Bonsoiiiiiir ! ♪
Me voici (Enfin!) avec la suite de mes contes des fées remixés en Yaoi ! DONC ! Après,
"Zer'haillon" et
"L'Azenet au bois dormant", je vous présente mon remix de Raiponse version KiDin !
21 pages et 13'496 mots. J'ai mis du temps à l'écrire. Si vous voulez le lire d'une traite, assurez-vous d'avoir du temps ! x)
Je pense que sera malheureusement le dernier de la série, car ça prend énormément de temps et je commence à me lasser un peu. Mais si un jour j'en ai le courage, je ferai peut-être la petite sirène !(pasdutout)
Sur ce, bonne lecture !
Flo'
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Il était une fois, en haut d’une tour cachée dans la forêt, à la limite de deux royaumes, un jeune homme aux cheveux rouges comme l’érable, à qui l’on avait donné le nom de Bardin. Il vivait là depuis son plus jeune âge, rejeté par son père, le roi de ces terres, un homme belliqueux et froid. Le monarque l’avait fait passer pour mort, les trop nombreuses critiques du peuple et de sa cour à son égard ne lui permettant pas de garder le jeune homme auprès de lui, malgré son très jeune âge. En effet, les habitants du royaume criaient au diable en voyant la chevelure pourpre de Bardin, et ses traits androgynes n’étaient pas pour arranger les choses à la vision que le monde extérieur avait de lui. Les gens le traitaient d’abomination, et pour éviter de se mettre le peuple à dos, le roi avait choisi de l’exiler, ne voyant aucun intérêt à se battre pour le garder, puisqu’il avait déjà de nombreux autres héritiers bien plus adéquats à reprendre le trône.
Depuis l’âge de ses sept ans, Bardin vivait donc en haut d’une tour, sans avoir une réelle conscience de ce qu’il se passait en bas, sa vie rythmée par les visites de PierreTrot, un fervent serviteur de son père, qui venait une fois par mois lui apporter des vivres et des nouvelles du royaume. Bardin l’écoutait avec attention, comme si l’homme lui racontait une histoire merveilleuse dont il n’était que le spectateur. Il n’avait jamais osé s’en aller loin sa tour de pierre, même s’il en avait largement les moyens. Il connaissait les raisons de son exil, et la peur de se faire rejeter à nouveau lui tordait l’estomac à chaque fois que l’idée de partir lui traversait l’esprit. Surtout pour une raison bien particulière, arrivée alors qu’il vivait encore seul dans sa tour...
En effet, ses cheveux avaient beaucoup poussé, jusqu’à atteindre une taille tellement disproportionnée qu’aucun homme n’aurait sans doute accepté de le croire sans pouvoir le voir. S’il les lançait du haut du petit balcon de sa tour, il pouvait les voir s’écraser sur le sol, tel une cascade flamboyante. Ils étaient d’une solidité et d’une douceur incomparables, et Bardin aimait s’y blottir, les nuits d’hiver, ou quand il se sentait trop seul, pour se rappeler qu’il était quelqu’un de spécial, ce que PierreTrot lui disait pour le réconforter lorsqu’il lui confiait sa peine. Il avait essayé de nombreuses fois de les couper, lassé de les coincer à toutes les poignées de porte, ou lors des longues journées d’été où la chaleur était insupportable, mais étrangement, au petit matin, sa longue chevelure finissait toujours par lui revenir et le poursuivait à nouveau dans toutes les pièces de sa tour. Bardin ne parvenait pas à comprendre quel maléfice l’avait atteint, et s’était bien gardé de dire la vérité à PierreTrot, qui était convaincu qu’il les laissait pousser parce qu’il aimait cela.
Le jeune exilé avait atteint l’âge de dix huit ans, sans le savoir car il n’avait aucune notion du temps, et personne ne lui avait jamais souhaité son anniversaire. Il était désormais capable de se débrouiller totalement seul, grâce aux jardins qu’il s’était donné la peine de créer et d’entretenir, au sommet de son habitation, bien trop grande pour un homme seul. Ce jour-là, alors qu’il arrosait patiemment ses carottes, il entendit des bruits de pas, dans la pièce qui lui servait de salon. Un grand sourire affiché sur les lèvres, il se précipita vers l’endroit d’où provenaient les sons. Il y trouva un grand brun, vêtu d’habits blancs qui répondit affectueusement à son sourire en le voyant approcher. Le jeune homme pouvait néanmoins apercevoir une légère tension sur le visage de son visiteur.
- Bonjour, Bardin, tout va bien ?
- Comme toujours, Pierre. Et toi ?
- Ça va mal, Bardin, vraiment mal...
Le visage de Pierre avait perdu son sourire. Ses yeux s’étaient plongés dans le vide, derrière le jeune homme aux cheveux rouges. Inquiet du changement soudain d’humeur de son unique ami, ce dernier s’approcha légèrement de PierreTrot, attendant des explications. Elles vinrent finalement, alors que l’homme semblait reprendre ses esprits.
- C’est la guerre. Ton père a déclaré la guerre au royaume voisin, provoquant des batailles à divers endroits sur la frontière. Tu dois être méfiant, Bardin, les puissances ennemies prennent du terrain chaque jour et ils arriveront peut-être jusqu’à ta tour. J’espère qu’ils croiront qu’elle est abandonnée, mais il y a des chances pour qu’ils essaient de venir voir. Et surtout, si la guerre se prolonge, je ne pourrai plus venir te trouver, car passer près des lignes ennemies pourrait être trop dangereux pour moi. Tu comprends ?
Bardin acquiesça doucement, triste de savoir que son dernier contact humain allait peut-être s’arrêter, le laissant définitivement seul au sommet de sa tour. PierreTrot s’approcha de lui et l’étreignit brièvement, avant de plonger ses yeux sombres dans ceux si pâles du jeune homme.
- Fais bien attention à toi, d’accord ?
- Oui, ne t’inquiète pas...
Le visage du brun s’éclaircit d’un petit sourire, et il étreignit une dernière fois Bardin avant de repartir, laissant le jeune homme seul avec sa peine.
*****
Depuis ce jour, Bardin était devenu extrêmement méfiant lorsqu’il se plaçait en observation sur son balcon, comme il aimait tant le faire. Il voyait parfois au loin de la fumée s’élever dans les airs, probablement dues aux combats qui faisaient rage à la frontière.
Le temps passa, mais jamais le jeune homme ne fut dérangé par une quelconque intrusion sur le territoire ou par une personne qui se serait perdue dans la forêt et aurait tenté d’escalader la tour dans laquelle il vivait. Il restait toujours aussi seul, à entretenir ses appartements, son jardin, et son encombrante chevelure. Jusqu’à ce jour. Le jour où il l’avait rencontré pour la première fois.
