Notre beau monde...

Voyageurs: Chapitre 7

Mon corps a réagi avant mon esprit, je me suis tournée je suis allée faire le tour de la maison, mon attention étant fixée sur la nature aux alentours. J’observe chaque détail, cherchant celui qui me dira ce qui c’est passé.  Mes protecteurs ne me suivent que des yeux, ils ont peur de ce que je fais, de ce que la douleur de la mort de mon mentor m’a fait. Mon regard le frôle sans s’en rendre compte avant de le voir précisément: une petite tâche verte sur l’herbe à peine plus foncée. Elle se situe à un pas du vieux marronnier qui commence a peine d’ouvrir son feuillage. Une minuscule feuille est tombée par terre. Elle doit dater d’il y a un jour environ, ce n’est pas nous qui l’avons fait tomber, mais elle a été arrachée, ce qu’on peut voir à la petite entaille défraîchie sur sa pétiole (la tige de la feuille pour ceux qui ne savent pas). Je poursuis dans la direction, et après seulement trois pas dans la foret je vois un autre indice: une branche tordue, poussée vers le coté avec force, comme lorsqu’on veut se dépêcher. 
« Je… Je suis désolé… Anira… On va l’enterrer… Et ensuite on part pour un endroit sur… Norilé peut-être, Alex m’a dit que tu avais adoré les fjords… Viens… »
Leo s’est approché de moi pendant que je réfléchissais à la signification de ce que j’ai trouvé. Il est devenu silencieux et calme, une nouveauté pour moi, qui ne me rappelait que du petit garçon qui ne pouvais rester sur place pendant plus d’une minute. Lorsqu’il parle je suis surpris. Je ne m’y attendais pas, c’est pourquoi je lève la tête vers mon frère. Son regard doux est plein d’inquiétude, plein de compassion aussi.
« Ce n’est pas Thuneo! 
-Quoi?
-Ce n’est pas Thuneo, ce ne sont pas ses os. Je ne pense pas qu’il va bien, mais il n’est en tout cas pas mort. 
-Anir-
-Non! Ecoute moi, écoutez moi tous! Ce n’est pas Thuneo, ça ne peut pas être lui! Il m’a dit un jour qu’au fil du temps à utiliser l’énergie, les corps des gardiens deviennent faibles et facilement attaquables, c’est pourquoi il y a une sorte de rite où, pour ne pas être enclin à cette faiblesse du physique, nous couvrons notre corps de runes. Ces runes viennent se bruler sur les os, et les renforcent. Pour répondre tout de suite à la question: oui, moi aussi j’ai ces runes sur les os et Leo, je te préviens! C’est moi qui ai voulu les avoir, je n’ai été obligée par personne, donc tes cris contre mon maitre tu peux tout de suite les oublier. Enfin bon, c’est pour cela que ça ne peut pas être Thuneo… Je pense qu’il a été attaqué, qu’il s’est défendu mais qu’il n’a pas réussi à se sauver. Il a du mettre feu à sa maison du coup, pour que ses ravisseurs n’y trouvent rien, et celui qui a quand même essayé… Et bien, vous avez vu ce qui reste du cadavre. D’ailleurs ça ne vous a pas étonné? Les os sont complètement blancs, il ne reste pas un morceau de chair alors que toute cette histoire n’a pu se passer que dans les trois derniers jours vu l’état des ruines. Cependant, ses restes ne sont pas calcinés non plus, ce qui ne peut venir que d’un feu d’origine magique! Et j’ai trouvé l’endroit par où les attaquants sont repartis, et ce n’est pas bien caché, ils devaient donc se dépêcher, et utiliser de la force pour avancer. Je pense qu’ils ont fait prisonnier mon mentor et il faut qu’on le retrouve et le libèrent! »
Une minute de silence suit se petit discours, je vois dans les yeux des autres l’envie de comprendre le torrent de mots que je viens de dire, mais quelque chose doit leur échapper. Ai-je dit une bêtise? N’étais-je pas clair? 
« Donc tu penses que Thuneo est toujours vivant? Alex semble douter.
-Oui, j’en suis sure. Ma voix est posée, je dois à tout prix les convaincre et ce sera plus facile si je suis calme.
-Moi ça me semble logique… Leo m’aide, je le remercie intérieurement.
-Moi aussi. En plus ça nous donne quelque chose à faire, il n’y a déjà plus assez de gardiens pour qu’on puisse ne pas essayer de l’aider… Et je te crois lorsque tu dis que tu as trouvé une piste, tu est celle qui arrive le mieux à voir les petits indices, comme durant la chasse. Jack me rejoint aussi.
Nous fixons tous mon premier protecteur, l’homme qui contrôle le feu.
-Hmmm… Je vois que je suis en infériorité, je vais bien sur te suivre, quoi qu’il arrive, mais je ne suis pas sur de ce que nous faisons… Je ne dirais pas plus, mais quelque chose dans cette affaire… »
Je l’observe, mais il ne continue pas donc je laisse tomber. Je ne comprends pas bien ses doutes, moi aussi j’ai peur, mais ce n’est pas notre mission qui m’angoisse, c’est ce qui est arrivé à Thuneo…En tout cas c’est bon, nous allons aller l’aider! 
Je suis quand même agréablement surprise de la vitesse avec laquelle mon frère c’est décidé, m’ai je n’y prête pas plus d’attention, c’est mon frère après tout, nous avons toujours étés proches dans nos idées.  
Je veux partir rapidement, ce soir même, mais là Alex m’arrête:
« Anira, je comprends que tu veuilles te dépêcher, je comprends aussi que tu ailles envie de sauver ton mentor le plus vite possible, mais nous n’allons pas repartir dès ce soir! Les chevaux sont fatigués, nous aussi, et dans la nuit nous ne pourrons pas voir la trace et risquons de nous ralentir plus que autre chose! Attendons jusqu’à demain, car si, comme tu l’as dit, il a été enlevé, nous allons avoir besoin de toutes nos forces pour le libérer. Penses-y, ne cours pas dans le danger sans réfléchir, tu n’est pas si bête. »
J’hésite. Je sais que si je voulais je pourrais l’obliger à partir maintenant, mais il y a trop de vérités dans ses paroles pour ne pas les écouter. J’accepte donc son idée, et je peux voir le soulagement dans ses yeux et dans ceux de mes autres compagnons. 

