Notre beau Monde...

« Tu peux m’expliquer ce que tu fais ?! »

Mince, Leo ne semble pas très content. Pourvu que les autres ne viennent pas le rejoindre…

« On est dans le château du roi, l’endroit le plus dangereux au monde pour toi, à la recherche de quelque chose qui pourrait te sauver, et qu’est ce que tu fais ? Tu regardes un livre avec des contes pour enfants ! Anira ! Concentre toi un minimum s’il te plait.

-C’est bon ! Calme toi ! »

Il m’embête et si je ne me débarrasse pas rapidement de lui, les autres vont vouloir savoir ce qui se passe, ce qui risque de faire annuler la mission pour laquelle nous sommes là.

« Je me disais que c’était probablement un conte que sa mère racontait à Ombre, et que du coup, dans un livre de fables et fantaisies, je pourrai peut-être le retrouver, non ?

-En regardant des dessins de dragon ? »

Je baisse honteusement la tête. C’est fini, il va aller dire aux autres que c’est une mauvaise idée de rester, puisque je ne m’intéresse pas du tout à ce qu’on fait.

« Qu’y a-t-il ? J’ai l’impression que tu n’as en fait aucune envie d’être ici. Alors que c’est toi qui nous as convaincus de l’importance de la chose. Quelque chose ne va pas ?

-Ce n’est juste pas ma journée. »

Je murmure, tout à coup lasse de me battre. Mon frère soupire, secoue doucement la tête et me redonne le livre qu’il m’avait précédemment enlevé des mains.

« Ne montre juste pas aux autres à quel point tu te fiches de ce qu’on fait… »

Et il disparait derrière un autre rayon de bouquins poussiéreux.

Je respire. Il m’a fait peur ! Je n’avais même pas remarqué que j’avais retenu mon souffle. Je me penche a nouveau vers le dragon. Il est vraiment magnifique. Mes doigts suivent la courbe de son dos puis tournent la page. Du texte d’un coté, une nouvelle image de l’autre. Un grand arbre se situe au centre de la peinture. Il est entouré de trois personnes agenouillées et reliés aux branches par des fils d’argent. Je regarde de plus près, étonnée de la taille que doit avoir le pinceau avec lequel ces traits sont tracés, puisque chaque brin est composé de plusieurs lignes qui s’entremêlent. En faisant une comparaison aux lignes de mes mains ; qui sont plus gros, c’est pour dire ; mon regard tombe sur le visage d’un des gens. Des yeux bien plus gros que la moyenne, d’un violet profond que l’on pourrait confondre avec du bleu, un teint pale, le visage sont plus blanc que le papier, des oreilles se terminant en pointe qui dépassent des boucles noires qui font les cheveux. Mes yeux fixent, incrédules, la page. La personne représentée me ressemble presque parfaitement. Ma vue se trouble, puis je vois que les deux autres aussi ont cette ressemblance frappante. Mais ce ne sont pas les mêmes. Chaque figurant a des traits particuliers, mais tous ont ces points communs. Ceci me fait peur, je n’ai pas envie de savoir ce qui est écrit, la seule chose que j’ai besoin de connaître maintenant est la couleur de mes propres yeux.

Je referme violement le livre et commence à chercher mes amis. Ils doivent me dire la teinte de mon iris car je ne me rappelle pas avoir vu un miroir ici. Je parcours les rangés interminables de bibliothèques, toutes semblables, disposés de la même façon, les romans recouverts de poussière et des toiles d’araignée qui s’étendent entre les livres les plus grands, ceux qui ressortent des étagères. Je ne vois personne, je n’entends plus aucun bruit, il n’y a pas de lumière. Je commence à courir, suis-je seule ici? Y aurait-il eu un signal que je n’aurais pas entendu ? Je commence à paniquer, ma respiration s’accélère. Je ne me souvenais pas que la pièce était si grande, je ne sais plus où je suis, où est la sortie. Si je ne trouve pas quelqu’un bientôt quelqu’un je sens que je vais crier. J’accélère de plus en plus, les rayons volent sur mon coté, il n’y a rien, aucun changement, personne. Puis je fonce dans quelqu’un, je ne sais pas qui c’est, mais le hurlement qui s’est préparé dans ma gorge éclate, et ce n’est que grâce à la réaction rapide de Kaey que ce n’est qu’on son étouffé qui sort derrière sa main ganté. Il me tient, m’entoure de ses bras tandis que mon souffle se calme peu à peu. Je le fixe, la peur est toujours en moi.

« Quelle couleur ont mes yeux ? »

Je chuchote, incapable de faire sortir ma voix avec plus de conviction.

Il me regarde, ne comprenant pas ce que je dis.

« Mes yeux ! Quelle couleur ont-ils ? »

Ma voix est plus forte maintenant, la crainte la remplit.

« Calme toi ! Je regarde. »

Il lève sa lampe, je ne distingue plus rien et j’attends avec angoisse son jugement.

« Je ne suis pas entièrement sur, je n’ai pas assez de lumière pour avoir la certitude, mais je dirais qu’ils sont bleus. Très foncés mais bleus. »

Le soulagement me traverse comme une vague. Mes jambes n’arrivent plus à me tenir mais Ombre me retient de tomber en me serrant à lui. Lorsque j’arrive de nouveau à réfléchir je m’écarte de lui et repousse une mèche qui est tombée devant mon visage. Je rougis, honteuse de ma peur stupide.

« Est ce que ça va ? Pourquoi m’as-tu demandé ça ? 

-Oh, ce n’est rien, juste une illustration de conte qui m’a fait peur…

-Tu lisais des contes ? »

La gaffe. Un mélange d’amusement et d’énervement dans son ton me dit que je n’aurais pas du sortir cette phrase.