Cellona - Chapitre Huit (BY.CELLO)

Chapitre Huit

L'audition
JOUR 1 EN DEHORS DE L'HÔPITAL

Cello
 Avec Epona, on a révisé une seule fois ensemble. On ne s'est plus revues depuis l'unique fois où elle est venue me voir. C'est de la folie de penser qu'on arrivera à faire quelque chose de potable. Mais moi, j'y crois. J'ai lu la partition un nombre incalculable de fois, je connais toutes les notes et tous les mots par cœur. Je sais exactement à quel moment du piano il faut que je commence.
 Alors d'où vient cette boule dans mon ventre ? Cette terrible angoisse. Je le sais. Je le sais bien ! Je le sais depuis que j'ai six ans. Au même moment, Epona perdait ses parents. Au même moment, je perdais les miens. Au même moment, nous perdions notre seul espoir. Alors...Il suffit qu'on se l’insuffle l'une à l'autre. Je dois faire ça pour elle. Je dois lui rendre cet espoir que son enfance lui a volé.
 C'est la première fois que je mets la combinaison que mes amies m'ont offerte. Le tissu sent le neuf. Ça me fait du bien de changer de vêtement, à la place de l'horrible robe verte de l'hôpital qui a l'air d'avoir été construite à base de pétrole.
 Nayara vient me voir. Son éternel sourire. Un fauteuil roulant entre les mains.
-J'en reviens pas que tu puisses sortir que maintenant ! s'outre-t-elle. C'est eux qui ont besoin de se faire soigner !
 Je rigole. Je suis trop heureuse de sortir, même quatre petites heures, pour penser à râler contre les médecins. Je me glisse avec difficulté dans le siège et Nayara démarre à toute allure dans les couloirs en imitant le bruit d'une voiture pour me faire rire. J'ai finalement réussi à la dissuader de me faire passer par les escaliers, en avançant qu'il serait dommage de me casser autre chose juste avant l'audition. Epona nous attend devant l'hôpital.
-Eh bien ! Ça fait longtemps qu'on avait pas été réunies, toutes les trois ! remarque-t-elle.
 J'acquiesce en opinant du chef. Elles jouent avec mon fauteuil roulant. Nayara s'amuse à me porter sur son dos. J'aime cet instant mais je me connais trop bien. Je sais déjà qu'il va y avoir un événement pour tout gâcher. C'est tout le temps la même chose.
 Après avoir goûté dans une crêperie, nous nous rendons au conservatoire. S'il y a un mois, j'avais établi une liste des choses qui m'arriveraient dans le futur, je pense que chanter avec Epona au piano devant une foule de gens aurait figuré vers les bons derniers.
 En arrivant au conservatoire, une série de souvenirs resurgissent brusquement : mes pleurs devant Epona, quand on courrait dans les escaliers avec Naya'...

-Tu penses que je pourrai encore courir un jour ?
-Plus tôt que tu ne le penses.
 Naya' me rassure. Naya' a toujours été là pour moi. Naya' a séché toutes mes larmes.
-Tu penses que je pourrai encore courir un jour ?
-Tout dépend de toi.
 Epona dégage de la chaleur humaine. Je me sens bien avec elle. Je sens qu'elle me comprend, parce qu'elle a vécu la même chose que moi.
 Alors...Pourquoi suis-je si confuse ? Ce sentiment, c'est l'amour ? Vraiment ? Je suis amoureuse de deux filles, moi ?

"Écoute ton cœur."

