Les enfants des Dieux - Chapitre 6

Point de vue Nayara :
Je me tapis dans un petit coin sombre du cachot de pierre, dans l’ombre, étourdie par les évènements. Mon esprit a du mal à se faire une idée de la situation. Tout est en désordre, tous les jours que j’ai vécus sont dissimulés derrière une seule pensée, celle de Cello nous trahissant, sans remords, un petit sourire acide sur ses lèvres orange pâle. Les paroles d’Hadès nous annonçant qu’elle nous trahissait de son gré résonnent d’un écho infini dans ma tête.

-Nayara ? m’appelle une voix.

Je reconnais Myorica, sortant de l’ombre au milieu du silence, ses pas, lourds, lents, sur le sol de la vaste cellule grisâtre. Son regard sombre imperceptible balaie mon visage inexpressif. Elle a un petit sourire ironique.

-J’ai essayé de détruire la porte. soupire-t’elle. On ne peut pas utiliser nos pouvoirs.
-Oui j’ai vu.

Oui j’ai vu. C’est même la première chose à laquelle j’ai pensé mais Hadès a bloqué facultés. Hadès…je ne sais plus quoi penser.

-Comment crois-tu que Cello s’est rangée à ce personnage ? dit Myorica en s’asseyant à mes côtés.  
-Je ne sais pas…avec des phrases…des mots…

Elle semble en train de se concentrer. Moi aussi, j’aimerais bien, mais il y a trop de fouillis dans ma tête.

-Il y a autre chose à laquelle je pensais. continue Myorica, imperturbable.
-Ah oui, quoi ?
-Cherry. Elle n’est pas là.

J’ai l’impression que toutes mes neurones viennent de se connecter en même temps. Je me lève, le regard vide.

-S’il vous plaît…dis-je, brisant le silence de l’instant. J’ai un plan pour nous sortir de là.


A travers les barres métalliques de la pièce, nous apercevons la chevelure neige de Cello, qui semble être constamment dans le vent, fouettant l’air avec énergie. Un détail me frappe soudain. Ses yeux sont devenus rouge sang. Je chasse cette pensée de mon esprit, me concentrant sur autre chose. Ses vêtements sont lacérés, comme si elle s’était battue. Crasseux de boue, de sang, et de feuilles mortes. Entre ses mains, elle tient un petit plateau d’argent, où il est posé du pain sec et une cruche d’eau. D’après Epona, son seul pouvoir est celui de parler avec les animaux, alors on est sensés ne rien craindre. Dissimulés dans la pénombre, nous faisons attention à ne pas nous faire voir. Cello sort de sa poche une petite clé couleur argenté, comme le plateau. Elle enfonce délicatement l’objet dans la serrure et un petit déclic se fait entendre. Je fais signe aux autres de ne pas bouger, qu’il n’est pas encore temps. Cello ouvre la porte avec un grincement métallique. J’attends. Encore. Un moment.

-Maintenant ! je crie à la mêlée.

Jereood, Crazy et moi la plaquons au sol en lui sautant dessus et en l’agrippant par les épaules. Je n’ai jamais vu quelqu’un se débattre avec autant de force. Elle se secouait violemment et mordait le premier bras qui venait rencontrer ses lèvres. On a dû pratiquement tous s’y mettre pour qu’elle ne bouge enfin plus.

-Si tu n’étais pas immortelle…dit Crazy entre deux souffles, tu n’aurais pas vécu très longtemps !

Cello la regarde bizarrement, de ses yeux rouges, étranges. Moi, je regarde, attendant une réaction de sa part, mais elle rougit et tourne la tête honteuse. Un frisson me parcourt et je tends mon bras, incrédule. A peine ai-je lâché la main de Cello qu’il s’évapore. Elle, elle ne bouge plus, la joue sur le carrelage rougeâtre et froid. Je rattrape sa main vivement, nerveuse, et le frisson me traverse de nouveau. Je crois que j’ai retrouvé mes pouvoirs.


-Quoi ? s’étonne Lielea.
-Je te jure ! Essaie ! je lui assure pour dissiper sa méfiance.

Elle prend la main de Cello qui a une mine déconfite, et grommelle :

-OK, t’as raison.

Je regarde à présent Cello, avec un sourire fier sur mes lèvres. Elle rougit et pâlit en même temps. J’ai presque pitié pour elle mais me ressaisit en me rappelant qu’elle nous a trahis sans pitié et remords. Ses yeux rouges qu’elle ne cesse de cligner semblent gonflés de sang et elle se fait pleurer peut-être pour arrêter de souffrir. Qu’est-ce qu’il lui arrive ? Soudain, elle pousse un cri strident et ferme ses yeux avec violence, comme si elle faisait un cauchemar. J’ai un mouvement de frayeur face à cet événement inattendu. Il y a un bref silence témoignant de notre stupéfaction et Cello pousse un nouveau cri déchirant. Il s’est arrêté mais continue à résonner dans ma tête. Je vois Epona à côté de moi plaquer ses mains sur ses oreilles et je décide de l’imiter. Le visage de Cello est défiguré par la frayeur et elle crie une troisième fois, comme suppliant quelqu’un.