Il était alors assis tranquillement sur sa petite terrasse surélevée, lorsqu’il avait aperçu une silhouette fine sortir des bois, et avancer jusqu’à sa tour. Bardin avait plongé vers le sol, se cachant derrière les petites barres en pierre qui composaient la balustrade de son observatoire. Il avait regardé entre les petites colonnes l’homme qui approchait. Il semblait étrangement lent, sa main posée sur son flanc, se traînant pour marcher. Chaque pas semblait plus difficile que le précédent. Lorsqu’il fut assez proche, Bardin distingua une marque rouge tout autour de l’endroit où l’homme avait apposé sa main. La couleur écarlate du sang jurait avec le bleu des vêtements qu’il portait.
L’étranger arriva difficilement jusqu’à la tour contre laquelle il se laissa tomber lourdement. Bardin se releva timidement, et se pencha pour observer le nouvel arrivant, tellement loin de lui. Sa blessure semblait sérieuse, et il n’avait pas l’air franchement hostile... Une envie de lui venir en aide prit soudainement le jeune homme, mais il avait peur. Peur de cet inconnu qui lui semblait malgré tout armé et potentiellement dangereux...
Il ne parvint cependant pas à se résoudre à le laisser dépérir là et à l’aide de ses cheveux, il s’assura pour descendre de la tour. Il l’avait déjà fait souvent, juste pour ressentir l’herbe douce sous ses pieds, sentir l’odeur de la terre fraîche, ou cueillir des feuilles sur les arbres en automne. Il s’élança donc et goûta pendant les quelques secondes de sa descente au plaisir du frisson qui parcourait tout son corps. Mais cet instant ne fut que de courte durée. Alors qu’il touchait le sol, il vit l’homme relever faiblement la tête vers lui. Un masque bleu lui cachait le visage, mais il était facile de deviner ses traits crispés par la douleur sous l’objet d’apparat. Doucement, Bardin s’approcha et s’agenouilla devant lui.
L’inconnu le dévisagea quelques secondes avant de murmurer difficilement en détournant les yeux :
- Allez-vous en, vite, s’ils vous voient avec moi ils...
Mais Bardin ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. L’homme était poursuivi par des personnes capables de lui faire du mal, c’étaient assez d’informations pour lui. Il se mit à entourer l’inconnu de ses longs cheveux pourpres, assez solidement pour pouvoir le transporter. Les plaintes faibles du blessé furent soigneusement ignorées par Bardin qui n’avait pas le temps de s’occuper de son avis. Il entendait déjà les voix se rapprocher derrière lui. Une fois sûr que son protégé était bien assuré, il s’élança sur la paroi et la remonta à l’aide de ses bras frêles, l’adrénaline lui permettant d’être bien plus rapide que d’ordinaire. Arrivé en haut, il passa sur son petit balcon et se servit du crochet fixé à la petite toiture du balcon pour hisser le blessé, lié à lui par ses cheveux.
Il mit toutes ses forces à la tâche, tremblant de fatigue, mais il ne fallait pas que les gens le voient. Une fois à porté de main, il l’attrapa et l’attira à l’intérieur afin qu’il soit hors de vue. Il l’appuya au mur, incapable de soutenir son poids. L’homme tremblait et gémissait de douleur, à tel point que Bardin eut peur qu’ils se fassent repérer. Assis sur le sol, il attira l’inconnu vers lui, plaquant une main sur sa bouche et se servant de l’autre pour le maintenir contre lui. Le blessé sembla se calmer légèrement, alors que Bardin écoutait sans un mot la conversation qui avait lieu en bas et qui lui parvenait de manière presque inaudible.
- Les traces s’arrêtent ici ! Tu crois qu’il a pu grimper en haut de cette tour ? demandait une première voix.
- Non, tu as vu l’état dans lequel on l’a laissé ! ricana une deuxième personne au timbre plus aigu.
- On va quand même vérifier ? redemanda la première voix.
Bardin retint son souffle. S’ils grimpaient, il était fichu.
- Ordre du roi, personne ne monte en haut de cette tour. Tant pis pour le disparu. De toute façon, seul, il n’arrivera jamais à s’en sortir.
Le jeune homme retint un hoquet de surprise. PierreTrot ?
- Tss... Ça aurait fait un beau palmarès, un prince, sur ma liste de mort. Tant pis. grogna l’homme à la voix la plus aiguë.
Bardin remercia silencieusement son ami de toujours et attendit quelques minutes afin d’être sûr qu’ils se soient éloignés, le corps tremblant de celui qu’il venait de sauver toujours dans les bras. Une fois qu’il fut certain que le danger était passé, il se sépara doucement de l’inconnu et l’allongea sur le sol. Il avait toujours les mains crispées sur sa blessure et sa respiration était devenue saccadée. Bardin se leva et se précipita vers sa cuisine. Il avait dû empirer la blessure en le remontant en haut de la tour. Il trouva des bandages que PierreTrot lui avait donnés le jour où il lui avait confié qu’il n’arrêtait pas de se couper en éminçant des légumes. Il les prit soigneusement dans ses mains avant de retourner près du balcon. Il s’agenouilla près du corps du blessé, ne sachant pas vraiment comment s’y prendre. Il posa délicatement sa main sur celle de l’inconnu qui retenait l’hémorragie. Il sentit l’homme tressaillir à ce contact, mais il était trop faible pour résister. Bardin lui fit doucement lâcher prise. Le sang se mit à couler à flots, et il se hâta de retirer légèrement le haut du blessé pour avoir un meilleur accès. Passant une main dans son dos pour le soulever un peu en dépit de ses gémissements de douleur appuyés, il commença à entourer la plaie de bandes blanches, qui ne tardèrent pas à devenir écarlates à cause du sang qui s’échappait de la coupure profonde sur le flanc de l’homme. Une fois ce travail terminé, Bardin reposa le corps toujours secoué de tremblements. Il s’approcha doucement du visage de l’inconnu qui respirait difficilement, les yeux fixés sur le plafond. Le jeune homme aux longs cheveux lui retira doucement son masque et fut surpris par la jeunesse de ses traits. Il prit son visage entre ses mains et le força à le regarder. Les yeux bruns du blessés laissaient transparaître son angoisse et sa douleur. Des traces de larmes jonchaient ses joues et Bardin les essuya doucement avec ses pouces.
- Essaie de te calmer, tout va bien se passer, dit-il à voix basse pour essayer de tranquilliser l’homme.
