[Chapitre 10 : Prague, ville métal] Le contrôleur du temps

Chapitre 10 : Prague, ville métal

Ils avaient poursuivis leur chemin tellement loin qu'il pensait être revenu au point de départ du plus vieux. Pourtant, ils n'avaient même pas parcouru la moitié du globe. Ils avaient depuis un bon moment quitté le paysage aride du désert, vagabondant dans les plaines vertes. Ils passèrent les frontières de la Bohème avec un facilité extrême. Maintenant, ils arrivaient face à sa capitale : Prague. Ils entrèrent dans l'immense ville. Les gens les fixaient, ils les jugeaient d'un simple regard. Siana voulait leur cracher au visage ou les frapper mais, ne voulant pas se faire jeter en prison, elle se contenta de leur lancer des regards noirs. Elle s'avançait toujours aux côtés du plus grand qui voulait simplement traverser la ville. La contourner aurait été trop long. Ils arrivèrent sur une place, l place Staro, où une imposante et magnifique horloge résidait. Dix-sept heure approchait. Les deux jeunes gens restèrent devant la merveille pendant un bon moment. Enfin, dix-sept coups retentirent. Une petite porte s'ouvrit alors, laissant passer de petits personnages qui disparaissaient aussitôt. Ils purent reconnaître le diable, un ange, un vieux monsieur représentant sûrement l'avarice vu le sac d'or auquel il est cramponné, une femme avec un sac de graines jaunes, du colza, la Mort et enfin une jeune fille au visage fin, aux cheveux emmêlés et aux pommettes hautes. Elle devait représenter l'opposé de la Mort, la Vie. Des gouttelettes d'eau tombaient doucement, comme un voile, sur les enfants joyeux qui s'agglutinaient autour. Les ailes d'un dragons enroulé autour de l'horloge palpitèrent et un coq rouge chanta au sommet de l'édifice. Elle était entièrement de cuivre, bronze, argent et d'autres minerais comme du lapis ou du diamant.
« Splendide hein ? »
Les deux amis sursautèrent avant de se tourner vers un homme barbu, grisonnant et fort grand.
« C'est bien dommage que l'horloger, Mikal Kronos, soit devenu aveugle après s'être fait enlever les yeux... Il aurait pu produire bien d'autres merveilles comme celle-ci, mais le prince Rodolphe est avare. »
Les deux bruns se regardèrent. Ils ne comprenaient rien de ce que cette étrange personne disait. Ce dernier les dévisagea en souriant.
« Vous êtes des étrangers, pas vrai ? Moi aussi, je suis ici de passage. Je suis un colporteur. »
Rosgrim trouvait cet homme trop élégant pour son métier. Il tenait sa canne d'un geste ample et gracieux, à la manière d'un noble.
« Mais je m'intéresse aux merveilles de la Bohème, continua l'imposant monsieur. Ici, les roturiers utilisent la magie pour fabriquer des pièces uniques et ne se les échangent qu'entre eux. »
Bien que cela n'intéressait pas les deux plus jeunes, ces derniers écoutaient, fascinés. L'homme finit son récit et les salua d'une main en s'en allant, souriant toujours. Rosgrim et Siana continuèrent leur périple dans la ville. Ils passèrent des rues étroites ensevelies de crasses et de merdes, littéralement. La jeune fille se pinça le nez et évita au maximum d'entrer en contact avec les immondices des ruelles. Ils finirent tout deux par sortir de la ville par une grande porte très fréquentée. Devant eux s'étendait une route de gravier. Les roues des voitures des marchands roulaient bruyamment. Tout le monde parlait fort, quelques uns s’injuriaient. Le barbu et la brune passèrent au milieu de ce vacarme et marchèrent une journée entière avant d'apercevoir une autre ville : Okno. Ils y entrèrent. Elle était si jolie : de la verdure parcourait les allées de pierres, grimpant sur les murs d'allure slave, des enfants couraient partout, joyeux et insouciant, des oiseaux virevoltaient et soudain, la brune cria. Une petite chose était passé à ses pieds, se frottant contre sa peau. Elle avait ressenti du métal froid et lisse contre ses jambes. Elle baissa les yeux pour voir une petite souris mécanique qu'un jeune homme vint prendre dans ses mains le petit animal.
