Accepter ce poste de Défense contre les Forces du Mal est la pire idée que j'ai jamais eu. Je m'en rend compte un fois dans le Poudlard Express.
Au début ça n'allait déjà pas fort. La simple idée que Sirius, ce traître, ai vendu James et Lily me retourne l'estomac mais qu'il se soit échappé de sa prison ! J'en suis malade rien que d'y penser. Même le chocolat perd son goût que j'apprécie tant. Quand Dumbledore m'a dit que Sirius voudrait sûrement venir à Poudlard pour chercher Harry, je me suis mis en tête que je devais protéger le fils de mon meilleur ami. Le protéger contre l'amour de ma vie. Hilarant. Je me souviens avoir détesté ce gamin car il avait survécu alors que mes amis étaient morts. C'était égoïste, je sais.
J'ai détesté Sirius. Oh oui je l'ai détesté plus que je n'ai jamais détesté personne. Il a croupit a Azkaban pendant toutes ces années. Peter est mort lui aussi, il n'est resté de lui qu'un doigt mais chaque année, chacune de ses longues années où j'étais seul contre tout le monde, je suis venu sur la tombe des Potter. Toutes ces années, j'y ai mit trois roses blanches.
C'est ce à quoi je repense dans le train. Aux Potter, à Harry qui entre dans sa troisième année à Poudlard et à Sirius qui a laissé un trou énorme dans ma vie ou plutôt ma vie dans un trou énorme. Lui, qui s'est barré de mon monde avec un baiser d'au revoir ce jour funeste.
Le cœur lourd, je suis monté jusqu'à la tour d'astronomie. Je me suis attardé sur les détails de mon enfance. Des murs que je ne connais que trop bien. Ma maison. Mon repère. Notre repère. L'odeur du vieux château. L'euphorie des souvenirs. Je nous revois courants a travers le château pourchassés par Rusard. Je nous revois nous écrouler dans la salle sur demande. Je nous revois rigoler sur la pelouse du château. Je nous revois dans la Cabane Hurlante. Ensemble. Je laisse mes doigts courir sur ses endroits qui ont fait de moi qui je suis. J'entends nos rires, nos pleurs, nos cris. J'entends mon cœur se briser. Dans notre dortoir, a faire des jeux stupides. James draguant lourdement Lily, Sirius me draguant lourdement et Peter, mangeant. Sirius. Mon Sirius. Je revois ses longs cheveux noirs, ses yeux rieurs, son corps pâle dans mon lit. Je revois notre amour de jeunesse. Que sommes nous devenus ?
D'un geste rageur, je frappe le mur le plus proche. Le sang coule le long de mon poignet, caressant mes cicatrices. Je réitère mon coup de poing dans ce pauvre mur. Pour les Maraudeurs. Pour ceux qu'on était. Pour ceux qu'on aurait dû rester. Pour ceux qui sont morts. Pour les traîtres. Encore et encore. Pour ma maladie. Pour James. Pour Peter. Pour Lily. Pour l'Ordre du Phœnix et ses idéaux. Ce qu'on était cons ! Envoyer des enfants a la guerre. A peine majeurs. Le mur est recouvert de sang. Pour quoi sont ils morts ? Un gouvernement même pas capable de garder Sirius Black dans sa cellule. Mon Sirius.
Je crie. Je crie mon désespoir. Je crie ma douleur. Je crie ma peine. Je crie la mort de James et Lily. La mort de Peter. Je crie l'incarcération de Sirius. Je crie que je les aimes. Je nous revois, il y'a des années, perchés au balcon de cette même tour d'astronomie, criants a la cour du château et au monde que nous étions éternels et que nous ne mourront jamais.
Alors je hurle mes Maraudeurs. Dans la nuit, je hurle ma souffrance. Je me déchaîne. Je passe mes mains dans mes cheveux bruns. Sur mon visage. Mon début de moustache. Mes cicatrices. Mon costume étriqué. Je hurle notre enfance perdue.
"Professeur Lupin, nous vous attendons pour le banquet."
La voix de McGonagall me sort de ma torpeur. Je me tourne vers elle, a l'entrée de la tour d'astronomie et son expression change quand elle voit les larmes qui roulent sur mes joues.
"Oh Remus."
Elle se précipite vers moi et me prends dans ses bras. Ma voix se brise et je m'écroule.
"Je ne peux pas... Je ne peux pas Professeur... Ça fait trop mal... Je n'y arrive pas..."
Elle me caresse le dos et me chuchote de quoi me rassurer.
"Ils me manquent tellement Professeur..."
"A moi aussi Monsieur Lupin, a moi aussi."
Mon ancienne professeur a bien vieilli mais elle reste tout aussi douce et impliquée avec ses élèves. Elle nettoie le mur plein de sang d'un coup de baguette magique et se tourne vers mes mains mais je les retire.
"Mes cicatrices font de moi qui je suis, Professeur."
"Bien, Monsieur Lupin. Allons manger."
Bras dessus, bras dessous, nous nous sommes dirigés vers la Grande Salle.
"Vous avez une mine horrible, Professeur Lupin."
"Vous aussi, Professeur McGonagall."
Minnie se tourne vers moi, offusquée et nous éclatons de rire, perdus dans l'ombre de ceux qu'étaient jadis les Maraudeurs, sans savoir que, jusqu'à la toute toute fin, ils ne sont jamais partis.
Until the very end, we never left.