Cellona - Chapitre Cinq (BY.CELLO)

Chapitre Cinq

Le secret
Nayara
 Aujourd'hui, ça doit être aujourd'hui. Pourquoi ai-je fait ça ? Pour la rendre heureuse, je le sais bien. Que ne ferais-je pas pour la rendre heureuse ? Mais désormais, c'est moi qui vais tout perdre. C'est aujourd'hui que je dois lui dire. Le temps presse. Mon cœur tambourine dans ma poitrine à cette simple idée, mais je dois trouver le courage de lui dire avant qu'il ne soit trop tard. Avant que...Avant que quelqu'un d'autre n'entre dans son cœur.

Cello
 Je n'ai jamais été aussi impatiente. C'est aujourd'hui qu'Epona doit me donner sa réponse. J'étais tellement heureuse que j'en ai presque oublié la présence des gens dans le train.
-Cello !
 C'est Nayara. Je lui fais un signe de la main et elle enchaîne :
-La semaine prochaine on a nos examens ! Je pourrai réviser chez toi ce soir ?
 Elle m'a surprise. D'habitude, quand on veut se voir, on va chez elle. Ses parents ne parlent pas beaucoup, mais ils sont sympathiques. De plus, depuis la mort des miens, personne n'était venu chez moi.
-Tu es sûre de vouloir venir chez moi ? D'ordinaire tu...
-Ouais ! acquiesce-t-elle. Tu veux bien ?
 Je réfléchis un instant, mais finis par accepter. Je n'allais pas à chaque fois être celle qui s'immisce chez les gens, il fallait bien que je remercie Naya' pour tout ce qu'elle avait fait pour moi.
 Epona arrive quelques instants plus tard et m'annonce sans perdre de temps à me saluer :
-Cello ! C'est d'accord !
 Mon cœur bondit dans ma poitrine. Qu'a-t-elle dit ? Ai-je bien entendu ? Elle va accepter de m'accompagner au piano alors qu'elle ne l'avait jamais fait pour personne ?
-C'est...C'est...
-C'est génial ! s'extasie Nayara. Depuis quand vous vous entendez aussi bien toutes les deux, hein ? Je savais que c'était une super idée de vous présenter l'une à l'autre !
 Epona sourit.
-Et j'ai choisi le morceau que nous allons jouer ! Que dirais-tu de se retrouver ce soir, après les cours pour commencer à réviser ?
-Je...Non, je ne peux pas. Nayara va venir chez moi après les cours pour réviser.
 Epona et Nayara échangent un regard. Puis Epona reprend :
-Eh bien tu viendras demain soir ! Mes parents sont en voyage d'affaires, il y aura juste mon frère.
 J'accepte et laisse mon amie et Epona rejoindre leur classe. Pour ma part, je me sens un peu euphorique. Finalement, j'ai plutôt hâte que Nayara vienne chez moi. Je lui proposerai de dîner à la maison, je ferai des crêpes et on rira bien. Puis le lendemain j'irai chez Epona, je pourrai enfin entendre à nouveau son jeu magnifique, et on révisera ensemble, ça sera magique. Je pense...Je pense qu'après tout ce temps, je suis bientôt prête à tourner la page. J'avais peur de m'amuser à nouveau. Pouvais-je me le permettre alors que mes parents étaient morts ? J'avais peur. Peur d'offenser leur mémoire si je m'amusais sans eux. Si j'avais de nouveau des amis et que je ne pouvais pas le raconter à quelqu'un. Mais je sens que désormais, ça va mieux. Que je peux recommencer à avancer.

-Nayara ! Je suis là !
 Elle m'aperçoit enfin.
-Incroyable ! Tu n'as qu'une demi heure de retard !
-Oui, mais non, mais c'est parce qu'en fait je...
 Elle me raconte toutes les aventures qu'elle a vécu en si peu de temps. Puis elle m'entraîne et me raconte des tas de choses pour que je me sente à l'aise. Elle sait exactement ce qu'il faut faire afin que je n'aie pas peur. Depuis quand me connaît-elle aussi bien ? Combien de choses ne lui ont pas échappé ? Elle me connaît par cœur. On arrive devant mon immeuble sans que je voie le temps passer.
-C'est donc là chez toi ? Tu habites à quel étage ?
-Au tout dernier.
 Je compose le code et on prend l'ascenseur. Une fois arrivées dans mon appartement, Nayara chuchote tellement bas que je me demande si elle ne dit pas ça pour elle-même :
-C'est donc là que tu vis...
 Son regard furtif s'égare à chaque recoin.