Ce dernier ferma les yeux et laissa échapper une longue plainte, et lorsqu’il les rouvrit, il trouva à nouveau le regard doux et rassurant de Bardin posé sur lui. Il finit par s’apaiser peu à peu, même si sa respiration saccadée trahissait la douleur qui lui tordait encore le flanc. Fatigué de lutter contre cette douleur, il s’endormit au contact du jeune homme qui venait de le sauver.
Bardin soupira, soulagé que l’homme se soit assoupi. Il avait essayé d’écouter un maximum son instinct, mais il avait du mal à savoir comment se comporter avec cet homme étrange. Il le souleva délicatement et le déposa sur ses cheveux, lui créant un lit provisoire. Le jeune homme empoigna ensuite sa chevelure et traîna son protégé jusqu’à la chambre, où dans un dernier effort, il le suréleva et l’installa sur son lit aux draps rouge carmin. Il partit chercher une bassine d’eau et un chiffon et revint éponger avec attention le front trempé de sueur du blessé, le veillant durant les longues heures qui suivirent.
*****
Il ne quitta que quelques fois son chevet, dans le but d’aller préparer un repas avec lequel il puisse redonner un peu de force à l’étranger, devenu pâle à cause de la douleur et de la perte importante de sang. Il avait choisi de lui cuisiner une soupe, facile à manger. C’est donc avec un bol du breuvage chaud qu’il revint enfin dans la chambre de l’inconnu, qu’il n’avait pas laissé seul longtemps, faisant des allers-retours incessants pour vérifier qu’il allait bien. Bardin hésita quelques secondes à le réveiller, son visage semblant tellement plus paisible dans le sommeil, mais il finit par se décider. Il déposa le petit récipient rempli de liquide tiède sur la table basse et secoua doucement l’épaule de l’homme pour le réveiller. Celui-ci souleva difficilement ses paupières et regarda le plafond, comme perdu. Bardin passa doucement sa main sur la joue du blessé qui vint fixer ses yeux bruns dans les siens.
- Tu as faim ? demanda calmement le jeune homme.
L’intéressé ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne sortit de sa gorge et ses paroles se perdirent dans une quinte de toux lui arrachant une grimace de douleur. Il réussit à se reprendre difficilement. Bardin remarqua tristement qu’il avait recommencé à trembler de douleur. Il ne devait pas le garder éveillé trop longtemps.
Il s’assit près de lui et passa sa main derrière la nuque de son protégé pour lui redresser un peu la tête. Avec douceur et patience, il lui fit avaler petit à petit le breuvage. L’homme ne disait rien, mais les regards reconnaissants qu’il lançait à Bardin parlaient pour lui. Ce dernier lui répondait avec de gentils sourires et des encouragements. Une fois qu’il eu terminé, le jeune homme se débarrassa du bol vide et reposa délicatement la tête de son patient sur son oreiller.
- Qu.. qui êtes vous ? réussit à articuler difficilement le blessé.
Surpris, Bardin ne répondit pas tout de suite. Il finit par sourire à l’inconnu qui attendait sa réponse, le regard suspendu à ses lèvres.
- Je m’appelle Bardin.
- M... Merci B... Bardin... souffla l’homme en grimaçant de douleur.
- Shhht... Tu devrais te reposer, dit doucement Bardin en posant délicatement sa main sur le front de l’autre, qui luttait toujours pour garder les yeux ouverts.
Il resta quelques secondes à le fixer tendrement avant qu’il n’ouvre à nouveau la bouche. Bardin n’eut pas le cœur à l’arrêter.
- Kid... Je... Je m’appelle... Kid...
Il maintenait désespérément ses yeux plongés dans ceux de son sauveur, comme si cela pouvait lui permettre d’oublier la souffrance que lui infligeait sa blessure. Celui-ci finit par avoir pitié de lui.
- Il faut que tu dormes, Kid, je vais rester près de toi, d’accord ? Tu es en sécurité ici.
Le dénommé Kid cligna des yeux alors que Bardin approcha ses lèvres de son front et y déposa doucement un baiser. Lorsqu’il se redressa, le blessé avait fermé les yeux, et essayait tant bien que mal de se détendre. Bardin prit une de ses mains dans les siennes, et attendit patiemment qu’il s’endorme.
*****
Les jours passèrent et Kid se remettait lentement de sa blessure, Bardin veillant sur lui jours et nuits, ne l’abandonnant que pour les tâches les plus essentielles. Le jeune homme aux yeux bruns était plutôt curieux et bombardait son sauveur de questions, que l’intéressé avait tendance à esquiver d’une manière ou d’une autre. Mais ils en savaient assez l’un sur l’autre pour s’être rendu compte que leurs deux familles étaient celles qui s’opposaient dans le conflit au cours duquel Kid avait faillit perdre la vie. Il avait par ailleurs pris peur lorsque Bardin lui avait annoncé qu’il était prince exilé de l’autre camp, mais il s’était bien vite rendu compte que le jeune homme n’avait aucun lien avec cette guerre.
Quelques semaines s’écoulèrent, et Kid, bien qu’encore faible, reprenait peu à peu des couleurs et parvenait à se mouvoir sans avoir toujours à grimacer de douleur. Mais Bardin lui demandait toujours d’être patient. Il ne voulait pas qu’il se blesse à nouveau en voulant se relever trop vite. Il passait donc ses journées allongé, à observer Bardin se démener pour lui amener tout le confort possible. Il était réellement touché par tous les efforts que le jeune homme consacrait à s’occuper de lui. Personne n’avait jamais été aussi gentil et attentionné envers lui.
Bardin avait tenté une nouvelle fois de se couper les cheveux, trop embarrassé par les questions incessantes de Kid. A son grand étonnement, ils n’avaient pas repoussé comme à leur habitude au petit matin, n’atteignant que le bas de ses reins.Le fardeau était bien moins grand à porter, même s’il s’était attaché à sa longueur lorsqu’elle lui avait permis de sauver la vie de Kid.
Une nuit, alors qu’ils dormaient côte à côte dans le grand lit de Bardin, assez spacieux pour leur permettre d’être tous les deux à l’aise à l’intérieur, Kid s’était réveillé en sursaut, en proie à un horrible cauchemar. Bardin avait été réveillé à son tour par le cri d’horreur de son ami, et il s’était redressé, pris d’une angoisse soudaine. Il avait brusquement retiré les draps qui recouvraient son compagnon, et cherché partout sur son corps des traces de blessures qui auraient pu lui faire du mal. Il avait été arrêté par Kid qui lui avait doucement saisi les épaules et l’avait forcé à plonger sans regard dans le sien. Sans comprendre, Bardin l’avait fixé avec ses yeux paniqués. Il avait finit serré dans les bras de son protégé, qui lui assurait doucement qu’il allait bien, alors qu’il tremblait toujours d’une peur incontrôlable. Kid était devenu l’objet central de sa vie. Il était sa priorité, éclairant son existence autrefois terne, la rendant pleine d’inattendu et de choses nouvelles. Bardin avait horriblement peur qu’il ne lui arrive malheur et qu’il le perde. Alors à chaque fois que son ami se sentait faible ou que sa blessure le faisait souffrir, le jeune homme aux longs cheveux ne pouvait pas s’empêcher cette boule d’angoisse de se former dans sa gorge.