« Roshina ! Ne t'enfuis pas ! Jaspar ne te fera aucun mal ! »
Le garçon se tourna vers les deux autres.
« Désolé que ma souris vous ai importuné. Je suis Josef Stakan et voici Roshina, ma souris de compagnie.
-Enchantée, lui répondit la jeune fille, je suis Siana et...
-Moi c'est Rosgrim, la coupa-t-il.
-Vous êtes nouveau ici ? Demanda Joseph, intrigué.
-Oui, nous sommes de passage.
-Vous venez d'où ?
-De très loin. »
Ces derniers mots firent rire le jeune homme.
« Je vous laisse vous balader dans la ville alors ! Et n'hésitez pas à passer à L'emblème du feu et La Rose des Vents !
-Mmh... D'accord ! »
Les deux amis ne savaient ce qu'étaient ces noms, sûrement des magasins. Ils décidèrent de s'y rendre et, après une longue recherche, trouvèrent enfin La Rose des Vents. Ils entrèrent dans la boutique alors qu'une jeune fille vint vers eux. Elle avait les cheveux emmêlés, une chemise blanche, un pantalon jaune, des chaussures marrons et, ce qui se remarquait le plus était ses iris argentées, inhumaine. Elle appela son père qui vint. Il lui ressemblait fortement : la même couleur d'yeux, le même visage allongé mais, à la différence de la jeune femme, sa carrure était plus carrée et ses pommettes moins saillantes. Rosgrim et Siana contemplèrent autour d'eux. Partout, des boîtes à musique, des animaux mécaniques, des horloges. La boutique était remplie. Le responsable du magasin tendit la main vers eux.
« Bonjour et bienvenu à La Rose des Vents ! Je suis Mikal Kronos et voici ma fille, Pétra. »
Les deux compagnons serrèrent la main qui leur était tendue. L'information mit un moment avant de monter au cerveau du plus vieux. Mikal Kronos ? Le créateur de l'horloge astronomique de la place de la vieille ville de Prague ? Mais... Il a encore ses yeux... Quelle était cette histoire ? Il ne comprenait pas. Peut-être n'était-ce qu'une légende ? Ou c'était un autre Mikal ? Il ne pensait pas. Peut-être les avait-il récupérés ? C'était tordu mais plausible.
« Avez-vous besoin de quelque chose en particulier ? Continua l'homme aux yeux d'argent.
-Non, c'est un certain Joseph Stakan qui nous a dit que nous devrions venir. »
Pétra pouffa avant de nous prendre le bras pour faire le tour du magasin. Elle lança tout de même à son père :
« Retourne jouer avec tes outils, je vais m'occuper d'eux. »
Mikal hocha la tête et reparti dans ce qui devait être son atelier. La fille aux cheveux rebelles nous emmena au fond de la boutique et saisit une boîte à musique décorée de fines nervures semblable à celles d'une feuille. Un travail d'une extrême précision. Elle l'ouvrit. Une musique joyeuse jouée par un flûtiau et deux violons. Rosgrim reconnut La Sauterelle.
« Cette boîte à musique, expliqua la demoiselle, a quelque chose très spécial. »
L'homme au manteau fronça les sourcils. Pétra le lui tendit aprés l'avoir fermée.
« Ouvrez là, vous verrez. »
Le plus vieux s'exécuta. Une mélodie country et western sortit de la boîte. Roundtable Rival.
« La boîte à musique ne joue pas qu'une musique mais une infinité de chansons. Elle joue ce que celui qui l'ouvre à besoin d'entendre. »
Les deux amis ouvrirent de grands yeux d'étonnement et de fascination. Comment un tel objet pouvait exister ?