 Il est dix-neuf heures quarante-cinq. L'audition n'a pas encore commencé.
-Tu veux qu'on aille réviser encore, Epona ? je lui propose.
-Non, profite !
 Je n'ose pas lui dire que je profiterais aussi si je l'entendais jouer du piano. J'ai peur. Et si je m'étais trompée quelque part ? Et si j'avais mal retenu mon départ dans la partition ? Et si à un moment je m'étais décalée d'une croche ? Et si à ce moment-là j'avais confondu un soupir avec un demi-soupir ?
-Cello ! m'appelle Nayara. Ils donnent des boissons gratuites aux personnes de l'audition ! Tu me prends un Coca Light ?
-Oh ! je proteste. Je suis pas un free-pass !
 On éclate de rire toutes les deux et je vais en roulant avec mon siège grâce à la force de mes bras lui chercher sa boisson. Je reconnais le petit homme au crâne dégarni qui annonçait les pianistes lors de l'audition en train de parler avec une serveuse. Il interrompt sa discussion pour venir vers moi l'air mécontent. Il est plus petit que moi mais doit se baisser pour me parler car je suis assise.
-Hep, vous, mademoiselle ! m'interpelle-t-il.  Je ne me rappelle pas vous avoir vue dans mon conservatoire avant ! Je peux savoir ce que vous comptez faire de cette boisson ?
 J'ai trop honte. Je ne suis pas en tort, mais je suis tellement gênée que j'agis comme une fautive. Je rougis, je balbutie, je lui dis :
-Je...Je vais chanter...Avec...Heu...
 Quel est son nom déjà ? La fille que je connais depuis un mois ? La fille dont je suis potentiellement amoureuse ? Comment est-ce que j'ai fait pour oublier son nom, bordel ?! Je suis stupide ou quoi ?!
-C'est bien ce que je pensais...
 Espèce de voleuse.
-Vous allez me rendre ça, maintenant.
 Je ne peux pas m'empêcher de...
-Oh, vous n'allez pas pleurer pour essayer de m'attendrir, je ne marche pas comme ça, moi !
 Ha, ha ! Enfin un qui a compris ce que tu es vraiment ! C'est pas trop tôt !
-Rendez-moi ça immédiatement mademoiselle.
 Rah ! Putain ! Vieux con gâteux ! Connard ! Connard ! Je te hais, sale enfoiré ! Si tu savais ce que j'aimerais te voir mort ! Passer de mon fou rire à ça, c'est vraiment l'ascenseur émotionnel. Vieux crétin calvitieux. Je lui rends la bouteille avec toute la honte dont je suis capable. Il me demande de ne plus revenir. J'y compte bien. Je vais m'enfermer dans ma chambre d'hôpital puis je n'ouvrirai à personne, là je serai bien, pas menacée.
-Cello ? Ça ne va pas ? Cello !
 C'est la deuxième fois qu'elle me voit pleurer. Elle s'accroupit pour se mettre à mon niveau. Sur ce siège, j'ai l'impression d'être une petite fille qui vient de se faire gronder. Une petite fille de six ans, dont les parents viennent de mourir.
-Cello, dis quelque chose !
 Je ne peux plus parler. Je ne peux même pas chanter. Je ne peux même plus marcher, alors à quoi ça sert de vivre encore ?
-Epona, pouvez-vous demander à cette fille de partir s'il vous plaît ? Je l'ai empêchée de voler une boisson...Si tout le monde faisait pareil, on ne pourrait plus faire marcher le conservatoire ! Les boissons sont réservées aux musiciens, je pensais avoir été clair !
-Où est Naya' ? je chuchote à Epona.
 C'est toujours Nayara qui m'a tirée de ce genre de situations. Epona ignore ma question.
-Cette fille est une chanteuse. Elle va chanter avec moi, Maestro Trésol.
 Elle lui arrache le Coca des mains.
-Rendez-lui ça.
 Epona tourne les talons et replace la bouteille dans mes mains.
-Nayara te cherche, elle attend toujours sa boisson, sourit-elle.
 Mon cœur bat fort. Mon cœur va vite. Mon cœur a peur. Ce sentiment...
-Attends, je vais te pousser. Je n'aurais pas dû te laisser seule, désolée...
 Ce sentiment...
-Vraiment désolée, répète-elle. Ce mec est complètement parano, je ne l'aimais pas beaucoup, mais là je le déteste carrément...
 Ce sentiment...
-Allez, va. Ce n'est pas grave. Faut profiter. On ne pourrait pas apprécier les moments heureux s'il ne se passait rien de mal. Tout à l'heure, quand on jouera, il sera tellement impressionné, on va lui clouer le bec, à ce vieux crétin !
 Elle est maladroite dans sa manière de me rassurer, mais ça m'en fait d'autant plus plaisir. Je suis bien. Je me sens mieux. Je me sens bien. Nayara ne m'a pas sauvée, quelqu'un d'autre l'a fait. Et ça m'a quand même fait plaisir.

 Je roule à côté du bout de la file où est assise Epona. La salle est grande, tapissée par des sièges en plastiques qui ont l'air inconfortable. Elle est soudain plongée dans le noir, tout le monde se tait. J'ai un peu peur au milieu de tous ces gens, mais je suis à côté des deux personnes que j'aime le plus au monde, alors je me sens bien.
 Aujourd'hui est le jour où je tourne la page.
 Aujourd'hui est le jour où je n'ai plus peur de rien.
 Aujourd'hui, je vais enfin apprécier la vie.