Kid l’avait bercé doucement dans ses bras, lui assurant qu’il allait bien et qu’il ne risquait rien. Bardin s’était laissé faire, encore trop chamboulé par ce réveil brutal et la peur qui s’était emparée de lui. Le jeune homme aux yeux sombres avait fini par le séparer de lui, plongeant ses yeux dans les siens. Il lui avait souri doucement. Bardin avait tremblé encore un peu, et aurait bien aimé pouvoir se blottir encore un peu dans les bras de l’ancien blessé, mais ce jour-là, Kid avait fait encore mieux : fermant ses paupières et approchant son visage de celui de Bardin, il avait scellé leurs lèvres. Dans un premier lieu surpris, le jeune homme aux cheveux pourpres n’avait pas réagit. Une chaleur s’était installée dans son ventre et s’était répandue dans tout son corps, venant chatouiller le bout de ses doigts et empourprer ses joues. Curieux, il s’était mis à bouger lui aussi ses lèvres contre celles de Kid, et ce dernier, le sentant répondre, avait passé une main derrière sa tête pour approfondir un peu plus le baiser. Bardin s’était laissé totalement aller, sentant le jeune homme près de lui l’enlacer pour réduire la distance entre leurs corps. A bout de souffle, ils s’étaient écartés l’un de l’autre, et leurs yeux s’étaient croisés sans se séparer durant de longues minutes. Kid avait finit par attirer Bardin doucement contre lui en se recouchant. Le jeune homme s’était totalement laissé faire, et avait fini par se rendormir, réconforté par les bras rassurant de son protégé autour de lui.
Les semaines avaient fini par se transformer en mois, et Kid prenait de plus en plus d’assurance, suivant Bardin dans ses différentes activités. A la grande surprise du jeune homme aux cheveux pourpres, il lui avait un jour demandé de l’encre et du papier. Intrigué, il était allé chercher le matériel que son ami lui réclamait et le lui avait tendu, alors qu’il était assis sur une chaise en bois près de la petite cuisine. Sous les yeux ébahis du jeune homme, Kid s’était mis à dessiner. À le dessiner. Bardin passait parfois des heures, assis près de lui, à le regarder parcourir le papier beige avec la plume qu’il lui avait confiée, sans se lasser. Le blessé avait tenté de lui apprendre, le guidant tout d’abord avec sa main posée sur la sienne, mais sans son aide, Bardin ne parvenait qu’à obtenir des pâtés difformes, et il n’aimait pas l’idée de prendre du précieux temps de dessin à son amant.
Kid était quelqu’un de plutôt tactile, et son amour envers Bardin se caractérisait par des baisers, des caresses et des regards. Ils n’avaient pas besoin de se parler, ils pouvaient se comprendre en quelques secondes, par un geste ou un hochement de tête. Kid aimait par dessus tout intercepter Bardin lorsqu’il passait près de lui, lui attrapant les hanches et collant son torse contre le dos du jeune homme, respirant l’odeur douce qui émanait de son sauveur, de son aimé. Bardin se plaisait à le laisser faire, charmé par la tendresse et la douceur de ses gestes et de ses baisers. Ils cohabitaient dans une entente parfaite.
Les murs de la tour étaient désormais recouverts des dessins de Kid, et il s’en ajoutait de nouveaux tous les jours. Bardin n’aurait pas pu être plus heureux, surtout en voyant son protégé plus vivant et plus enjoué chaque jour. Cependant, une boule s’était formée au creux de son ventre depuis quelques temps, et lui rappelait sa présence à chaque fois qu’il voyait Kid regarder distraitement par la fenêtre, rêvassant sans doute au monde extérieur. Bardin n’était que trop conscient que leur vie paisible ne pourrait pas durer éternellement et que Kid allait finir par vouloir repartir.
Il avait expliqué à Bardin que dans son royaume, leur amour n’était pas conventionnel. Cela avait brisé le cœur du jeune homme, car il voyait bien que Kid était partagé entre lui et son peuple d’origine. Le jeune homme aux cheveux pourpres ne pouvait pas se résoudre à l’empêcher de partir s’il devait en être malheureux. Il savait que Kid lui demanderait de l’accompagner, mais ce serait bien trop difficile pour lui de supporter les moqueries, les remarques acerbes, et surtout, de devoir cacher son amour envers Kid qui lui paraissait si naturel, là haut, dans leur tour où personne n’était là pour les observer. De plus, il serait certainement mal accueilli, car malgré le soutient de celui qu’il avait sauvé, il faisait parti des ennemis de guerre de son royaume. Plus Bardin y repensait, plus il était persuadé que ça ne marcherait jamais. Alors il profitait de chaque instant en compagnie de Kid, sachant qu’un jour où l’autre, il risquait de le quitter pour toujours.
*****
Un jour, alors que Bardin terminait tranquillement la vaisselle de leur repas du soir, il sentit le regard insistant de Kid sur sa nuque. Il finit d’essuyer le bol qu’il avait entre les mains et se tourna vers son ami, qui était effectivement entrain de le détailler. Il s’avança vers lui et Kid se leva à son approche. Il fit un pas en avant et prit les poignets de Bardin entre ses mains. Ses yeux se plongèrent dans ceux de son aimé. Ils n’étaient pas doux et malicieux comme d’habitude, non. Ils étaient brûlants. Brûlants de désir.
Kid plaqua ses lèvres sucrées sur celles de Bardin et l’embrassa avec une folie sauvage. Étourdit par cet élan soudain de passion, ce dernier mit quelques secondes à lui répondre. Son amant lâcha ses poignets et fit glisser ses mains dans son dos, rapprochant leurs corps, et approfondit le baiser, toujours animé par cette flamme qui semblait lui avoir accaparé l’esprit. Bardin sentit les doigts de Kid se faufiler sous son haut et entrer en contact avec la peau nue de son dos. Il frissonna doucement et le laissa lui retirer lentement son pull. Après avoir jeté le vêtement sur le sol, il recommença à caresser le buste dénudé de son amant.
