oreilles si sensible, l'homme faisait un vacarme indescriptible. Cet être était une erreur de la nature. Il était ridicule nue, avec sa peau rose et fine qui ne le protégeait ni des coups, ni du tranchant des griffes, ses jambes faibles avec les quelles il ne pouvait ni grimper, ni courir, ni sauter, ses sens imprécis : des yeux qui ne voient pas quand il fait trop sombre, qui ne voient quand tous est trop lumineux, ses oreilles qui n'entende même pas le vacarme qu'il fait lui même, ses narines sans odorat et tous ses sens qui lui manquer, avec les quels il aurait dû sentir la présence du danger si proche. L'homme n'était rien si ce n'est une proie de choix, faite pour être chassé par les prédateurs que la nature avait mit en haut de la chaîne alimentaire.

Cette première partie est très récapitulatif. On reprends les choses où on les avait laissé. La mort d'Aypierre, puis celle de Skillnez et de Croustinette et la folie de Potaro qui concluait le chapitre précédent ont été une grande suite d'action qui a éclipsé un instant les autres personnages. On les a oublié un instant pendant qu'il se passait tant de chose, il était bon pour cette première partie que je vous rafraîchisse la mémoire et que je commence à construire le suspense pour la suite. Il ne se passe pas rien dans cette partie, il se passe ce qui va justifiée les événements qui vont se passer plus tard... Le miracle, ou la catastrophe qui arrive prends naissance dans ce chapitre.
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Raikya l'Alchimiste
Raikya l'Alchimiste
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Sam 11 Avr - 14:01
Raikya l'Alchimiste
yoho o/

Bah écoute j'ai pas beaucoup à dire de plus que sur Skype... j'ai beau chercher dans la caboche, rien de bien constructif ne veut en sortir. Tant pis, je vais écrire n'importe quoi et puis voilà Very Happy

Même si c'est un chapitre plus posé, il reste inquiétant et étrange aussi (avec la partie de siphano notamment, on dirait un peu surréaliste). De fait il y a beaucoup de suppositions à faire sur les futures rencontres mais je n'arrive pas à en forumler alors -pouet-

Vraiment, je suis à sec là... désolée ><
a plus :coeur:
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M.S.
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Sam 11 Avr - 15:10
M.S.
Raikya

C'est super que tu prennes la peine de passer, mais déjà la discutions que nous avons eut sur Skype suffisait à éteindre un peu mon inquiétude. C'était tellement gentil, constructif et rassurent que tu n'étais pas obligée de venir aussi ici ! Lundi je remettais pas mal le chapitre en doute, j'accusais le déséquilibre avec les parties pleines d'action qui l'on précédé, et notre discutions m'a vraiment allégé le coeur. Tous ce que tu y disais était super constructif, tous dans ton com était très utile pour moi, au niveau du plan. Donc merci beaucoup, car oui, je trouve que je ne t'ai pas assez remercié pour cela ( et aussi pour ta spontanéité de venir me voir sur skype, c'était une chouette surprise )

Cette partie sert de transition. Elle se veut calme et comme tu le dis, inquiétante, bizarre et un peu surnaturel/fantastique. Donc ce que tu dis est parfaitement vrai et je suis ravie que cela est fonctionné. et je suis aussi ravie que te relèves la partie de Siph car le climat sur naturel qui y rode est un point majeur de ce chapitre. Ce n'est pas ce qui est le plus important pour l'histoire et l'intrigue, ce n'était pas indispensable, mais je considère que littérairement, c'est le point le plus intéressante du chapitre, mais il se développe plus dans la partie suivante.

En tous cas merci beaucoup d'être passée !!

J'ai une petite question pour toi : Est ce que tu aimais le personnage d'Aypierre ? Est ce que tu le préférais comme il était avant la mort de Bill ou plus tot après ? et celui de Shorty ? Bien sur tu as le droit de me dire que ce n'était pas des personnages auquel tu t'es vraiment attaché et que tu t'en fiche.
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Raikya l'Alchimiste
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Lun 13 Avr - 16:10
Raikya l'Alchimiste
Mich...

Mais je t'en prie!!! tu sais que c'est toujours un plaisir de te lire Very Happy

Pour répondre à ta question: Je vois souvent bien plus le rôle d'un personnage dans l'histoire. Aypierre est très intéressant de pleins de points de vues différent au même titre qu'il est ce caractère fort, courageux et intelligent auquel on s'attache très facilement. Je l'aime donc tout autant avant la mort de Bill mais plus encore après car c'est là qu'il prends toute son importance!
Quand à shorty, à vrai dire ... je m'en souviens plus vraiment. Ca fait un moment... je ni aprécie ni n'aprécie pas ce personnage pour tout te dire ^^'

voilà <3
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M.S.
Petit Sadique
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Lun 13 Avr - 16:22
M.S.
Raikya

OK, merci

Bon, cela m'arrange pas mal que tu l'aime bien avant la mort de Bill car c'est plus ce point là que je vais utilisé, quand à Shorty, c'est pas important. Mais je crois que ce que je suis en train de faire pour toi va te plaire, petite sadique, entre nous on s'entends.
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Lielea
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Mar 23 Juin - 10:58
Lielea
Coucou^^
J'y arrive enfin!
Enfin j'ai un peu de temps pour lire....
C'est pour ça que mon com ne sera serment pas super long, je m'en excuse...