Nayara
 J'hume la pièce. C'est son odeur. Les murs sont blanc cassé en haut, et bleu gris en bas. C'est mignon. J'ai du mal à penser qu'elle vit ici seule tous les jours, qu'à chaque fois qu'elle revient ici, elle ressent la solitude de la pièce. Ces murs...C'est elle qui les a repeint, toute seule. C'est elle qui a monté les cartons quand elle a déménagé. Toute seule. Cette pièce...Elle est emplie de solitude.
 J'aimerais tellement pouvoir combler ce vide, ce trou dans ta poitrine, ce manque d'affection. J'aimerais tant pouvoir t'aider, te faire retrouver la joie de vivre. Alors accorde-moi ta confiance une dernière fois. Prête-moi ta force pour te dire...
 Que je t'aime.
-Tu veux quelque chose à boire ? tu me proposes. Je peux faire du jus d'orange, si tu veux.
 Je hoche la tête. Peux-tu voir que j'ai peur ? Peux-tu voir que je rougis ? Je t'aime. Peux-tu voir que je t'aime ?
-Non ! t'agaces-tu. Céleste, ce n'est pas pour toi !
 Je m'approche de ta cuisine. Il y a un chat à tes pieds nus, un chat gris. Tu es accroupie, nez à museau face à lui, tu rouspètes gentiment.
-Tu as un chat ? Je ne savais pas que tu aimais les animaux !
 Tu me regardes et tu me souris. J'aimerais tant pouvoir te faire sourire tous les jours.
 Cello me donne un verre de jus d'orange. Elle a aussi mis un trait de citron. Elle m'avait dit un jour aimer cuisiner.
-Il est dix-sept heures, m'annonce-t-elle. On peut aller dans ma chambre pour travailler si tu veux.
 Je hoche la tête, à nouveau. Pourquoi suis-je incapable de parler ? Pourquoi mes lèvres sont-elles collées à ce point ?
 Je ne pourrai jamais lui dire. Je ne trouverai jamais ce courage.
 On entre dans sa chambre. Je suis presque gênée. C'est tout simple, mais c'est joli. Tout est bien rangé. Les livres sont sur des étagères, rangés par ordre alphabétique. Son bureau est grand, il abrite ses cahiers et des stylos. Il est sous son lit, accessible avec une échelle. Tous les matins, elle descend cette échelle, avec ses cheveux blancs tout emmêlés.
-Bouge pas, je prends mon livre de maths, me prévient-t-elle.
 Je m'assois sur le tapis blanc par terre et commence à étaler mes affaires. Cello vient à côté de moi et ouvre son livre.
 Quand elle m'explique ce que je ne comprends pas, je n'arrive pas à l'écouter tant je suis nerveuse. J'aimerais chasser les mathématiques de ma tête pour savoir exactement ce que je vais lui dire. Que je l'aime ? Que je l'aime depuis le jour où je l'ai entendue chanter, pensant être seule, dans sa classe, alors que je ne savais même pas qui elle était ? Que j'aimerais tant que même si elle ne m'aime pas on puisse rester amies ?
-Nayara ?
-Hmm...?
-Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as l'air de réfléchir à autre chose que les maths.
 Pour que même Cello le remarque, il faut vraiment que je fasse une tête bizarre. D'habitude, c'est plutôt moi qui remarque les petits détails. Dès que quelqu'un ne va pas, ou me cache quelque chose, je le sais la première. Je connais les gens mieux qu'eux-mêmes. Alors pourquoi Cello arrive-t-elle à remarquer que je ne suis pas concentrée ? Est-ce que sur mon front en grandes lettres rouges est écrit "je t'aime" ?
-Si ! C'est cette partie que je ne comprends pas bien. Comment est-ce que tu es passée à ce dénominateur sans factoriser ?
 De toute manière, elle n'est sans doute ni homo, ni bi, alors ce n'est même pas la peine d'essayer.
-Eh bien, tu as juste à changer, là, comme ça...
 Je ne t'écoute plus. Veux-tu bien me faire une place dans ton cœur ?
-Et puis ici, tu fais...
 Veux-tu bien m'écouter un peu ?! Veux-tu bien comprendre pour une fois ?!
-Et là...