 Le petit homme chauve souhaite la bienvenue au public pour l'audition spéciale rock. Une dizaine de personnes passent avant nous. Ils jouent tous si bien que je n'en stresse que davantage. Epona les reconnaît tous, elle me donne leur âge, le nombre de leurs années d'études, elle est vraiment sur son petit nuage. Comme Epona est la meilleure pianiste du conservatoire, elle est le clou du spectacle. Ce n'est donc qu'à la fin que j'entends enfin :
-Epona River et Cello Rayheart.
 Elle me prend la main en même temps de pousser mon fauteuil et me chuchote :
-C'est ma trente-deuxième audition, je n'ai jamais eu aussi peur. Si je n'ai jamais joué accompagnée, c'est parce que je ne voulais pas laisser de responsabilités à quelqu'un d'autre, mais...Maintenant, j'ai peur que ce soit moi qui fasse tout rater tellement tu chantes bien.
-Tu sais bien qu'on ne peut pas rater, si on le fait ensemble.
 C'est vraiment moi qui ai dit ça ? D'où est-ce que je sors une telle réplique ? Elle sourit et me lâche la main. Elle me fait monter sur la scène grâce à une petite passerelle. Epona me positionne de manière à ce que j'entende le piano le mieux possible. De son côté, elle règle le siège du piano et s'assoit.
-Qu'est-ce que vous allez jouer ? demande le petit homme.
-On va jouer the lost one's weeping, annonce Epona d'une voix forte pour être entendue de tout le public.
 Les gens dans le public ont l'air assez surpris. Sans doute parce qu'Epona va jouer un morceau de rock en tant qu'accompagnatrice avec une fille aux cheveux blancs en fauteuil roulant.
 Epona attend le silence complet avant de commencer. C'est elle qui va ouvrir le morceau. Je commence déjà à avoir peur. Mes jambes en tremblent. C'est donc pour cela que vous vous décidez à bouger ? Pourquoi ne bougez-vous pas comme je l'aimerais ? J'échange un regard avec Epona. Ça y est. Les gens ont enfin arrêté de respirer pour nous écouter. Nous n'entendons plus rien. Alors, en tant que musiciennes, nous pouvons nous élancer dans le vide et commencer à jouer.
 Le jeu d'Epona est rapide. Elle a captivé tout le monde. En quelques secondes, c'est déjà à moi de chanter.

Feel it cutting into me, the doubting painful knife

Feel it deepening the rift, finally hit just right

 J'ai trop peur. Ma voix est toute faiblarde. Les paroles que j'ai apprises pendant une semaine s'envolent. Quelle est la suite ?

Couldn't take the love I had, so weak and burning low

But it grew into a weapon only hurting me, this I know

...is nonfiction

 Je regarde Epona, à ma gauche, illuminée ainsi que moi sous les projecteurs. Elle est concentrée. Elle commence le couplet, martelant les touches. Moi aussi je dois me concentrer. Moi aussi je dois me dépasser. Moi aussi je dois les impressionner.

So good with numbers, science, math I like

But I'm terrible at English so I despise

This part of me that wants a simple "right or wrong"

And I feel that everything I choose will always be false

 Je commence à élever le ton. La chanson nous ressemble. Nous sommes la chanson.

And today

This homework

About me

A blank sheet

Accomplished

Content with

This life I will now live

'Til I think why are we

just sometimes no always

Saying how we're sad and

Saying how we're lonely?

 La colère, la tristesse, je peux enfin tout lâcher. Je vais tout donner dans cette chanson pour ne plus jamais le ressentir. Et là, je vous jure,
 Je pleure.

Can you even read the blackboard written clear as can be?

Can you even read his mind? See that kid's lost fantasy?

Can you even find the one who dyed his red heart to black?

Hey, who could it be?

Hey, someone tell me!

 Epona chante. J'ai failli m'arrêter, de surprise. Sa voix est grave, elle fait les chœurs en voix d'alto.

Can you even solve the question with your abacus yet?

Can you even stop the rope from hanging him by his neck?

Did we really choose it right saying we're okay this way?

Hey, just tell me how

It's not like I care now

 Cette chanson c'est nous. Et je pleure. Je n'avais jamais pleuré que devant Epona, et mes larmes tombent devant tout un public. C'est comme si pendant tout ce temps je n'avais pas vraiment compris le sens des paroles. Comme s'il ne devenait évident que maintenant.

Counting days like numbers, they all pass their prime

And again hypnotically swimming through time

Behind the power and guards I put up

I hide

Knowing they had long died

 Mais à la différence de la chanson...

From problems

My resolve

Just can't solve

That homework

Accomplished

Content with

This life I will now live

'Til I think and he speaks

That demon inside us

Saying "let me just leave"

Saying "someone kill me!"

 ...Je laisse ces sentiments négatifs derrière moi. Je vais vers une nouvelle vie.

Can you even read the blackboard written clear as can be?

Can you even read his mind? See that kid's lost fantasy?

Can you even find the one who dyed his red heart to black?

Hey, who could it be?

Hey, someone tell me!

 Le jeu d'Epona est parfait. Elle martèle les touches et me suit à la vitesse que je prends.

Can you even solve the question with your abacus yet?

Can you even stop the rope from hanging him by his neck?

Did we really choose it right saying we're okay this way?

Hey just tell me how

Hey just tell me how!

