À 8 ans, je rentrais dans une catégorie supérieure pour les compétitions. Ma jument, Lilas, était en gestation alors je ne pouvais plus la monter. Donc, pour les courses, j’appris à monter Lucio. C’est dingue comme les animaux d’une même espèce peuvent être si différent… Je gagna tant bien que mal sa confiance. Un beau matin, j’arrivais dans l’écurie pour voir Lilas et vis mon grand-papi accroupit près d’elle. Je compris alors qu’elle mettait bas. Je décida de rester assister à la scène et aperçu le petit poulain. Je le trouvais si mignon ! Sa mère le lécha et l’aida à se lever. Il tint quelques secondes sur ses pattes tremblantes avant de tomber au sol assez ridiculement. Puis il se releva. Quelques instants plus tard, il marcha dans le box, autour de sa maman. Mon papi Charles paraissait heureux et fier.
« Ça c’est bien passé ! S’était-il exclamé »
L’année suivante, un matin, je me levais, heureuse, et alla prendre mon petit-déjeuner. J’avais une course aujourd’hui avec Lucio. Je me préparais donc et mon grand-papi me conduisit jusqu’au lieu de compétition. Je me mis en selle, parée, et le départ fut donné. Lucio allait vite, j’étais confiante, je pouvais tout à fait gagner la course. Malheureusement, un concurrent s’approcha dangereusement de moi. Pour éviter la collision, je virais sur la gauche. Je ne savais pas ce qu’il s’était réellement passé mais mon cheval est tombé, emprisonnant ma jambe sous son poids. Je criais de douleur. Le personnel de soin accourut et m’emmena sur un brancard alors que ma monture retourna dans son box. Ma jambe gauche était dans un sale état… Je dus porter une attelle pendant un mois. Un mois sans pouvoir faire d’équitation ! Lorsque je l’enleva, je tenta de marcher mais n’arrivais qu’à boiter. Aujourd’hui encore, je boite toujours…
Lorsque j’eus 10 ans, j’arrivais chez mes grands-parents, toute heureuse, après avoir passé la semaine à la ville chez mes parents. Ma grand-mère ne me dit mot durant les premières minutes. Pas même « bonjour » ou « assis toi » alors je pris la parole :
« Qu’y a-t-il grand-mami ? Où est grand-papi ?
-Il est à l’hôpital ma belle…
-Quoi ? C’est pas possible !!
-Tu sais, il se faut vieux et… oh non, ne pleure pas Ève, viens là. »
Elle me serra dans ses bras maigres. Je pleurais de plus belle. Il n’avait pas le droit de me laisser… et que ferait grand-mami à la ferme sans lui ? Elle devra la vendre ! Non. Je ne voulais pas.
« Tu sais, il souffre beaucoup. Il ne t’a rien dit pour ne pas t’inquiéter… Il a pensé à tout ma belle, il a récolté assez d’argent durant les derniers mois pour que je puisse maintenir la ferme en place et nous avons embauché du personnel. Mais maintenant, il faut songer à le laisser partir…
-Je… »
Ma voix s’éteignit. Je dus attendre plusieurs minutes avant de pouvoir parler de nouveau.
« Je peux le voir ? Juste… Une dernière fois. »
Elle acquiesça et me conduisit à l’hôpital. Nous allâmes jusqu’à sa chambre et, lorsque je le vis, je me retins de crier. Il paraissait si faible, si pâle… Il avait des appareils partout et une perfusion… Un médecin arriva.
« Bonjour mesdames. Nous allons le débrancher, je vous conseille de quitter la pièce.
-A-attendez… j-juste… un peu… »
Il hocha la tête. Les larmes coulaient de nouveau sur les joues. Je m’avançai vers lui et le serra contre moi.
« Grand-papi… repose toi bien là-haut… »
Je séchai mes quelques pleurs et déposa un chaste baiser sur sa joue ridée, un dernier au revoir. Je m’écartai ensuite et rejoignit ma grand-mami. Toute les deux, nous retournâmes à la ferme. Emma était là. En me voyant en pleurs et grand-mami qui se retenait de pleurer, elle nous lança tour à tour un regard interrogatif. Je me calmai et la prit à part sous le regard triste de notre aînée.
« Écoute Emma… C’est grand-papi Charles…
-Quoi ?
-Il est décédé. Il a rejoint le ciel mais… attends, avant de dire quoi que ce soit. Sache que maintenant, il nous protègera toujours et nous verra toujours de là-haut. Il est mieux là où il est.
-Mais… mais… c’est pas possible… »
Elle se blottis contre moi, passant ses bras autour de mon buste et nichant sa tête dans mon cou. Je caressais son dos et attendit qu’elle se calme quand, enfin, elle s’endormit dans mes bras.
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Jeu 3 Mar - 17:37