Tout d'abord je voulais te dire bravo pour les descriptions... Peut être que c'est du au fait que cela fait un moment que je n'ai plus lu, mais j'ai l'impression que ça fait longtemps qu'on a pas eu autant de belles descriptions dans un chapitre... Frigiel te sert pour ça non? En tout cas pour l'instant je trouve qu'il donne les meilleures visions... Mais peut être que c'est aussi du au fait qu'il est le seul a être dehors... le grottes c'est bien beau, mais tu ne vas quand même pas les devoir une veinaient de vois ^^
bref


Aussi tu as profité du chapitre pour réviser ta philo? J'ai l'impression que tu laisses couler un peu... ce qui n'est pas grave! Au contraire, j'aime beaucoup, ça rajoute de la profondeur a tes personnages...

Tout ça pour dire que j'ai bien aimé cette partie, il y avait juste assez d'action pour qu'on ne s'endorme pas, et il faut bien parfois des chapitres un peu plus posés, pour que tout puisse se mettre en place pour la suite Wink

Désolée pour la longueur du com, j'espère que j'aurai plus de temps plus tard pour le completer et aussi plus d'idées (parce qu'il y a pas mal de choses sur lesquelles je voudrais developper un peu plus^^)
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M.S.
Petit Sadique
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Mar 23 Juin - 18:11
M.S.
Lielea Le retour.

D'abord tu n'as pas à t'excuser de ne pas avoir fait de com super long car de principe faire un com n'est pas obligation donc moi je suis déjà contente si j'en ai un. Je ne te demande pas d'en faire un long, bien sur j'en serais super contente, mais tu n'as pas que cela à faire et cela me fait déjà très plaisir que tu lise. Je n'ai pas avancé dans la suite, donc tu as encore beaucoup de temps, mais si jamais je poste le prochain chapitre avant que tu ai eut le temps de lire le dernier, je préfère que tu ne fasses pas de com mais que tu lises. Ce lis les chapitres que tu as en retard et saute les coms. Ce n'est pas grave, tu reprendras le com quand je sortirais la suite. Et puis tu m'accorde un telle soutiens par Skype. Je n'ai rien à te demander. Merci beaucoup d'être là. C'est moi qui te remercie et non toi qui doit t'excuser. Bien sur tu as des choses à faire IRL et bien sur cela passe avant. Fais tous ce que tu veux, m'écrire un commentaire n'est pas indispensable. Tu reprendras à la sortie de la suite.


Je suis contente que cela te plaise. Bienvenue Back dans le monde de la CHM, Bienvenue dans mon style et mes longues descriptions ^^ Oui en effet cela fait longtemps que l'on n'a pas eut de longues descriptions. Je ne sais pas si tu te souviens ce que qui se passait dans le jour dernier, cela fait longtemps tes souvenirs se sont peut être un peu effacé ^^ ( ne le prends pas mal, je me fous juste un peu de tous le monde de toi y compris, tu le sais) Y a juste Aypierre qui se fait transpercer le cœur dans une sous partie plus longue que le premier jour et puis y a Skillnez et Croustinette qui se font un peu tuer. Donc pas vraiment de quoi faire de belles descriptions si tu vois ce que je veux dire. Remarque les reflets du feu cela flache sur le rouge du sang, mais je ne crois pas que ce soit ce genre de truc que tu appelle jolie description non ?

Ce chapitre est très calme à cause de cela. Il y a eut beaucoup d'action avant donc il n'en parait que plus calme et surtout la grosse l'intrigue que l'on suivait jusqu'à présent viens de se finir. Avant ce chapitre était consacré à l'histoire Aypierre / Skillnez / Potaro. Il y avait leur point de vue bien sur, mais aussi celui de Croustinette qui le cherchait ext... Et cette histoire était l'intrigue que l'on suivait depuis longtemps. Maintenant elle est fini, c'est donc dans ce chapitre que "commence" trois nouvelles intrigues qui la remplace. C'est un nouveau départ d'histoire donc il faut mettre le lecteur dans l'ambiance. il faut lui rappeler les personnages, donc cela veux dire beaucoup de description. La description est ce qui construit l'action et la avec ce chapitre ce que je prépare; c'est l'horreur du jour 13.

je donne beaucoup d'indice sur ce qui se passe ensuite, tu n'es pas obligé de le lire, je parle de Frigiel, Potaro et de la construction de ces deux personnages:

Je suis contente que cette partie t'ai plus. J'ai un peu l'impression d'avoir un peu rater ce que je voulais faire. Déjà je trouve que j'ai trouvé que j'écrivais trop. Que l'intensité du texte se dilue dans la masse des mots. il y en a trop. j'aurais du dire moins, mais avec plus de justesse dans les mots et ensuite j'ai essayé de faire un truc super dur. De créer l'ennuie au point que le lecteur le ressente, mais sans s'ennuyer lui même. C'est ce que Flaubert fait dans madame Bovary et il y a partiellement réussit. Certain passage, le lecteur ressent très bien l'ennuie d'Emma sans s'ennuyer devant le livre, mais à d'autre passage, c'est assez assoupissant. Alors si même Flaubert n'a pas réellement réussit, comme aurais je pu le faire ? Mais cela m'apporte un peu de bome que cela t'ai plus, il y a encore à voir si tu ne te fait pas trop chier dans la seconde partie.

Salut Amuse toi bien ^^
Mich
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