Royaume en perdition [Aventures - Chapitre 2]

La nuit commençait doucement à tomber sur le Cratère. Cela faisait bientôt dix heures que nos aventuriers marchaient. Si Théo, Bob et Grunlek semblaient tenir la route, ce n'était pas le cas de Shin, à environ vingt mètres derrière. Il avait les jambes en compote, et chaque pas était une torture. Il ne voulait qu'une chose, s'asseoir, et attendre. Ils finiraient bien par venir le récupérer. Et à cheval si possible. C'était le comble. L'archer, qui était censé être le plus agile, rapide et sportif du groupe, détestait marcher.

Loin devant, Théo, Bob et Grunlek était en pleine discussion, sur ce qu'il pourrait bien trouver une fois arrivés à la Capitale. Le pyromage était très excité, de toute sa vie, jamais il n'avait été à la Capitale, trop loin, trop chère, trop bourgeoise. Il donnait l'impression d'être un enfant en expédition scolaire. Grunlek venait de là-bas, il connaissait déjà les lieux. Théo, il n'y avait été que pour sa formation, mais cela faisait tellement longtemps qu'il n'y était pas retourné qu'il avait également hâte.

"Et toi Shin ? demanda Grunlek. Qu'est-ce que tu... Shin ?"

Les trois aventuriers se stoppèrent net, puis se tournèrent vers la route qu'ils avaient emprunté un peu plus tôt. Au loin, une toute petite tâche bleue semblait avancer péniblement dans leur direction. Théo leva les yeux au ciel.

"Lumière, va le chercher."

Le cheval colla sa tête contre celle de son maître puis fit demi-tour, au trot. Théo regarda autour de lui.

"On va camper ici. On est un peu à l'écart de la route, c'est parfait. Bob, Grunlek, occupez vous du feu. On va installer les lits avec Shin... Quand il sera là. Prenez Eden, au cas où."

Grunlek fit signe à la louve de venir, elle arriva vers eux, la queue battant furieusement l'air. Le pyromage et le nain s'enfoncèrent des les fourrés. Théo resta un moment à regarder le vide, puis commença à rassembler des cailloux, qu'il posa en cercles. Shin finit par arriver, étalé sur le dos du cheval, qui patienta sagement le temps que l'archer descende de son dos. Shin offrit un regard désolé à Théo, avant de commencer à décrocher les sacs du dos du cheval. Les deux aventuriers installèrent les sacs de couchage en silence.

De leur côté, Bob et Grunlek ramassaient des bouts de bois, au beau milieu de la forêt. Au loin, ils pouvaient voir l'armure de Théo briller, leur seul repère dans l'obscurité nouvelle. Le pyromage était un peu nerveux, depuis qu'il était tout petit, la nuit l'angoissait. Et cet état ne s'était pas amélioré avec leurs récentes aventures. Après les araignées, la maison en feu, la presque-dissection, il en avait assez. Il restait près de Grunlek, qui lui, grâce à sa nyctalopie n'avait pas ce problème. Le nain avait même attrapé un rat au vol, sous le regard dégoûté de Bob.

"Ce sera pour le dîner, avait-il dit, tout sourire.
- Eurk. Cette saloprie doit être plein de maladies. Je le sens pas.
- Fais-moi conscience Bob. Le ragoût de rat, c'est comme du poulet, en mieux."

Bob tira une grimace, tout en ramassant un autre bâton. Le nain avait toujours des idées bizarres. Entre l'araignée grillée et ça, Bob se fit la promesse de ne plus faire confiance qu'à lui-même en matière de nourriture. Théo devait encore avoir des gâteaux sur lui, avec des mots doux et en flattant son ego surdimmensionné, Bob savait que le paladin ne lui résisterait pas.

Une fois un stock de bois suffisant, Bob et Grunlek retournèrent près du camp, où Théo et Shin s'étaient installés. Les deux amis posèrent le bois, puis une des mains de Bob s'illumina. Une flamme fut propulsée entre les bouts de bois, et le tout commença à se consummer. Bob se tourna vers Théo.

"Enlève ton armure, que je regarde un peu ta blessure. Normalement, la nouvelle pommade devrait définitivement supprimer le venin, espérons que ça a été efficace."

Dans un soufflement agacé, le paladin retira sa grosse armure et souleva son T-Shirt. Bob se plaça derrière lui et sourit. Le noir avait disparu entièrement. C'était terminé de ce côté là.

"Il n'y a plus rien, ça a bien marché. Tu es guéri on dirait."

Bob se releva, donna une tape amicale sur le dos de son ami, et se dirigea vers le feu, pour se réchauffer. Grunlek était en train de faire rôtir son rat en sifflotant, faisant frissonner le pyromage de dégoût. Shin, quand à lui, était déjà en train de dormir, totalement épuisé par le voyage. Théo, après avoir enfilé sa précieuse armure, posa délicatement une couverture sur le dos de son ami endormi.

"Qui prends le premier tour ?
- Je m'en occupe, répondit Bob, qui savait d'avance qu'il n'arriverait pas à trouver le sommeil ce soir."

Théo se coucha, laissant Bob surveiller les environs. Grunlek termina son rat, puis partit à son tour se coucher, gratifiant le Pyromage d'un "Nuit". En moins de dix minutes, on pouvait l'entendre ronfler. Bob commença tout d'abord à tourner autour du camp, puis il repéra un rocher, un peu plus loin. Il s'installa dessus. Eden le rejoignit. La louve souleva sa main, demandant des caresses.

Doucement, Bob passa sa main dans ses poils soyeux. La louve sauta sur roche, et vint se coucher sur sur ses jambes. Le pyromage resta une longue heure ainsi, Eden sur les genoux. Elle lui tenait chaud. Elle apaisait le démon en lui, qui avait décidé de le torturer une nouvelle fois ce soir. Il l'ignorait, se concentrant sur l'animal.

Puis il y eut ce "crac". Eden l'entendit également. Elle releva immédiatement la tête, grondant vers le sud. Bob posa instinctivement une main sur un des ses couteaux, dans une poche arrière. Un autre pas. Puis un autre. Quelqu'un courrait. Bob se leva, Eden sur les talons. Une jeune femme déboula des fourrés. Elle tomba, se releva, puis lança un regard terrifié sur Bob.

"Qu'est-ce... Qui êtes vous ? Pourquoi vous courrez ?!
- Il arrive !"

Derrière la jeune demoiselle, une forme sombre et massive apparaissait. Bob recula doucement, à son tour effrayé. Devant eux, un loup noir se tenait. Bien plus gros qu'Eden. Il avait une flèche plantée dans l'épaule, et la mâchoire ensanglantée. Mais ce qui marqua Bob, se fut le bras, visiblement humain, qu'il tenait dans la bouche. Il gronda furieusement, avant de bondir dans leur direction.