Timidement, Bardin fit lui aussi glisser ses doigts sur les hanches de son partenaire et ce dernier vint déposer ses mains sur les siennes et l’aida à lui retirer son propre haut. Ils s’en débarrassèrent en quelques secondes et Kid attira encore plus son amant contre lui. Leurs peaux se pressèrent et ce contact fit frémir Bardin. Leurs lèvres dansaient toujours les unes contres les autres, bientôt rejointes par leurs langues et ils finirent par être obligés de se séparer, à bout de souffle. Kid fit glisser sa bouche le long du cou du jeune homme aux cheveux pourpres et celui-ci pencha légèrement la tête en arrière, frissonnant de bonheur. Les mains son son amant se posèrent sur ses côtes et il se sentit soulevé légèrement. Il prit appui sur les épaules du jeune homme qui le portait et enroula ses jambes autour de sa taille, reprenant ses lèvres. Kid était trop accaparé par leur échange pour réussir à se concentrer réellement sur le chemin à emprunter, mais Bardin ne s’en rendit pas compte, jusqu’à ce que son amour ne l’allonge sur le lit et ne se mette à quatre pattes au dessus de lui, le couvrant de baisers.
Ils passèrent la nuit à se découvrir, se dévoilant dans toute leur intimité à l’autre et s’offrant mutuellement leurs corps brûlants de passion.
*****
A la suite de cet événement, leur vie reprit son cour, alors qu’ils étaient devenus plus complices que jamais. Kid n’avait plus jamais reparlé de quitter la tour pour le plus grand bonheur de son amant. Ils ne se souciaient tous deux que l’un de l’autre et le dessinateur s’était plongé encore plus ardemment dans son art, tentant de représenter Bardin tel qu’il le voyait. Pas comme un monstre, pas comme une erreur de la nature... Comme un ange. Son ange.
Mais toutes belles choses ne sont pas faites pour durer et un jour, alors que les arbres en contrebas recommençaient à fleurir à la fin de la saison froide, Bardin entendit des voix près de la tour. Affolé, il se précipita à sa fenêtre pour apercevoir de qui il s’agissait. Il eut un hoquet de surprise en reconnaissant des hommes habillés de costumes de gardes carmins, comme l’était autrefois PierreTrot. Le jeune chercha le visage connu de son ami parmi la petite foule, mais il ne le vit pas. Il recula discrètement pour ne pas être vu et se précipita à l’intérieur.
- Kid ! Kid ! Hurla-t-il, affolé.
- Je suis là, je suis là, qu’est-ce qu’il y a ?
Son amant l’avait intercepté en lui prenant les mains et lui avait posé sa question calmement, une lueur inquiète dans le regard.
- Les hommes de mon père... Ils sont là... Je ne sais pas pourquoi ! Il faut que tu te caches, vite !
Les yeux de Kid s’agrandirent et il étreignit Bardin avant de retourner se cacher dans la chambre. Le jeune homme au cheveux pourpres courut dans le salon et décrocha les dessins du mur le plus vite qu’il pouvait, les cachant sous les tapisseries ou les rangeant dans des commodes. Il entendait les hommes escalader les parois de la tour. Son cœur battait à tout rompre et ses mains s’étaient mises à trembler.
Courageusement, il se mit au centre de la pièce, attendant que les soldats de son père parviennent à son balcon. Ils ne tardèrent pas à le faire et armés d’épées tranchantes et se mirent à encercler Bardin, qui ne savait pas dans quel sens se tourner pour tous les voir en même temps. Le dernier homme entra par la petite porte, et s’avança directement vers lui.
- Alors, c’est toi le monstre ? demanda-t-il avec un air amusé.
Bardin tressaillit à la remarque mais ne fit pas de commentaire. Il se contenta de dévisager l’homme qui se tenait devant lui. Ce dernier lui tourna autour, le reluquant de toute part et le jeune homme se sentait mal à l’aise. Ce regard n’avait rien à voir avec celui amoureux de Kid, c’était un regard froid, méfiant et malsain. Le nouvel arrivant finit par s’arrêter devant lui.
- Qu’est-ce que vous me voulez ? interrogea Bardin, les dents serrées par la peur.
- Oh.. Nous ? Rien... répondit l’homme d’un ton neutre.
D’un bond, il passa derrière lui et tira violemment les longs cheveux de sa victime. Cette dernière glapit et tomba au sol, se cognant durement la tête. Une épée se pointa sur sa gorge.
- Mais ton père semble subitement s’être rappelé de ton existence. Très pratique... Peut-être que s’il t’offre en sacrifice, toi, son fils le plus inutile, les ennemis seront plus cléments avec nous... Relevez-le.
Effrayé, Bardin sentit deux bras lui saisir les épaules et le forcer à se remettre debout. Ses jambes le tenaient à peine. Il se sentit vaciller. Son père voulait... l’utiliser comme monnaie d’échange ? Un de ceux qui l’avaient relevé l’obligea à mettre ses mains dans son dos.
- Je comprends pourquoi notre roi t’avait exilé d’ailleurs, reprit l’homme d’une voix acerbe, qui voudrait d’une telle erreur de la nature comme enfant, et comme... prince...
Une douleur fulgurante traversa la joue de Bardin qui ne put retenir un cri de douleur et de surprise. Des larmes roulèrent le long de ses joues. Son pire cauchemar était entrain de se réaliser. L’homme semblait prendre un malin plaisir à le voir souffrir et il allait continuer, jusqu’au moment où son regard fut absorbé par quelque chose d’autre, derrière sa victime. Bardin entendit de l’agitation derrière lui et des bruits de fers qui s’entrechoquaient. Celui qui le tenait lâcha la pression qu’il maintenant sur ses bras et le jeune homme en profita pour se tourner. Son cœur rata un battement.
- Kid ! Non ! Hurla-t-il, en se débattant, désespéré.
Son amant venait de s’attaquer à ses agresseurs, armé de l’épée qu’il avait gardée depuis le fameux jour où il avait failli perdre la vie. Il semblait concentré dans son combat et réussit à désarmer deux hommes avant de se prendre un coup violent sur le crâne, donné par le plat d’une épée. Étourdit, il tomba à genou au sol et les soldats ne mirent que quelques secondes à le désarmer, mais ils eurent plus de difficultés à l’immobiliser, car le jeune homme refusait de les laisser faire. Ils le rouèrent de coups malgré les supplications de Bardin et finirent par le calmer, couché sur le sol, ventre à terre. Leur chef sembla enfin reprendre ses esprits et lança un regard mauvais à Bardin.
- Alors,
Prince Bardin, on ne m’avait pas prévenu que vous auriez de la compagnie...