 Sa voix ne m'a jamais parue aussi magnifique. C'est comme si elle ne voulait pas me laisser seule. Comme si elle voulait me rappeler qu'elle était tout le temps avec moi.

Can you even say the formula of area now?

Can you even scream the dreams you swore would never go out?

Who was the one who let my hopes just curl up die?

C'est bientôt la fin du morceau. Mes larmes ne se sont pas arrêté une seule fois de rouler.

Hey, who could it be?

No, it's gotta be...

Ma voix diminue pour mieux s'élever.

Just open up your eyes, why don't you grow up and see?

But what the hell is "growing up" and tell me when will I be?

 Je vais grandir ! Je vais regarder le monde en face !

Can a single person out there just explain it to me?

 J'ai l'impression de crier. Mais je chante. Je crie sur l'ancienne Cello, celle qui n'a pas su tourner la page.

Hey, just tell me how

It's not like I care now!

Mes jambes tremblent. Mes jambes ! Bougez ! Là, je le veux vraiment ! Je veux pouvoir bouger, me lever, prendre Epona et Nayara dans mes bras !

 Pourquoi ne bougez-vous pas ?

Les gens applaudissent. Je ne me suis jamais sentie aussi heureuse de toute ma vie. La première fois que j'aime la foule. La foule nous acclame. Nous. La foule nous a vues. La foule est heureuse.
 Grâce à nous.

-Je n'en reviens toujours pas !
 Je rebondis sur les cailloux.
-Tu te rends compte, Cello ? Tu as chanté devant toute une salle !
 Nayara me pousse en direction de l'hôpital.
-C'était incroyable !
-Ouais, c'est clair ! approuve Epona. Tu étais tellement...Magnifique ! On aurait dit que tu resplendissais !
-Toi aussi. Ton jeu était parfait. Merci beaucoup. Je pense que...J'ai vaincu ma peur, grâce à vous, les filles. Je ne vous remercierai jamais assez.
 Elles me prennent dans leur bras. Je n'ai pas réussi à bouger mes jambes. Je pensais...Je pensais vraiment que ça allait marcher.
-Moi aussi, avoue Epona. Je vais te raccompagner dans ta chambre, ce soir. Et à ce moment-là, eh bien...On verra.

 Ses yeux verts traversent ma pupille.
 Ce sentiment...
 C'est l'amour !
 Je suis amoureuse d'Epona !
 Je l'aime !
 Comment ai-je pu faire semblant de ne pas le voir tout ce temps ?
 C'était si évident !
 Epona River, je t'aime !

 Nayara et Epona me raccompagnent jusque dans ma chambre. Je reste quelques instants sur mon siège.
-Au fait, Epona...Tu ne voulais pas me dire quelque chose ?
-Oh, eh bien...
 Elle rougit. Je suis bête ! Peut-être que la présence de Nayara l'importune...
-Oui. En réalité, je t'...

 Une personne avec un masque intégral du crâne en forme de cheval entre dans la pièce avec un pistolet atrocement réaliste nous hurle dessus :
-Mains sur la tête ! Personne ne bouge, et suivez-moi !

Bonjouuur ! IL RESTE PLUS QU'UN CHAPITRE OMG LES GENS C'EST ENORME
Bref xD Mes DST svt-anglais se sont très bien passé, j'ai toujours pas commencé mon bouquin (shame on me) et j'ai une tonne de boulot pour cette semaine que j'ai pas fait mais...BALESTEAK IL RESTE QU'UN CHAP (et ça se dit en S ? D'=)
Juste une petite précision à propos de la musique x) j'ai choisi la chanson parce qu'il y avait du piano, mais sincèrement, j'aurais aimé que la voix soit plus cristalline, et surtout moins gamine, plus mâture et adulte...En tout cas c'est comme ça que j'imagine celle de Cello x) plus dans le style Amalee, ou Kyoumi (bon, c'est pas pareil, mais c'est un mélange quoi xD)
VOILAAAAA j'espère que vous avez ENJOY ce chap parce que c'est bientôt finiiii (bouhouhou) sinon c'est tellement agréable que Cello se soit ENFIN rendu compte qu'elle était amoureuse d'Epo que j'ai carrément fait un gros vide sur la description mentale, j'en suis bien désolée T_T j'avoue que c'est bien un des seuls trucs pour lesquels j'ai du mal à me mettre à sa place x)
Bisous, je vous aime fort, et bonne semaine !! x'33
PS : awi et y a cette fin wtf aussi xD bon courage pour essayer de comprendre xD sinon le mec ressemble à ça http://www.bedetheque.com/media/Couvertures/Couv_194169.jpg (mais en moins badass hein, surtout moins glauque aussi xD)

BY.MANOBLACK FROM THECOMMUNAUTESADIQUE