 Pourquoi ne peux-tu pas deviner ?! Pourquoi m'obliges-tu à t'avouer tout ce que je garde pour moi depuis un an ?! Pourquoi est-ce que ça me fait aussi mal au cœur de te dire...
 Que je t'aime.
-Bon, on va faire cet exercice maintenant.
 Je pourrais presque m'endormir, bercée par ta voix. J'aimerais m'évader, m'enfuir, parce que vois-tu, j'ai peur.
 Et si je t'appelais, maintenant ? Je ne pourrais plus revenir en arrière.
-Cello ?
 Mon cœur bat trop fort. Ça y est, je l'ai fait !
-Qu'est-ce qu'il y a Nayara ?
 Je peux encore te dire que je veux un jus d'orange. Je peux encore éviter de tout t'avouer. Mais je le regretterai tellement...De ne pas t'avoir dit...
 Que
-Je t'aime.
 Qu'est-ce que j'ai fait ? Pourquoi est-ce que j'ai dit ça ?
-Je t'aime comme une amoureuse. Pas comme une meilleure amie. Je suis amoureuse de toi.
 Pourquoi ? Les mots que je veux te dire sont bloqués dans mon cœur. Pourquoi est-ce que je balbutie bêtement comme ça ? Où sont passées les phrases que je prépare depuis toujours ? Où sont-elles parties ? Pourquoi ma voix m'abandonne-t-elle maintenant ? Je n'ose même pas te regarder dans les yeux, regarder ta surprise.
 Mon cœur...Pourquoi ne s'arrête-t-il pas de battre aussi fort !
-Je...Je...Même si tu ne m'aimes pas, je...
 "Je" quoi ? Quoi Nayara ? Qu'est -ce que tu voulais dire après ce "je" ?
-Je...
 Les larmes. Rien ne répond plus ! Pourquoi mes larmes viennent-elles maintenant ? Les machines qui contrôlent mon corps et mes émotions sont cassées, tout ce que je fais, tout ce que je dis ne m'appartient plus !
-Je...Je savais qu'il ne fallait pas que je te le dise. J'aimais tant les instants qu'on passait ensemble, te voir sourire suffisait à mon bonheur.
-Nayara...
-Je ne voulais pas gâcher cette amitié, mais c'était tellement dur de tout garder pour moi, à chaque fois...Je...Je veux juste que tu me regardes comme celle qui t'aime. Je...Je vais tout faire pour que tu m'aimes aussi. Parce que je veux te faire sourire chaque jour. Je veux te sortir de la solitude, je veux...Je veux...Je veux que tu sois...Heureuse...
 Je suis essoufflée. Je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. Est-ce qu'il existe une épreuve dans ma vie qui ait été plus difficile et plus éprouvante que celle-la ? J'ose enfin la regarder dans les yeux. Mon air assuré se fissure mais tient bon. Comment pourrais-je la protéger si je le perds un jour ?
 Elle est assise à genoux et regarde son livre de maths. Son regard gris est perdu, désorienté, comme s'il avait perdu son principal repère. Elle tourne la tête, lentement, vers moi. Ses yeux... Transpercent... Tristes... Bouche... Bée... Expression... Surprise...
 Je lui souris. Je me lève.
-Je pense que je vais y aller, maintenant, je chuchote, encore à bout de souffle.
 Je rassemble mes affaires, je les fourre dans mon sac. Cello n'a pas bougé d'un cil. Elle est statufiée dans la même position. Je recule en direction de la porte.
-À demain !
 Je referme la porte, très doucement, derrière moi. Je me sens si légère...Qu'est-ce que je me sens bien.

Cello
 J'imagine qu'il est trop tard pour lui proposer de rester dîner maintenant.

Hello ! Voilà un chapitre que j'aime bien, surtout SURTOUT la description psychologique de Naya', j'ai jamais éprouvé un tel bonheur pour écrire un description morale x) Et la remarque de Cello à la fin juste ÉPIQUEMENT DÉCALÉE xD Un peu moins d'Epona dans ce chapitre, elle revient à la charge dans le prochain x)
Ce chap., c'est aussi le J'ASSUME PAS de l'extrême xD sérieusement, comment vous voulez écrire une scène où un perso. décrit son amour pour le narrateur principal sans être super gêné ? On dirait de l'amour-propre xD

BY.MANOBLACK FROM THECOMMUNAUTESADIQUE