L’interpellé était pris de sanglots incontrôlables, alors que l’homme s’approchait dangereusement de Kid, à terre. Il lui releva lentement la tête pour apercevoir son visage et ses yeux s’écarquillèrent.
- Mais c’est... impossible... murmura-t-il.
Ses yeux firent la navette entre Bardin en larmes et Kid, impuissant. Il finit par se relever et s’approcher du jeune homme aux cheveux pourpres, et se planta devant lui.
- Pas si inutile que cela, finalement, l’abomination...
Il ajouta plus fort.
- On les emmène tous les deux. Personne ne touche au petit à terre. Il va peut-être nous faire gagner cette guerre.
Les soldats poussèrent des cris de joie et Bardin se sentit poussé en avant. Il n’opposa aucune résistance, la mort dans l’âme.
*****
Le trajet parut durer une éternité à Bardin et ils finirent par arriver devant le château aux drapeaux carmins de son père. Il ne ressemblait pas au beau château paisible et majestueux que le jeune homme avait gardé dans ses souvenirs. Il était sombre, mal entretenu, et l’odeur pestilentielle qui embaumait ce lieu dégoûta Bardin. Ils les menèrent dans les sous-sols et les firent entrer dans un cachot plutôt grand. Ils traînèrent Kid, encore faible de son combat, vers le fond de la salle et l’attachèrent à des fers sur le mur. Le jeune hommes aux cheveux pourpres ne rêvait que de se précipiter vers lui et de le prendre dans ses bras, mais un soldat le retenait toujours, l’empêchant de partir.
Ils attendirent quelques minutes. Bardin pouvait sentir l’excitation malsaine de tous les membres de la garde présents dans la pièce. Ils étaient fiers de leur trouvaille et dans leurs yeux brillaient quelque chose d’autre. De l’espoir. Comme si Kid était réellement la clé qui allait pouvoir les sortir de la misère dans laquelle la guerre les avait plongés depuis plus d’une année. Un homme entra soudainement dans le cachot. Il dégageait une forte aura d’autorité et de colère. Il ne fallut pas plus de quelques secondes à Bardin pour l’identifier, ses souvenirs n’étant plus en adéquation avec ce à quoi son père ressemblait aujourd’hui. Le roi ne daigna même pas lui accorder un regard. Ses yeux étaient fixés sur Kid, qui avait fermé les siens, fatigué. Il s’en approcha et le dévisagea.
- C’est bien lui... murmura le roi.
Il se mit à rire. Un rire dément qui glaça le dos de Bardin. Kid ouvrit les yeux et ils rencontrèrent ceux de l’homme contre qui sa famille était en guerre depuis si longtemps. Le monarque se détacha du captif et se tourna vers tous les soldats présents dans la salle, ignorant toujours Bardin.
- Soldats ! Membres de mon armée. Nous n’allons pas bien. La guerre a ravagé notre merveilleuse contrée, l’hiver a été rude et long. Nous ne gagnerons pas la bataille de demain.
Il fit une pause. Toutes les personnes présentes dans la salle hormis Bardin et Kid étaient suspendues à ses lèvres.
- Mais nous pouvons encore sauver notre honneur ! Nous décimerons un maximum de leurs hommes et feront pleurer leurs femmes, comme ils ont fait pleurer les nôtres. Nous chanterons les chansons de nos ancêtres, qui resteront gravées à jamais dans leur esprit, car ils se souviendront longtemps de notre fougue et de notre violence. Et devant eux, avant même le début du combat, je tuerai le prince Kid, qu’ils pensent mort depuis une année !
Des cris de joies se firent entendre dans la salle et résonnèrent dans tous les couloirs. Bardin voulut hurler mais aucun son de sortit de sa bouche. Sa tête se mit à le lancer horriblement. C’était impossible... Il ne pouvait pas avoir entendu ce qu’il croyait avoir compris... Il tomba à genoux et se recroquevilla sur lui même, tremblant. De nouvelles larmes amères se mirent à rouler le long de ses joues alors que le roi continuait :
- Demain, nous ne gagneront pas, mais nous mourrons au combat, comme les fiers guerriers que nous sommes !
Il leva son poing en l’air et fut imité par ses soldats, qui acclamèrent leur roi. Ce dernier se retourna et sortit de la salle, suivit ensuite par sa garde. Lorsque Bardin osa enfin relever les yeux, il se rendit compte qu’il ne restait plus que deux personnes dans le cachot. Kid et lui...
Il trouva la force de se relever et se jeta sur son amant, qui le regardait avec un air désolé. Il le prit dans ses bras et ne cessa de répéter son prénom, comme si cela allait pouvoir tout annuler, comme s’ils pouvaient revenir en arrière.
- Pourquoi tu n’es pas resté caché... chuchota le jeune homme.
- Bardin... murmura Kid, ne pleure pas, s’il te plaît.
- Non ! Tout est de ma faute... gémit Bardin en le serrant un peu plus contre lui.
- J’aurais dû mourir il y a une année. chuchota doucement le blessé.
- Arrête ! Tu n’aurais jamais du mourir et tu ne dois pas mourir ! Je te l’interdis...
La voix de Bardin s’était brisée en prononçant la dernière phrase. Il recula un peu son visage et vint plonger ses yeux dans ceux si calmes de Kid.
- Tu veux bien prendre le papier qui se trouve dans ma poche ? demanda le condamné tendrement à son amant.
Ce dernier s’exécuta et d’une main tremblante il saisit le morceau de papier plié. Il voulut l’ouvrir mais Kid l’arrêta :
- Ne le regarde pas ici, s’il te plaît. Je l’ai fait le jour où...
Il n’eut pas besoin de terminer sa phrase, Bardin savait de quoi il parlait. Kid le couvait de son regard, dans l’incapacité de lui donner un autre geste d’amour. Désespéré, le jeune homme aux cheveux pourpres se jeta sur ses lèvres et l’embrassa langoureusement, son amant goûtant avec passion à ses lèvres salées par les larmes. Bardin finit par rompre le contact et enfouit sa tête contre la gorge de son aimé.
- Dis-moi que ce n’était pas un adieu... murmura-t-il faiblement.
- Demain, il faut que tu te caches. Si tu t’en sors, demande à parler au roi de mon royaume et montre-lui le dessin que je t’ai donné. Dis-leur ce que tu as fait pour moi. Ils s’occuperont de toi...
- Non ! Kid, sans toi, je ne veux aller nulle part! gémit Bardin.
- S’il te plaît... Savoir que tu iras bien c’est la seule chose qui m’importe maintenant. Je n’ai que toi à perdre...
- Non... pleura Bardin et se serrant un peu plus contre son amant.