Le lendemain je me réveille tôt à cause de la rosée. Tout est humide, mais la première lumière du jour fait briller les gouttelettes en rose clair, comme le ciel en fin de soirée de belles journées. Je vois que Jack s’est endormi durant son tour de garde comme on peut l’entendre à son léger ronflement, et décide de ne pas le réveiller mais de plutôt profiter d’un peu de tranquillité. Je m’approche de la maison. Elle ne dégage plus qu’une légère odeur de roussi, déjà surplombée par les senteurs de la foret mouillée, de l’herbe fraiche et des chevaux. Tout y est silencieux, pas un bruit ne passe, mais le silence est lourd, il rappelle les bruits absents. Je frissonne. Je m’approche du bol à eau qui est par terre, je veux voir si j’arrive encore à faire l’exercice de bouger l’énergie pour créer des courants. Le réceptacle est lourd, je m’écorche une main sur une partie où un bout a cassé lorsque je le tire vers moi après m’être assise. Je lèche ma main pour enlever le sang, il laisse un gout salé sur ma langue. Je regarde dans le bol. Une quantité anormale d’eau a disparue. Une certaine partie peut être expliquée par l’évaporation due à la chaleur encore présente du feu, mais il a fait humide cette nuit. Une mauvaise impression me prend et me fait me lever et retourner, anxieuse, vers mes amis, en laissant l'eau derrière moi. 

Tout est sombre autour de moi, je n’arrive pas à distinguer de couleur. Je sens que je monte. Comment? Je ne sais pas le dire. Au bout d’un moment il fait plus clair, je ne suis plus entourée de noir mais d’un gris foncé qui s’éclaircit au dessus de ma tête. Je sens que traverse une surface et me retrouve sur une grande pleine plate, sans variantes, d’un blanc sale. Une voix me parle. Elle ne semble pas méchante, mais j’en ai peur.  Elle me rappelle quelque chose, un cauchemar. Oui, c’est la même voix. Elle est toujours aussi douce et mélodieuse que la première fois, mais elle est plus profonde, plus grave. Et elle dit mon nom.
« Anira… 
Anira… » 

« Anira! »