[Matoine : Déserteurs] Chapitre 6 : Le terme du voyage

Durant des jours infinis, les deux compères avaient marché. Sans prendre de pause sauf pour dormir ou pour manger. Et pourtant, ils entendaient les explosions et les tirs se rapprocher de plus en plus rapidement. Les français croulaient sous cette sinistre attaque. Ils arrivèrent enfin en vue de leur délivrance, leur but depuis un mois maintenant. Un mois de marche ininterrompue -ou presque-. Lorsqu'ils y repensaient, ce mois de marche n'avait pas été tant désagréable. Ils se sentaient bien avec l'autre et n'auraient vu leur chemin avec quelqu'un d'autres. Ils avaient eu la chance de rencontrer peu de monde et de n'avoir eu besoin d'user d'autres armes que d'un couteau. Ce mode de vie leur plaisait, mais ils ressentaient tout de même un manque... Humain ? Pas vraiment. Internet leur manquait. À y repenser, leur vie aurait été bien médiocre, sans Internet. Mathieu serait sûrement encore en train de servir des hamburgers dans un MacDo et Antoine ne saurait faire mieux. Et surtout, ils ne se seraient pas connus.

« C'est drôle, pensa le plus jeune, comment Internet peut changer par de simples rencontres. » Et il était tout à fait heureux d'en vivre. Mais maintenant, le travail -et leur passion avant tout- n'avait plus lieu d'être et ils ne devaient pas même y penser.

Puisque après tout, c'était la guerre. Pendant la guerre, on ne pouvait rire, par respect des morts et par peur des ennemis, on ne pouvait jouer car le divertissement y était retiré. Alors il ne restait qu'à observer ce macabre spectacle d'un œil horrifié. Sans flancher. Sans devenir fou. Ne pas devenir fou en voyant des fous, quelle chose bien difficile, continua de penser le châtain. Des fous qui s’entre-tuent par soif de pouvoir, de vengeance, ou autres besoins nuisibles à l'humanité alors que c'était elle-même qui les avait créé. Alors, ils n'avaient rien d'autre à faire que les deux choix qui s'offraient à eux : Fuir ou tuer. Mais Tuer est folie comme fuir est lâcheté. Alors Antoine et Mathieu étaient lâches ? Sûrement pas. Effrayé ? Complètement. Horrifié ? Certainement. En réalité, ils ne voulaient simplement pas ressembler à leur race qui, sous couvert de la patrie, tuer sans distinction ceux qui foulaient leurs terres.

Cela est bien dur de tenir, se répéta l'ancien petit vidéaste. Cela est bien dur de voir les siens se tuer dans un combat perdu face à... à qui ? Il ne savait toujours pas. Ces milliards d'hommes venus de nulle part terrassaient leurs amis, leurs familles, sans scrupules. Dans quel but ? Il ne savait pas. Pour qui ? Il ne savait pas. D'où venaient-ils ? Il ne savait toujours pas. Il ne savait rien de ces hommes s'ils pouvaient seulement les appeler ainsi. Ils se prenaient une balle, ils en tiraient deux, touchant à chaque coup les terriens.

« Antoine ? Appela Mathieu, toujours dans son intense réflexion.

-Mmh ? »

L'intéressé tourna la tête vers lui.

« Qu'est-ce que tu sais des attaquants ?

-Qu'ils sont forts.

-Et ?

-De bons stratèges.

-Et ?

-Des tireurs d'élite.

-Et ?

-C'est tout. »

Les deux amis soupirèrent en cœur. Le silence se fit. Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'Antoine ne se décide à parler :

« Bon, ils ont foutus où leur bunker là ?

-Dans ton cul ? Sourit Mathieu.

-T'es certain de vouloir y entrer alors ? »

Le plus jeune perdit subitement son sourire sous les rires de son meilleur ami. Lorsque le calme se fut de nouveau, ils se mirent à chercher un blockhaus où se réfugier. Enfin, ils virent quelqu'un soulever une plaque recouverte d'herbe et de terre qui se confondait avec le paysage. Il les appela.

« Hé, vous, vous cherchez un refuge ?

-Oui, répondit le brun. Nous venons de Paris.

-Et vous êtes seul ? Questionna l'homme dont les deux amis en voyaient que la tête.

-Nous ne sommes que deux, intervint Mathieu.

-Venez, fit l'homme avant de rentrer sous terre. Les deux anciens vidéastes s'avancèrent alors. Puis vint une explosion effroyable plusieurs mètres derrière eux. Ils se retournèrent et restaient pétrifié par la peur. Ce n'est que lorsqu'ils virent de nombreux hommes armés courir vers eux qu'ils se décidèrent à déguerpir. Antoine atteignit en premier la porte du blockhaus et se tourna vers son acolyte.

Il ne l'avait pas vu. Il n'avait pas vu cette balle qui filait sur son compagnon et qui vint donc s'ancrer dans son épaule. Il tomba à genou et, rapidement, sa face rejoignit la terre.

« Ma... MATHIEU !! NOOOON ! »

Le chevelu se précipita sur son cadet et le serra dans ses bras en sanglotant.

« M-Mathieu... »

Il vit ses paupières se clore et pleura de plus belle. L'homme du souterrain le ramena de force à l'intérieur sous les tirs ennemis et allongea le blessé. Il n'y avait pas de médecins dans l'immédiat, alors il faisait avec les moyens du bord. Antoine, lui, pleurait toujours dans un coin de la pièce en observant le corps de son compagnon. Il ne pouvait pas croire que son ami était mort. Il ne voulait pas. Pourtant, il devait bien se rendre à l'évidence, la vie quittait peu à peu Mathieu sans que rien ni personne ne puisse en changer. Il devait se rendre à l'évidence qu'il finirait certainement sa vie dans ce bunker froid, sans son meilleur ami si ce n'est plus à ses yeux...



Eeeet voilà ^^ La fin de ce chapitre 6 !

Mathieu est-il mort ?

Antoine va-t-il devenir fou ?

A suivre...