Kid ne dit plus rien et se contenta de faire glisser son nez dans les cheveux de son aimé et d’humer pour la dernière fois l’odeur de celui qu’il aimait tant.
- Je t’aime, dit Bardin douloureusement.
Un sourire triste se dessina sur les lèvres de Kid et il souffla doucement :
- Moi aussi, je t’aime...
*****
Bardin pleurait à chaudes larmes, en position fœtale sur ce grand lit, froid, vide.
Il manquait quelqu’un.
Il lui manquait.
Ses doigts étaient crispés sur le précieux morceau de papier qu’il pressait contre lui de toutes ses forces, le chiffonnant légèrement. Ils allaient lui faire du mal, ils lui faisaient du mal...
Bardin se sépara de Kid, à regret. Les bruits de pas dans le couloir se rapprochèrent et un homme épais au visage sévère entra dans la pièce. A sa suite se succédaient d’autres hommes apportant de nombreux objets que Bardin n’avait jamais vus. Le jeune homme lança un regard interrogateur à son amant mais celui-ci se contenta de fermer les yeux. Bardin fut écarté violemment de son ami alors que l’homme venait détacher Kid et lui arrachait son haut, le faisant tomber à terre. Affolé, le jeune homme aux cheveux pourpre hurla le nom de son ami. Ce dernier leva les yeux vers son bourreau avant de demander d’une voix claire et pressante :
- Faites-moi subir tout ce que vous voulez, mais je vous en prie, ne le laissez pas assistez à ça.
Son regard avait basculé sur le visage inquiet de celui qu’il aimait et ils avaient saisit Bardin par les épaules, l’attirant loin du cachot. Le jeune homme ne comprenait pas. Il se laissa faire dans un premier temps et puis... Il l’entendit. Le hurlement de douleur qui déforma la voix si douce de Kid. Bardin se mit à se débattre. C’était injuste. C’était horrible... Personne n’avait le droit de faire du mal à son amour, il ne le méritait pas...
Le jeune homme était faible, atrocement faible... Il n’arrivait pas à se défaire de ses gardes. Il devait rejoindre Kid. Il ne voulait pas le laisser souffrir seul. Il avait sûrement besoin de lui, besoin de son aide...
Des larmes se mirent à rouler le long de ses joues alors qu’il criait le nom de son ami, en sachant pertinemment en son fort intérieur qu’il ne lui répondrait jamais. Plus jamais. Les pleurs de Bardin reprirent de plus belle. Il avait mal. Tellement mal. Mais ce n’était pas une douleur physique qu’il pouvait soigner simplement avec de la pommade. Non. C’était bien pire. C’était comme si on l’avait tranché en deux et qu’il vivait encore, sans raison. Il ne pourrait jamais guérir. Son seul remède allait mourir. Mourir.
Il avait tout donné à Kid. Il s’était entièrement consacré à son bien être et son ami le lui avait rendu avec tendresse. Ils s’étaient tout donné, leur temps, leurs paroles, leurs amours et jusqu’à leurs corps. Plus encore. Bardin avait confiée toute son âme à Kid. S’il mourrait, il voulait mourir avec lui. Il devait mourir avec lui. Il n’y avait pas d’autres solutions.
Déterminé, il se leva du lit sur lequel ils l’avaient installé, dans cette chambre que le roi lui avait gracieusement fournie en échange de ses services. Il le haïssait. Pour ce qu’il lui avait fait. Pour ce qu’il allait faire à Kid.
Bardin fouilla les armoires de la pièce. Il trouva une cape brune à capuche. Il l’enfila. Elle serait parfaite pour cacher sa tignasse écarlate, beaucoup trop voyante. Il glissa le dessin de Kid dans sa poche après l’avoir délicatement pressé contre ses lèvres, comme pour se donner du courage.
Il inspira un grand coup, et sortit de sa chambre.
Il ne voulait pas de ce monde si Kid ne devait plus y être. Il voulait le voir. Peu importe son état. Il voulait embrasser une dernière fois ses lèvres avant qu’ils ne se retrouvent au paradis.
Et puis il se souvint. Kid ne voulait pas qu’il meure. Il voulait qu’il vive. Qu’il rencontre sa famille. Sa famille. Le roi et la reine...
S’ils étaient aimants et généreux comme le disait son amant, alors peut-être que...
Oui. C’était sa dernière chance.
Sans prévenir, il bifurqua dans un couloir. Surpris, il butta contre un corps chaud. Il allait continuer mais on lui agrippa le bras. Non...
- Bardin ?
L’interpellé s’immobilisa net. Cette voix, il l’aurait reconnue entre mille. Il se retourna et ses yeux rougis par les pleurs se plongèrent dans ceux de son vieil ami PierreTrot. Ce dernier le dévisageait avec surprise et inquiétude. Un sourire finit par se dessiner sur son visage et il entoura Bardin de ses bras.
- Je suis désolé pour ce qu’ils t’ont fait. murmura-t-il avec douceur.
Bardin se laissa aller à cette étreinte, repris par les larmes. Cela faisait du bien de retrouver quelque chose de connu, dans tout ce monde qu’il trouvait affreusement barbare. Mais les bras de PierreTrot, bien que réconfortants, n’étaient pas ceux de Kid.
- Pourquoi... Pourquoi ce n’est pas toi qui est venu me chercher... Ils l’auraient laissé...
- Je sais, je sais Bardin, calme-toi s’il te plaît...
Il abaissa doucement la capuche du jeune homme d’un coup de main, laissant sa chevelure flamboyante luire légèrement sous l’éclat de la lumière faible des torches accrochées au mur.
- J’ai tout appris à l’instant... Ton père notre roi est devenu fou. Je ne savais pas qu’il avait envoyé des hommes pour venir te chercher...
Le garçon ferma les yeux. Au moins son ami ne l’avait pas trahi...
- Mais Bardin... Pourquoi est-ce que tu l’as sauvé... reprit-il d’une voix douce.
- Pierre je...
Pouvait-il avoir encore confiance en son ami ? Une lueur de défi s’alluma dans le regard de Bardin.
- Je l’ai sauvé, parce qu’il était seul et que vous étiez trois. Parce qu’il était blessé et que vous alliez l’achever. Il serait mort injustement si je ne l’avais pas fait. Et maintenant, vous allez le...
Il n’arrivait pas à prononcer les derniers mots de la phrase, mais PierreTrot les comprit. Il le berça un peu contre lui.
- Tu devrais aller te reposer, Bardin, demain va être une longue journée pour tout le monde...
- Non.
- Bardin...
Le jeune homme s’écarta brusquement. La surprise s’empara du visage de son ami.
- Il n’y aura pas de demain pour moi. S’il meurt, je mourrai aussi. Mais il vit encore, alors je refuse de me reposer en attendant qu’on me l’arrache. Si je dois mourir de toute façon, autant que ce soit en ayant tout tenté !
Il avait fait attention a articuler chaque mot. Il se le disait plus à lui même qu’à PierreTrot, qui le regardait sans comprendre. Bardin finit par briser le silence qui s’était installé.
- Merci pour tout ce que tu as fait pour moi, Pierre, je ne l’oublierai pas.
Avant que son ami ne puisse réagir, le jeune homme avait rabattu sa capuche sur son crâne. Il se retourna et s’enfuit dans la foule.
PierreTrot voulut le suivre. Ce qu’il venait de lui dire ressemblait cruellement à un adieu, mais le jeune homme ne voulait pas y croire. Bardin semblait devenu fou. Le brun eut beau réfléchir, il ne voyait pas ce que son ami avait l’intention de faire pour sauver le prince Kid. Une idée lui traversa l’esprit. Non... C’était impossible... Bardin ne pouvait pas être désespéré à ce point...
Le doute lui tordit le ventre. Il se précipita dans la foule et la brava tant bien que mal, tentant de rejoindre les écuries.
Il entendit le hennissement d’un cheval et le bruit de sabots sur la terre battue. Son ami venait de voler un cheval et il l’avait fait partir au galop.
En direction des lignes ennemis.
- Bardin ! hurla PierreTrot pour le faire rebrousser chemin.
Il n’obtint aucune réponse.
- Bardin... murmura cette fois-ci le jeune homme, le cœur serré.
Il ne reviendrait pas. Personne ne pouvait franchir les lignes ennemies de la sorte, et quoique le fameux Kid lui ait appris, le frêle Bardin n’était pas de taille à lutter contre l’armée d’en face...
*****
Bardin avait abandonné l’idée d’arrêter le torrent de larmes qui s’écoulait sur ses joues rougies par le froid. Il fonçait vers les lignes ennemies sans savoir s’il allait parvenir à son but. Il avait peur. Peur qu’une flèche le transperce, peur qu’il ne puisse pas délivrer son message. Il était totalement désespéré. Son action avait quelque chose de fou et d’insensé. C’est probablement pour cela que les soldats ennemis ne l’interrompirent pas. Fermant les yeux d’angoisse, il se coucha presque totalement sur son cheval. Il parvint aux lignes ennemies, des flèches glissant près de ses oreilles. Il était terrorisé, mais à chaque fois, l’image de Kid qui se dessinait dans son esprit l’empêchait de rebrousser chemin. Il entendit un cri et son cheval se cabra, désarçonnant son cavalier qui finit la tête la première contre le sol humide et glacé. Les bruits de son cheval affolé s’éloignèrent et le silence se fit autour de lui. Il tremblait de tous ses membres, n’osant pas se redresser, gardant le ventre et le visage plaqués au sol. Une pointe froide se planta légèrement dans sa nuque et il glapit de frayeur.
- Qui es-tu ? demanda une voix grave.
- Je... je m’appelle Bardin... répondit timidement le jeune homme, et... et vous ?
La question parut désarçonner l’homme qui le tenait en son pouvoir, mais Bardin n’avait plus rien à perdre.
- Aypierre. répondit simplement l’homme.
Ce prénom fit s’activer le cerveau embrumé de Bardin. Il l’avait déjà entendu... Mais comment ? Si ! Cela lui revenait ! Kid lui en avait parlé, souvent. C’était un ami de son père ! Il laissa échapper un léger soupir de soulagement.
- Pourquoi es-tu envoyé, messager ? demanda froidement le dénommé Aypierre, qui le tenait toujours en joue.
- Je ne viens pas de la part du roi je... Je viens de la part de Kid...
L’épée s’enfonça un peu plus contre sa peau et un gémissement s’échappa de sa gorge.
- Impossible. Kid est mort. Il y a une année. Vous n’avez aucun cœur a essayer d’affaiblir le prince Azenet de cette manière. Mais j’imagine que cela vous réconforte un peu, vu votre défaite évidente.
- Non ! Non... glapit Bardin, je ne viens pas de la part du roi, je viens de la part de Kid ! Ils... ils vont le tuer !
La pression sur sa nuque disparut et un bruit métallique à côté de lui indiqua au jeune homme que son interlocuteur devait avoir lâché son épée. Il n’eut pas le temps de se sentir soulagé que deux mains puissantes le firent rouler sur le côté et lui attrapèrent le col, le relevant et le soulevant de quelques centimètres.
- Ecoute-moi bien, petit imbécile, je ne dors pas bien depuis le début de la guerre, autant te dire que cela fait longtemps que je manque cruellement de sommeil. Mais demain soir, je pourrai enfin dormir sur mes deux oreilles. Oui. Parce que vous aurez perdu cette guerre que vous avez vous même déclarée. Tu penses pouvoir rapporter ce message à ton roi ? Parce que s’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est qu’on bafoue la mémoire de mes hommes tombés au combat !
Il avait secoué violemment Bardin pour appuyer ses dires. Il le fixait dans les yeux pour y voir toute la crainte qu’il avait réussi à lui inspirer et qu’il pourrait retransmettre à son roi. Le jeune homme fondit en larmes.
- Je... Ne... Veux... pas retourner chez le roi... Il veut tuer Kid... Je ne veux pas... Je préfère mourir...
Il plongea ses prunelles embuées dans celles si bleues de l’homme qui le tenait devant lui. Le regard de ce dernier s’adoucit légèrement.
- Il... Il n’est pas mort... Je... Je l’ai sauvé il y a une année et... et maintenant... Ils vont le tuer... Je vous en supplie...
Le ton désespéré de Bardin dû toucher Aypierre car il relâcha sa pression sur lui jusqu’à ce que ses pieds atteigne le sol. Le jeune homme porta ses mains à sa gorge douloureuse et toussa un peu pour reprendre sa voix.
- Qu’est-ce qui me prouve que tu ne mens pas ?
- Kid... Il aime dessiner, tout le temps. Il était blessé au flanc gauche. Il portait un masque bleu sur le visage et...
La voix de Bardin se brisa. C’était tellement dur de revoir toutes ces images... Il entendit vaguement Aypierre crier quelques choses près de lui, mais cela ne lui était pas adressé. Il se sentit soulevé, puis ses jambes rencontrèrent la robe chaude d’un cheval blanc. Aypierre grimpa derrière lui et lança le cheval au galop. Où l’emmenait-il ? Le croyait-il ?
Bardin n’en savait rien. Il tremblait. Il avait l’impression que loin de Kid, tout était terne, tout était irréel.
Il avait tellement besoin de lui...
*****